EDITORIAL

Les m dicaments orphelins le module am ricain B. HANESSE*, Ph. TRI~CHOT*, P. NETTER*, R.J. ROYER*

Rev M e d I n t e r n e 1 9 9 2 ; 13 : 9 3 - 9 6 .

D~finis comme des >(1), les mOdicaments orphelins ne constituent pas une classe pharmacologique nouvelle, mais un groupe de molOcules originales. Le processus de d~veloppement d'un m6dicament est long et co6teux; I'i ndustrie pharmaceutique am~ricaine I'estime,~ environ 60 millions de dollars (300 millions de FF 1991). Enfin, sur dix molecules d6couvertes, une seule deviendra un m~dicament, distribuO dix ans plus tard (2).

Ainsi pour LECHAT (5), les m~dicaments orphelins ~>.

HISTORIQUE C'est en 1902, aux USA, que la premiere Ioi visant ~ r~guler le d(~veloppement des m~dicaments est vot~e. Son renforcement sera I'une des consequences du drame li(~ au thalidomide : avec les amendements Kefauver-Harris (1962), il ne suffit plus de d~montrer qu'un m6dicament est potentiellement actif, il faut de plus en prouver I'inocuit~ (2).

Par consequent, apr~s avoir assur~ le d~veloppement d'un nouveau mOdicament, toute firme pharmaceutique attend finalement que les ventes de ce dernier recouvrent son investissement.

DOs Iors certains produits sont confront6s au probl~me de leur amortissement. En 1968 on note la premiOre r~f@ence faite aux m~dicaments orphelins, et en 1974 la FDA charge une commission d'enqu~ter sur [es m~dicaments d'int~r6t commercial restreint (6).

Les m~dicaments orphelins (MO) pr~sentent donc ta particularit~ d'un d~veloppement et d'une mise sur le march~ difficiles en raison du faible nombre d'utilisateurs potentiels ; il s'agit de m~dicaments d'int@~t commercial restreint (~< drugs of limited commercial value >>)(2).

Durant cette m~me p6riode, les patients atteints de ,, maladies orphelines >>prennent conscience que des d~couvertes scientifiques peuvent rester exclues des programmes de dOveloppement th&apeutique, en raison de leur manque d'int6r~t commercial (7).

Leur d~finition I~gale aux USA date du 4 janvier 1983 avec la promulgation de la Ioi sur les m~dicaments orphelins (, Public Law 97-414) :

C'est pour le L5 Hydroxytryptophane, que la Fondation Nationale de la Maladie Myoclonique se mobilise en sollicitant les industriels pharmaceutiques : en vain. Aussi en 1977, cette Fondation change de strat6gie :

~>(4).

* Service de Pharmacologie Clinique ; CHRN ; 29, Avenue du Mar~chal de Lattre

de Tassigny ; CO 34 ; 54037 NANCY C¢dex.

Tir~s & part et correspondance : Dr B. HANESSE: adresseci-dessus.

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d'une part, convaincue de la nOcessit(~ de sensibiliser te public au probl~me des MO, elle participera, ainsi que de nombreuses autres associations de maladies orphelines l a premiere conf@ence sur les MO ~ Ann Arbor (Michigan. Septembre 1982) (7). Le r~sultat immOdiat de cette conference sera la creation de I'Organisation Nationale des Maladies Orphelines (>): F~d~ration d'associations de malades dont le but est d'informer le public sur le probDme des M O et sur la nOcessit(~ d'une nouvelle I~gislation (2).

R%:u le "~0-7-1991 Renvoi pour correction le 20-1-1992 Acceptation d6finitive le 06-3-1992

Les m~dicaments orphelins : le modOle am~ricain

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Prendre en charge le diab tique jour apr s jour

de la glyc mie. ~ 1 ~

Diamicron agit sur les trois organes cles de la regulahon ~l~cem ~e:~7~ p~ncre*~'~C~Ss~r~t~e • ce qu'il faut d'insuline quand il faut0) • - le foie produit moins de glucose(2) - le muscle en stocke davantage(3). •

s



I'angiopathie. Diamicron normalise la fibri- ~ nolvse vasculaire(4) et diminue II s'oppose b la r~tinopathie diab~tique au stade non prolif~ratif(6).

DIAMIC

Gliclazide

UNE DOUBLE ACTION

METABOLIQUE ET VASCULAIRE * diab~te non insulinod~pendant.

2 comprim6s par jour dans la majorit6 des cas Composition: gliclazide 0,080 g par comprimd s~cable. Propri~t~s pharmacologiques : Sulfamide hypoglyc6miant pr6sentant des propri6t~s microvasculaires originales. Indications : * Diabetes non acidoc6tosiques, non insulinod6pendants de l'adulte et du vieillard, lor~que le r6gime prescrit n'est pas suffisant pour r~tablir ~ 0 ~ 7C~hTl:~-Tn~: Diab~te infantile, diabe"te juvSnile, c~tose grave, acidose, pr6coma et coma diab6tiques, grossesse, irLsuffisance r6nale s6v~re, insuffisance h6patique grave, ant~c6dents allergiques connus aux sulfamides, assoclation au micooazole comprim6s. Effets ind~sirables : R6actions cutan6o~muqueuses qui r6gressent ~ I'arr~t du traitement. {roubtes digestifs banals, et chez des sujets sulfamido-sensibles, troubles sanguins g~n&alement r~versibles. Pr$cautions d'emploi : R6gimes hypocalorique et/ou hypoglucidique et surveillance biologique habituelle des traitements antidiab6tiques. Possibilit~s d'interaction avec le miconazole (hypoglyc6mie grave). A.I.N.S.

a. ¢~ o~ ~:

(n~tamment sa~icy~s)` su~famidesantibact~riens~c~umariniques~IMA~ b~tab~quants~diaz~pam~t~tracyc~ine~ma~ate de perhexi~ine~ch~ramph~nic~ c~brate~ al¢ool (hypoglyc6mies); barbit uriques (r~duction d'activit~) ; corticoides, salidiur6tiques, est roprogestatifs (hyperglyc~mie). Presentation : Boite de 20 : 44,70 F - A. M. M. 312936-1. Bolte de 60 : 109,90 E A. M. M. 312937-8. Liste I ~Conservation : 5 arts. S.S. 70%. Coll. et A.P. Les Laboratoires Servier - Gidy - 45400 "5

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d'autre part, elle alerte les membres du Congr@s en soulignant I'inefficacit~ du programme am&icain de dOveloppement des m~dicaments. La solution viendra d'EI izabeth Holzman, initiatrice du projet de Ioi sur les m~dicaments orphelins, pr~sent~ ~ la Chambre des Repr~sentants en Av?il 1980 et, adopt(~ par le CongrOs deux ans plus tard (2).

Ce pro jet de Ioi ~quivalant h la reconnaissance par le gouvernement Am~ricain de sa responsabilit~ vis-a-vis des patients souffrant de maladies orphelines, le president Reagan s'y opposa tandis qu'une lettre ouverte sign(~e par 21 associations de malades en re@metemps qu'une vaste campagne des m(~dias en r~clamait la signature (6). Finalement, le 4 janvier 1983, le president Reagan promulga la Ioi sur les M O (6). La mission de la commission des M O consiste alors ~ d~livrer les d~signations de MO, ~ d~velopper des fonds pour la recherche et ~ crier un service d'information pour tes professionnels de la sant~, comme pour les patients (8, §). Une fois la d~signation de M O obtenue, la firme pharmaceutique obtient, en vue du d~veloppement de son produit, les avantages suivants : Prise en charge des ~tudes de toxicologie et de reproduction animale par le Centre National de Recherche Toxicologique. Credit d'imp6t de 50 % sur le co~t des essais cliniques effectuOs aux USA. - - Brevet d'exclusivitO commerciale de 7 ans ou, - - Pc~riode de 7 ann(~es d'exclusivit~ commerciale pour le~ produits non brevetables (3, 9). -

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EXEMPLES De janvier 1983 ~ mai 1990, la FDA a autoris~ I'appellation de M O ~ plus de 300 produits. Certains dc~j~ commercialis~s le furent dans une indication orpheline : viloxazine et narcolepsie ; pimozide et maladie de Gilles de la Tourette. La Ioi sur les M O a n(~anmoins imm~diatement stimulO le d6veloppement de m~dicaments nouveaux. Certains, comme la zidovudine (Retrovir®), I'hemin (Panhematin*), et la trientine (Cuprid*) ont obtenu leur autorisation de mise sur le march~ en moinsdedeux ans, respectivement dans les indications suivantes : SIDA, Porphyrie, Maladie de Wilson (10). Au chapitre des maladies rares figure donc le SIDA, ce qui peut surprendre : Abel, directeur de I'office du d~veloppement des M O de la FDA, rappelle qu'au moment de la dOsignation de la zidovudine comme MO, 50.000 cas de SIDA avaient ~t~ dOclar~s aux USA, dont seulement la moiti~ ~tait encore en vie (4). Autre exemple particul ier : celui du thai idomide, repr6sentatif du probl@me des ~~(11 ). Ceux-ci sont retires du marchO, en raison : de leur manque de rentabilit~ et/ou - - des risques qu'ils font encourir aux patients. -

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Mais, il arrive parfois que, sous la pression de cliniciens, d'associations de malades ou de I'administration elle-m6me, certains

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laboratoires en r~assurent la production car ils repr~sentent ators la seule alternative th~rapeutique (11 ). Aujourd'hui le thalidomide devrait b~n~ficier officiellement du statut de M O : - - en cours d'essais de phase Ill comme traitement de I'~ryth?~me noueux I~preux, - - en cours d'essais de phase II comme traitement de la maladle du greffon contre I'h6te (12).

DISCUSSION Chaque lois qu'un M O est d~velopp(~, existe un di lemne entre la survenue d'effets ind~sirables Iorsque le m~dicament est utilis~ trop pr~cocement, et le risque de souffrances inutiles Iorsqu'il arrive trop tardivement (5). Les M O sont donc des m(~dicaments particuliers, non seulement en raison de la taille de la population ta ~ traiter ~, mais aussi en raison du risque different d'accidents qu'ils sont susceptibles d'indu ire. En effet, dans le cas de maladies ch roniques invalidantes, le patient sera soumis hun traitement au long cours, ce qui majore le risque d'apparition d'effet ind~sirable ou de toxicit~ par accumulation de produit. A I'inverse et compte tenu du nombre limit~ de patients qui re~zoivent le traitement, I'apparition d'effets ind~sirables sera retard~e apr~s I'autorisation de raise sur le march~. La Ioi sur les M O ne pr~voyant pas de subventions compensatrices pour les frais occasionn~s par la responsabilit~ en mati?~re d'effets ind~sirables, certains fabricants h~sitent donc toujours, malgr@ la Ioi du 4 janvier 1983 ~ dOvelopper des M O (9). Pourtant les avantages I~gaux semblent suffisants : Le prix de vente des M O n'est pas contr61O malgr~ les subventions accord6es. Grace ~ la p~riode de 7 ann~es d'exclusivit~ commerciale, le laboratoire pharmaceutique >d'un M O obtient ais~ment le monopole du march& Cette derni@re r@gle souffre aujourd'hui deux exceptions : I'~rythropo'f6tine et I'hormone de croissance. Actuellement, en effet, Epogen* et Marogen* sont deux ~rythropoY~tines au statut de MO, distributes aux USA (13) : En t 989, la firme Amgen obtint I'autorisation de mise sur le march~ pour son ~ryth ropof6tine de synth@se(Epogen*), reconnue comme m6dicament orphelin, et b~n6ficiant donc d'un brevet d'exclusivit~ commerciale de 7 ann~es. Le >(Marogen*) porta plainte, arguant que tes differences de glycosylation existantes entre ces deux molOcules, en faisaient des entit~s chimiques distinctes. - - En mars 1990, la cour de Boston ordonna la distribution des deux ~rythropoY(~tines, mais Amgen fit appel de cette d~cision (14). -

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Le march~ de ce produit est si lucratif que plusieurs firmes pharmaceutiques peuvent commercial iser I'&ythropoY(~tine sans mOme les avantages de la Ioi sur les MO. (L'~rythropo(6tine reprc~sente un revenu annuel mondial de 250 millions ta 1 milliard de dollars soit 1,25 ~ 5 milliards FF 1991).

Les m~dicaments orphelins ." le module am~ricain

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Darts le cas de I ' h o r m o n e de croissance, la F D A a autoris6 la mise sur le m a r c h 6 : - - En de - - En de

1 985 de P r o t r o p i n * , h o r m o n e de croissance h u m a i n e synthOse (Genentech). 1987 d ' H u m a t r o p e * d i s t i n c t d e Protropin* par I'absence r6sidu m 6 t h i o n i n e - t e r m i n a l (Eli Lilly) (15).

M a l g r 6 la c o n c u r r e n c e entre les d e u x firmes p h a r m a c e u t i q u e s , le p r i x de vente de I ' h o r m o n e de croissance n'a pas d i m i n u 6 et Frasier (16) estime q u e I ' h o r m o n e de croissance de synth~se b6n6ficie d ' u n statut i n a p p r o p r i 6 de M O . V o i c i d e u x e x e m p l e s de M O fort profitables p o u r les firmes p h a r m a c e u t i q u e s qui les o n t parrain6s. Afin de lutter c o n t r e les profits excessifs q u e p e u t permettre la Ioi sur les M O , W a x m a n a p r o p o s 6 un p r o j e t de Ioi au CongrOs qui sugg~re n o t a m m e n t de m o d i f i e r la clause d ' e x c l u s i v i t ~ c o m m e r c i a l e :

- - Plusieurs c o m p a g n i e s p o u r r o n t c o m m e r c i a l i s e r un m 6 m e M O si elles p r o u v e n t en a v o i r s i m u l t a n 6 m e n t effectu6 la recherche et le d 6 v e l o p p e m e f f t . - - U n M O pourra perdre sesdroits d ' e x c l u s i v i t 6 c o m m e r c i a l e si le n o m b r e de patients d~passe 2 0 0 . 0 0 0 personnes (t 7). En France, le p r o b l ~ m e des m 6 d i c a m e n t s o r p h e l i n s ne se pose pas en ces termes.., la P h a r m a c i e Centrale des H 6 p i t a u x a y a n t p o u r v o c a t i o n , entre autre, de d61ivrer des m 6 d i c a m e n t s qui n'existent pas par ailleurs. Si aux Etats-Unis la Ioi sur les M O a permis le d 6 v e l o p p e m e n t de certains m ~ d i c a m e n t s , les p r o b l ~ m e s rencontr6s a c t u e l l e m e n t sont li~s b. la d 6 f i n i t i o n d o n n 6 e . Par c o n s 6 q u e n t , I ' O r g a n i s a t i o n N a t i o n a l e des M a l a d i e s Rares soutenant d6sormais le p r o j e t d ' a m e n d e m e n t , ~ la Ioi du 4 j a n v i e r , 1 9 8 3 , il reste ~ savoir s'il est possible de la m o d i f i e r sans I'an~antir...

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La Revue de MOdecine Interne M a r s - Avril

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