Journal français d’ophtalmologie (2014) 37, e97—e99

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LETTRE À L’ÉDITEUR Atteinte ophtalmologique de la maladie de Morquio : à propos de 2 cas夽 Ophthalmologic signs in Morquio syndrome: Report of 2 cases Introduction Les mucopolysaccharidoses (MPS) constituent une famille de maladie métabolique dite « de surcharge ». Formées de sept différentes entités, on distingue parmi ces dernières la maladie de Morquio, également appelée MPS type IV. Elle entraîne une surcharge lysosomale, secondaire au déficit en enzymes dégradant certains mucopolysaccharides : le kératane sulfate et le chondroïtine 6-sulfate. Elle provoque des atteintes multiviscérales et ophtalmologiques sévères. Parmi ces dernières, les atteintes rétiniennes sont rares et peu décrites. Cas clinique ¸on âgé Nous rapportons les cas de deux adolescents, un garc de 17 ans et sa sœur âgée de 13 ans, atteints de MPS de type IV A, adressés en consultation pour hypertonie oculaire et plis rétiniens.

Figure 1.

La maladie de Morquio a été diagnostiquée chez l’aîné à l’âge de 3 ans suite à un épisode de paralysie faciale et devant un syndrome dysmorphique chez sa sœur (Fig. 1). L’interrogatoire retrouve la notion d’une consanguinité ancienne remontant à deux générations et l’absence d’autres antécédents familiaux. La symptomatologie fonctionnelle est dominée par une photophobie et des métamorphopsies. L’examen révèle une acuité visuelle corrigée (hypermétrope et astigmate) à 9/10e Parinaud 2 aux deux yeux chez l’aîné et 10/10e Parinaud 2 aux deux yeux chez sa sœur. La pression intraoculaire est mesurée à 25 et 26 mmHg associée à une pachymétrie à 502 et 509 ␮m chez l’aîné et 23 et 24 mmHg associée à une pachymétrie à 497 et 505 ␮m chez sa sœur. L’examen des segments antérieurs retrouve des dépôts cornéens endothéliaux, sans autres atteintes. La gonioscopie est sans anomalie. L’examen du fond d’œil révèle une excavation modérée du nerf optique avec une excavation papillaire estimée à 0,3—0,4 chez le garc ¸on et 0,4—0,5 chez la fille. On relève surtout la présence de plis rétiniens inter-papillomaculaires bilatéraux sans aspect de membrane épirétinienne (Fig. 2). L’OCT du segment postérieur confirme la présence de ces plis et élimine une membrane épirétinienne associée (Fig. 3). Les champs visuels pratiqués ne retrouvent pas de déficit. Les examens électrophysiologiques (ERG + PEV) sont normaux. La consultation pédiatrique spécialisée retrouve un retard staturo-pondéral avec atteinte ostéo-articulaire

Photographie de face de nos deux patients : dysmorphie et retard staturo-pondéral.



Article présenté lors d’une communication orale au 19e congrès ¸aise d’ophtalmologie, en mai 2013. annuel de la Société franc http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.11.015 0181-5512/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Figure 2.

Lettre à l’éditeur

Rétinographie : plis rétiniens inter-papillomaculaires.

sévère, ainsi qu’une valvulopathie à type d’insuffisance mitrale chez l’aîné et d’insuffisance aortique chez sa sœur. L’examen ophtalmologique des autres membres de la famille (parents, cousins) ne retrouve pas d’anomalie. Discussion La MPS de type IV est liée à un défaut de catabolisme des mucopolysaccharides : le kératane sulfate et le chondroïtine 6-sulfate, dont l’accumulation compromet les fonctions tissulaires. C’est une affection rare, de transmission autosomique récessive. On distingue la maladie de Morquio de type A : plus fréquente et plus grave, due au déficit en N-acétylgalactosamine-6-sulfatase, du type B : très rare et de meilleur pronostic, lié au déficit en ␤-galactosidase [1,2]. Cliniquement, l’enfant né sans anomalie. Les premiers symptômes apparaissent entre 1 et 3 ans, avec atteinte articulaire et neurologique. Le tableau s’aggrave durant l’enfance avec l’apparition d’un retard staturo-pondéral majeur associé à des troubles ostéo-articulaires sévères.

Figure 3.

Plus tardivement, on peut observer des lésions valvulaires cardiaques ainsi qu’une hépatomégalie. La complication majeure chez ces patients est la survenue d’une compression médullaire par subluxation atloïdo-axoïdienne, nécessitant une surveillance neurologique et radiologique annuelle [1,2]. Les atteintes ophtalmologiques sont omniprésentes chez ces patients. Les atteintes rétiniennes sont rares et peu décrites. On retrouve quelques cas de dégénérescences rétiniennes, confirmés par l’électrophysiologie [3]. L’atteinte rétinienne décrite dans notre cas, à type de plis rétiniens, n’est pas retrouvée dans la littérature et pourrait correspondre à une rétraction hyaloïdienne causée par une surcharge mucopolysaccharidique. En effet, les mucopolysaccharides sont des éléments essentiels dans la structure du vitré et de l’interface vitréo-rétinienne. Le chondroïtine 6-sulfate est notamment retrouvé en quantité importante au niveau de la limitante interne et des différentes couches rétiniennes. L’absence de dégradation de ce dernier pourrait être responsable de la symptomatologie

OCT du segment postérieur : plis rétiniens inter-papillomaculaires sans membrane épirétinienne associée.

Lettre à l’éditeur retrouvée. Seule une analyse histologique permettrait de confirmer cette hypothèse [3,4]. L’hypothèse d’une association fortuite ne peut donc pas être exclue avec certitude. La kératopathie de surcharge reste l’atteinte la plus fréquemment retrouvée, survenant habituellement après dix ans d’évolution. Elle est causée par des inclusions intracytoplasmiques de mucopolysaccharides au niveau de l’épithélium, du stroma et de l’endothélium cornéen. Néanmoins, cette opacification cornéenne est rarement responsable d’un handicap visuel. Un astigmatisme est également souvent retrouvé, sans caractères spécifiques. Des atteintes glaucomateuses sont aussi mises en évidence, en lien avec la concentration importante de mucopolysaccharides au niveau du trabéculum. De rares atteintes cristalliniennes à type de cataractes punctiformes ont été décrites [3—5]. Conclusion La maladie de Morquio est une maladie génétique rare, avec une atteinte prédominante ostéo-articulaire, mais également ophtalmologique. Parmi ces dernières, la kératopathie de surcharge demeure la plus fréquente. Les plis rétiniens retrouvés dans nos cas ne sont pas décrits dans la littérature.

e99 Références [1] Neufeld EF, Muenzer J. The mucopolysaccharidoses. In: The metabolic and molecular bases of inherited disease. 8th ed New York: McGraw-Hill; 2001. p. 3421—52 [chapter 136]. [2] Hendriksz CJ, Harmatz P, Beck M, Jones S, Wood T, Lachman R, et al. Review of clinical presentation and diagnosis of mucopolysaccharidosis IVA. Mol Genet Metab 2013;110:54—64, http://dx.doi.org/10.1016/j.ymgme.2013.04.002. [3] Couprie J, Denis P, Guffon N, Reynes N, Masset H, Beby F. Manifestations ophtalmologiques de la maladie de Morquio. J Fr Ophtalmol 2010;33:617—22. [4] Clark SJ, Keenan TD, Fielder HL, Collinson LJ, Holley RJ, Merry CL, et al. Mapping the differential distribution of glycosaminoglycans in the adult human retina, choroid, and sclera. Invest Ophthalmol Vis Sci 2011;52:6511—21, http://dx.doi.org/ 10.1167/iovs.11-7909. [5] Ponsioen TL, Hooymans JMM, Los LI. Remodelling of the human vitreous and vitreoretinal interface — A dynamic process. Prog Retin Eye Res 2010;29:580—95.

B. Donnadieu ∗ , F. Matonti , O. Fakhoury , S. Nadeau , E. Zanin , D. Denis Service d’ophtalmologie, CHU Nord, chemin des Bourrelys, 13015 Marseille, France ∗ Auteur

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Donnadieu) Disponible sur Internet le 30 juillet 2014

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