Journal français d’ophtalmologie (2014) 37, 93—98

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ARTICLE ORIGINAL

Complications ophtalmiques des mucocèles rhino-sinusiennes Ophthalmic complications of nasosinus mucoceles R. Zainine a,∗, I. Loukil b, A. Dhaouadi a, M. Ennaili a, A. Mediouni a, H. Chahed a, N. Beltaief a, G. Besbes a a b

Service d’ORL et de CMF, hôpital La Rabta, Jabbari 1007, Tunis, Tunisie Service d’ophtalmologie, hôpital La Rabta, Jabbari 1007, Tunis, Tunisie

Rec ¸u le 12 octobre 2012 ; accepté le 19 juin 2013 Disponible sur Internet le 7 f´ evrier 2014

MOTS CLÉS Mucocèle ; Sinus paranasaux ; Complications ; Œil ; Chirurgie



Résumé Introduction. — La mucocèle naso-sinusienne est une formation pseudo-kystique remplie par des sécrétions mucoïdes. Malgré sa bénignité histologique, elle a un potentiel agressif vis-àvis des structures de voisinage, en particuliers l’orbite responsable de plusieurs complications ophtalmologiques redoutables. But. — Étudier les mécanismes d’atteinte ophtalmique chez des patients ayant une mucocèle des sinus paranasaux, décrire l’aspect radiologique, le traitement ainsi que le pronostic de cette pathologie. Matériels et méthodes. — Nous rapportons 5 patients ayant une mucocèle des sinus paranasaux avec des complications ophtalmiques colligés au service d’ORL et de CMF de l’hôpital La Rabta sur une période de 5 ans entre janvier 2007 et décembre 2011. Résultats. — Le motif de consultation était : une exophtalmie unilatérale (4 patients), une diplopie (2 patients) et une tuméfaction canthale interne (3 patients). La tomodensitométrie du massif facial a mis en évidence une mucocèle frontale isolée chez deux patients, éthmoïdofrontale chez deux patients, éthmoïdo-maxillaire chez un patient. Nous avons retrouvé une lyse osseuse des parois de l’orbite et un refoulement du globe oculaire dans tous les cas, une exophtalmie extra-axiale dans un cas, une compression des muscles oculomoteurs dans 4 cas et un étirement du nerf optique dans 3 cas. Tous les patients ont été mis sous traitement antibiotique puis opérés. Les suites opératoires étaient simples et nous n’avons pas noté de récidives. Conclusion. — Il est nécessaire de faire le plus tôt possible le diagnostic de la mucocèle et de proposer l’exérèse chirurgicale avant que l’extension de la tumeur ne compromette la fonction visuelle et ceci d’une fac ¸on irréversible. © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Zainine).

0181-5512/$ — see front matter © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.06.004

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R. Zainine et al.

KEYWORDS Mucocele; Paranasal sinuses; Complications; Eye; Surgery

Summary Introduction. — A nasosinus mucocele is a pseudocystic process filled with mucus arising within the sinus. Despite its benign histology, potential ophthalimic risks are related to mass effect and expansion to the orbit by bone destruction with compression of optic nerves. Purpose. — We describe mechanisms of ophthalimic involvement in patients with paranasal sinus mucoceles, radiological appearance, treatment and prognosis of this disease. Materials and methods. — We report 5 cases of paranasal sinus mucocele with ophthalmic complications seen between January 2007 and December 2011 on the ENT and MFS service of La Rabta University hospital. Results. — The reason for consultation was: unilateral proptosis in 4 patients, diplopia in 2 patients and medial canthal swelling in 3 patients. Facial computed tomography showed a mucocele in the frontal sinus in two patients, in the ethmoid-frontal sinuses in two patients and in the ethmoid-maxillary sinuses in one patient. We found erosion of the orbital walls and displacement of the globe in all cases, extra-axial proptosis in one case, compression of the extraocular muscles in 4 cases and stretching of the optic nerve in three cases. All patients were treated initially with antibiotics then surgery. The postoperative course was uneventful with no recurrence. Conclusion. — It is necessary to diagnose mucoceles as early as possible and plan surgical excision before growth of the mass irreversibly compromises visual function. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction La mucocèle naso-sinusienne est une pseudotumeur kystique recouverte d’un épithélium muqueux sécrétoire pseudostratifié de type respiratoire cylindrique cilié secrétant du mucus [1,2]. La mucocèle se développe aux dépend des muqueuses de tous les sinus de la face, mais le plus souvent elle intéresse le sinus frontal et le sinus ethmoïdal antérieur. Elle est longtemps cliniquement latente mais avec une tendance extensive et évolutive entraînant la destruction des parois osseuses des sinus, voire l’extension intra-orbitaire. Cette extension est responsable de plusieurs complications ophtalmologiques redoutables (baisse de l’acuité visuelle, anomalie de l’oculomotricité, cécité. . .). Le traitement de ces complications est essentiellement préventif et repose sur une marsupialisation de la mucocèle. Nous nous proposons à travers cette étude d’analyser les différents mécanismes possibles expliquant l’atteinte ophtalmique chez des patients ayant une mucocèle des sinus paranasaux, de décrire l’aspect radiologique, le traitement ainsi que le pronostic de cette pathologie.

Matériels et méthodes Nous avons étudié rétrospectivement sur une période de 5 ans entre janvier 2007 et décembre 2011, les dossiers médicaux de 5 patients ayant une mucocèle des sinus paranasaux accompagnée par des troubles visuels, ayant bénéficié tous d’un examen ORL et d’un examen ophtalmologique spécialisés, d’une tomodensitométrie orbitaire et du massif facial avant le traitement chirurgical.

Résultats Il s’agit de cinq patients (4 hommes et une femme) d’âge moyen de 46,4 ans (extrêmes de 33 et 68 ans). Un patient

a eu un accident de la voie publique 2 ans auparavant. Les autres patients n’ont pas des antécédents pathologiques particuliers. Le délai moyen de consultation était de 6,95 mois avec des extrêmes de 3 semaines et un an. Tous les patients ont consulté pour des signes ophtalmiques. Il s’agissait d’une exophtalmie unilatérale chez 4 patients, d’une diplopie chez 2 patients et d’une tuméfaction canthale interne chez 3 patients. Une symptomatologie rhinologique a été présente chez seulement deux patients à type d’obstruction nasale unilatérale associée à une rhinorrhée purulente. Une douleur périorbitaire et des céphalées frontales ont été présentes chez 2 patients. À l’examen ophtalmologique, on a mis en évidence une tuméfaction canthale interne fluctuante dans 3 cas. L’exophtalmie a été irréductible chez 4 patients. Aucun patient n’a eu une baisse de l’acuité visuelle ni un trouble de l’oculomotricité ni du champ visuel. À l’endoscopie nasale, nous avons retrouvé une polypose naso-sinusienne stade I bilatérale chez un patient, une formation kystique provenant du méat moyen luxant le cornet moyen en dedans chez deux patients et des secrétions purulentes au niveau du méat moyen chez un patient. Deux patients ont eu un examen ORL sans anomalies décelables. La tomodensitométrie du massif facial a montré une masse naso-sinusienne pseudo-liquidienne bien limitée à parois fines de 1,4 à 4 cm de grand axe ayant une localisation frontale isolée chez deux patients, éthmoïdo-frontale chez deux patients (Fig. 1), éthmoïdo-maxillaire chez un patient (Fig. 2). L’atteinte sinusienne a été unilatérale chez tous les patients, droite chez 3 patients et gauche chez 2 patients. Une lyse osseuse des parois de l’orbite a été observée chez tous les patients : le toit de l’orbite chez 4 patients (Fig. 3), la paroi interne de l’orbite chez 3 patients et le plancher de l’orbite chez un patient. On a noté également une lyse de la paroi antéro-supérieure de la cloison nasale chez un patient. Le refoulement du globe oculaire a été observé chez tous les patients avec une exophtalmie extraaxiale grade II chez un patient. La compression des muscles

Complications ophtalmiques des mucocèles rhino-sinusiennes

Figure 1. TDM du massif facial (coupe coronale) : masse éthmoïdo-fronto-orbitaire pseudo-kystique refoulant le globe oculaire en dehors, une effraction osseuse du toit de l’orbite, une effraction de la lame papyracée.

oculomoteurs a été présente chez 4 patients et l’étirement ainsi que la compression du nerf optique ont été présents chez 3 patients (Fig. 4). Une IRM a été pratiquée chez un patient, elle a montré un processus expansif éthmoïdo-fronto-orbitaire mesurant 32 × 33 × 42 mm en hyper-signal T1, iso-signal T2 à rehaussement partiel après injection du gadolinium, s’étendant au niveau de la graisse extraconale et refoulant le globe

Figure 2. TDM du massif facial (coupe coronale) avec injection du produit de contraste : masse éthmoïdo-maxillaire droite pseudo-liquidienne bien limitée à parois fines, sans rehaussement à l’injection du produit de contraste avec lyse du plancher et de la paroi médiale de l’orbite et une compression des muscles oculomoteurs.

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Figure 3. TDM du massif facial (coupe sagittale passant par l’orbite) : une formation fronto-orbitaire gauche pseudo-liquidienne bien limitée avec érosion du toit de l’orbite, un refoulement en bas du muscle droit supérieur sans compression du nerf optique.

oculaire en avant, en bas et en dehors (exophtalmie non axiale grade III). Le nerf optique est étiré sans anomalie de signal. Le muscle droit médial supérieur est laminé (Fig. 5 et 6). Tous les patients ont été mis sous traitement antibiotique puis opérés. Les 3 patients ayant une mucocèle éthmoïdofrontale ou éthmoïdo-maxillaire ont été opérés par voie endonasale. Une méatotomie moyenne avec marsupialisation de de la mucocèle a été pratiquée dans 2 cas et une polypectomie, une turbinectomie partielle moyenne, une marsipulisation de la mucocèle et une méatotomie moyenne et inférieure chez le patient qui avait une polypose nasosinusienne associée.

Figure 4. TDM du massif facial (coupe axiale) : une masse liquidienne ethmoïdale comprimant le nerf optique et les muscles oculomoteurs adjacents.

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R. Zainine et al.

Discussion

Figure 5. IRM du massif facial en séquence T1 avec injection du produit de contraste (coupe sagittale) : refoulement du globe oculaire, du nerf optique et du muscle droit supérieur par une mucocèle frontale.

Une chirurgie par voie mixte (une frontotomie associée à une chirurgie endonasale) a été pratiquée chez les deux patients ayant une mucocèle frontale isolée vue l’impossibilité de vider la totalité de la poche mucocèlique par voie endonasale. En peropératoire, nous avons décidé de pratiquer un drainage du canal nasofrontale chez un patient ayant une mucocèle frontale surinfectée. Les suites opératoires ont été simples. L’examen clinique et l’endoscopie nasale n’ont pas montré de récidive.

Figure 6. IRM du massif facial en coupe axiale séquence T2 : processus expansif éthmoïdo- fronto-orbitaire bien circonscrit s’étendant au niveau de la graisse extraconale refoulant le globe oculaire en dehors avec refoulement du nerf optique et le muscle droit supérieur et médial.

La mucocèle naso-sinusienne peut être primaire ou secondaire à un obstacle ostéale empêchant la ventilation de la muqueuse sinusienne. Cet obstacle peut être constitué d’une lésion inflammatoire, d’une tumeur, d’une synéchie suite à un traumatisme ou suite à une manipulation chirurgicale [1—3]. La mucocèle siége dans 65 % des cas au niveau du sinus frontal, 30 % au niveau du sinus ethmoïdal antérieur, 3 à 10 % au niveau du sinus maxillaire et moins de 1 % au niveau du sinus ethmoïdal postérieur et du sinus sphénoïdal [4,5]. Parmi nos cinq patients, la localisation frontale isolée était présente chez deux patients, la localisation éthmoïdo-frontale était présente chez deux patients, et la localisation éthmoïdo-maxillaire était présente chez un patient. L’extension orbitaire de la mucocèle naso-sinusienne est expliquée par la proximité anatomique des sinus paranasaux et de l’orbite. Les sinus paranasaux ont tous une interface avec l’orbite. Le plancher de l’orbite est en rapport avec le sinus maxillaire, le toit de l’orbite est en rapport avec le sinus frontal, la paroi interne de l’orbite est en rapport avec le sinus ethmoïdal et l‘apex orbitaire est presque complètement entouré par le sinus sphénoïdal [6]. Le tableau clinique est très polymorphe. Il dépend du siège et la taille de la mucocèle. Longtemps latente lorsqu’elle siège au niveau du sinus sphénoïdal et ethmoïdal postérieur. Plusieurs patients présentent seulement des plaintes ophtalmiques sans être associés à des signes rhinologiques, ce qui peut retarder le diagnostic. Cependant, l’ophtalmologiste doit suspecter la mucocèle rapidement, sur des signes ophtalmiques indirects. Les manifestations ophtalmiques communes des mucocèles des sinus paranasaux sont l’exophtalmie, la diplopie, les troubles visuels et la douleur périorbitaire. Cette dernière est souvent associée à une atteinte des sinus antérieurs. Elle est provoquée par l’inflammation ou l’étirement de la muqueuse naso-sinusienne, avec impulsions nerveuses transmises par le nerf trijumeau. Cependant, plusieurs études ont rapporté que près de 70 % des patients atteints de mucocèles sphénoïdales ont une sensation de douleurs périorbitaires [6]. Les mucocèles des sinus paranasaux antérieures sont à l’origine d’un effet de masse sur l’orbite et se manifestent généralement par une exophtalmie latéralisée, une élévation de la pression intraoculaire, une restriction des mouvements des muscles oculomoteurs, provoquant ainsi une diminution de la mobilité du globe oculaire et une diplopie, une masse palpable canthale interne, ou plis choroïdiens [4,7]. On peut aussi observer une cellulite orbitaire en cas de rupture spontanée du kyste mucocèlique surinfecté dans l’orbite [8]. La baisse de l’acuité visuelle est rare. La particularité de l’extension orbitaire de la mucocèle frontale est qu’elle se fait selon deux modes. Ceci dépend du siège de l’ouverture du sinus frontale par rapport au septum orbitaire. En effet, si l’ouverture se situe en avant du septum orbitaire, la mucocèle frontale après avoir érodé la corticale antérieure va s’étendre d’avantage dans l’épaisseur de la paupière supérieure, en revanche, si cette ouverture se produit en arrière du septum orbitaire,

Complications ophtalmiques des mucocèles rhino-sinusiennes l’extension de la mucocèle se fera à l’intérieur de l’orbite. Ces deux types de mode d’extension de la mucocèle frontale pourraient avoir des conséquences pratiques sur le plan thérapeutique et pronostic [9]. Tous nos patients ont présenté une mucocèle des sinus paranasaux antérieurs. Nous avons observé une symptomatologie rhinologique (obstruction nasale et rhinorrhée) chez deux patients, une exophtalmie chez 4 patients, une tuméfaction canthale interne chez 3 patients, une diplopie chez un patient, et une douleur périorbitaire chez 2 patients. Aucun patient n’avait une baisse de l’acuité visuelle ni un trouble de l’oculomotricité ni du champ visuel. Les mucocèles siégeant au niveau des sinus paranasaux postérieurs entraînent le plus souvent des troubles visuels graves tels que la baisse de l’acuité visuelle, voire la perte de perception de la lumière et des anomalies du champ visuel. Il s’agit d’une névrite optique le plus souvent irréversible car les fibres du nerf optique sont incapables de se régénérer. Trois mécanismes peuvent expliquer ces troubles visuels. La poche mucocèlique naso-sinusienne comprime directement le nerf optique soit après amincissement, voire disparition de la paroi osseuse du canal du nerf optique soit en cas de déhiscence congénitale de celui-ci. L’ischémie et la congestion veineuse se développent ensuite [4,6]. La distribution vasculaire du nerf optique dans le canal optique est moins dense que dans d’autres régions. Par conséquent, la compression de la vascularisation du nerf optique à ce niveau entraîne une ischémie progressive et une atrophie nerveuse ultérieure [4,6]. La névrite optique peut être due à la propagation directe de l’inflammation suite à la suppuration des sinus adjacents à travers une perte de substance osseuse du canal optique [4,6]. Outre le nerf optique, d’autres nerfs crâniens peuvent être impliqués (abducteurs et adducteurs ou oculomoteurs) en passant par l’apex orbitaire ou la fissure orbitaire supérieure, ce qui entraîne un trouble de l’oculomotricité [4,7]. La baisse de l’acuité visuelle est présente dans 64 % des mucocèles sphénoïdales [5]. Le plus souvent il s’agit d’une neuropathie optique rétrobulbaire, qui peut brutalement évoluer vers la cécité par des mécanismes vasculaires ajoutés. L’exophtalmie est plus rare, observés dans 28 % des mucocèles, témoigne de l’extension de la mucocèle vers l’orbite. La survenue de neuropathie optique compressive est habituellement unilatérale mais il existe 17 % de neuropathies optiques compressives bilatérales. Il peut exister des atteintes chiasmatiques par extension endocrâniennes de la tumeur après érosion des parois osseuses. Cependant, une évolution apoplectique peut être catastrophique et ponctuer une évolution jusque-l’insidieuse [5]. Le degré de compression nerveuse de la mucocèle des sinus paranasaux antérieurs n’est pas si marqué que dans les sinus postérieurs, en raison de la plus longue distance par rapport au nerf optique. Toutefois, les mucocèles des sinus paranasaux antérieures ne sont pas toujours de bon pronostic, elles peuvent entraîner une distorsion de la rétine, de la sclère et de la choroïde. Les patients ayant une mucocèle à la fois des sinus antérieurs et postérieurs peuvent partager la totalité des manifestations ophtalmiques mentionnée ci-dessus.

97 Les explorations radiologiques demandées sont essentiellement la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique de l’orbite et du massif facial. Le scanner orbitaire et faciale en coupes axiales et coronales retrouve une opacité de nature kystique homogène, iso-dense avec éventuellement un anneau de renforcement de contraste s’il existe un pyocèle. Il n’existe pas de prise de contraste après injection du produit de contraste. Le scanner garde toute sa valeur pour évaluer l’importance de la destruction osseuse, préciser le mode d’extension de la mucocèle et pour la décision thérapeutique [5]. En postopératoire, le scanner peut être utile pour apprécier la qualité de la marsupialisation de la mucocèle, la vacuité sinusienne et l’éventuel reconstitution des parois osseuses. Le bilan d’extension aux structures de voisinage sera mieux analysé par une IRM qui objective dans les différents plans de l’espace par les coupes axiales, coronales et sagittales, un iso- ou hyper-signal dans les séquences pondérées T1 et un haut signal dans les séquences pondérées T2 en raison de sa nature kystique. Un bas signal T1 et T2 peuvent être présents en cas de pyocèle ou d’hémorragie intrakystique [5,9,10]. Une IRM était pratiquée chez un de nos patients chez qui la tomodensitométrie n’a pas pu préciser les limites exactes de la mucocèle. Elle avait montré un étirement du nerf optique sans anomalie de signal ni de prise du produit de contraste pathologique. L’idéal est d’opérer le plus tôt possible toute mucocèle naso-sinusienne diagnostiquée à un stade précoce limité au sinus avant toute extension orbitaire. Cependant, une perte importante de l’acuité visuelle quelque temps après l’apparition des symptômes peut encore être considérée comme une indication à la chirurgie [4]. Le traitement des mucocèles est essentiellement chirurgical. Il fait appel à des voies d’abord externes et endonasales. La corticothérapie préopératoire a été considérée comme inefficace. Pour la pyocèle, le drainage chirurgical immédiat associé à une antibiothérapie prolongée sont nécessaires pour la récupération de l’acuité visuelle. Pour le sinus ethmoïdal, maxillaire et sphénoïdal, la voie d’abord est endonasale, on réalise une méatotomie moyenne en cas d’atteinte du sinus maxillaire, une ethmoidectomie en cas de mucocèle ethmoïdale et une sphénoïdotomie si la mucocèle siège au niveau du sinus sphénoïdal. On pratique ensuite une large marsupialisation de la poche mucocèlique dont la paroi peut être accessible sous guidage endoscopique. L’exérèse de la muqueuse est inutile. Elle peut être dangereuse lorsqu’elle adhère à la dure mère ou aux voies optiques. Les lésions muqueuses régressent après la marsupialisation et une ré-ossification des parois osseuses lysés est généralement observée. Ainsi, l’association d’une voie d’abord neurochirurgicale n’est pas indiquée même lorsqu’il existe des déhiscences osseuses locales avec mise à nu de la dure—mère. La chirurgie endonasale est généralement suffisante et sans récidive dans 100 % des cas avec un bon taux de réussite chirurgicale pour la résolution des symptômes ophtalmiques 92,7 % [11—13]. Concernant le sinus frontal, la voie endonasale seule n’est pas de pratique courante malgré que les résultats postopératoires sont intéressants pour les équipes qui l’utilisent.

98 La voie externe par frontotomie est la plus souvent utilisée, parfois associée à l’endoscopie endonasale [1,13—15]. Au décours de l’acte opératoire, une cause d’obstruction nasale doit être recherchée, même si elle est rarement retrouvée. Une analyse anatomopathologique minutieuse de la pièce opératoire est essentielle à la recherche d’une tumeur maligne de l’ostium du sinus de la face. Son traitement sera fonction de l’agent causal [5]. Le pronostic des troubles visuels après l’opération dépend de plusieurs facteurs. Le délai prolongé entre la date d’apparition de la symptomatologie visuelle et la chirurgie est associé à des résultats postopératoires médiocres. Lee et al. ont constaté que les patients ayant une déficience visuelle de plus de 6 mois n’ont pas eu une amélioration postopératoire [16], tandis que Moriyama et al. ont montré que le pronostic est très mauvais après 1 ou 2 mois du début de la symptomatologie [17]. L’acuité visuelle initiale très altérée et la brutalité de son installation sont des éléments de mauvais pronostic. Les patients ayant une baisse brutale et profonde de l’acuité visuelle ont un pronostic visuel sombre si opérés dans un délai de plus de 24 h [6]. Le siège au niveau des sinus antérieurs est de pronostic meilleur qu’au niveau des sinus postérieurs en raison de l’implication des nerfs crâniens dans les mucocèles des sinus sphénoïdal et ethmoïdal postérieur. McCarthy et Frenkel [14] ont constaté que l’acuité visuelle était réduite, en raison de compressions sur le nerf optique ou de l’artère centrale, dans 46 des 72 patients (63,9 %) avec mucocèles du sinus sphénoïde sans amélioration dans plus de 50 % de ces patients, même avec intervention chirurgicale [18]. Dans une autre série 8 des 11 patients (72,7 %) ayant une mucocèle au niveau des sinus postérieurs de la face ont une détérioration de l’acuité visuelle préopératoire non amélioré après la chirurgie dans 3 cas (37,5 %). À l’inverse, les complications ophtalmiques dues aux mucocèles des sinus antérieurs de la face se sont tous résolus après chirurgie [6]. Chez nos patients, les suites opératoires étaient simples et sans récidives chez tous les patients.

Conclusion Malgré sa bénignité histologique, la mucocèle nasosinusienne a un potentiel agressif vis-à-vis des structures de voisinage [9,10]. D’où la nécessité de faire le plus tôt possible le diagnostic de la mucocèle sur un faisceau d’arguments cliniques et radiologiques et de proposer l’exérèse chirurgicale avant que l’extension de la tumeur ne compromette la fonction visuelle d’une fac ¸on irréversible. La distinction entre les mécanismes de l’atteinte ophtalmique des mucocèles des sinus paranasaux antérieurs et postérieurs est à la base de compréhension de la différence de leurs tableaux cliniques ainsi que leurs pronostics.

R. Zainine et al.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.

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[Ophthalmic complications of nasosinus mucoceles].

A nasosinus mucocele is a pseudocystic process filled with mucus arising within the sinus. Despite its benign histology, potential ophthalimic risks a...
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