Synthèse ´ Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013 ; 11 (supplement 1) : 34-40

Les nouveaux anticoagulants oraux et la fibrillation atriale du sujet âgé Novel oral anticoagulants and atrial fibrillation in the elderly Olivier Hanon Service de gérontologie, Hôpital Broca, Paris, France

´ a` part : Tires O. Hanon

Résumé. Le traitement de la fibrillation atriale repose sur les anticoagulants qui réduisent le risque d’accidents vasculaires cérébraux. Les antivitamines K (AVK) sont des molécules difficiles à utiliser chez les personnes âgées. Ainsi, ils représentent en France la principale cause d’hospitalisations pour iatrogénie, en étant à l’origine de 17 000 hospitalisations par an et de 4 000 à 5 000 décès par an. Les propriétés pharmacologiques des AVK, en particulier leur marge thérapeutique très étroite, expliquent en grande partie la complexité de leur utilisation. Plusieurs études épidémiologiques ont montré que le temps passé avec un INR correct entre 2 et 3, n’est obtenu que dans 50 % des cas. Ceci revient à dire que environ une fois sur 2, le traitement est soit pas assez efficace soit trop efficace. Dans ce cadre, le développement de nouveaux traitements anticoagulants oraux est apparu nécessaire, afin de mettre à disposition des médicaments à marge thérapeutique plus large et au profil bénéfice/risque favorable. Trois grands essais randomisés ayant inclus près de 50 000 sujets dont 20 000 personnes âgées de plus de 75 ans et 8 000 de plus de 80 ans, indiquent un profil bénéfice/risque supérieur des nouveaux anticoagulants (Naco) en comparaison aux AVK, caractérisé par un risque d’hémorragie cérébrale réduit de 50 %, un risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) réduit de 22 % et un risque de mortalité réduit de 12 %. Toutefois, leur élimination rénale et l’absence de contrôle de leur efficacité biologique sont des facteurs à prendre en compte pour leur prescription. Une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 mL/min selon la formule de Cockcroft) contre indique leur utilisation. Leur demi-vie plus courte que celle des AVK et l’absence de monitoring imposent une bonne observance thérapeutique. Ainsi, la réalisation d’études menées spécifiquement dans les populations de patients âgés gériatriques polypathologiques et à risque de décompensation aiguë, est nécessaire pour évaluer leur tolérance en situation de « vie réelle ». Mots clés : fibrillation atriale, nouveaux anticoagulants oraux, sujet âgé

Key words: atrial fibrillation, novel oral anticoagulants, elderly

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Pour citer cet article : Hanon O. Les nouveaux anticoagulants et la fibrillation atriale du sujet âgé. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013; ´ 11(supplement 1) :34-40 doi:10.1684/pnv.2013.0444

doi:10.1684/pnv.2013.0444

Abstract. Atrial fibrillation treatment relies on anticoagulation therapy that reduces the risk of stroke. Vitamin K antagonists (VKA) were the only oral anticoagulant drugs for more than 50 years, but they are difficult to manage especially in the elderly. In France, VKA are the main cause of iatrogenic hospitalizations with about 17,000 hospitalizations per year and around 4,000 to 5,000 deaths per year. Pharmacologic properties of VKA, especially the narrow therapeutic margin explain the complexity of their management. Several studies have shown that patients treated with VKA were on average only 50% of the time with an INR in the therapeutic range. In other words, patients are, half of the time, either-under treated or over-treated. Within this framework, development of new oral anticoagulant drugs appeared necessary, in order to obtain drugs with larger therapeutic margin and a better risk/benefit profile than VKA. Three large randomized clinical trials including almost 50,000 patients with 20,000 subjects over 75 years old and 8,000 over 80 years old, show a better risk/benefit profile of the new oral anticoagulants (NOAC) than VKA, characterized by a 50% reduction of cerebral hemorrhages, 22% reduction of stroke and 12% reduction of total mortality. Meanwhile, their renal elimination and the lack of control of the biological efficacy need to be taken into account for their prescription. Renal failure (estimated glomerular filtration rate according to Cockcroft formula < 30 mL/min) contraindicates their use. Their half-life is shorter than that of VKA and the biological monitoring is not available, thus a good adherence to the treatment is important. Studies specifically conducted among geriatric older population with poly-pathologies and frail are therefore needed to evaluate tolerance of NOAC in real life conditions.

Les nouveaux anticoagulants et la fibrillation atriale du sujet âgé

Pourquoi de nouveaux anticoagulants ?

s’observe essentiellement chez les patients de plus de 75 ans, avec un bénéfice encore plus marqué après 85 ans. Dans ce cadre, les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie proposent le traitement anticoagulant comme traitement de base de la FA après 75 ans [4]. Pourtant, toutes les études épidémiologiques observent une sous-utilisation des traitements par antivitamines K chez les personnes âgées en FA [5] même en absence de contre-indication à ces traitements. La raison principale est la crainte du risque hémorragique qui augmente chez les personnes très âgées. Après 80 ans, ce risque varie entre 2 à 10 % par an selon les populations étudiées. Ainsi, en France, les AVK viennent au premier rang des accidents iatrogènes graves nécessitant une hospitalisation aux urgences [6] en étant à l’origine de 17 000 hospitalisations par an et de 4 000 à 5 000 décès par an. Les propriétés pharmacologiques des AVK expliquent en grande partie leur complexité d’utilisation. En effet, ces médicaments possèdent une marge thérapeutique très étroite qui rend leur efficacité difficile à obtenir. Plusieurs études ont montré que le TTR (temps avec un INR correct entre 2 et 3) n’était obtenu que dans 50 à 60 % des cas. Ceci revient à dire que environ une fois sur 2, le traitement est soit pas assez efficace (INR < 2), soit trop efficace (INR > 3) et expose alors à des risques d’accident ischémique ou hémorragique. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette déstabilisation de l’équilibre de l’INR chez le sujet âgé : les co-prescriptions fréquentes de médicaments, l’existence d’une insuffisance rénale, d’une insuffisance hépatique, d’un régime

Depuis plus de 50 ans, le traitement anticoagulant repose sur les antivitamines K (AVK). Leur bénéfice a été démontré dans le cadre des traitements de la maladie veineuse thrombo-embolique et de la fibrillation atriale (FA) en comparaison au placebo. Dans le cas de la FA, les antivitamines K se sont révélés clairement plus efficaces que l’aspirine pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux, en particulier chez les personnes âgées. Globalement les AVK réduisent le risque d’AVC de 64 % par rapport au placebo et de 39 % par rapport à l’aspirine. Un essai randomisé (étude Bafta) [1] a été spécifiquement entrepris chez des sujets de plus de 75 ans en FA. Les résultats démontrent le bénéfice des AVK avec une réduction significative de 52 % (RR = 0,48, IC 95% = 0,28-0,80, p = 0,003) du risque embolique (cérébral/systémique) sous warfarine en comparaison à l’aspirine. Une seconde étude randomisée menée auprès de patients encore plus âgés (> 80 ans) [2] retrouve une réduction significative des événements cardiovasculaires sous AVK en comparaison à l’aspirine (6 % vs 13 %, p < 0,01). Ces résultats sont confirmés par les études observationnelles qui soulignent même un bénéfice plus marqué des anticoagulants chez les sujets les plus âgés (en raison de leur risque majoré d’accident vasculaire cérébral ischémique). Ainsi l’étude Atria [3] menée chez 13 000 sujets en FA montre que le bénéfice clinique net des anticoagulants, qui prend en compte à la fois la réduction des AVC ischémiques et le risque hémorragique,

Antivitamines K (inhibiteurs de la biosynthèse de facteurs vit K dépendants)

Facteur tissulaire/VIIa

X

IX

VIIIa IKa

Inhibiteur directs de facteur Xa (rivaroxaban, apixaban edoxaban)

Va Xa

Thrombine

II

Fibrinogène

Inhibiteur direct de la thrombine (dabigatran)

Fibrine

Figure 1. Cibles d’action des anticoagulants dans la cascade de la coagulation. Figure 1. Targets of anticoagulant agents in the coagulation cascade.

´ Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, supplement 1, décembre 2013

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O. Hanon

Tableau 1. Principales propriétés pharmacocinétiques des nouveaux anticoagulants oraux. Table 1. Main pharmacokinetic properties of novel oral anticoagulants. Dabigatran

Rivaroxaban

Apixaban

Edoxaban

Inhibiteur direct de la thrombine

Inhibiteur direct du facteur Xa

Inhibiteur direct du facteur Xa

Inhibiteur direct du facteur Xa

Biodisponibilité

6%

60 % (sans nourriture) > 80 % (avec nourriture)

50 %

60 %

Demi-vie

12-17 h

5-13 h

9-14 h

9-11 h

Élimination rénale

80 %

33 %

25 %

30 %

Contre-indication

Cl < 30 mL/min

Cl < 30 mL/min

Cl < 30 mL/min

Cl < 30 mL/min

Métabolisme hépatique (impliquant le CYP3A4)

Non

Oui

Oui

Faible

Modalité de prise

2/j

1/j

2/j

1/j

Tableau 2. Principales interactions médicamenteuses avec les nouveaux anticoagulants oraux. Table 2. Main drug interactions with novel oral anticoagulants. Médicaments Contre-indiqués

Médicaments nécessitant une réduction de posologie

Antifongiques imidazolés Rifampicine

Vérapamil (dabigatran, edoxaban) Inhibiteurs recapture sérotonine (dabigatran) Quinidine (edoxaban) Antiagrégant plaquettaire (dabigatran)

Carbamézepine Phénytoïne Phénobarbital Inhibiteurs de protéase Cyclosporine Dronedarone Millepertuis Tacrolimus (dabigatran)

alimentaire plus ou moins riche en vitamine K ou d’une dénutrition (les AVK étant fortement liés à l’albumine plasmatique, la dénutrition augmente le risque de surdosage). Ainsi, les données récentes de l’étude PUGG menée par la Société franc¸aise de gériatrie et gérontologie, chez 2 500 sujets vivant en Ehpad, retrouve un TTR seulement de 55 % chez des sujets âgés en moyenne de 88 ans [7]. Dans ce cadre, de nouveaux traitements anticoagulants ont été développés afin de mettre à disposition des médicaments à large marge thérapeutique, d’utilisation plus simple et avec un profil d’efficacité/tolérance plus favorable.

Les nouveaux anticoagulants oraux (Naco)

Données des études cliniques avec les nouveaux anticoagulants dans la FA

Propriétés pharmacologiques (tableau 1) La particularité des nouveaux anticoagulants est de bloquer de fac¸on directe un seul composant de la cascade

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hémostatique (facteur II (dabigatran) ou facteur Xa (rivaroxaban, apixaban, edoxaban), à l’inverse des AVK qui inhibent la biosynthèse de plusieurs facteurs simultanément (facteurs II, VII, X et IX) (figure 1). De ce fait, les nouveaux anticoagulants présentent des propriétés pharmacologiques qui leur confèrent une pharmacocinétique prévisible, permettant une prescription simplifiée sans nécessité de surveillance des facteurs de coagulation ni des plaquettes. De plus, aucune interaction avec l’alimentation n’est rapportée et les interactions médicamenteuses semblent plus rares et leurs conséquences moins sévères que celles existantes avec les AVK. Toutefois, certaines molécules agissant sur la P-GP (P-glycoprotéine) ou le cytochrome 3A4 sont contre-indiquées ou nécessitent des adaptations des doses (tableau 2). En revanche, l’élimination essentiellement rénale des Naco justifie des précautions d’utilisation, en particulier chez la personne âgée. Ils sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère définie par une clairance de la créatinine < 30 mL/min (calculée avec la formule de Cockcroft). Il existe deux classes de nouveaux anticoagulants oraux : - un inhibiteur direct de la thrombine : le dabigatran (Pradaxa®) ; - des inhibiteurs directs du facteur Xa : le rivaroxaban (Xarelto®), l’apixaban (Eliquis®), l’edoxaban. Les propriétés pharmacocinétiques des 4 molécules sont indiquées dans le tableau 1.

Depuis 2009, trois grandes études (Rely, Rocket, Aristotle) ont évalué l’intérêt des nouveaux anticoagulants en cas de FA en comparaison aux AVK. Elles ont été menées sur un très grand nombre de patients (n = 50 578)

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Les nouveaux anticoagulants et la fibrillation atriale du sujet âgé

Tableau 3. Etudes randomisées ayant comparé les nouveaux anticoagulants aux AVK. Table 3. Randomized controlled trials comparing novel oral anticoagulants to vitamin K antagonists. Dabigatran 150 mgx2/j Nombre de sujets inclus n = 50 578

Dabigatran 110 mgx2/j n = 18 113

Age moyen (ans)

71,5

Sujets > 75 ans (n = 19 064)

40 % (n = 7 258)

Score CHADS

2,2

Rivaroxaban

Apixaban

n = 14 264

n = 18 201

73,1

70

43 % (n = 6 164)

31 % (n = 5 642)

3,5

2,0

AVC

Réduction significative de 34 %

Réduction non significative de 9 %

Réduction non significative de 12 %

Réduction significative de 34 %

Hémorragies majeures

Réduction non significative de 7 %

Réduction significative de 20 %

Augmentation non significative de 4 %

Réduction significative de 31 %

Hémorragies cérébrales

Réduction significative de 60 %

Réduction significative de 69 %

Réduction significative de 33 %

Réduction significative de 58 %

Hémorragies critiques

Réduction significative de 19 %

Réduction significative de 32 %

Réduction significative de 31 %

Réduction significative de 32 %

Hémorragies digestives

Augmentation significative de 50 %

Augmentation non significative de 10 %

Augmentation significative de 46 %

Réduction non significative de 11 %

Mortalité totale

Réduction non significative de 12 %

Réduction non significative de 9 %

Réduction non significative de 15 %

Réduction significative de 11 %

Toutes les comparaisons sont faites vs warfarine. Ce tableau ne permet pas de comparer les nouveaux anticoagulants entre eux, puisque les populations étudiées sont différentes selon les essais.

(tableau 3). Une quatrième étude (Engage) vient de se terminer (n = 15 000), et ses résultats seront disponibles en novembre 2013. Enfin, une cinquième étude a comparé un nouvel anticoagulant (apixaban) à l’aspirine (étude Averroes) chez 5 600 sujets. Au total, près de 72 000 sujets ont été inclus dans des essais thérapeutiques randomisés récents comparant ces molécules aux AVK (Rely, Rocket, Aristotle, Engage) ou à l’aspirine (Averroes) Point majeur, pour le gériatre, ces études ont inclus un nombre important de sujets âgés de plus de 75 ans (n = 21 000) : - n = 7 258 dans l’étude Rely (dabigatran vs warfarine) ; - n = 6 164 dans l’étude Rocket (rivaroxaban vs warfarine) ; - n = 5 642 dans l’étude Aristotle (apixaban vs warfarine) ; - n = 1 897 dans l’étude Averroes (apixaban vs aspirine). Le nombre de sujets de plus de 80 ans est lui aussi important, puisque près de 8 000 sujets de plus de 80 ans ont été randomisés dans les 3 études publiées comparant les Naco aux AVK.

L’étude Rely (dabigatran vs warfarine) [8] Il s’agit d’une étude de non-infériorité, en ouvert, menée chez 18 113 patients ayant une FA non valvulaire (dont 7 258 de plus de 75 ans) et au moins un facteur supplémentaire

de risque embolique, ayant comparé deux posologies de dabigatran (150 mg x 2/j et 110 mg x 2/j) à la warfarine. Les résultats indiquent : - pour le dabigatran 150 mg x 2/j : • une meilleure prévention des AVC que la warfarine (réduction du risque de 34 %) ; • un effet équivalent à la warfarine sur le risque d’hémorragies majeures ; - pour le dabigatran 110 mg x 2/j : • un effet équivalent à la warfarine pour la prévention des AVC ; • une meilleure tolérance que les AVK (réduction significative des hémorragies majeures vs warfarine (réduction du risque de 20 %)) ; - quelle que soit la posologie de dabigatran on observe : • une réduction significative des hémorragies cérébrales (réduction de 60 % sous dabigatran 150 mg×x2/j, réduction de 69 % sous dabigatran 110 mg×x2/j).

Sous-groupe de sujets > 75 ans [9] L’analyse de sous-groupe des 7 258 sujets de plus de 75 ans indique un effet âge du dabigatran sur le risque hémorragique. On observe ainsi : - pour le dabigatran 150 mg x 2/j : • une supériorité de la prévention des AVC par rapport à la warfarine ; • mais une augmentation du risque d’hémorragie majeure par rapport à la warfarine ;

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O. Hanon

- pour le dabigatran 110 mg x 2/j : • un effet équivalent à la warfarine pour la prévention des AVC ; • un effet équivalent à la warfarine pour la prévention des hémorragies majeures. Le bénéfice sur les hémorragies cérébrales est lui toujours retrouvé après 75 ans, avec de fac¸on significative une moindre survenue des accidents hémorragiques cérébraux (quelle que soit la posologie de dabigatran utilisée). En revanche, une augmentation des hémorragies digestives, le plus souvent non majeures, est retrouvée sous dabigatran, ce quelle que soit la dose utilisée après 75 ans. En conclusion, le dabigatran s’est révélé sous aussi efficace soit plus efficace (selon la posologie étudiée) que les AVK avec un moindre risque d’hémorragie cérébrale. La posologie la plus faible (110 mg×2) est à privilégier chez le sujet âgé de plus de 80 ans ou de plus de 75 ans en cas de risque hémorragique élevé : clairance de la créatinine entre 30-50 mL/min (formule de Cockcroft, poids < 50 kg ou HASBled ≥ 3, prise de vérapamil, d’antiagrégant plaquettaire ou d’IRS).

L’étude Rocket AF (rivaroxaban vs warfarine) [10] Étude de non-infériorité en double aveugle, menée chez 14 264 patients ayant une FA non valvulaire (dont 6 164 de plus de 75 ans) ayant comparé le rivaroxaban à la warfarine. Le rivaroxaban a été utilisé à la dose de 20 mg en une prise par jour et 15 mg/j en cas de clairance de la créatinine entre 30 et 50 mL/min. L’essai a montré que le rivaroxaban : - est équivalent à la warfarine pour la prévention des AVC ; - est équivalent à la warfarine sur le risque d’hémorragies majeures ; - réduit le risque d’hémorragies cérébrales en comparaison à la warfarine (réduction du risque de 33 %).

Sous-groupe de sujets > 75 ans Les analyses des sous-groupes de patients de plus de 75 ans (n = 6 164), ainsi que celle des sujets avec une insuffisance rénale modérée (clairance entre 30 et 49 mL/min, n = 2 950) indiquent des résultats similaires pour le rivaroxaban : - effet équivalent à la warfarine sur la prévention des AVC ; - effet équivalent à la warfarine sur le risque d’hémorragies majeures ; - moindre risque d’hémorragies cérébrales que sous warfarine ;

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- augmentation des hémorragies digestives (le plus souvent non majeures). En conclusion, le rivaroxaban s’est révélé aussi efficace que les AVK avec un moindre risque d’hémorragie cérébrale. Chez le patient âgé, la dose de 15 mg/j est à utiliser en particulier si la clairance de la créatinine se situe entre 30 et 50 mL/min (calculé avec la formule de Cockroft).

L’étude Averroes (apixaban vs aspirine) [11] Essai randomisé en double aveugle comparant l’apixaban à l’aspirine chez 5 600 patients (dont 1 897 âgés de plus de 75 ans) qui étaient considérés comme ne pouvant ou ne devant pas recevoir un antivitamine K. Cet essai a été interrompu précocement en raison : - d’une supériorité de l’apixaban par rapport à l’aspirine pour la prévention des AVC (réduction de 55 %) ; - d’un effet équivalent de l’apixaban et de l’aspirine sur le risque d’hémorragies majeures. Ce bénéfice est observé également dans le sous-groupe de sujets > 75 ans (n = 1 897). Ces résultats indiquent la supériorité de l’apixaban par rapport à l’aspirine pour le traitement de la FA, caractérisée par une meilleure efficacité et un risque hémorragique similaire.

L’étude Aristotle (apixaban vs warfarine) [12] Essai non-infériorité randomisé en double aveugle, mené chez 18 201 sujets en FA non valvulaire, dont 5 642 âgés de plus de 75 ans qui a comparé l’apixaban à la warfarine. Les résultats indiquent que l’apixaban : - est supérieur à la warfarine sur la prévention des AVC (réduction du risque de 21 %) ; - réduit le risque d’hémorragies majeures en comparaison à la warfarine (réduction du risque de 31 %) ; - réduit le risque d’hémorragies cérébrales en comparaison à la warfarine (réduction du risque de 58 %) ; - réduit le risque de décès en comparaison à la warfarine (réduction du risque de 11 %).

Sous-groupe de sujets > 75 ans Les résultats sont similaires dans le sous-groupe de sujets âgés de plus de 75 ans (n = 5 642) et indiquent que l’apixaban : - est supérieur à la warfarine pour la prévention des AVC ;

´ Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, supplement 1, décembre 2013

Les nouveaux anticoagulants et la fibrillation atriale du sujet âgé

Tableau 4. Méta-analyse des 3 essais randomisés ayant comparé les Naco aux AVK [14]. Table 4. Meta-analysis of 3 randomized controlled trials comparing novel oral anticoagulants to vitamin K antagonists. Accidents vasculaires cérébraux

Réduction significative de 22 % sous Naco vs AVK

Hémorragies majeures

Réduction non significative de 12 % sous Naco vs AVK

Hémorragies cérébrales

Réduction significative de 51 % sous Naco vs AVK

Hémorragies digestives

Augmentation non significative de 25 % sous Naco vs AVK

Mortalité totale

Réduction significative de 12 % sous Naco vs AVK

- réduit le risque d’hémorragies majeures en comparaison à la warfarine. En conclusion, l’apixaban s’est révélé plus efficace et mieux toléré (moins d’hémorragie majeure, moins d’hémorragies cérébrales) que les AVK. L’apixaban était donné à la dose de 5 mg×2/j, sauf si les sujets présentaient au moins 2 critères parmi les 3 suivants : âge supérieur à 80 ans, créatinine supérieure à 133 ␮mol/L, poids inférieur à 60 kg, où la dose de 2,5 mg×2/j était alors proposée.

L’étude Engage AF Timi 48 [13] Cette étude a inclus près de 20 000 sujets en FA non valvulaire. Elle vise à comparer l’edoxaban à la warfarine. Le schéma thérapeutique prévoit l’évaluation de plusieurs dosages (60 mg/j, 30 mg/j, 15 mg/j) avec une adaptation possible en cours d’étude en fonction de l’évolution de la fonction rénale. Ses résultats devraient être publiés en novembre 2013.

favorable par rapport aux AVK, tout en gardant une évaluation précise de l’analyse du risque hémorragique et de la fonction rénale (calcul de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft). Tous ces résultats sont prometteurs pour l’utilisation des nouveaux anticoagulants chez le sujet âgé. Cependant, même si les essais ont inclus près de 8 000 sujets de plus de 80 ans, peu de patients « gériatriques » très âgés, polypathologiques, à haut risque de décompensation aiguë, ont été randomisés dans ces études. Seules des données observationnelles en « vie réelle » permettront de confirmer l’intérêt de ces nouvelles classes thérapeutiques. Dans ce cadre, un registre observationnel (registre Saphir) débutera en 2014, avec comme objectif la surveillance et les déterminants du risque hémorragique sous rivaroxaban après 80 ans chez des sujets suivis dans des structures de gériatrie.

Surveillance des nouveaux anticoagulants oraux chez le sujet âgé En raison de l’élimination rénale de ces molécules, une évaluation de la fonction rénale est obligatoire avant leur prescription. Une clairance de la créatinine < 30 mL/min calculée avec la formule de Cockcroft contre-indique leur utilisation. Il est essentiel d’utiliser la formule de Cockcroft car c’est cette formule qui a été utilisée dans les essais thérapeutiques ayant évalué ces molécules. Ainsi, l’évaluation de la fonction rénale doit être systématique avant la prescription d’un nouvel anticoagulant. Au cours du suivi, la réalisation de tests d’hémostase n’est pas nécessaire, en revanche chez le sujet âgé il

Données des méta-analyses Une méta-analyse récente a repris les données des 3 études Rely, Rocket et Aristotle [14]. Les résultats indiquent un meilleur profil bénéfice/risque des nouveaux anticoagulants caractérisé par (tableau 4) : - une meilleure prévention des AVC en comparaison à la warfarine (réduction significative de 22 %, R = 0,78, IC 95% = 0,67-0,92) ; - moins de risque d’hémorragie cérébrale (réduction significative de 51 %, RR = 0,49, IC 95% = 0,36-0,66) ; - moins de risque décès (réduction significative de 12 %, RR = 0,88, IC 95% : 0,82-0,95). Au vu de ces résultats, la récente mise à jour des recommandations de la Société européenne de cardiologie propose l’utilisation des nouveaux anticoagulants en première intention en raison d’un bénéfice clinique net

Points clés • Les essais randomisés avec les nouveaux anticoagulants indiquent un meilleur profil bénéfice/risque de ces molécules que les AVK caractérisé par : une meilleure prévention des AVC en comparaison à la warfarine (réduction significative de 22 %) ; moins d’hémorragies cérébrales (réduction significative de 51 %) ; moins de décès (réduction significative de 12 %). • Ces essais ont inclus près de 21 000 sujets de plus de 75 ans et 8 000 sujets de plus de 80 ans. • Comme la population des essais thérapeutiques est différente de la population « gériatrique » la réalisation d’études menées spécifiquement chez des patients âgés polypathologiques et vulnérables apparaît nécessaire pour évaluer leur tolérance en situation de « vie réelle ».

´ Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, supplement 1, décembre 2013

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O. Hanon

convient d’évaluer la fonction rénale au moins 3 fois par an, voire plus en cas d’épisode intercurrent aigu (déshydratation, infection, prise d’un médicament néphrotoxique).

Les nouveaux anticoagulants chez le sujet âgé La synthèse des analyses en sous-groupe des sujets de plus de 75 ans inclus dans les essais randomisés permet d’identifier les avantages et les inconvénients des nouveaux anticoagulants oraux en comparaison aux AVK Avantages des Naco en comparaison aux AVK : - un moindre risque d’hémorragie cérébrale que les AVK ; - une efficacité similaire ou supérieure aux AVK pour la prévention des AVC ; - un risque d’hémorragie majeure similaire ou moindre que les AVK ; - une absence de monitoring nécessaire lors du suivi. Inconvénients des Naco en comparaison aux AVK : - absence d’antidote en cas de chirurgie urgente (ne pouvant pas être différée) ; - pas d’études « gériatriques » en vie réelle ; - pas de monitoring permettant d’évaluer le niveau d’anticoagulation (en particulier en cas d’insuffisance rénale aiguë ou de mauvaise observance).

Conclusion Les nouveaux anticoagulants sont très prometteurs pour la prise en charge des malades âgés en FA non valvulaire. Les essais randomisés indiquent un profil bénéfice/risque supérieur aux AVK, avec en particulier un moindre risque d’hémorragie cérébrale. Toutefois, leur élimination rénale et l’absence de contrôle de leur efficacité biologique sont des facteurs à prendre en compte pour leur prescription. Une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 mL/min selon la formule de Cockcroft) contre-indique leur utilisation. Leur demi-vie plus courte que celle des AVK et l’absence de monitoring imposent une bonne observance thérapeutique. La réalisation d’études menées spécifiquement dans les populations de patients âgés complexes et fragiles (âge > 80 ans, insuffisant rénal, polypathologiques) apparaît nécessaire pour évaluer leur tolérance en situation de « vie réelle ». Liens d’intérêts : réunion d’experts/conférences (Sanofi-Aventis, BMS, Boehringer, Bayer, Daïchi Sankyo, Novartis, Servier, Pfizer, Abott).

Références

survey from the French society of geriatrics and gerontology (SFGG). Drugs Aging 2013 ; Oct 30 [Epub ahead of print].

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´ Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, supplement 1, décembre 2013

[Novel oral anticoagulants and atrial fibrillation in the elderly].

Atrial fibrillation treatment relies on anticoagulation therapy that reduces the risk of stroke. Vitamin K antagonists (VKA) were the only oral antico...
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