Revue des Maladies Respiratoires (2015) 32, 747—749

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CAS CLINIQUE

Infection à mycobactérie non tuberculeuse d’une chambre implantable pour perfusion Non-tuberculous mycobacterial infection of a totally implanted perfusion device J. Frija-Masson a, S. Aberrane b, I. Monnet a, L. Jabot a, B. Housset a, G. Mangiapan a,∗ a b

Service de pneumologie, CHI de Créteil, 40, avenue de Verdun, 94000 Créteil, France Service de bactériologie, CHI de Créteil, 94000 Créteil, France

Rec ¸u le 29 mai 2014 ; accepté le 28 septembre 2014 Disponible sur Internet le 30 octobre 2014

MOTS CLÉS Mycobacterium chelonae ; Infection liée au cathéter ; Dispositif d’accès vasculaire ; Cancer du poumon

KEYWORDS Mycobacterium chelonae; Catheter-related infection;



Résumé Introduction. — Les infections de chambre implantable pour perfusion (CIP) à mycobactérie sont rares mais de diagnostic difficile et de traitement non codifié. Cas clinique. — Nous rapportons le cas d’une patiente de 64 ans traitée par chimiothérapie intraveineuse pour un cancer du poumon, qui a développé une infection de CIP à Mycobacterium chelonae. L’évolution a été favorable après ablation de la CIP et traitement par clarithromycine. Conclusion. — Les mycobactéries peuvent infecter les CIP. La reconnaissance de telles infections permet de proposer un traitement précoce. © 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Introduction. — Catheter-related infection by non-tuberculous mycobacteria is rare but difficult to diagnose and the treatment is not standardized. Case report. — A 64-year-old woman treated for lung cancer with intravenous chemotherapy developed an infection of her totally implanted perfusion device with Mycobacterium chelonae. The infection was cured after surgical removal of the device and treatment with oral clarithromycin.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Mangiapan).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.09.007 0761-8425/© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Vascular access device; Lung cancer

J. Frija-Masson et al. Conclusion. — Mycobacteria may infect vascular access devices. Rapid diagnosis of such infections allows early treatment. © 2014 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les chambres implantables pour perfusion (CIP) facilitent l’accès veineux et sont actuellement très utilisées en pneumologie, tant pour les chimiothérapies anticancéreuses que pour les antibiothérapies itératives des infections chroniques. Cependant leur utilisation est source d’effets secondaires, en particulier infectieux. Les infections les plus fréquentes sont à pyogènes [1]. Les mycobactéries non tuberculeuses sont rarement décrites à l’origine de telles infections. Nous rapportons le cas d’une infection de CIP à Mycobacterium chelonae chez une patiente traitée par chimiothérapie pour un cancer du poumon non à petites cellules.

Observation Une femme de 64 ans, sevrée 5 ans auparavant d’un tabagisme à 40 paquets-années, a été prise en charge pour un adénocarcinome bronchique révélé par des douleurs dorsales et cervicales, une dysphonie et un crachat hémoptoïque. La radiographie thoracique retrouvait une opacité tissulaire excavée du lobe supérieur droit pour laquelle les recherches de mycobactéries étaient négatives. Le bilan pratiqué a permis le diagnostic d’un adénocarcinome bronchique TTF1 positif, classé T4N3M1 (atteinte de l’œsophage, de l’encéphale et du foie). À l’époque de ce bilan, aucune analyse mutationnelle n’était effectuée en pratique courante. On retrouvait également une thrombose non symptomatique de la veine iliaque primitive droite étendue à la veine cave inférieure, motivant un traitement par fondaparinux. Une chimiothérapie par carboplatine-paclitaxel était débutée sur cathéter périphérique, suivie d’une irradiation encéphalique. Une CIP a été mise en place par voie jugulaire interne droite 15 jours après la première cure et la patiente a rec ¸u la seconde cure sur cette CIP 5 jours après la pose. La patiente a été hospitalisée dans un autre établissement 10 jours après la seconde cure pour aplasie fébrile. Une antibiothérapie a été mise en place. Il existait de plus une inflammation de la cicatrice de la CIP d’évolution favorable sous antibiotiques et désinfection locale quotidienne. La patiente a consulté 10 jours après sa sortie pour sa troisième cure de chimiothérapie. À l’examen, on retrouvait une désunion de 5 mm au niveau de la cicatrice de CIP, avec écoulement de pus franc, positif en culture à staphylocoque coagulase négative. Les hémocultures sur CIP étaient négatives. La CIP a alors été retirée, malheureusement sans analyse bactériologique et une nouvelle CIP a été posée dans le même temps, à nouveau en jugulaire interne droit. La troisième cure de chimiothérapie a été effectuée 8 jours après le changement de CIP à 75 % des doses avec

prophylaxie par pegfilgrastim. Le bilan réalisé 3 semaines plus tard retrouvait une stabilité tumorale à 3 cures. La patiente a été réhospitalisée en urgence pour sepsis sévère 28 jours après la 3e cure. À l’examen, on retrouvait un site de CIP inflammatoire avec écoulement purulent. La patiente a été mise sous antibiothérapie empirique par ceftazidime, vancomycine et amikacine et la CIP a été retirée en urgence. La culture de l’écoulement purulent était positive à Corynebacterium striatum, motivant un changement de l’antibiothérapie pour de l’amoxicilline. Par ailleurs, l’examen direct de la CIP retrouvait un aspect inhabituel à la coloration de Gram, incitant à la réalisation d’une coloration à l’auramine, qui retrouvait la présence de 99 BAAR par champ. La culture a permis d’identifier un M. chelonae. Sous traitement par amoxicilline, l’évolution générale a été favorable faisant différer la mise en place d’un traitement antimycobactérien. Devant la persistance d’un suintement avec prurit sur la cicatrice de CIP en fin d’hospitalisation, un nouveau prélèvement a été pratiqué qui ne retrouvait que du staphylocoque coagulase négative. La patiente était sortie après 38 jours d’hospitalisation. Quatorze jours plus tard, elle a été réhospitalisée pour tassements vertébraux ostéoporotiques hyperalgiques. Le bilan carcinologique retrouvait une progression tumorale hépatique. Il persistait un suintement sur la cicatrice de CIP sans autre documentation bactériologique que la mycobactérie retrouvée à l’examen direct et en culture de la CIP. Un traitement antibiotique par clarithromycine a été débuté à la dose de 2000 mg/j, en monothérapie compte tenu de l’état général de la patiente. Ce choix a été guidé par l’antibiogramme retrouvant une concentration minimale inhibitrice (CMI) de cet antibiotique inférieure à 0,016 mg/L. Par ailleurs un traitement par erlotinib a été introduit 15 jours après le début du traitement antibiotique. Après 5 semaines de traitement antibiotique, l’évolution de l’infection cutanée a été favorable avec disparition de l’écoulement et fermeture de la cicatrice. Le traitement a alors été arrêté du fait de l’altération de l’état général lié à la progression tumorale et la patiente est décédée un mois plus tard sans récidive clinique d’infection cutanée.

Discussion Les infections sont les complications les plus fréquentes et les plus graves des accès veineux centraux par cathéters tunnélisés ou par CIP. Ainsi, Groeger retrouvait une infection pour 43 % des cathéters tunnélisés mais seulement 8 % des CIP (p < 0,001) [1]. Les germes les plus fréquemment rencontrés dans cette série sont les bacilles Gram négatifs, les cocci Gram positifs et dans une moindre mesure les bacilles Gram positifs. Dans cette série, une seule mycobactérie (M. chelonae) a été identifiée, parmi les 389 germes isolés sur cathéter tunnelisé. Aucune mycobactérie n’était retrouvée parmi les 29 germes isolés sur chambre implantable.

Infection de chambre implantable à mycobactérie De nombreux cas sporadiques d’infection à mycobactérie ont par ailleurs été publiés dans la littérature [2,3] mais il est peu fait mention des CIP, probablement en raison de l’ancienneté de beaucoup de publications. M. chelonae est une mycobactérie à croissance rapide, appartenant au groupe chelonae/abcessus et élevée au rang d’espèce en 1992 [4]. Elle est responsable d’infection cutanée, osseuse et des tissus mous, plus rarement pulmonaire. Elle est aussi rapportée à l’origine d’infections iatrogènes (chirurgie plastique, ORL. . .) [5—9]. L’identification de M. chelonae est difficile car cette mycobactérie peut être confondue avec les diphtéroïdes, ce qui peut retarder ou fausser le diagnostic [10,11]. La culture sur milieu standard est souvent négative à 72 h. De plus la faible incidence de ces germes ne rend pas leur recherche systématique lors d’une infection de CIP. De ce fait une infection cutanée torpide ou la découverte de diphtéroïdes doit faire réaliser une recherche de mycobactéries. Chez notre patiente, l’identification de la souche par PCR (GenoType Mycobacterium CM, Hain Lifescience GmbH, Nehren, Allemagne) confirmait l’identification de M. chelonae chelonae. De plus, une corynebactérie était identifiée en même temps que la découverte des BAAR faisant poser la question d’une erreur d’identification. Cependant la reprise de l’analyse de la souche de mycobactérie éliminait cette hypothèse (croissance trop lente, absence d’erreur d’identification par méthode phénotypique). Le caractère nosocomial de ces infections est rarement précisé [12] mais on retrouve comme facteur de risque une neutropénie [13] et une comorbidité par un cancer solide ou une hémopathie [2], facteurs de risques présents chez notre patiente. Le traitement de ces infections de cathéter est mal codifié. Le retrait du cathéter est recommandé [10,14] même si certains auteurs ont pu obtenir une guérison en laissant le cathéter en place [15]. Une chirurgie d’exérèse plus ou moins large est parfois nécessaire en fonction de l’extension de l’infection cutanée. Chez notre patiente, la première CIP a été remplacée dans le même temps au même site, ce qui explique la persistance de l’infection. L’antibiothérapie n’est pas systématique et, lorsqu’elle est utilisée, est d’une durée de 4 à 6 semaines. Concernant M. chelonae, le traitement doit être guidé par l’antibiogramme. Certains auteurs décrivent une résistance acquise en cas de monothérapie [16], mais au contraire Wallace fait état d’une efficacité de la clarithromycine seule dans les infections cutanées [17]. Notre patiente a été traitée en monothérapie du fait de l’altération de son état général et ce traitement, associé à l’ablation de la CIP, a été suffisant pour guérir l’infection cutanée. Cependant son décès rapide ne permet pas d’affirmer la guérison de l’infection mycobactérienne à long terme.

Conclusion Les infections de CIP à mycobactéries non tuberculeuses et a fortiori à M. chelonae sont rares, mais doivent être recherchées en cas de récidive, de mauvaise cicatrisation ou de diphtéroïdes à l’examen direct. Leur traitement repose sur l’ablation du matériel associé à une antibiothérapie adaptée.

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Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Non-tuberculous mycobacterial infection of a totally implanted perfusion device].

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