Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 33 (2014) 638–642

Article original

Prise en charge des dermohypodermites bacte´riennes ne´crosantes et fasciites ne´crosantes en re´animation : re´sultats d’une enqueˆte de pratique francophone Necrotizing fasciitis: Results of a survey on management practices in French-speaking intensive care units N. de Prost a,*,b, R. Bosc b,c, C. Brun-Buisson a,b, O. Chosidow b,d,e, J.-W. Decousser b,f, G. Dhonneur b,g, R. Lepeule b,f, A. Rahmouni b,h, E. Sbidian b,d, R. Amathieu b,g, pour le Groupe fasciites ne´crosantes de l’hoˆpital Henri-Mondor a DHU A-TVB, service de re´animation me´dicale, CARMAS research group, hoˆpitaux universitaires Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Mare´chal-de-Lattrede-Tassigny, 94010 Cre´teil, France b UPEC-universite´ Paris-Est Cre´teil-Val-de-Marne, Cre´teil, France c Service de chirurgie plastique, hoˆpitaux universitaires Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Mare´chal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Cre´teil, France d Service de dermatologie, hoˆpitaux universitaires Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Mare´chal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Cre´teil, France e Satellite franc¸ais du Cochrane Skin Group, Inserm, centre d’investigation clinique 006, Cre´teil, France f De´partement de virologie, bacte´riologie, hygie`ne, parasitologie, mycologie, hoˆpitaux universitaires Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Mare´chal-deLattre-de-Tassigny, 94010 Cre´teil, France g Service d’anesthe´sie et des re´animations chirurgicales, hoˆpitaux universitaires Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Mare´chal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Cre´teil, France h Service d’imagerie me´dicale, hoˆpitaux universitaires Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Mare´chal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Cre´teil, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : ˆ t 2014 Rec¸u le 6 aou Accepte´ le 8 octobre 2014 Disponible sur Internet le 20 novembre 2014

Objectif. – Les dermohypodermites bacte´riennes ne´crosantes et fasciites ne´crosantes (DHBN-FN) sont des infections se´ve`res de la peau et des parties molles associe´es a` une mortalite´ e´leve´e. Afin de pre´ciser les modalite´s de prise en charge des DHBN-FN dans les re´animations francophones, nous avons conduit une enqueˆte de pratique sous l’e´gide de la Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation. Type d’e´tude. – Questionnaire auto-administre´ rempli en ligne. Me´thodes. – Quatre mille six cent vingt me´decins anesthe´sistes et/ou re´animateurs e´taient invite´s par courrier e´lectronique a` remplir un questionnaire en ligne. Re´sultats. – Cent soixante-quinze me´decins exerc¸ant dans 135 re´animations diffe´rentes ont re´pondu au questionnaire (3,8 %). Parmi les re´pondants, 42 % de´claraient n’avoir pris en charge que deux patients au maximum atteints de DHBN-FN au cours de l’anne´e pre´ce´dente, 59 % de´claraient ne pas avoir de re´fe´rent chirurgical et 72 % n’avaient pas de re´fe´rent me´dical. Le de´lai a` l’acce`s au bloc ope´ratoire e´tait de plus de six heures dans 31 % des cas et non prioritaire dans 13 % des cas. Dix-sept pour cent des re´pondants de´claraient que l’acce`s au bloc ope´ratoire ne retardait jamais la prise en charge des patients. Les causes de retard a` la prise en charge chirurgicale des patients e´taient : retard diagnostique (45 %), retard a` la validation de l’indication ope´ratoire (37 %), difficulte´s d’acce`s au bloc ope´ratoire (8 %). Enfin, 83 % des re´pondants estimaient que la cre´ation de parcours de soins de´die´s pourrait ame´liorer la prise en charge des patients. Conclusion. – Cette enqueˆte illustre l’he´te´roge´ne´ite´ de prise en charge des DHBN-FN dans un nombre e´leve´ de re´animations francophones et met en e´vidence l’absence fre´quente de structure de prise en charge adapte´e, contribuant probablement a` retarder la prise en charge ope´ratoire. Un parcours de soin de´die´ pourrait permettre d’ame´liorer la prise en charge des DHBN-FN. ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Fasciite ne´crosante Infection de la peau et des parties molles Cellulite Sepsis

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. de Prost). http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.10.002 0750-7658/ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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A B S T R A C T

Objectives. – Necrotizing fasciitis (NF) are rare and severe soft tissue infections associated with a high mortality rate. In order to assess the management of NF in French-speaking intensive care units (ICUs), we conducted a survey endorsed by the French Society of Anesthesia and Intensive Care (SFAR). Study design. – Online self-administered survey. Methods. – A link to an online survey was sent by email to 4620 anesthesiologists and/or intensivists and was available online from January to February 2014. Results. – One hundred and seventy-five physicians (3.8%) who worked in 135 ICUs filled out the online survey. Among respondents, 42% reported having managed up to two patients with NF during the previous year; 59% and 72% of respondents reported not having a surgical and a medical specialist consultant, respectively. A delayed access to the operating room (OR) of more than 6 hours was reported in 31% of cases and access to the OR was reported not to be routinely considered as a priority in 13% of cases. Only 17% of respondents reported that time to transfer to the OR was never a cause for delayed surgery. The main causes for delayed surgery were: delayed diagnosis (45%), delayed validation of surgical intervention (37%), and difficulty of access to the OR (8%). Finally, 83% of respondents estimated that creating dedicated multidisciplinary teams for managing NFs could lead to improving outcomes. Conclusion. – This survey illustrates the heterogeneous management of NF in French-speaking ICUs and points out several logistical aspects that should be improved to reduce the time to the first surgical debridement. ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords : Necrotizing fasciitis Cellulitis Skin and soft tissue infections Sepsis

1. Introduction Les dermohypodermites bacte´riennes ne´crosantes et fasciites ne´crosantes (DHBN-FN) sont des infections se´ve`res de la peau et des parties molles caracte´rise´es par une infection ne´crosante du tissu sous-cutane´ inte´ressant le fascia superficiel (c’est-a`-dire l’ensemble des tissus compris entre la peau et les muscles) et pouvant s’e´tendre aux muscles. La confe´rence de consensus de 2000 a clarifie´ la terminologie et les de´finitions anatomiques, et le terme « cellulite », qui fait re´fe´rence a` un tissu cellulaire souscutane´, n’existe pas et doit donc eˆtre banni [8]. La pre´sentation clinique des DHBN-FN peut varier par sa gravite´, allant de la ne´crose cutane´e ou sous-cutane´e isole´e a` un tableau de choc septique (Tableau 1), mais aussi par la topographie des le´sions, pouvant inte´resser n’importe quel site anatomique, avec une nette pre´dominance aux membres infe´rieurs, touche´s dans 75 % des cas [1]. Cette he´te´roge´ne´ite´ de pre´sentation clinique et de gravite´, associe´e a` l’absence de donne´es e´pide´miologiques fiables – l’incidence annuelle des DHBN-FN a` streptocoque A est de l’ordre de 0,5 cas pour 100 000 habitants [2], mais l’incidence des DHBNFN polymicrobiennes demeure me´connue et possiblement sousestime´e [3,4] – contribuent probablement a` un retard diagnostique et the´rapeutique pre´judiciables. La mortalite´ rapporte´e dans la

plupart des se´ries varie de 15–30 % chez des patients non se´lectionne´s, a` 50 % chez les patients de re´animation [5–8], meˆme si certaines e´tudes sugge`rent une ame´lioration du pronostic au cours de la dernie`re de´cennie [9,10]. Le caracte`re multidisciplinaire de la prise en charge des DHBNFN, ne´cessitant une approche coordonne´e par les me´decins urgentistes, re´animateurs, anesthe´sistes, chirurgiens, dermatologues, radiologues et microbiologistes est a` l’origine de difficulte´s logistiques pouvant retarder la prise en charge des patients, et en particulier la re´alisation du premier de´bridement chirurgical, qui est probablement le principal facteur modifiable susceptible de diminuer la morbi-mortalite´ de cette maladie. Afin de pre´ciser les modalite´s de prise en charge des DHBN-FN dans les re´animations francophones et les facteurs possiblement associe´s a` un retard de prise en charge chirurgicale de ces patients, nous avons conduit une enqueˆte de pratique sous l’e´gide de la Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). 2. Me´thodes Un questionnaire ayant pour objectif d’e´valuer les pratiques de prise en charge des patients atteints de DHBN-FN e´tait e´labore´ par un panel de re´animateurs (NDP, RA, CBB), de dermatologues (OC,

Tableau 1 Comparaison de la pre´sentation clinque des dermohypodermites bacte´riennes (DHB) et dermohypodermites bacte´riennes ne´crosantes et fasciites ne´crosantes (DHBN-FN). DHB (e´rysipe`le)

DHBN-FN

Signes ge´ne´raux

Fie`vre, frissons, malaise Choc septique tre`s rare

Signes locaux

Erythe`me chaud douloureux et œde´mateux Bulles et purpura pe´te´chial possibles Pas de ne´crose Localise´ aux membres infe´rieurs dans 85 % des cas Bourrelet pe´riphe´rique inconstant dans les formes du visage Ade´nopathie satellite dans 50 % des cas Porte d’entre´e dans 3/ 4 des cas

Signes biologiques

Hyperleucocytose

Fie`vre inconstante ou hypothermie Choc septique dans 25 % des cas Confusion, agitation Absence de de´fervescence thermique sous antibiotiques Douleur croissante ou hypoesthe´sie Extension de l’e´rythe`me sous antibiotiques Bulles et purpura (non spe´cifiques) Aspect cyanique, live´doı¨de voire ne´crotique Paˆleur cutane´e Absence de saignement au test au bistouri Cre´pitation sous-cutane´e Effraction cutane´e dans trois-quarts des cas Hyperleucocytose/leucope´nie Hyperlactate´mie Rhabdomyolyse

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ES), un chirurgien plasticien (RB), un microbiologiste (JWD), un radiologue (RA) et un infectiologue (RL). Le questionnaire comportait 29 questions et explorait les cinq domaines suivants relatifs a` la prise en charge des DHBN-FN : donne´es de´mographiques, aspects logistiques, de´lai de prise en charge chirurgicale, aspects diagnostiques et the´rapeutiques (Annexe 1). Au cours de cette e´tude, 4620 re´animateurs ont e´te´ invite´s par courrier e´lectronique a` remplir le questionnaire, qui e´tait e´galement disponible en ligne sur le site de la Sfar (www.sfar.org) du 15 janvier au 13 fe´vrier 2014. L’analyse des donne´es n’a pris en compte qu’une seule re´ponse par centre, de fac¸on a` e´viter un biais lie´ a` la surrepre´sentation de certains centres, et lorsqu’il existait plusieurs re´ponses discordantes provenant d’un meˆme centre, seule la premie`re a e´te´ conside´re´e. Les re´ponses entre les centres de´clarant prendre en charge plus ou moins deux patients atteints de DHBN-FN par an ont e´te´ compare´es a` l’aide du test de Chi2 ou de Fischer, comme recommande´. Une valeur de p < 0,05 e´tait conside´re´e significative.

3. Re´sultats 3.1. Donne´es de´mographiques Cent soixante-quinze me´decins (3,8 %), exerc¸ant dans 135 re´animations diffe´rentes (France me´tropolitaine, n = 119 ; DOM-TOM, n = 10 ; autres pays, n = 6), ont re´pondu au questionnaire. Il s’agissait de re´animations dont le recrutement e´tait principalement me´dico-chirurgical (56 %), chirurgical (20 %) ou me´dical (21 %), re´alisant un volume d’admissions annuelles de 500 a` 1000 dans 49 % des cas (n = 66), avec un acce`s a` un chirurgien 24 h/ 24 dans 100 % des cas (n = 135) et a` un dermatologue dans 74 % des cas (n = 98). Parmi les re´pondants, 42 % (n = 57) de´claraient n’avoir pris en charge que deux patients au maximum atteints de DHBNFN au cours de l’anne´e pre´ce´dente et 23 % (n = 31) plus de cinq patients, soulignant la rarete´ de cette maladie. 3.2. Aspects logistiques Parmi les re´pondants, 59 % (n = 79) de´claraient ne pas avoir de re´fe´rent chirurgical pour la prise en charge des DHBN-FN et 72 % (n = 97) n’avaient pas de re´fe´rent me´dical. Lorsqu’ils e´taient de´signe´s, ces re´fe´rents e´taient principalement un chirurgien plasticien (37 %, n = 24) et un re´animateur (54 %, n = 22). Les re´pondants de´claraient dans 34 % des cas avoir transfe´re´ des patients atteints de DHBN-FN dans une autre structure, « souvent » (9 % des cas, n = 12) ou « exceptionnellement » (28 % des cas, n = 38). Les indications de transfert e´taient la re´alisation d’une oxyge´nothe´rapie hyperbare (45 %, n = 24), les suites de prise en charge postope´ratoire (26 %, n = 14), la prise en charge chirurgicale

(23 %, n = 12) ou l’obtention d’un avis spe´cialise´ (6 %, n = 3). De fac¸on attendue, les me´decins de´clarant exercer dans des centres prenant en charge plus de trois patients par an atteint de DHBN-FN re´alisaient moins de transferts que les autres (Tableau 2). Concernant le plateau technique d’imagerie disponible 24 h/24, les re´pondants de´claraient avoir acce`s a` la tomodensitome´trie dans 98 % des cas (n = 132), l’e´chographie dans 81 % des cas (n = 110) et l’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) dans 47 % des cas (n = 64). 3.3. De´lai de prise en charge chirurgicale Le de´lai a` l’acce`s au bloc ope´ratoire e´tait de plus de six heures dans 31 % des cas (n = 42). Dans 13 % des cas (n = 17), l’acce`s au bloc ope´ratoire des patients atteints de DHBN-FN n’e´tait pas place´ en premie`re priorite´, et ce plus fre´quemment chez ceux qui ne de´claraient pas de re´fe´rent chirurgical (n = 14/79 ; 17 %) que chez les autres (n = 3/54 ; 5 %) (p = 0,016). Seuls 17 % des re´pondants (n = 23) de´claraient que l’acce`s au bloc ope´ratoire ne retardait jamais la prise en charge des patients. Le retard de prise en charge chirurgicale e´tait attribue´ a` un retard diagnostique dans 45 % des cas (n = 59) ou au retard a` la validation de l’indication ope´ratoire dans 37 % des cas (n = 49), les difficulte´s d’acce`s au bloc ope´ratoire n’e´tant incrimine´es que dans 8 % (n = 11) des cas. 3.4. Prise en charge diagnostique La place de l’imagerie pour le diagnostic de DHBN-FN e´tait juge´e « importante » ou « tre`s importante » dans 41 % des cas (n = 55) et seulement « utile dans certains cas cible´s » dans 46 % des cas (n = 62). L’examen de choix e´tait la tomodensitome´trie pour 82 % (n = 108) des re´pondants, l’IRM pour 9 % (n = 12) et l’e´chographie pour 4 % (n = 5). Les pre´le`vements microbiologiques juge´s utiles pour le diagnostic de DHBN-FN par les re´pondants e´taient les pre´le`vements perope´ratoires (100 % des cas, n = 135), les he´mocultures (87 % des cas, n = 118), la ponction sous-cutane´e (35 % des cas, n = 48) et l’e´couvillonnage superficiel des tissus le´se´s (13 % des cas, n = 18). 3.5. Prise en charge the´rapeutique La re´alisation du premier pansement apre`s la chirurgie de de´bridement initiale e´tait de´clare´e eˆtre effectue´e « toujours » au bloc ope´ratoire dans 46 % des cas (n = 62) et « lorsque le bloc ope´ratoire est disponible » dans 42 % des cas (n = 56). Quand le premier pansement est re´alise´ au lit du malade, il e´tait de´clare´ eˆtre effectue´ par un chirurgien dans 79 % des cas (n = 85), un infirmier dans 10 % des cas (n = 11), et un re´animateur dans 6 % des cas (n = 7). L’antibiothe´rapie probabiliste e´tait guide´e par des recommandations dans 95 % des cas (n = 128) : ces recommandations e´taient

Tableau 2 Prise en charge des DHBN-FN selon le nombre de´clare´ de patients pris en charge annuellement par centre.

Acce`s a` un dermatologue Re´fe´rent chirurgical Re´fe´rent me´dical De´lai de passage au bloc ope´ratoire > 6 heures Premier pansement re´alise´ au bloc ope´ratoire (« second look ») Transfert de patients Transfert de patients pour plateau technique insuffisant Antibiothe´rapie probabiliste guide´e par des recommandations Re´e´valuation syste´matique de l’antibiothe´rapie en fonction des re´sultats microbiologiques Apport de l’imagerie juge´ faible ou re´serve´ a` des cas cible´s Inte´reˆt de la cre´ation de filie`res de prise en charge de´die´es aux DHBN-FN DHBN-FN : dermohypodermites bacte´riennes ne´crosantes et fasciites ne´crosantes.

 2 DHBN-FN/an (n = 53)

 3 DHBN-FN/an (n = 82)

p

37 16 11 20 47 26 9 49 27 32 42

60 36 29 23 74 25 4 76 62 48 70

0,70 0,15 0,08 0,26 0,78 0,045 0,14 > 0,99 0,005 0,86 0,48

(69,8) (30,2) (20,7) (37,7) (88,7) (49,0) (17,0) (92,4) (50,9) (60,4) (79,2)

(73,2) (43,9) (35,4) (28,0) (90,2) (30,5) (4,9) (92,7) (75,6) (58,5) (85,4)

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« internationales » dans 25 % des cas (n = 34), nationales dans 50 % des cas (n = 68) et locales dans 19 % des cas (n = 26). L’ajustement aux re´sultats microbiologiques e´tait re´alise´ « toujours » dans 68 % des cas (n = 90) ou « souvent » dans 25 % des cas (n = 33). De fac¸on inte´ressante, les centres qui de´claraient admettre trois patients ou plus par an pour DHBN-FN de´claraient re´e´valuer plus fre´quemment l’antibiothe´rapie apre`s re´ception des cultures des pre´le`vements perope´ratoires (Tableau 2). Enfin, 83 % des re´pondants (n = 112) estimaient que la cre´ation de filie`res de soins de´die´es a` la prise en charge des DHBN-FN pourrait ame´liorer la prise en charge des patients (« certainement », 43 % des cas ou « peut-eˆtre », 40 % des cas). 4. Discussion Notre enqueˆte de pratique illustre l’he´te´roge´ne´ite´ de prise en charge des DHBN-FN et souligne les points suivants :  les DHBN-FN sont des maladies assez rarement rencontre´es par les re´animateurs ;  la plupart des centres n’ont pas d’organisation de´die´e a` la prise en charge des DHBN-FN ;  le retard a` la prise en charge chirurgicale semble fre´quent et avoir des causes multiples. Le taux de participation individuelle peut eˆtre conside´re´ comme faible (175 re´ponses sur 4620, 3,8 %), mais cette enqueˆte refle`te les pratiques de 135 structures diffe´rentes, dont 129 en France me´tropolitaine et DOM-TOM. Les DHBN-FN sont des infections graves associe´es a` une tre`s lourde morbidite´, lie´e a` l’e´tendue des le´sions, a` leur localisation (pe´rine´ale, cervicale, thoracique, avec atteinte articulaire) et aux gestes chirurgicaux re´alise´s et a` une mortalite´ e´leve´e, de l’ordre de 25 %. Le traitement des DHBN-FN est me´dico-chirurgical [10–12], associant une antibiothe´rapie pre´coce, adapte´e a` la topographie de la DHBN-FN et codifie´e par des recommandations de socie´te´s savantes [13,14], la prise en charge des de´faillances d’organe associe´es et un de´bridement chirurgical rapide des tissus ne´crose´s.

Le principal crite`re pronostique modifiable semble ainsi eˆtre le de´lai entre la survenue des premiers symptoˆmes et le premier de´bridement chirurgical. De nombreux facteurs peuvent allonger ce de´lai : retard diagnostique, caracte`re multidisciplinaire de la prise en charge, chirurgie septique avec difficulte´s d’acce`s au bloc ope´ratoire, re´alisation d’examens comple´mentaires parfois inutiles. Cette enqueˆte de pratique sugge`re plusieurs axes d’ame´lioration de la prise en charge des DHBN-FN. 4.1. Ame´lioration sur les plans diagnostiques et logistiques ˆ r par une La re´duction du de´lai diagnostique passe bien su meilleure formation des me´decins, mais aussi possiblement par l’identification de re´fe´rents me´dicaux et chirurgicaux, sollicite´s a` chaque suspicion diagnostique de DHBN-FN. Ainsi, l’acce`s au bloc ope´ratoire e´tait plus souvent prioritaire quand un re´fe´rent e´tait de´signe´. La place du re´animateur semble importante puisque celui-ci e´tait le re´fe´rent me´dical dans plus de la moitie´ des cas. L’identification d’un re´fe´rent chirurgical, surtout pour les centres n’ayant pas acce`s a` l’expertise d’un chirurgien plasticien, permet probablement de limiter le de´lai de validation de l’indication ope´ratoire, deuxie`me motif de´clare´ de retard a` la prise en charge chirurgicale dans notre enqueˆte. Concernant le recours a` des examens d’imagerie, il est frappant de voir que ceux-ci e´taient juge´s « importants » dans 41 % des cas et que l’examen de choix e´tait la tomodensitome´trie pour 82 % des re´pondants. Cependant, le diagnostic de certitude de DHBN-FN repose sur l’exploration chirurgicale et aucun examen comple´mentaire ne doit retarder la chirurgie lorsque la suspicion clinique de DHBN-FN est e´leve´e. Quand la suspicion clinique est interme´diaire, le recours a` certains examens d’imagerie peut eˆtre utile. L’examen le plus performant semble alors eˆtre l’IRM, en particulier quand est mis en e´vidence un e´paississement du fascia profond avec hypersignal en T2 et rehaussement en T1 apre`s injection de produit de contraste. Dans une se´rie de 11 patients avec DHBN-FN et 25 patients avec dermohypodermite bacte´rienne non ne´crosante, la sensibilite´ de l’IRM e´tait de 100 % et la spe´cificite´ de 86 % [15]. L’utilisation de se´quences particulie`res (STIR, T2FS)

SUSPICION CLINIQUE DE DHBN-FN (Tableau 1) ANTIBIOTHERAPIE PROBABILISTE

CRITERES DE REANIMATION

PAS DE CRITERE DE REANIMATION

DISCUSSION OPERATOIRE MULTIDISCIPLINAIRE Chirurgien/Réanimateur/Anesthésiste/Radiologue

INDICATION OPERATOIRE

PATIENT POSTOPERATOIRE

PAS D’INDICATION OPERATOIRE

REEVALUATION MULTIDISCIPLINAIRE QUOTIDIENNE

- DEBRIDEMENT SUPPLEMENTAIRE ? - AJUSTEMENT ANTIBIOTHERAPIE ? - PLANIFICATION DES PANSEMENTS

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PATIENT MEDICAL

REEVALUATION DECISION OPERATOIRE

POURSUITE DU TRAITEMENT MEDICAL

Fig. 1. Proposition d’algorithme de prise en charge des DHBN-FN dans une filie`re me´dico-chirurgicale de´die´e.

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semble pouvoir ame´liorer les performances diagnostiques de l’IRM [16]. Ainsi, les crite`res suivants e´taient fortement associe´s au diagnostic de DHBN-FN : fascia musculaire e´pais ( 3 mm) avec hypersignal en T2FS, signal anormal du fascia profond sans rehaussement, inte´ressant au moins trois compartiments d’un meˆme membre [16]. Il existe peu de place pour la tomodensitome´trie, qui peut s’ave´rer faussement rassurante, et qui n’est re´ellement contributive que dans les cas exceptionnels ou` des bulles d’air sont visualise´es dans le tissu sous-cutane´ ou quand la DHBN-FN a une origine digestive. L’e´chographie est de faible performance pour le diagnostic de DHBN-FN [17], sauf peut-eˆtre en pe´diatrie [18].

5. Conclusion Cette enqueˆte de pratique francophone illustre les he´te´roge´ne´ite´s de pratique concernant la prise en charge des DHBN-FN en re´animation. L’obtention d’un diagnostic rapide et le raccourcissement du de´lai de prise en charge chirurgicale sont des aspects cle´s de la prise en charge de ces patients, qui pourrait eˆtre ame´liore´e par la cre´ation de parcours de soins de´die´s. ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

4.2. Ame´lioration sur le plan the´rapeutique Le principal objectif du traitement est de re´aliser un de´bridement chirurgical des tissus ne´crose´s dans un de´lai minimal [13]. Plusieurs de´bridements successifs sont ge´ne´ralement ne´cessaires [19], d’ou` l’inte´reˆt de re´aliser les premiers pansements postope´ratoires au bloc ope´ratoire afin de comple´ter le geste sans de´lai lorsque c’est ne´cessaire (« second look ») ; cette strate´gie, fortement sugge´re´e par les recommandations de l’IDSA [13], semble eˆtre adopte´e par la majorite´ des re´pondants de cette enqueˆte. Le caracte`re de´labrant de la chirurgie des DHBN-FN, ge´ne´rateur de limitations fonctionnelles re´siduelles handicapantes, incite a` recourir a` des chirurgiens expe´rimente´s, qui re´aliseront un de´bridement initial complet et envisageront une reconstruction de`s que possible. Le choix de l’antibiothe´rapie initiale est bien codifie´ pour les DHBN-FN [13,14]. Elle doit eˆtre large et adapte´e au caracte`re communautaire ou nosocomial de l’infection. Afin de limiter la pression antibiotique et le risque iatroge`ne associe´s aux antibiothe´rapies a` large spectre, une de´sescalade est ge´ne´ralement re´alise´e en fonction des re´sultats des cultures des pre´le`vements perope´ratoires. Le pronostic des patients atteints de DHBN-FN est de´pendant du de´lai diagnostique et de plusieurs interventions the´rapeutiques bien coordonne´es ; il est probablement illusoire de penser qu’une diminution significative de la mortalite´ peut eˆtre obtenue par la modification isole´e de l’une de ces mesures. Ainsi, la cre´ation de filie`res de soins de´die´es a` la prise en charge des DHBN-FN (Fig. 1) pourrait ame´liorer le pronostic de ces patients, sous re´serve que le de´lai de transfert des patients vers les centres de re´fe´rence ne retarde pas la prise en charge chirurgicale [20]. De fac¸on inte´ressante, meˆme les re´pondants qui de´claraient prendre en charge un nombre plus e´leve´ de patients atteints de DHBN-FN estimaient que de telles filie`res pourraient eˆtre be´ne´fiques. 4.3. Limitations de l’e´tude Notre e´tude pre´sente des limitations lie´es a` la me´thodologie du questionnaire autode´claratif. Premie`rement, la fiabilite´ et la reproductibilite´ des re´ponses sont inconnues, par exemple, les de´clarations rapportant le nombre de patients pris en charge annuellement ne permettent en aucun cas de de´duire l’incidence des DHBN-FN et, plus ge´ne´ralement, l’e´valuation des pratiques re´alise´e a` travers ce questionnaire doit eˆtre interpre´te´e avec beaucoup de prudence. Deuxie`mement, le taux de re´ponse de notre questionnaire n’est pas connu pre´cise´ment car le nombre total de centres contacte´s n’est pas connu. Par conse´quent, la repre´sentativite´ de la population des re´pondants par rapport a` la population sollicite´e ne peut eˆtre e´value´e. Enfin, meˆme si notre enqueˆte met en e´vidence certaines de´ficiences logistiques dans la prise en charge des DHBN-FN, seule une e´tude prospective pourrait permettre de de´montrer que leur correction est associe´e a` une ame´lioration du pronostic des patients.

Annexe 1. Mate´riel comple´mentaire Le mate´riel comple´mentaire (questionnaire) accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http:// www.sciencedirect.com et http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar. 2014.10.002. Re´fe´rences [1] Swartz MN. Clinical practice. Cellulitis. N Engl J Med 2004;350:904–12. [2] Sharkawy A, Low DE, Saginur R, Gregson D, Schwartz B, Jessamine P, et al. Severe group a streptococcal soft-tissue infections in Ontario: 1992–1996. Clin Infect Dis 2002;34:454–60. [3] Montravers P, Bassetti M, Dupont H, Eckmann C, Heizmann WR, Guirao X, et al. Efficacy of tigecycline for the treatment of complicated skin and soft-tissue infections in real-life clinical practice from five European observational studies. J Antimicrob Chemother 2013;68(Suppl. 2):ii15–24. [4] Ellis Simonsen SM, van Orman ER, Hatch BE, Jones SS, Gren LH, Hegmann KT, et al. Cellulitis incidence in a defined population. Epidemiol Infect 2006;134: 293–9. [5] Wong CH, Khin LW, Heng KS, Tan KC, Low CO. The LRINEC (Laboratory Risk Indicator for Necrotizing Fasciitis) score: a tool for distinguishing necrotizing fasciitis from other soft tissue infections. Crit Care Med 2004;32:1535–41. [6] Nisbet M, Ansell G, Lang S, Taylor S, Dzendrowskyj P, Holland D. Necrotizing fasciitis: review of 82 cases in South Auckland. Intern Med J 2011;41:543–8. [7] Su YC, Chen HW, Hong YC, Chen CT, Hsiao CT, Chen IC. Laboratory risk indicator for necrotizing fasciitis score and the outcomes. ANZ J Surg 2008;78:968–72. [8] Zahar JR, Goveia J, Lesprit P, Brun-Buisson C. Severe soft tissue infections of the extremities in patients admitted to an intensive care unit. Clin Microbiol Infect 2005;11:79–82. [9] Das DK, Baker MG, Venugopal K. Risk factors, microbiological findings and outcomes of necrotizing fasciitis in New Zealand: a retrospective chart review. BMC Infect Dis 2012;12:348. [10] Lasocki S, Geffroy A, Montravers P. Dermohypodermites bacte´riennes ne´crosantes et fasciites ne´crosantes (DBHN-FN) pe´rine´ales ou gangre`ne de Fournier. Ann Fr Anesth Reanim 2006;25:971–4. [11] Gauzit R. Infections cutane´es graves : de´finitions, caracte´ristiques cliniques et microbiologiques. Ann Fr Anesth Reanim 2006;25:967–70. [12] Giuly E, Velly L, Gouin F. Principes the´rapeutiques des dermohypodermites bacte´riennes ne´crosantes et des fasciites ne´crosantes. Ann Fr Anesth Reanim 2006;25:978–81. [13] Stevens DL, Bisno AL, Chambers HF, Dellinger EP, Goldstein EJ, Gorbach SL, et al. Practice guidelines for the diagnosis and management of skin and soft tissue infections: 2014 update by the infectious diseases society of america. Clin Infect Dis 2014;59:e10–52. [14] No authors. [Management of erysipelas and necrotizing fasciitis (long text)]. Ann Dermatol Venereol 2000;127:1118–37. [15] Rahmouni A, Chosidow O, Mathieu D, Gueorguieva E, Jazaerli N, Radier C, et al. MR imaging in acute infectious cellulitis. Radiology 1994;192:493–6. [16] Kim KT, Kim YJ, Won Lee J, Kim YJ, Park SW, Lim MK, et al. Can necrotizing fasciitis be differenciated from non-necrotizing infectious fasciitis with MR imaging? Radiology 2011;259:816–24. [17] Malghem J, Lecouvet FE, Omoumi P, Maldague BE, Vande Berg BC. Necrotizing fasciitis: contribution and limitations of diagnostic imaging. Joint Bone Spine 2013;80:146–54. [18] Fugitt JB, Puckett ML, Quigley MM, Kerr SM. Necrotizing fasciitis. Radiographics 2004;24:1472–6. [19] Pham TN, Moore ML, Costa BA, Cuschieri J, Klein MB. Assessment of functional limitation after necrotizing soft tissue infection. J Burn Care Res 2009;30:301–6. [20] Holena DN, Mills AM, Carr BG, Wirtalla C, Sarani B, Kim PK, et al. Transfer status: a risk factor for mortality in patients with necrotizing fasciitis. Surgery 2011;150:363–70.

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Necrotizing fasciitis (NF) are rare and severe soft tissue infections associated with a high mortality rate. In order to assess the management of NF i...
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