Synthèse ´ Ann Biol Clin 2013 ; 71 (special 1) : 59-69

Mesure délocalisée de l’INR pour la surveillance des traitements par antivitamine K Near-patient testing devices to monitor vitamin K antagonists

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Marie Brionne-Francois1 Agnès Le Querrec1 Dominique Lasne2 1 Laboratoire d’hématologie, CHU Côte de Nacre, Caen 2 Laboratoire d’hématologie, Hôpital Necker APHP, Paris

Résumé. Les traitements anticoagulants oraux par antivitamine K (AVK) nécessitent une surveillance biologique régulière par mesure de l’INR (international normalized ratio). Les dispositifs proposés pour la mesure de l’INR à partir de sang capillaire ont pour la plupart démontré de bonnes performances analytiques. Leur utilisation est simple. Le prélèvement pour l’obtention de sang capillaire est également très simple et peu traumatique pour le patient. L’utilité de ces dispositifs est évidente dans des services d’urgence pour les patients présentant un syndrome hémorragique et une suspicion de surdosage aux AVK. Ces dispositifs présentent également un grand intérêt dans des populations particulières, comme la pédiatrie ou la gériatrie. Enfin, la mesure délocalisée de l’INR peut être utile dans des cliniques d’anticoagulant (CAC) ou dans des structures de soins éloignées d’un laboratoire. Toutefois, leur utilisation doit être bien encadrée car même s’ils sont simples à manipuler, la formation du personnel soignant est indispensable pour garantir la fiabilité du résultat. Pour pouvoir être utilisés en délocalisé par les services cliniques, ces appareils doivent répondre aux exigences réglementaires et permettre l’application de la norme EN ISO 22870 qui définit les exigences concernant la qualité et la compétence pour la réalisation des examens de biologie médicale délocalisés (EBMD). Cette norme place les EBMD sous la responsabilité d’un biologiste qui aura participé à leur évaluation, et qui doit s’assurer de la bonne formation du personnel utilisateur et de la qualité des résultats rendus.

doi:10.1684/abc.2013.0904

Mots clés : antivitamine K, INR, biologie délocalisée Abstract. Monitoring of the anticoagulant effect with the International normalized ratio (INR) is essential for patients receiving vitamin K antagonists (VKAs). The majority of point of care (POC) devices for INR monitoring has shown a good precision and accuracy with results similar to those obtained in a laboratory. In many countries, INR POC devices are widely used at home by the patients for self-testing. Their use in the hospital by the clinical staff (doctor or nurses) for bedside measurement is also growing. The INR POC testing is performed using fully automated devices. Capillary blood samples are easy to obtain. In the emergency room, POC INR devices are commonly used. This improves the quality of care for patient with suspicion of VKAs overdosage. INR measurement using bedside monitors is also of great interest in care units for specific populations of patients like paediatrics or geriatrics. Moreover, bedside INR monitoring may be useful in anticoagulant clinics or when the care unit is far from a laboratory. Although the bedside INR monitors are easy to use, their implementation requires adequate training and intermittent re-evaluation of any person performing the tests to ensure reliability of results. Such equipment must comply with EN ISO 22870 standard for POC testing accreditation, under the supervision of a biologist. In order to achieve these targets, connect the instrument to the laboratory’s data management system is essential. Tirés à part : M. Brionne-Francois

Key words: vitamin K antagonists, INR, point of care test

Pour citer cet article : Brionne-Francois M, Le Querrec A, Lasne D. Mesure délocalisée de l’INR pour la surveillance des traitements par antivitamine K. Ann Biol Clin 2013 ; 71(sp´ecial 1) : 59-69 doi:10.1684/abc.2013.0904

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Synthèse Les traitements anticoagulants oraux par antivitamine K (AVK) nécessitent une surveillance biologique régulière par mesure de l’INR (international normalized ratio) afin d’éviter les accidents de sous dosage (risque de thrombose) ou de surdosage (risque hémorragique) [1]. Les dispositifs proposés pour la mesure de l’INR à partir de sang capillaire ont pour la plupart démontré une bonne fiabilité et une bonne précision avec des résultats bien corrélés aux résultats du laboratoire. Largement utilisés dans de nombreux pays par les patients sous AVK pour l’automesure ou l’autosurveillance de l’INR, leur implantation dans des services cliniques comme dispositifs de biologie délocalisée tend également à se développer. L’utilité de ces dispositifs dans des services d’urgence est évidente pour les patients présentant un syndrome hémorragique et une suspicion de surdosage aux AVK. Ces dispositifs présentent également un grand intérêt dans des populations particulières où l’obtention d’un prélèvement veineux direct de bonne qualité pose problème, notamment en pédiatrie et en gériatrie. Enfin, la mesure délocalisée de l’INR peut être utile dans des cliniques d’anticoagulant (CAC) ou dans des structures de soins éloignées d’un laboratoire. L’implantation de ces dispositifs dans les services cliniques engendre très souvent la satisfaction des cliniciens, du personnel soignant et des patients. Toutefois, leur utilisation doit être bien encadrée car même s’ils sont simples à manipuler, la formation du personnel soignant est indispensable pour garantir la qualité du résultat. Pour pouvoir être utilisés en délocalisé par les services cliniques, ces appareils doivent répondre aux exigences réglementaires et permettre l’application de la norme EN ISO 22870 qui définit les exigences concernant la qualité et la compétence pour la réalisation des examens de biologie médicale délocalisés (EBMD). Cette norme place les EBMD sous la responsabilité d’un biologiste.

Le traitement par antivitammine K : un traitement sous haute surveillance Les AVK sont indiqués dans la prévention des complications thrombo-emboliques des cardiopathies emboligènes et des infarctus du myocarde compliqués, dans le traitement

des thromboses veineuses profondes (TVP) et des embolies pulmonaires (EP), ainsi que la prévention de leurs récidives. Les principales caractéristiques des AVK commercialisés en France sont résumées dans le tableau 1. Un état des lieux réalisé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) publié en juillet 2012 estime le nombre de sujets traités par AVK en France en 2011 à 1,1 million [2]. Ce nombre est en augmentation depuis de nombreuses années, mais il devrait diminuer à mesure que les indications des anticoagulants oraux directs vont augmenter. La littérature internationale rappelle que l’efficacité et la sécurité d’un traitement par AVK tiennent à la bonne définition de la zone thérapeutique pour chaque pathologie et au maintien du patient de manière stable dans cette zone thérapeutique [1, 3]. La détermination de l’INR, calculé à partir du temps de Quick (TQ), est indispensable pour ajuster la posologie d’AVK car l’efficacité d’une même dose est très variable d’un sujet à l’autre, et varie également en fonction de l’alimentation ou d’évènements intercurrents (prise de médicament, infections. . .). La zone thérapeutique optimale pour chaque pathologie est indiquée dans le tableau 2. Compte tenu d’une grande variabilité individuelle de sensibilité aux AVK, la surveillance doit être très étroite en début de traitement jusqu’à l’obtention de la posologie adaptée à chaque patient. Par la suite, étant donné de nombreuses interactions alimentaires et surtout médicamenteuses, la surveillance de l’INR doit se faire régulièrement en cours de traitement et doit être rapprochée en cas de prise d’autres médicaments. Les principales interactions médicamenteuses sont rappelées dans le rapport de l’ANSM de juillet 2012 [2]. Concernant les interactions alimentaires, aucun régime particulier n’est à suivre par les patients sous AVK, une alimentation diversifiée est recommandée, des contrôles d’INR plus fréquents sont nécessaires en cas de modification du régime alimentaire. À noter également que l’efficacité des AVK n’est pas immédiate. L’association à un traitement anticoagulant d’action immédiate, l’héparine non fractionnée ou les HBPM, est donc nécessaire en début de traitement. L’héparine est arrêtée dès l’obtention de 2 INR consécutifs dans la zone thérapeutique, mesurés à 24 heures d’intervalle.

Tableau 1. Caractéristiques des AVK commercialisés en France. Dénomination commune internationale Warfarine Fluindione Acénocoumarol

60

Nom commercial Coumadine® Previscan® Sintrom®

Forme

Minisintrom®

Comprimés 1 mg

Comprimés 2 et 5 mg sécables Comprimés 20 mg quadrisécables Comprimés 4 mg quadrisécables

Demi-vie plasmatique (heures) 35-40 30 8

´ Ann Biol Clin, vol. 71, special 1, novembre 2013

Biologie délocalisée de l’INR

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Tableau 2. Indications thérapeutiques et valeurs cibles de l’INR pour les traitements antivitamine K disponibles en France, d’après l’ANSM [45]. Indications Prévention des complications thromboemboliques artérielles et veineuses des cardiopathies emboligènes, dans les situations suivantes : - fibrillations auriculaires (FA) selon les conditions suivantes : âge : • < 65 ans avec facteurs de risque, antécédent d’accident cérébral ischémique transitoire ou constitué, HTA, insuffisance cardiaque, diabète, rétrécissement mitral. En l’absence de facteur(s) de risque avant 65 ans, la prescription d’aspirine est recommandée : • de 65 à 75 ans • > 75 ans après évaluation soigneuse du rapport bénéfice/risque - valvulopathies mitrales (particulièrement le rétrécissement mitral) si facteur(s) favorisant(s) : dilatation de l’oreillette gauche et/ou image de contraste spontané décelée en échographie transœsophagienne et/ou thrombus intra-auriculaire gauche à l’échocardiogramme prothèses valvulaires :

Recommandations INR cible (fenêtre)

INR cible 2,5 (2 à 3) ; à long terme ou tant que dure la fibrillation auriculaire

2,5 (2 à 3) ; à long terme

Risque thrombogénique intrinsèque de la prothèse :

Facteurs de risque lié au patient* Aucun >1

* Facteurs de risque liés au patient : position mitrale, tricuspide ou pulmonaire de la prothèse ; antécédents thrombo-emboliques ; grosse OG > 50 mm ; sténose mitrale quel que soit le degré ; FE < 35 % ; certains troubles du rythme auriculaire tels que fibrillation auriculaire, flutter, tachycardie atriale

- Faible : prothèses ayant fait la preuve de leur efficacité avec une anticoagulation modérée - Elevé : prothèses d’ancienne génération, en particulier à bille - Moyen : toutes les autres prothèses, y compris d’introduction récente

2,5

3

3,5

4

3

3,5

• prothèses biologiques Infarctus du myocarde : • prévention des complications thromboemboliques des infarctus du myocarde compliqués : thrombus mural, dysfonction ventriculaire gauche sévère, dyskinésie emboligène • prévention de la récidive d’infarctus du myocarde en cas d’intolérance à l’aspirine. Traitement des thromboses veineuses profondes et de l’embolie pulmonaire, ainsi que la prévention de leurs récidives, en relais de l’héparine * traitement prolongé si persistance du risque thromboembolique (certaines anomalies constitutionnelles ou acquises de la coagulation, thromboses récidivantes, cancer en évolution). Prévention des thromboses veineuses et de l’embolie pulmonaire en chirurgie de hanche Prévention des thromboses sur cathéter (à faible dose)

INR cible 2,5 (2 à 3) ; 3 mois

• prothèses mécaniques

INR cible 2,5 (2 à 3) ; 1-3 mois

INR cible 2,5 (2 à 3) ; à long terme

INR cible 2,5 (2 à 3) ; 3-6 mois*

INR cible 2,5 (2 à 3) ; durée en fonction du risque thromboembolique L’INR ne doit pas être modifié. Pas de contrôle, sauf à J8 pour éliminer une hypersensibilité.

Si le traitement n’est pas surveillé de manière rigoureuse, il y a un risque de complications thrombotiques en cas de traitement insuffisant ou hémorragiques en cas de traitement trop intense. Les complications hémorragiques associées aux traitements par AVK représentent un problème de ´ Ann Biol Clin, vol. 71, special 1, novembre 2013

santé publique [4]. En 1998, une enquête menée par les centres régionaux de pharmacovigilance a montré que 13 % des hospitalisations pour effets iatrogènes concernaient les hémorragies sous AVK, ce qui équivaut à un nombre moyen de 17 000 entrées par an [5]. La mesure régulière de l’INR 61

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Synthèse chez tout patient traité par AVK est un gage d’efficacité et de sécurité. Selon une enquête menée par l’Afssaps en 2003, moins de 50 % des patients traités par antivitamine K avaient un INR dans la zone thérapeutique [6]. Cet état des lieux a conduit à l’élaboration de plusieurs recommandations émanant de l’Afssaps et de la Haute autorité de santé sur le bon usage des AVK et la prise en charge des surdosages aux antivitamines K et des situations à risque hémorragique [7]. Le rapport de l’ANSM de 2012 indique que malgré les recommandations existantes, les AVK tiennent toujours une place importante dans la iatrogénie médicamenteuse (accidents hémorragiques et récidives thrombotiques) [2].

sont commercialisés dans ce but. La détermination du temps témoin localement est essentielle. La calibration directe en INR avec ces plasmas est également possible ce qui permet de s’affranchir du calcul du temps moyen normal [9]. Il est à noter que la détermination de l’INR par méthode classique, bien que techniquement simple, reste difficile à standardiser dans les laboratoires d’analyses médicales. En témoigne le dernier contrôle national de qualité organisé par l’ANSM portant sur la détermination de l’INR qui a révélé des écarts inter-laboratoires importants (CV voisins de 15 %) ((référence : 13HEM1, http://ansm.sante.fr).

Mesure et surveillance de l’INR

Les dispositifs de mesure de l’INR sur sang capillaire sont disponibles depuis la fin des années 1980. Leur utilisation est simple. Aucune étape de pipetage n’est nécessaire, les réactifs étant contenus dans une cartouche ou sur une bandelette-test. Ils mesurent la coagulation du sang à partir d’une goutte de sang prélevée au bout du doigt. Ils peuvent donner le résultat en secondes (TQ), en pourcentage (TQ%) ou en INR. Seul l’INR doit être utilisé dans le cadre de la surveillance d’un traitement par AVK. Les dispositifs de dernière génération distribués en France sont le Coaguchek (modèle XS pour l’automesure et modèles XS Plus, progressivement remplacés par la nouvelle génération les XS PRO pour l’usage partagé en biologie délocalisée) fabriqués et distribués par la société Roche, et l’INRatio remplacé par l’INRatio2 fabriqué par la société Hemosense et distribué en France par la société Alere. Il existe également des dispositifs à tests multiples principalement destinés à être utilisés dans les services d’urgence comme l’appareil i-STAT distribué par la société Abbott. Les bandelettes tests de tous les dispositifs proposés contiennent de la thromboplastine sous forme lyophilisée qui active la coagulation et conduit à la formation de thrombine. Le lecteur mesure le temps nécessaire à la formation de la thrombine, qui est converti en INR à l’aide d’un algorithme. Les dispositifs se distinguent les uns des autres par la méthode de détection de la génération de thrombine. Par exemple, pour la gamme CoaguchekXS, la bandelette contient en plus de la thromboplastine, un substrat de la thrombine, l’Electrocym TH. La thrombine clive le substrat en un peptide résiduel et en phénylènediamine, composé électrochimiquement actif qui génère un signal électrique proportionnel au temps de coagulation. Pour l’INRatio2, le système mesure l’impédance du mélange échantillon/réactif qui varie au cours du temps par la transformation du fibrinogène en fibrine sous l’action de la thrombine générée. La mesure se fait à partir d’une goutte de sang capillaire obtenue par piqûre de la pulpe d’un doigt après lavage des mains à l’eau et au savon. Le prélèvement

Le test biologique utilisé est le TQ exprimé en INR : il s’agit d’un mode d’expression du TQ qui tient compte de la sensibilité du réactif utilisé (la thromboplastine) à la diminution des facteurs vitamine K dépendants. Le TQ est en effet sensible à la diminution de 3 des 4 facteurs vitamine K dépendants : les facteurs II, VII et X. L’INR est égal à [TQ malade/TQ moyen normal]ISI . L’ISI correspond à l’index de sensibilité international, déterminé par rapport à une thromboplastine de référence préparée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est variable d’un réactif à l’autre et d’un lot de réactif à l’autre. Selon les critères de l’OMS, la détermination de l’ISI qui doit prendre en compte la thromboplastine et l’instrument de mesure se fait par rapport à une préparation internationale de référence en utilisant une soixantaine de plasmas frais de malades bien équilibrés sous traitement anticoagulant et une vingtaine de plasmas de sujets normaux. Selon l’OMS, le TQ moyen normal correspond à la valeur de la moyenne géométrique calculée à partir d’une série de TQ d’au moins 20 sujets normaux, connus pour être exempts de toute maladie et ne prenant aucun médicament connu pour interférer avec l’hémostase [8]. Surveillance classique au laboratoire à partir d’un prélèvement veineux En France, la mesure de l’INR est le plus souvent réalisée dans un laboratoire d’analyses médicales, sur plasma citraté obtenu après centrifugation d’un tube de sang recueilli par ponction veineuse au pli du coude. La mesure est réalisée sur un automate de coagulation à détection optique ou mécanique. Idéalement, chaque laboratoire devrait vérifier l’ISI dans ses conditions de travail. Ceci est indispensable quand on utilise un couple automate/réactif de fournisseurs différents, l’ISI étant déterminé par le fabricant pour un automate donné. Des plasmas réactifs « INR calibrator » 62

Surveillance avec un dispositif de mesure de l’INR sur sang capillaire

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pour l’obtention de sang capillaire est très simple, mais il doit être réalisé avec des systèmes dédiés et les fabricants doivent fournir des dispositifs de prélèvement capillaire à usage unique permettant une piqûre bien standardisée, afin d’obtenir une goutte de sang d’environ 8 à 10 ␮L et d’éviter la contamination du sang par des extraits tissulaires qui pourraient affecter les résultats du TQ. En cas d’utilisation de ces dispositifs au moment du relais héparine-AVK, il est important de vérifier que les réactifs des bandelettes contiennent un neutralisant de l’héparine, ce qui est le cas pour le Coaguchek XS et l’INRatio2. Performances analytiques La performance analytique de ces dispositifs de mesure de l’INR à partir d’un prélèvement capillaire a fait l’objet de nombreuses études [1]. Plusieurs, dont les études multicentriques menées par l’European concerted action on anticoagulation (ECAA) ont montré que les critères de l’OMS pour déterminer l’ISI et le TQ moyen normal sont applicables pour la calibration des dispositifs de mesure de l’INR capillaire [10]. L’ISI d’un dispositif d’ancienne génération, le TAS (cardiovascular diagnostics) déterminé selon les critères de l’OMS est proche de celui annoncé par le fabriquant [11]. Ces dispositifs sont fournis avec des valeurs de TQ moyens normaux, prédéterminées pour les cartouches tests. L’étude de Tripodi, réalisée en 1997 sur le TAS indiquait que la valeur prédéterminée pour un lot donné de cartouches tests pouvait être significativement différente des valeurs mesurées et concluait que cette valeur devait pouvoir être vérifiée et changée le cas échéant. À notre connaissance, ceci n’est pas proposé avec les dispositifs actuels [11]. La reproductibilité, bien que difficile à déterminer avec un échantillon de sang total, peut être approchée en testant 2 échantillons de sang natif à partir de 2 prélèvements capillaires différents pour chaque patient dans la même série. Dans l’étude de Kaatz, le CV obtenu dans ces conditions est égal à 3,14 % pour le Coaguchek, ce qui est cliniquement acceptable [12]. La reproductibilité est le plus souvent appréciée grâce aux contrôles de qualité liquides. Dans notre expérience avec le Coaguchek XS Pro, le CV est compris entre 3,4 % et 6 % avec le contrôle liquide CoaguChek PT controls (Roche) (résultats non publiés). L’exactitude de la mesure est essentiellement fonction de la calibration. Elle a été évaluée pour le Coaguchek S® en comparant, pour 56 patients traités par la coumadine, les INR obtenus avec le Coaguchek S® sur sang natif et les INR mesurés par méthode classique sur plasma citraté avec 2 préparations de références internationales pour la thromboplastine (la rTF/95 recombinante humaine et la RBT/90 de cerveau de lapin). Les INR mesurés avec le Coaguchek S® et la méthode classique sont statistiquement différents ´ Ann Biol Clin, vol. 71, special 1, novembre 2013

(p < 0,001), mais ces différences n’ont pas de conséquences cliniques car les résultats obtenus par l’une ou l’autre mesure ne conduisent pas à des ajustements thérapeutiques différents. Ces différences sont inférieures à 0,4 unité [13]. La variabilité entre plusieurs lots de bandelettes tests pour le Coaguchek XS a été étudiée et est cliniquement acceptable [14]. De nombreuses études ont montré une bonne corrélation entre les mesures de l’INR à partir de prélèvements capillaires et les méthodes dites « standard » de laboratoire. La majorité des études publiées concernent le CoaguChek qu’il soit utilisé en automesure pour le XS ou en usage partagé pour le XS Plus, ou le XS PRO. Ces études indiquent le plus souvent une bonne concordance avec les mesures du laboratoire [15, 16]. En particulier, l’étude de Plesh, réalisée selon les exigences internationales (ISO 17593 : 2007 standard) [17] a montré que le CV pour l’imprécision de l’INR s’étend de 2 à 3,2 % pour les échantillons de sang veineux et de 2,9 à 4 % pour les échantillons de sang capillaire analysés sur le CoaguChek XS [18]. Des discordances entre les INR veineux et INR capillaires, plus importantes pour des INR élevés ont été décrites [1]. Une étude récente menée chez des patients en surdosage, conclut que le Coaguchek XS Plus donne des résultats comparables au laboratoire pour des INR compris entre 4,5 et 8 [19]. Les comparaisons concernant l’INRatio aux méthodes de laboratoires indiquent également des performances satisfaisantes [20, 21], de même que pour l’i-Stat [22]. Des contrôles de qualité non réactifs et réactifs sont proposés par les fabricants. La mise sous tension de l’appareil déclenche une vérification des composantes et des fonctions électroniques. Pour les nouvelles générations d’appareils (Coaguchek XS® et INRatio2® ), des contrôles de qualité sont intégrés à chaque bandelette test, ce qui permet principalement de vérifier que la bandelette n’a pas été altérée durant sa conservation. Les bandelettes se conservent à température ambiante mais doivent être protégées de la lumière et de l’humidité. La société Roche propose également un contrôle de qualité liquide avec une valeur connue d’INR pour les appareils destinés à l’usage partagé (Coaguchek XS Plus et XS Pro). Il n’existe cependant aucune recommandation sur la fréquence de passage de ce contrôle [16]. Une étude européenne récente souligne l’importance de mettre en place un contrôle externe de la qualité, y compris pour les dispositifs utilisés par les patients. Il s’agit d’une étude menée par l’ECAA et l’European concerted action on thrombosis (ECAT), qui a testé 523 dispositifs appartenant à des patients à qui il était demandé d’apporter leur analyseur dans une des 9 cliniques des Pays-Bas participant à l’étude. Cette étude a été réalisée avec le CoaguChek XS. Cinq plasmas artificiellement déplétés pour obtenir une valeur d’INR s’échelonnant de 2 à 4,5, déterminés dans 63

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Synthèse plusieurs centres certifiés de l’ECAA avec 2 thromboplastines de référence, étaient passés sur chaque dispositif. Une déviation de 15 % ou plus par rapport à l’INR titré avec 1 des 5 plasmas était définie par l’ECAA comme la limite de performance acceptable ; 20,3 % des dispositifs montraient une déviation significative [23]. Deux programmes européens d’évaluation externe de la qualité, utilisant des plasmas lyophilisés sont référencés dans la littérature, le programme de l’ECAT [23] et le programme de la UK NEQAS [24]. Certaines limites d’utilisation existent comme par exemple chez des patients avec anticorps antiphospholipides interférant dans la mesure du temps de Quick [25]. Ce type d’interférence peut également exister au laboratoire et doit être dépisté avant le début du traitement. De même, certaines pathologies comme les malformations cardiaques univentriculaires entraînent une diminution de la saturation en oxygène associée à une augmentation du taux d’hémoglobine. Dans ce cas, la mesure sera impossible à cause d’une viscosité sanguine importante (observation non publiée). À noter que dans ce cas des précautions doivent être prises pour réaliser la mesure au laboratoire. Il convient de prélever sur un tube dont le volume d’anticoagulant est adapté à l’hématocrite lorsque l’hématocrite est supérieur à 50 % [26]. Nous avons également observé des difficultés techniques en cas d’hyperhidrose des mains, empêchant la formation d’une belle goutte de sang. Dans ce cas la piqûre doit être réalisée immédiatement après un séchage soigneux des mains.

Domaine d’application – justification du besoin clinique

Caractéristiques indispensables pour une utilisation en biologie délocalisée Pour l’application de la norme EN 22870, ces dispositifs doivent pouvoir être connectés aux systèmes informatiques de l’hôpital, notamment au système de gestion des identités pour assurer la trac¸abilité, et au système informatique du laboratoire (SIL) pour permettre le pilotage à distance, notamment la vérification des contrôles et des maintenances et pour permettre la validation biologique a posteriori des résultats. Les stylos auto-piqueurs fournis avec les dispositifs destinés à l’automesure ne doivent pas être utilisés en usage partagé. Il convient d’utiliser des lancettes à usage unique réalisant une piqûre de profondeur standardisée permettant l’obtention d’une goutte de sang d’environ 10 ␮L. À noter que les autopiqueurs utilisés pour les lecteurs de glycémie ne conviennent pas, compte tenu du volume de sang plus faible nécessaire pour le dosage de la glycémie sur sang capillaire. Selon une recommandation de l’Afssaps, datant de 2003, seuls les dispositifs permettant de déposer l’échantillon sanguin sur une bandelette ou une partie de bandelette située à l’extérieur de l’analyseur peuvent être utilisés en usage [27].

Chez l’enfant, l’indication des AVK est beaucoup plus rare que chez l’adulte et concerne le plus fréquemment la pathologie cardiaque [33]. Il s’agit essentiellement de la prévention des accidents thromboemboliques des prothèses valvulaires cardiaques mécaniques. Chez l’enfant, ces prothèses sont essentiellement implantées dans les malformations congénitales des valves auriculo-ventriculaires ou aortiques. Les indications d’implantation de valves mécaniques augmentent régulièrement ces dernières années car on opère des enfants de plus en plus jeunes grâce à la mise à disposition de prothèses valvulaires de petit calibre. Les prothèses biologiques, très utilisées en pathologie valvulaire dégénérative du sujet âgé, et ne nécessitant pas de traitement anticoagulant, ne peuvent pas être implantées chez l’enfant, car elles dégénèrent rapidement. L’autre indication majeure du traitement par AVK chez l’enfant est la prévention des accidents thromboemboliques dans les montages cavopulmonaires, méthode palliative utilisée dans les malformations cardiaques univentriculaires. Dans ces 2 indications, le traitement par AVK doit être maintenu à vie, et doit parfois débuter les premiers mois de la vie. Les autres indications pédiatriques comme les anévrysmes géants compliquant la maladie de Kawazaki, l’hypertension artérielle pulmonaire primitive, et la prévention des thromboses

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Urgence – surdosage en AVK La mesure de l’INR capillaire est utile dans un contexte d’urgence chez un patient sous AVK qui saigne ou qui doit subir un geste à risque hémorragique en urgence [28, 29]. Cette mesure est d’ailleurs recommandée par l’HAS en France pour la prise en charge des surdosages aux AVK, en particulier lorsqu’il n’est pas possible de disposer du résultat du laboratoire central dans les 30 minutes [7]. La prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques représente une autre indication à la mesure de l’INR en urgence. Selon les recommandations de l’HAS de mai 2009, le traitement le plus efficace des AVC ischémiques est la thrombolyse intraveineuse par administration d’activateur tissulaire du plasminogène (rt-PA) [30]. Ce traitement doit être mis en place dans les 3 heures suivant les premiers signes d’ischémie cérébrale pour avoir une efficacité optimale [31]. Parmi les critères d’exclusion à la thrombolyse intraveineuse, un INR supérieur à 1,7 figure en première ligne. Dans ce contexte où chaque minute compte, la mesure de l’INR sur un analyseur de biologie délocalisé permet d’apporter une réponse rapide et indispensable pour la décision thérapeutique [32]. Service de pédiatrie

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Biologie délocalisée de l’INR

intracavitaires dans les cardiomyopathies dilatées ou restrictives sont plus rares. Les indications non cardiologiques pour la prévention ou le traitement de la thrombose veineuse profonde existent mais sont également plus rares. Chez l’enfant le risque hémorragique associé au traitement AVK est estimé entre 0,5 et 12,2 % [34]. Les complications thrombotiques sont plus rares mais leurs conséquences sont dramatiques. Ces accidents conduisent à des séquelles neurologiques souvent graves ou à des réinterventions pour thrombose de valves grevées d’une lourde mortalité. Le temps nécessaire pour obtenir une bonne stabilisation de l’INR dans la zone thérapeutique est souvent plus long chez l’enfant que chez l’adulte, d’où un nombre de contrôles nécessaires pour atteindre cet équilibre beaucoup plus important. À cela s’ajoutent des problématiques de prélèvements liés à un capital veineux souvent pauvre du fait de séjours hospitaliers multiples. Pour toutes ces raisons, la mesure de l’INR sur sang capillaire dans les services de cardiologie pédiatrique présente un grand intérêt. Gériatrie L’augmentation de l’incidence de la maladie thromboembolique et la forte prévalence de la fibrillation atriale chez les personnes âgées justifient la prescription des traitements antivitamine K. Malgré leur efficacité démontrée, ils restent sous-prescrits dans cette population du fait du risque hémorragique et des multiples interférences (alimentaire, polymédicamentation. . .) [35]. Une étude réalisée chez des résidents en centre gériatrique a montré que seulement 50 % des résidents relevant d’une indication aux AVK sont effectivement traités [36]. Dans les institutions gériatriques hospitalières éloignées des laboratoires centraux, le suivi des AVK par mesure de l’INR sur sang capillaire peut permettre une amélioration de la prise en charge des résidents. Une équipe parisienne a récemment évalué la mesure de l’INR sur sang capillaire chez les résidents d’un hôpital gériatrique [37]. Les résultats montrent une bonne corrélation entre les INR mesurés sur sang capillaire et les INR réalisés au laboratoire pour cette population âgée et polypathologique. Les cliniques d’anticoagulants Les cliniques d’anticoagulants (CAC) interviennent dans la gestion des traitements anticoagulants avec adaptation de la posologie et dans l’éducation thérapeutique des patients. L’organisation des CAC n’est pas la même dans tous les pays européens [38]. En France, le plus souvent le patient est prélevé par son laboratoire de proximité qui réalise l’INR et la CAC s’interpose entre le laboratoire de proximité et le médecin traitant pour adapter la posologie et fixer la date du prochain contrôle. Toutefois, l’utilisation d’un dispositif de biologie délocalisée peut présenter un intérêt dans ce ´ Ann Biol Clin, vol. 71, special 1, novembre 2013

type de structure, en particulier pour les patients présentant un mauvais abord veineux. Au Pays-Bas par exemple, les prélèvements sont réalisés dans la CAC et le recours au dispositif de mesure de l’INR capillaire est fréquent. Une CAC américaine a récemment publié une étude comparant 2 dispositifs de mesure de l’INR capillaire en biologie délocalisée, le Coaguchek XS Plus et l’i-STAT à une méthode classique de laboratoire. Elle souligne l’importance de vérifier l’exactitude et la précision de ces dispositifs [39].

Biologie délocalisée de l’INR et réglementation Pour pouvoir être utilisés en délocalisé par les services cliniques, ces appareils doivent répondre aux exigences réglementaires et permettre l’application de la norme EN ISO 22870 qui définit les exigences concernant la qualité et la compétence pour la réalisation d’examens de biologie médicale délocalisée (EBMD). Cette norme place les EBMD sous la responsabilité d’un biologiste qui aura participé à leur évaluation, et qui doit s’assurer de la bonne formation du personnel utilisateur et de la qualité des résultats rendus. Une règle importante est que la fiabilité des résultats des examens obtenus par des analyseurs de biologie délocalisée doit être équivalente à celle des examens effectués dans un laboratoire de biologie médicale. Pour se faire, la connectivité des appareils doit permettre leur pilotage à distance par le laboratoire. La Société franc¸aise de biologie clinique (SFBC) a récemment publié des recommandations pour l’accréditation des laboratoires pour les EBMD [40]. Ces recommandations concernent toutes les étapes du processus d’implantation d’un dispositif permettant de réaliser des examens de biologie médicale en dehors du laboratoire de biologie médicale. Nous décrivons cidessous les particularités de la mesure délocalisée de l’INR. Les processus impliqués dans la maîtrise de la mesure délocalisée de l’INR sont résumés sur la figure 1. Maîtrise de la phase pré-analytique La phase pré-analytique est une étape critique et difficile à maîtriser pour la biologie délocalisée. En effet, la norme EN ISO 22870 exige une trac¸abilité sans faille des analyses réalisées en dehors du laboratoire central [41]. La possibilité de connecter les appareils de mesure de l’INR sur sang capillaire permet de répondre à ces critères. Les sociétés proposant des analyseurs de mesure de l’INR délocalisés disposent de logiciels informatiques permettant de connecter leur dispositif au SIL : le logiciel IT1000 associé à l’analyseur CoaguChek XS Pro (Roche), l’interface AegisPOC associée à l’INRatio (Alere) et l’interface QML (Telcor) associée à l’i-STAT (Abbott). Ces outils permettent 65

Synthèse

- Justification du besoin médical - Application d’un accord clinico-biologique préalable de juste prescription 1. Prescription médicale

- Prélèvement : goutte de sang au doigt du patient, absence d'identification spécifique de l'échantillon - Aucun traitement particulier avant l'analyse

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2. Phase préanalytique

- Enregistrement des non-conformités pré-analytiques

- Identification de l’opérateurau niveau de l’analyseur – vérification de l’état d’habilitation - Identification du patient : déclinaison orale de l’identité, bracelet, accès au dossier - Sélection du patient dans la liste des patients hospitalisés dans l’unité incrémentée dans l’analyseur 3. Phase analytique. Personnel unité de soins

- Réalisation de l’analyse par l’opérateur habilité - Transmission du résultat au médecin, décision thérapeutique - Elimination des bandelettes et dispositif de piqure selon les procédures hygiène et sécurité de l’établissement - Nettoyage de l’analyseur - Passage des contrôles de qualité

- Gestion des CQI et des EEQ - Suivi de la reproductibilité et des comparaisons de méthodes 4. Phase analytique personnel LABM

- Vérification du bon entretien de l’analyseur

- Intégration du résultat dans le dossier patient - Validation biologique et interprétation dans le contexte clinique a posteriori (remontée du résultat sur le SIL) - Edition d’un compte rendu d’examen intégré dans le dossier médical patient 5. Phase postanalytique

- Suivi et analyse des non-conformités liées à l’utilisation de l’analyseur

Figure 1. Description des processus impliqués dans la maitrise de la mesure délocalisée de l’INR. D’après Vaubourdolle et al. [40].

de tracer la date et l’heure de réalisation de la mesure, l’identité du patient prélevé, le numéro de lot de bandelette utilisé et l’identité de la personne ayant réalisé l’analyse. Via ces logiciels, les résultats d’INR sont ensuite transmis sur le SIL et sont validés a posteriori par le biologiste. Ainsi, ces examens réalisés en dehors du laboratoire sont tracés et sauvegardés comme toute autre analyse de biologie médicale. Dans le cas où l’analyseur de mesure de l’INR n’est pas connecté, le biologiste responsable doit mettre en place une trac¸abilité efficace pour recueillir et conserver toutes ces données. 66

Une autre exigence de la norme EN 22870 concerne l’habilitation du personnel soignant réalisant la mesure dans les services de soin. Le biologiste responsable délègue la réalisation de la mesure de l’INR au personnel soignant et doit s’assurer de sa formation-habilitation. Classiquement, la formation initiale est réalisée par le personnel du laboratoire et comprend une présentation de l’appareil, une démonstration de mesure, une explication des différents messages d’erreur et leur interprétation, mais aussi un rappel théorique sur les AVK et l’INR, le personnel soignant ayant suivi la formation est habilité par le biologiste ´ Ann Biol Clin, vol. 71, special 1, novembre 2013

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Biologie délocalisée de l’INR

responsable au cours d’un entretien individuel. Pour le CoaguChek XS Pro, il rec¸oit alors un « login opérateur » personnel qui permet de déverrouiller l’analyseur avant son utilisation. Après cette habilitation initiale, le biologiste doit s’assurer régulièrement du maintien ou renouvellement de l’habilitation du personnel soignant. Le développement de programmes de « e-learning » répond parfaitement à cette problématique. Disponibles sur le réseau intranet de l’hôpital, le programme Cobas-Academy (Roche) ou l’interface AegisPOC (ALERE) proposent des quizz ou des exercices plus ludiques personnalisables pour s’assurer du maintien des connaissances du personnel soignant. Un nombre minimal de mesures réalisées sur une période donnée par un opérateur peut également être un critère de maintien de l’habilitation. Si le personnel soignant échoue au questionnaire, son login opérateur est bloqué sur le CoaguChek et il ne peut plus utiliser l’analyseur. Une nouvelle formation réalisée sur site par le personnel du laboratoire peut alors être envisagée. Maîtrise de la phase analytique Avant la mise en place d’un analyseur de mesure délocalisée de l’INR, une vérification/validation des méthodes doit être réalisée. En pratique, la répétabilité est très difficile à approcher. La mesure en parallèle de l’INR sur sang capillaire et de l’INR sur sang veineux par la méthode du laboratoire sur une dizaine de patients permettra de s’assurer de l’équivalence des 2 méthodes. Les résultats seront comparés avec une méthode adaptée [42]. Pour garantir la qualité des résultats obtenus avec les analyseurs de biologie délocalisée, la norme EN ISO 22870 impose le passage régulier de contrôles de qualité interne (CIQ), qui permettront d’évaluer la reproductibilité du dispositif, et la participation à un programme d’Évaluation externe de la qualité (EEQ). Le CIQ liquide proposé par la société Roche est adapté à une utilisation par le personnel soignant. Ce contrôle lyophilisé est fourni avec une pipette de tampon pré-remplie. Il suffit de couper l’embout de la pipette, de verser tout le contenu dans le flacon et d’attendre la solubilisation. Le contrôle doit être utilisé dans les 30 minutes suivant sa reconstitution. La mesure s’effectue ensuite comme pour un patient. Les résultats sont transmis sur le logiciel IT1000 et le biologiste responsable peut suivre à distance leur conformité sur des graphes de Levey-Jennings. La fréquence de passage des CIQ doit être déterminée par le biologiste responsable, selon la fréquence d’utilisation de l’analyseur. Le CIQ doit au minimum être passé à chaque changement de lot de bandelettes-test. Pour les analyseurs non connectés, les modalités de gestion des CIQ devront être déterminées par le biologiste. Le programme EEQ de l’ECAT est adapté aux analyseurs de la gamme CoaguChek XS (informations disponibles ´ Ann Biol Clin, vol. 71, special 1, novembre 2013

sur le site www.ecat.nl/information/poct/). Chaque coffret comprend 4 flacons de plasma lyophilisé dont les valeurs d’INR sont comprises entre 2 et 4,5. Le coffret contient également la solution de tampon nécessaire à la reconstitution des contrôles. La reconstitution est très simple, adaptée aux soignants ou aux patients car cet EEQ est également destiné aux patients pratiquant l’automesure de l’INR. Après reconstitution, les solutions sont stables 6 heures à température ambiante et il est possible de réaliser les mesures sur 4 analyseurs différents avec le même coffret. Les résultats sont saisis sur le site de l’ECAT et analysés. Ce système d’EEQ permet de qualifier chaque analyseur individuellement. L’organisme préconise un passage minimum par an ou à chaque changement de lot de bandelettes-test. Il n’y a pas d’analyse classique avec calcul de biais ou de z-score, l’analyse des résultats conclut à la conformité ou non de l’appareil testé. Le programme de la UK NEQAS comprend 3 ou 4 exercices par an avec 2 échantillons par exercice. Le passage des CIQ et des EEQ peut être réalisé par le personnel du laboratoire ou le personnel soignant sous la responsabilité du biologiste. Les dispositifs de mesure de l’INR ne nécessitent aucune maintenance, si ce n’est un nettoyage régulier de l’appareil, qui doit être géré par les utilisateurs. Maîtrise des non-conformités Les recommandations de la SFBC pour la gestion des nonconformités doivent être appliquées [43]. Il existe peu de non-conformités spécifiques à la mesure de l’INR capillaire. Il faut bien insister auprès des utilisateurs sur la nécessité de respecter un délai inférieur à 15 secondes entre la piqûre au bout du doigt et le dépôt du sang sur la bandelette. Suivant les organisations locales, les commandes de consommables et de contrôles de qualité peuvent être gérées soit par le laboratoire soit par le service clinique. Quel que soit le mode de gestion, une attention particulière devra être portée à l’identification des nouveaux lots de bandelettes afin de s’assurer que chaque nouveau lot a bien été contrôlé par le passage d’un CIQ avant son utilisation. Maîtrise de la phase post-analytique La validation biologique des examens de biologie médicale délocalisés est différente des examens réalisés dans un laboratoire de biologie médicale. En effet, par définition, le clinicien dispose des résultats avant toute interprétation biologique. La législation prévoit donc une dérogation et autorise la validation biologique différée dans le cadre de la biologie médicale délocalisée [44]. La possibilité de connecter les analyseurs de mesure de l’INR au système informatique du laboratoire permet de 67

Synthèse faciliter la validation biologique et d’intégrer les INR réalisés en délocalisé au dossier biologique du patient. Un compte rendu de résultat spécifique à l’INR mesuré sur sang capillaire doit également être édité, avec interprétation médicale du résultat et transmis dans le service clinique. Si le nom de la personne ayant réalisé l’analyse n’apparaît pas sur le compte rendu de résultat, cette information doit être tracée à un autre endroit (logiciel informatique ou trac¸abilité manuelle si l’analyseur n’est pas connecté).

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Conclusion L’implication des biologistes dans la biologie délocalisée de l’hémostase est récente. Pour un examen comme l’INR, qui est réalisable au laboratoire pour un coût moindre, la justification de recourir à la biologie délocalisée doit être clairement argumentée. Mais comme nous l’avons vu, elle ne repose pas seulement sur la notion de besoin de résultats en urgence. De plus, bien qu’il s’agisse d’un même examen, l’INR réalisé avec les analyseurs de biologie délocalisée relève de processus préanalytique et analytique différents de l’INR réalisé sur les automates du laboratoire, ce qui implique des différences dans la réalisation des vérification/validation de méthode, et le besoin d’une codification spécifique de l’acte à la nomenclature. Pour ces raisons, des recommandations sont en préparation par la sous-commission « circulation extracorporelle et biologie délocalisée » du GEHT (Groupe d’étude sur l’hémostase et la thrombose) pour compléter les recommandations de la SFBC concernant les spécificités de l’hémostase. Liens d’intérêts :

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69

[Near-patient testing devices to monitor vitamin K antagonists].

Monitoring of the anticoagulant effect with the International normalized ratio (INR) is essential for patients receiving vitamin K antagonists (VKAs)...
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