Modele + JFO-1102; No. of Pages 2
ARTICLE IN PRESS
Journal français d’ophtalmologie (2015) xxx, xxx.e1—xxx.e2
Disponible en ligne sur
ScienceDirect www.sciencedirect.com
LETTRE À L’ÉDITEUR
Mucous Fishing Syndrome : à propos d’un cas et revue de la littérature Mucus Fishing Syndrome: Case report and literature review Introduction Une patiente de 39 ans consulte pour une sensation d’irritation de son œil gauche évoluant depuis 3 ans. L’œil droit est asymptomatique. Elle a une sensation de corps étrangers et de brûlures associées à d’abondantes sécrétions, mais sans prurit ni rougeur oculaire ni larmoiement. La symptomatologie est permanente sans modification en fonction de la période de l’année ou de l’environnement, notamment en voyage. Les agents mouillants ou les stabilisateurs de la membrane mastocytaire sont inefficaces. Elle a pour antécédent un accident vasculaire cérébral avec un syndrome de Claude-Bernard-Horner gauche séquellaire. Le bilan étiologique et auto-immun était négatif en dehors d’une rhinite allergique saisonnière (février et mars) sans autre signe d’atopie. À l’examen clinique, l’acuité visuelle est de 10/10 P2 aux deux yeux. Les paupières n’ont pas d’anomalie sur le plan dermatologique. À la lampe à fente, les yeux sont blancs, on ne constate pas de blépharite, la cornée est claire sans prise de fluorescéine, le temps de rupture lacrymal (BUT) est diminué à 4 secondes. La conjonctive bulbaire et tarsale de l’œil droit est normale, il n’y pas de sécrétions. Au niveau du cul-de-sac inférieur de l’œil gauche on met en évidence un long filament muqueux au niveau du fornix, un œdème de la conjonctive tarsale et une prise de fluorescéine ponctuée (Fig. 1—3). Il n’est pas mis en évidence de conjonctivochalasis. En reprenant l’interrogatoire, la patiente relate qu’elle retire fréquemment dans la journée les sécrétions à la main, ces dernières se présentant sous la forme de longs filaments. Le diagnostic de Mucus Fishing Syndrome (MFS) est retenu avec un syndrome sec favorisant. Le traitement consiste en l’arrêt de tout contact avec la conjonctive ou d’ablation des sécrétions (« pêche des sécrétions », « mucous fishing » en anglais), l’instillation de mouillant à répétition et un traitement par antiinflammatoire de courte durée.
Figure 1. blanche.
Photographie du cul-de-sac conjonctival en lumière
Discussion Le diagnostic de Mucus Fishing Syndrome est une pathologie rare, décrite pour la première fois en 1985 par Mc Culley et al. [1]. Le MFS est fortement suspecté à l’interrogatoire devant la présence d’abondantes sécrétions muqueuses, souvent sous la forme de longs filaments, que le patient
Figure 2. Photographie du cul-de-sac conjonctival en lumière bleu cobalt après instillation de fluorescéine. Présence d’une sécrétion au niveau du cul-de-sac conjonctival inférieure.
Pour citer cet article : Guindolet D, et al. Mucous Fishing Syndrome : à propos d’un cas et revue de la littérature. J Fr Ophtalmol (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.04.032
Modele + JFO-1102; No. of Pages 2
ARTICLE IN PRESS
xxx.e2
Lettre à l’éditeur
Figure 3. Photographie zoomée du cul-de-sac conjonctival. Multiples lésions conjonctivales ponctiformes prenant la fluorescéine.
va retirer : le « fishing » (à la main ou à l’aide d’un coton). Cette « pêche » des filaments dans le cul de sac conjonctival est irrépressible et s’accompagne d’une sensation de soulagement des symptômes. Cependant, le traumatisme mécanique va générer une réaction inflammatoire au niveau de la conjonctive bulbaire et tarsale de la paupière inférieure à l’origine de sécrétions initiant un cercle vicieux. De plus, une modification de la flore commensale conjonctivale peut aggraver l’état inflammatoire de la surface oculaire. Dans la série de Mc Culley et al. [1] portant sur 25 patients, les facteurs déclenchant retrouvés était le syndrome sec, la conjonctivite allergique et les blépharites (Fig. 4).
La prise en charge du MFS repose sur trois piliers : l’arrêt du facteur irritatif mécanique, le traitement de l’inflammation locale et le traitement du facteur favorisant initial. Il est impératif de supprimer le facteur irritatif mécanique (le « fishing ») en interdidant tout contact avec la conjonctive. Il faut y associer une corticothérapie locale de courte durée pour casser le cercle vicieux. La prise en charge du facteur favorisant initial est également essentielle, il faut traiter tout facteur irritatif tel que le syndrome sec, la conjonctivite allergique ou une blépharite. Un traitement par mucolytique de type N-acétyl-cystéine a été proposée en association [2]. Dans ce cas, compte tenu du CBH gauche, l’autre diagnostic à évoquer était celui de kératoconjonctivite supérieure de Théodore, en raison de l’asymétrie des interactions tarso-bulbaires entre les 2 yeux. Le diagnostic de keratoconjonctivite perannuelle est ici peu probable, malgré le terrain atopique de la patiente. La présentation clinique est peu évocatrice, la patiente n’a pas de prurit ni de signes d’hyperhémie conjonctivale, et l’atteinte est purement unilatérale. Par ailleurs la patiente avait eu un bilan allergologique complet négatif. Conclusion Le Mucous Fishing Syndrome est un cercle vicieux lié à une inflammation chronique de la conjonctive inférieure responsable de la production abondante de secrétions muqueuses et entretenu par le traumatisme local lors de leur ablation. Le traitement consiste en l’interdiction de tout contact avec la conjonctive, un traitement anti-inflammatoire de courte durée et le traitement de la pathologie de surface causale (syndrome sec, allergie principalement). Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article. Références [1] McCulley JP, Moore MB, Matoba AY. Mucus fishing syndrome. Ophthalmology 1985;92:1262—5. [2] Slagle WS, Slagle AM, Brough GH. Mucus fishing syndrome: case report and new treatment option. Optom St Louis Mo 2001;72:634—40.
D. Guindolet ∗ , N. Amaouche , S. Doan , I. Cochereau , É. Gabison Fondation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, 19-25, rue Manin, 75019 Paris, France ∗ Auteur
correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (D. Guindolet)
Figure 4.
Cercle vicieux du Mucous Fishing Syndrome.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.04.032 0181-5512/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Guindolet D, et al. Mucous Fishing Syndrome : à propos d’un cas et revue de la littérature. J Fr Ophtalmol (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.04.032
ARTICLE IN PRESS
Journal français d’ophtalmologie (2015) xxx, xxx.e1—xxx.e2
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LETTRE À L’ÉDITEUR
Mucous Fishing Syndrome : à propos d’un cas et revue de la littérature Mucus Fishing Syndrome: Case report and literature review Introduction Une patiente de 39 ans consulte pour une sensation d’irritation de son œil gauche évoluant depuis 3 ans. L’œil droit est asymptomatique. Elle a une sensation de corps étrangers et de brûlures associées à d’abondantes sécrétions, mais sans prurit ni rougeur oculaire ni larmoiement. La symptomatologie est permanente sans modification en fonction de la période de l’année ou de l’environnement, notamment en voyage. Les agents mouillants ou les stabilisateurs de la membrane mastocytaire sont inefficaces. Elle a pour antécédent un accident vasculaire cérébral avec un syndrome de Claude-Bernard-Horner gauche séquellaire. Le bilan étiologique et auto-immun était négatif en dehors d’une rhinite allergique saisonnière (février et mars) sans autre signe d’atopie. À l’examen clinique, l’acuité visuelle est de 10/10 P2 aux deux yeux. Les paupières n’ont pas d’anomalie sur le plan dermatologique. À la lampe à fente, les yeux sont blancs, on ne constate pas de blépharite, la cornée est claire sans prise de fluorescéine, le temps de rupture lacrymal (BUT) est diminué à 4 secondes. La conjonctive bulbaire et tarsale de l’œil droit est normale, il n’y pas de sécrétions. Au niveau du cul-de-sac inférieur de l’œil gauche on met en évidence un long filament muqueux au niveau du fornix, un œdème de la conjonctive tarsale et une prise de fluorescéine ponctuée (Fig. 1—3). Il n’est pas mis en évidence de conjonctivochalasis. En reprenant l’interrogatoire, la patiente relate qu’elle retire fréquemment dans la journée les sécrétions à la main, ces dernières se présentant sous la forme de longs filaments. Le diagnostic de Mucus Fishing Syndrome (MFS) est retenu avec un syndrome sec favorisant. Le traitement consiste en l’arrêt de tout contact avec la conjonctive ou d’ablation des sécrétions (« pêche des sécrétions », « mucous fishing » en anglais), l’instillation de mouillant à répétition et un traitement par antiinflammatoire de courte durée.
Figure 1. blanche.
Photographie du cul-de-sac conjonctival en lumière
Discussion Le diagnostic de Mucus Fishing Syndrome est une pathologie rare, décrite pour la première fois en 1985 par Mc Culley et al. [1]. Le MFS est fortement suspecté à l’interrogatoire devant la présence d’abondantes sécrétions muqueuses, souvent sous la forme de longs filaments, que le patient
Figure 2. Photographie du cul-de-sac conjonctival en lumière bleu cobalt après instillation de fluorescéine. Présence d’une sécrétion au niveau du cul-de-sac conjonctival inférieure.
Pour citer cet article : Guindolet D, et al. Mucous Fishing Syndrome : à propos d’un cas et revue de la littérature. J Fr Ophtalmol (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.04.032
Modele + JFO-1102; No. of Pages 2
ARTICLE IN PRESS
xxx.e2
Lettre à l’éditeur
Figure 3. Photographie zoomée du cul-de-sac conjonctival. Multiples lésions conjonctivales ponctiformes prenant la fluorescéine.
va retirer : le « fishing » (à la main ou à l’aide d’un coton). Cette « pêche » des filaments dans le cul de sac conjonctival est irrépressible et s’accompagne d’une sensation de soulagement des symptômes. Cependant, le traumatisme mécanique va générer une réaction inflammatoire au niveau de la conjonctive bulbaire et tarsale de la paupière inférieure à l’origine de sécrétions initiant un cercle vicieux. De plus, une modification de la flore commensale conjonctivale peut aggraver l’état inflammatoire de la surface oculaire. Dans la série de Mc Culley et al. [1] portant sur 25 patients, les facteurs déclenchant retrouvés était le syndrome sec, la conjonctivite allergique et les blépharites (Fig. 4).
La prise en charge du MFS repose sur trois piliers : l’arrêt du facteur irritatif mécanique, le traitement de l’inflammation locale et le traitement du facteur favorisant initial. Il est impératif de supprimer le facteur irritatif mécanique (le « fishing ») en interdidant tout contact avec la conjonctive. Il faut y associer une corticothérapie locale de courte durée pour casser le cercle vicieux. La prise en charge du facteur favorisant initial est également essentielle, il faut traiter tout facteur irritatif tel que le syndrome sec, la conjonctivite allergique ou une blépharite. Un traitement par mucolytique de type N-acétyl-cystéine a été proposée en association [2]. Dans ce cas, compte tenu du CBH gauche, l’autre diagnostic à évoquer était celui de kératoconjonctivite supérieure de Théodore, en raison de l’asymétrie des interactions tarso-bulbaires entre les 2 yeux. Le diagnostic de keratoconjonctivite perannuelle est ici peu probable, malgré le terrain atopique de la patiente. La présentation clinique est peu évocatrice, la patiente n’a pas de prurit ni de signes d’hyperhémie conjonctivale, et l’atteinte est purement unilatérale. Par ailleurs la patiente avait eu un bilan allergologique complet négatif. Conclusion Le Mucous Fishing Syndrome est un cercle vicieux lié à une inflammation chronique de la conjonctive inférieure responsable de la production abondante de secrétions muqueuses et entretenu par le traumatisme local lors de leur ablation. Le traitement consiste en l’interdiction de tout contact avec la conjonctive, un traitement anti-inflammatoire de courte durée et le traitement de la pathologie de surface causale (syndrome sec, allergie principalement). Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article. Références [1] McCulley JP, Moore MB, Matoba AY. Mucus fishing syndrome. Ophthalmology 1985;92:1262—5. [2] Slagle WS, Slagle AM, Brough GH. Mucus fishing syndrome: case report and new treatment option. Optom St Louis Mo 2001;72:634—40.
D. Guindolet ∗ , N. Amaouche , S. Doan , I. Cochereau , É. Gabison Fondation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, 19-25, rue Manin, 75019 Paris, France ∗ Auteur
correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (D. Guindolet)
Figure 4.
Cercle vicieux du Mucous Fishing Syndrome.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.04.032 0181-5512/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Guindolet D, et al. Mucous Fishing Syndrome : à propos d’un cas et revue de la littérature. J Fr Ophtalmol (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.04.032
