Pour citer cet article : Frange PBlanche S, VIH et transmission mère–enfant, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.015. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

INFECTIONS ET GROSSESSE

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; //: /// ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

VIH et transmission mère–enfant [TD$FIRSNAME]Pierre[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Frange[TD$SURNAME.]1,2,3, [TD$FIRSNAME]Stéphane[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Blanche[2,3,4 TD$SURNAME.]

1. AP–HP, hôpital Necker–Enfants-malades, laboratoire de microbiologie, 75015 Paris, France 2. AP–HP, hôpital Necker–Enfants-malades, unité d’immunologie, hématologie et rhumatologie pédiatriques, 75015 Paris, France 3. EA 3620, université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 75006 Paris, France 4. Institut IMAGINE, université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 75006 Paris, France

Correspondance : Pierre Frange, AP–HP, hôpital Necker–Enfants-malades, laboratoire de microbiologie, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France. [email protected]

Key points Mother-to-child transmission (MTCT) of HIV Globally, an estimated 3.3 million children were living with HIV in 2012 (around 1500 in France) In developed countries, the risk of mother-to-child transmission (MTCT) of HIV-1 has been reduced to less than 1%, thanks to the large diffusion of antiretroviral drugs given in pregnant women and in HIV-exposed children. The rare cases of HIV-1 MTCT are due to missed opportunities of HIV diagnosis in pregnant women or to late prescription of antiretroviral therapy during pregnancy. Neonatal screening for HIV in exposed newborns is based on repeated HIV RNA and/or DNA PCR, performed at 1–3 days, 1, 3 and 6 months of age. Even if the health of HIV-exposed children is not a concern in the vast majority of cases, future challenges will imply to study the potential long-term toxicity of ART because of the description of several biological, clinical and imaging alerts.

tome // > n8/ > / http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.02.015

Points essentiels En 2012, 3,3 millions d’enfants étaient infectés par le VIH1 dans le monde, dont 1500 environ en France. La transmission mère–enfant du VIH-1 est actuellement inférieure à 1 % dans les pays industrialisés, grâce à l’administration d’une multithérapie antirétrovirale précoce pendant la grossesse et d’une prophylaxie antirétrovirale aux nouveau-nés, ainsi que d’un recours systématique à l’allaitement artificiel. Les rares cas résiduels de transmission mère–enfant du VIH1 survenant en France sont liés à des carences dans le suivi des femmes enceintes (dépistage du VIH non réalisé, suivi médical spécialisé instauré tardivement ou en rupture, survenue d’une primo-infection non diagnostiquée pendant la grossesse ou l’allaitement. . .) et non à un échec du traitement antirétroviral à proprement parler. Le dépistage de l’infection à VIH chez le nourrisson repose sur la surveillance systématique de la PCR ADN et/ou ARN VIH, réalisée à la naissance puis à 1, 3 et 6 mois ; la sérologie ne peut être interprétée à cet âge compte tenu de la persistance d’anticorps maternels transmis jusqu’à 15–18 mois de vie. En 2012, plus de 500 000 femmes ont reçu des antirétroviraux dans le monde, rendant cruciale l’évaluation de la tolérance foetale et néonatale des antirétroviraux. Le profil génotoxique de la zidovudine, et plus généralement celui des analogues

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LPM-2431

Pour citer cet article : Frange PBlanche S, VIH et transmission mère–enfant, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.015.

P Frange, S Blanche

nucléosidiques de la transcriptase inverse, pour l’ADN mitochondrial et/ou nucléaire, est certainement le principal questionnement concernant les effets potentiels à long terme chez l’enfant.

E

n 2012, le nombre d’enfants infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dans le monde était de 3,3 millions, parmi les 35,3 millions de personnes vivant avec le VIH [1]. Au cours de cette même année, 260 000 enfants de moins de 15 ans ont été contaminés par le VIH, la plupart par transmission mère–enfant (TME), et 210 000 sont décédés du Sida. La grande majorité (2,9 millions) des enfants séropositifs pour le VIH vivent en Afrique sub-saharienne. En France, l’infection ne touche qu’un petit nombre d’enfants – estimé à 1500 environ – mais elle nécessite une prise en charge médicale et psychosociale lourde. Deux grands évènements ont bouleversé la prise en charge de l’infection à VIH chez l’enfant : la prévention de la TME du virus par l’utilisation des antirétroviraux (ARV) pendant la grossesse, et l’utilisation large des multithérapies antirétrovirales chez les enfants infectés. Grâce au traitement préventif durant la grossesse, utilisé largement en France depuis 1994, le taux de TME du VIH-1, qui avoisinait les 15 à 20 % avant 1994, a diminué de façon considérable et se situe actuellement à moins de 1 % en France, comme dans les principaux pays du Nord (figure 1) [2]. Ainsi, la plupart des enfants infectés par le VIH-1 et nouvellement diagnostiqués en France sont nés en pays de forte endémie où les taux de TME du virus restent élevés, jusqu’à 20–25 %. Cependant, un certain nombre de nourrissons nés en France sont infectés par le VIH du fait d’un échec de dépistage chez la mère (déni de la séropositivité, primo-infection durant la grossesse, refus de dépistage, grossesse non suivie, etc.). Ceci doit inciter à une vigilance particulière sur la possibilité d’une infection à VIH chez des nourrissons à risque dont les mères ont une sérologie négative en début de grossesse. Signalons enfin que le VIH de type 2 (VIH-2) est caractérisé par une prévalence beaucoup plus faible que le VIH-1 (à titre d’exemple, le VIH-2 était retrouvé chez 2,6 % des femmes enceintes séropositives suivies en France entre 1986 et 2007), une pathogénicité moindre et un risque de TME également

Glossaire

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ARV Antirétroviraux AZT Zidovudine INTI Inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse IP Inhibiteur de la protéase PCR Polymerase Chain Reaction SA Semaine d’aménorrhée TME Transmission mère–enfant VIH Virus de l’immunodéficience humaine

moindre que le VIH-1, même en l’absence de prévention de la TME. Par conséquent, la suite de cette revue sera exclusivement consacrée à la TME par le VIH-1. L’utilisation large des multithérapies antirétrovirales depuis 1996 dans les pays du Nord a également permis de considérablement diminuer la mortalité et la morbidité de l’infection à VIH chez les enfants infectés, permettant ainsi à la plupart d’entre eux de connaître une évolution clinique et biologique stable, et d’atteindre l’âge adulte avec une situation clinique relativement satisfaisante (figure 2) [3]. Cependant, la complexité du traitement chez l’enfant, le taux particulièrement élevé d’échec virologique chez les enfants traités par ARV, l’évolution rapide des connaissances et le faible nombre d’enfants infectés en France imposent un suivi thérapeutique dans un centre spécialisé ou en collaboration étroite avec ce centre.

Rappels historiques Mécanismes de la transmission mère–enfant du VIH1 La TME du VIH-1 peut s’effectuer in utero, per partum et en période post-natale, essentiellement en cas d’allaitement maternel. La transmission per partum est la plus fréquente puisqu’elle survient dans 65 % des cas, contre 35 % des cas de transmission virale in utero [4]. Les mécanismes de cette transmission ne sont pas connus précisément. Le passage du nouveau-né dans la filière génitale et le contact de ses muqueuses avec les particules virales libres ou associées aux cellules maternelles des sécrétions vaginales sont sans doute impliqués [5,6]. Des échanges sanguins foeto-maternels favorisés par des microlésions de la barrière placentaire au moment des contractions utérines ont aussi été évoqués [7]. Enfin, une infection par le liquide gastrique via la muqueuse intestinale peut être également en cause chez le nouveau-né [8]. La transmission in utero, possible mais peu fréquente au début de la grossesse [9], survient principalement au troisième trimestre, dans les semaines précédant l’accouchement. Le placenta joue probablement un rôle protecteur vis-à-vis de cette transmission, dont plusieurs mécanismes peuvent être évoqués : passage du virus via le liquide amniotique, échanges sanguins materno-foetaux favorisés par les brèches placentaires, passage transplacentaire via certaines cellules permissives à l’infection comme les macrophages placentaires. L’utilisation large des antirétroviraux (ARV) au troisième trimestre de la grossesse à partir de 1994 et la pratique fréquente de la césarienne programmée ont permis une réduction de la TME per partum et donc une augmentation proportionnelle des TME in tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Frange PBlanche S, VIH et transmission mère–enfant, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.015. VIH et transmission mère–enfant

Infections et grossesse

Mise au point

[(Figure_1)TD$IG]

Figure 1 Évolution du taux de transmission mère–enfant (TME) du VIH-1 dans l’Enquête Périnatale Française (EPF) (cohorte ANRS CO1) entre 1985 et 2011 Pour chaque période de temps considérée, sont représentées en ordonnées les proportions des différents types de traitement antirétroviral administré aux femmes enceintes (pas d’antirétroviraux, mono- ou bithérapie d’INTI, multithérapie), ainsi que le taux de TME (courbe violette). ARV = antirétroviraux ; INTI = inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse. Analyse de 18000 couples mère–enfant inclus dans l’EPF entre 1985 et 2011, http://u569.kb.inserm.fr/epf/

Facteurs de risque identifiés avant l’utilisation des multithérapies Avant l’utilisation des multithérapies chez les femmes enceintes infectées par le VIH, les facteurs de risque suivants ont été identifiés :  facteurs de risque maternels : stade clinique avancé chez la mère, charge virale plasmatique ARN VIH-1 élevée, notamment à l’accouchement, et nombre de lymphocytes T CD4 bas [13–15] ; tome // > n8/ > /

facteurs de risque gynécologiques et obstétricaux : pratique des gestes invasifs pendant la grossesse, infections sexuellement transmissibles, chorio-amniotite, accouchement prématuré, rupture prématurée des membranes, liquide amniotique sanglant [16,17] ;  mode d’accouchement : ce facteur de risque avait été suspecté dans l’analyse des transmissions chez les jumeaux accouchés par voie basse où le premier jumeau avait un risque plus important de contamination par rapport au second [18]. Par la suite, plusieurs études ont montré que la réalisation d’une césarienne programmée était associée à une diminution de la TME [19,20] ;  allaitement maternel. La première étude contrôlée de prévention de la TME par ARV (PACTG 076/ANRS 024) a montré une réelle efficacité de l’administration de zidovudine (AZT) versus placebo à partir de la 14e–34e semaine d’aménorrhée (SA) puis par perfusion intraveineuse pendant l’accouchement (au début du travail) et pendant 6 semaines chez le nouveau-né, en diminuant la TME de 25,5 % à 8,3 % [14,21]. Cette étude a été le point de départ 

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utero : TME de 18,1 % dont 27 % in utero en 1990–1992 versus TME de 1,6 % dont 80 % in utero en 1999–2000 dans une cohorte américaine portant sur 1709 couples mère–enfant [10]. La transmission post-partum est très majoritairement liée à l’allaitement maternel, le VIH-1 étant présent dans le lait à la fois sous formes libre et associée aux cellules. Ainsi, l’allaitement maternel représente environ un tiers de la transmission périnatale du VIH-1, soit un risque de TME surajouté allant de 5 à 29 % en cas de primo-infection maternelle, le risque augmentant de façon proportionnelle à la durée de l’allaitement [11,12].

Pour citer cet article : Frange PBlanche S, VIH et transmission mère–enfant, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.015.

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[(Figure_2)TD$IG]

Figure 2 Évolution de la mortalité des enfants infectés par le VIH-1 par voie materno-foetale en France en fonction de leur année de naissance Enquête Périnatale Française, http://u569.kb.inserm.fr/epf/

de la généralisation de la prévention de la TME par ARV depuis 1994 dans les pays du Nord.

Épidémiologie actuelle en France

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Actuellement, en France, la séroprévalence de l’infection à VIH chez les femmes qui accouchent est de l’ordre de 0,2 %, soit environ 1500 accouchements par an. La répartition de l’épidémie est toutefois très hétérogène, largement concentrée, en ce qui concerne la France métropolitaine, sur la région parisienne et le Sud-Est, où la séroprévalence du VIH peut atteindre 2 % des parturientes dans certaines maternités. La grande majorité des femmes infectées par le VIH vivant en France est originaire d’Afrique sub-saharienne. Les données issues de la connaissance des mécanismes de la TME, des différents essais thérapeutiques et des études de cohorte ont conduit à l’élaboration de recommandations sur la prévention de la TME par les ARV. L’Enquête périnatale française (EPF, cohorte ANRS CO1), dont on estime qu’elle couvre les trois quarts des grossesses chez les femmes vivant avec le VIH, permet de décrire les caractéristiques actuelles de ces femmes. En 2011, 58 % des femmes suivies dans EPF avaient conçu leur grossesse sous ARV et 98 % recevaient une multithérapie au cours de la grossesse, incluant un inhibiteur de la

protéase (IP) dans plus de 80 % des cas (données 2012 de l’Enquête périnatale française, http://u569.kb.inserm.fr/ epf/).

Facteurs de risque à l’ère des multithérapies antirétrovirales Chez les femmes suivies et traitées pendant leur grossesse, il persiste des cas résiduels de TME, de l’ordre de 0,5 % sur la période 2005–2011 (figure 1). Leur analyse récente dans le cadre de l’EPF a mis en évidence les facteurs de risque suivants [2,22] :  prise en charge tardive de la mère (troisième trimestre de la grossesse) ;  début de traitement tardif chez la mère : la durée moyenne du traitement pendant la grossesse était plus courte chez les mères ayant transmis le virus à leur enfant que chez celles qui ne l’avaient pas transmis (10,5 versus 16 semaines). Ces données montraient l’importance du contrôle de la charge virale, non seulement à l’accouchement, mais également au cours du troisième trimestre ;  défaut d’observance : 9 % des femmes de l’EPF mais 50 % des cas de TME sont associés à une virémie VIH1 plasmatique > 104 copies/mL à l’accouchement ; tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Frange PBlanche S, VIH et transmission mère–enfant, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.015. VIH et transmission mère–enfant

Stratégies de prophylaxie per et post-partum de la TME L’identification des facteurs de risque à l’origine des cas résiduels de TME a permis de faire évoluer les indications des mesures prophylactiques per et post-partum de la TME en France [23].

Un renforcement peut également se discuter si les circonstances de l’accouchement évoquent un risque plus important de TME. En l’absence de facteurs de risque de TME (situation rencontrée chez plus de 90 % des nouveau-nés suivis dans EPF), le traitement post-natal de référence reste la monothérapie d’AZT, même si son bénéfice n’a jamais été démontré lorsque la mère reçoit une multithérapie prolongée et efficace durant la grossesse, et que, de fait, très peu d’enfants sont infectés. Cependant, afin d’améliorer l’acceptabilité et la tolérance de ce traitement, sa durée a été récemment réduite de 6 à 4 semaines en France et la posologie d’AZT diminuée au cours des deux premières semaines de vie (2 mg/kg matin et soir jusqu’à j14 puis 4 mg/kg matin et soir de j15 à j28) [23].

Césarienne programmée

Allaitement maternel

Si le rôle protecteur de la césarienne était parfaitement établi avant l’ère des multithérapies, les échecs actuels de la prévention de la TME chez les femmes ayant une charge virale contrôlée ne sont pas liés au mode d’accouchement [2]. En France, la césarienne programmée à 38 SA est donc désormais réservée (hors indication obstétricale) aux situations où la charge virale maternelle est supérieure à 400 copies/mL à 36 SA.

Celui-ci reste formellement contre-indiqué dans les pays industrialisés. Dans les pays du Sud, les enjeux sont très différents et il a été montré que le recours à un allaitement artificiel exclusif augmentait la mortalité infantile en majorant les autres complications infectieuses et le risque de dénutrition. Deux approches « d’allaitement sécurisé » ont été développées pour permettre aux mères infectées par le VIH d’allaiter leur nourrisson tout en limitant le risque de TME du VIH : d’une part, la poursuite du traitement antirétroviral chez la mère, et d’autre part, la poursuite de la prophylaxie chez l’enfant pendant toute la période d’allaitement [27]. Ces deux approches semblent équivalentes en termes d’efficacité mais aucune n’est efficace à 100 %. Le seul moyen d’éviter tout risque « résiduel » est l’allaitement artificiel, sans danger dans le contexte français.

Perfusion périnatale d’AZT Si celle-ci faisait partie de la prévention de la TME depuis l’étude princeps PACTG 076, quel que soit le traitement ARV administré durant la grossesse, plusieurs études récentes montrent qu’elle n’apporte pas de bénéfice chez les femmes ayant une charge virale indétectable à l’accouchement [2,24]. La perfusion d’AZT est donc actuellement réservée en France aux situations où la dernière charge virale maternelle avant l’accouchement est supérieure à 400 copies/mL, ou en cas de complications obstétricales (telles qu’un accouchement prématuré, une hémorragie ou une chorio-amniotite pendant le travail). Traitement post-natal du nourrisson Le bénéfice apporté par un traitement post-natal préventif est indiscutable en l’absence de traitement maternel ante partum, et ce, même en cas d’administration à la mère d’une prophylaxie per partum par ARV [25]. Dans ces situations où le traitement post-natal de référence consistait initialement en une monothérapie d’AZT administrée pendant 6 semaines depuis l’essai PACTG 076 [21], des données récentes issues d’une étude randomisée ont confirmé le bénéfice d’un traitement post-natal renforcé, associant au moins deux antirétroviraux chez le nouveau-né [26]. Ainsi, un traitement post-natal renforcé sous forme d’une multithérapie est toujours indiqué en France dans les deux situations suivantes :  traitement ARV maternel durant la grossesse absent ou inférieur à 4–6 semaines ;  charge virale maternelle à l’accouchement supérieure à 1000 copies ou 400 copies/mL suivant que l’accouchement ait lieu, respectivement, après ou avant 33 SA [23]. tome // > n8/ > /

Diagnostic de l’infection à VIH chez le nourrisson et l’enfant Les nourrissons de mère infectées par le VIH sont porteurs des anticorps maternels anti-VIH jusqu’à l’âge de 16–18 mois. Le diagnostic de contamination est donc effectué durant cette période par des techniques de détection du virus : PCR (polymerase chain reaction) ADN VIH-1 à partir des cellules sanguines pour la recherche du génome viral intégré ou PCR ARN VIH-1 plasmatique. Les performances de ces deux techniques sont équivalentes, avec une sensibilité de 100 % à l’âge de 3 mois [28]. Pour poser le diagnostic d’infection, il est nécessaire d’avoir 2 prélèvements positifs, quels que soient la technique utilisée et le moment du prélèvement. Inversement, pour poser un diagnostic de non-infection, il faut 2 prélèvements négatifs après l’âge de 1 mois, dont l’un réalisé au moins un mois après l’arrêt du traitement prophylactique de l’enfant. En pratique, la recherche du virus est effectuée en France à la naissance puis à 1, 3 et 6 mois et le diagnostic de non-contamination peut être posé à l’âge de 3–4 mois. En cas d’allaitement maternel, il est nécessaire de rechercher l’infection dans les 3 mois qui suivent l’arrêt définitif de l’allaitement. Certains

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complications obstétricales, notamment accouchement prématuré : TME dans 6,8 % des naissances avant 33 SA versus 1,2 % après 33 SA. Ces résultats soulignent donc que les rares cas de TME résiduelles survenant actuellement en France (chez les femmes dont la séropositivité était connue pendant la grossesse) sont dus à des carences dans leur prise en charge médicale plutôt qu’à un échec du traitement ARV lui-même.



Mise au point

Infections et grossesse

Pour citer cet article : Frange PBlanche S, VIH et transmission mère–enfant, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.015.

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experts recommandent la réalisation systématique d’une sérologie VIH à l’âge de 18 mois dans le cadre du suivi virologique à long terme du nourrisson ; afin de poser le diagnostic d’une éventuelle infection post-natale tardive, liée notamment à un allaitement méconnu [23]. Au-delà de l’âge de 18 mois, les techniques sérologiques peuvent détecter la réponse anticorps de l’enfant et être utilisées selon le même algorithme que celui employé pour le diagnostic d’infection de l’adulte.

altération de la prolifération et/ou de la fonction des cellules souches hématopoïétiques. . .) dont il conviendra de surveiller attentivement le possible retentissement clinique à long terme chez les enfants exposés in utero. Enfin, il a par ailleurs été récemment décrit la survenue d’un dysfonctionnement surrénalien chez les enfants exposés ante et post-partum au lopinavir/ ritonavir.

Suivi à long terme des enfants exposés in utero

L’évaluation de la tolérance des ARV durant la grossesse est un processus rendu complexe par plusieurs facteurs :  la durée de suivi médical spécialisé recommandé pour les nourrissons « exposés mais non infectés » est limitée à 2 ans en France. La survenue d’un éventuel effet indésirable cliniquement décelable au-delà de cet âge nécessite donc une vigilance particulière de la part des familles des enfants et de leurs médecins traitants, permettant une centralisation de ces informations auprès des centres experts, qui pourront ainsi procéder à une enquête approfondie de pharmacovigilance ;  la diversité croissante des associations d’antirétroviraux reçues par les femmes enceintes rend particulièrement délicat d’interprétation l’imputabilité d’un effet secondaire observé chez l’enfant avec l’exposition à une des molécules reçues par sa mère ;  dans les pays du Sud, où vivent la grande majorité des femmes traitées (et restant à traiter), les difficultés d’accès aux soins, l’indisponibilité des examens complémentaires appropriés pour dépister d’éventuels effets indésirables infra-cliniques et l’absence de système de pharmacovigilance adéquat constituent autant de difficultés pour évaluer à large échelle la tolérance à moyen/long terme des enfants « exposés non infectés ».

Bien que le rapport bénéfice–risque soit en faveur de l’utilisation des ARV dans la prévention de la TME, le nombre d’effets toxiques avérés ou suspectés de ces traitements chez le nouveau-né « exposé non infecté » est progressivement croissant (revues dans [29,30]). Les principaux effets avérés ou suspectés sont détaillés ci-dessous.

Risque de prématurité Il concerne majoritairement la prématurité modérée (< 37 SA) mais aussi la grande prématurité (< 32 SA) et son retentissement pour l’enfant doit être évalué. Le mécanisme physiopathologique n’est pas formellement établi mais le rôle de l’exposition aux inhibiteurs de protéase boostés par le ritonavir est suspecté.

Risque d’embryo-foetopathie À ce sujet, la principale inquiétude concerne le risque éventuel de survenue de malformations neurologiques liées à l’exposition à l’efavirenz au premier trimestre de la grossesse. Cette constatation, actuellement débattue, a cependant conduit à recommander l’éviction de l’efavirenz au début de la grossesse dans les principaux pays industrialisés.

Perturbations cliniques et/ou biologiques constatées dès la naissance

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Celles-ci incluent principalement des cytopénies et une hyperlactatémie témoignant d’une altération mitochondriale chez le nourrisson. Ces effets sont fréquents, liés à l’exposition aux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) (principalement l’AZT) mais en règle asymptomatiques et transitoires. Cependant, il a été rapporté un risque de mitochondriopathie sévère, survenant chez environ 0,2 % des nourrissons exposés non infectés, ainsi qu’une inhibition persistante de l’hématopoïèse (polynucléaires, lymphocytes, plaquettes), faisant évoquer une atteinte de la cellule souche hématopoïétique. Ainsi, il a été récemment suggéré que l’anémie et l’hyperlactatémie constatées chez les nourrissons exposés aux INTI pouvaient être le reflet de dommages plus durables et étendus au niveau de différents organes ou lignées cellulaires (anomalies de la croissance et de la fonction cardiaques, neuropathies sévères,

Un impact à long terme de l’exposition in utero aux ARV restant à évaluer

Conclusion Les toxicités potentielles ou avérées des ARV, bien que rares et ne devant pas mettre en question leur utilisation large dans la prévention de la TME, amènent à poser la question de stratégies thérapeutiques alternatives, comme par exemple, l’utilisation exclusive d’IP sans INTI. Par ailleurs, elles justifient que chaque enfant exposé, même non infecté par le VIH, puisse bénéficier d’un suivi clinique et biologique systématique durant les 2 premières années de sa vie par un pédiatre expérimenté dans ce type de suivi. Si l’enfant reste asymptomatique, ce suivi sera interrompu à 18–24 mois, mais le médecin traitant de l’enfant devra rester particulièrement vigilant devant tout événement clinique inhabituel survenant à moyen ou long terme. Déclaration d’intérêts : Pierre Frange déclare avoir reçu des financements de la part de l’Agence Nationale de Recherches sur le SIDA et les hépatites virales (ANRS), de SIDACTION, et des laboratoires Janssen et Bristol-Myers Squibb. Stéphane Blanche ne déclare aucun conflit d’intérêt potentiel.

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Pour citer cet article : Frange PBlanche S, VIH et transmission mère–enfant, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.015. VIH et transmission mère–enfant

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Références

Mise au point

Infections et grossesse

[Mother-to-child transmission (MTCT) of HIV].

Globally, an estimated 3.3 million children were living with HIV in 2012 (around 1500 in France) In developed countries, the risk of mother-to-child t...
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