Pour citer cet article : Thonnon C, et al. Intérêt du bilan d'extension dans le cancer du sein avant chimiothérapie adjuvante. Bull Cancer (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.02.018 Bull Cancer 2015; //: ///

Intérêt du bilan d'extension dans le cancer du sein avant chimiothérapie adjuvante

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Cyrielle Thonnon 1, Christelle Faure 1, Nicolas Chopin 1, Frédéric Beurrier 1, Christophe Ho Quoc 1, Olivier Tredan 2, Nicolas Carrabin 1

Reçu le 6 juillet 2014 Accepté le 3 février 2015 Disponible sur internet le :

1. Centre Léon-Bérard, département de chirurgie cancérologique-sein, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France 2. Centre Léon-Bérard, département d'oncologie médicale, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France

Correspondance : Cyrielle Thonnon, centre Léon-Bérard, département de chirurgie cancérologiquesein, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France. [email protected]

Mots clés Cancer du sein Bilan d'extension Métastase Chimiothérapie Non-envahissement ganglionnaire Faux positif

Keywords Bibliometrics Breast cancer Bibliographic database Medical research France

Résumé Introduction > Dans la prise en charge du cancer du sein sans envahissement ganglionnaire (N0), le

bilan d'extension initial n'est plus systématiquement recommandé, mais reste souvent réalisé en cas d'indication de chimiothérapie adjuvante. Matériels et méthodes > Nous avons analysé le bilan d'extension réalisé chez les patientes sans envahissement ganglionnaire ayant une indication de chimiothérapie adjuvante. Ce bilan était classé en trois groupes : « non métastatique », « métastatique » et « douteux ». Le délai de contrôle et l'influence sur la prise en charge étaient analysés. Résultats > Parmi 1545 patientes pN0 ayant une indication de chimiothérapie sur des critères histo-pronostiques, 690 indications de chimiothérapie ont été validées en RCP. Six cent trenteneuf bilans d'extension ont été réalisés. Au total, 86,8 % étaient « non métastatique », 0,5 % étaient « métastatique » et 12,7 % étaient « douteux ». Quarante-sept bilans douteux ont été recontrôlés par 61 examens complémentaires. Aucune métastase n'a été retrouvée. Conclusion > Le faible taux de métastase nous amène à reconsidérer l'intérêt du bilan d'extension en l'absence d'envahissement ganglionnaire, avant chimiothérapie adjuvante.

Summary Metastatic screening before adjuvant chemotherapy in breast cancer Introduction > Systematic metastasis staging in early breast cancer is no longer recommended.

However, it is still performed before adjuvant chemotherapy. Materials and methods > We assessed metastasis screening of asymptomatic women with a local

breast cancer without lymph node involvement when adjuvant chemotherapy was indicated. The screening result was classified in 3 groups: "non-metastatic'', "metastatic'' and "suspect''. For suspect screening, we analyzed the checking period and the consequences on cares.

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tome xx > n8x > xx 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.02.018 © 2015 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

BULCAN-67

Pour citer cet article : Thonnon C, et al. Intérêt du bilan d'extension dans le cancer du sein avant chimiothérapie adjuvante. Bull Cancer (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.02.018

Article original

C. Thonnon, C. Faure, N. Chopin, F. Beurrier, C.H. Quoc, O. Tredan, et al.

Results > Out of 1545 patients with possible indication of chemotherapy, 690 indications of

chemotherapy were validated by multidisciplinary meeting. Six hundred and thirty-nine metastasis screening were done. Five hundred and fifty-five screenings (86.9%) were "non-metastatic'', 3 screenings (0.5%) were "metastatic'' and 81 screenings (12.7%) were "suspect''. Out of this 81 suspect screening, only 47 screening have been checked, using 61 further investigations. No breast cancer metastasis was finally identified. Conclusion > Low rate of metastasis suggest reassessing metastasis screening before adjuvant chemotherapy for patients without lymph node involvement.

Introduction La réalisation d'un bilan d'extension lors de la découverte d'un cancer infiltrant a pour but d'identifier les cancers présentant d'emblée des métastases à distance de manière asymptomatique, avec comme objectif d'éviter la morbidité d'un traitement chirurgical inadapté et/ou de permettre une bonne adaptation des traitements adjuvants. De nombreuses études ont étudié l'intérêt de réaliser un bilan d'extension systématique lors du diagnostic de cancer du sein infiltrant en l'absence de tout symptôme clinique de localisation secondaire [1–9]. Ces études recommandent de ne pas réaliser de bilan d'extension lors la prise en charge initiale des cancers du sein s'il s'agit cliniquement d'un stade 1 ou 2 [1–5] ou plus précisément pour les lésions de moins de 5 cm sans atteinte ganglionnaire [6–8]. Ainsi, les recommandations actuelles de l'INCa (institut national du cancer) sont de ne plus réaliser de bilan d'extension, en l'absence de point d'appel clinique chez les patientes atteintes d'un cancer du sein classé T1 et T2 sans envahissement ganglionnaire (N0) clinique [9]. Cependant, en pratique clinique, celui-ci reste souvent réalisé avant l'initiation d'une chimiothérapie adjuvante quel que soit le stade. Ce bilan d'extension, quand il est réalisé, peut être composé soit :  d'une radiographie de thorax, d'une échographie abdominale et d'une scintigraphie osseuse ;  d'un scanner thoraco-abdominal et d'une scintigraphie osseuse ;  d'une tomoscintigraphie par émission de positions après administration de 18F-FDG (TEP-scan) [9]. Nous nous sommes intéressés au groupe spécifique de patientes présentant un cancer du sein infiltrant sans envahissement ganglionnaire mais relevant d'une chimiothérapie adjuvante validée en réunion de concertation multidisciplinaire (RCP). Ces patientes relèvent dans notre pratique clinique et dans les recommandations de notre réseau régional de cancérologie la réalisation d'un bilan d'extension. Cette étude a pour but d'évaluer les implications de la réalisation systématique de ce bilan d'extension dans cette population spécifique.

Matériels et méthodes

2

Notre étude a été réalisée de manière rétrospective à partir d'une base de données institutionnelles sur une période de

12 ans (janvier 2000 – octobre 2012). Nous avons retenu tous les dossiers des patientes asymptomatiques présentant un cancer du sein, sans envahissement ganglionnaire à l'examen histologique définitif de la pièce opératoire pour lesquelles il y avait une indication théorique de chimiothérapie adjuvante basée sur des critères histo-pronostiques péjoratifs : les tumeurs dont la taille était supérieure à 2 cm, les tumeurs de grade SBR3 et de taille supérieure à 10 mm, les tumeurs de taille comprise entre 10 et 20 mm avec emboles et de grade SBR2 ou 3, les tumeurs de taille supérieure à 5 mm avec récepteurs hormonaux négatifs et/ou surexprimant HER2. Les critères d'inclusion pour cette étude étaient une évaluation ganglionnaire négative à l'analyse anatomopathologique et la validation de l'indication de chimiothérapie en RCP. Les critères d'exclusion étaient la réalisation d'une chimiothérapie néoadjuvante, des signes de localisation à distance de la maladie, l'absence d'évaluation ganglionnaire, ou une atteinte ganglionnaire à l'examen histologique de la pièce opératoire. Selon ces critères, nous avons colligé le bilan d'extension de chaque patiente sélectionnée et avons analysé l'apport du bilan d'extension avant l'initiation de la chimiothérapie adjuvante. Le bilan d'extension était alors classé en fonction des résultats dans 3 groupes :  un groupe « bilan d'extension non métastatique » (regroupant les patientes avec un bilan d'extension strictement normal) ;  un groupe « bilan d'extension métastatique » (regroupant les patientes avec un bilan d'extension permettant de poser le diagnostic de maladie métastatique) ;  un groupe « bilan d'extension douteux » (dont le bilan d'extension était anormal avec un doute sur une maladie métastatique sans pouvoir en apporter pour autant la preuve formelle). En cas de bilan d'extension douteux, nous avons analysé le nombre de bilan complémentaire ainsi que le délai de réalisation afin de reclasser ces bilans « douteux » en bilans « non métastatiques » ou « métastatiques ». Nous avons également recherché une modification de la prise en charge secondaire à ce bilan (retard à l'initiation ou modification de l'indication de chimiothérapie adjuvante).

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Pour citer cet article : Thonnon C, et al. Intérêt du bilan d'extension dans le cancer du sein avant chimiothérapie adjuvante. Bull Cancer (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.02.018

Au total, 1545 patientes ont été prises en charge de janvier 2000 à octobre 2012 pour un cancer du sein infiltrant sans envahissement ganglionnaire avec une indication théorique de chimiothérapie adjuvante sur les critères histo-pronostiques sus-cités. Parmi ces 1545 patientes, 652 patientes n'étaient pas éligibles à une chimiothérapie adjuvante après validation en RCP que cela soit pour des critères d'âge, de comorbidités ou histologiques. Deux cent trois patientes ont reçu une chimiothérapie néoadjuvante. Ainsi, 690 patientes avaient une indication de chimiothérapie adjuvante validée en RCP et nous avons donc analysé les bilans d'extension de ces 690 cas. Les caractéristiques de la population sont décrites dans le tableau I. Parmi cette population, un bilan d'extension initial a été réalisé chez 639 patientes. Pour 51 patientes tout stade confondu, aucun bilan d'extension n'a été retrouvé lors de notre analyse rétrospective des données, sans raison particulière évoquée à sa non-réalisation. Quatre types de bilan d'extension ont été identifiés : les bilans comprenant une radiographie pulmonaire, une échographie abdominale et une scintigraphie osseuse (bilan 1) ; les bilans comprenant une scintigraphie osseuse et un scanner thoraco-abdomino-pelvien (bilan 2) ; les bilans constitués d'une tomoscintigraphie par émission de positions après administration de 18F-FDG (TEP-scan) (bilan 3) ; et enfin les bilans incomplets (ne correspondant à aucun sous-groupe cité précédemment). Les résultats sont détaillés dans le tableau II. De 2000 à 2005, 150 bilans d'extension ont été réalisés avec une majorité de « bilan 1 » (93 %). Aucun TEPscan n'a été réalisé dans cette période. De 2005 à 2010, 282 bilans d'extension ont été réalisés : 46 % de « bilan 1 » ; 40 % de « bilan 2 » ; et 13 % de « bilan 3 ». De 2010 à 2012, 63 % des bilans étaient constitués d'un TEP-scan (bilan 3). À l'issue de leur bilan d'extension, 555 patientes (86,8 %) ont été classées dans le groupe « bilan d'extension non métastatique », 3 patientes (0,5 %) ont été classées dans le groupe « bilan d'extension métastatique », et 81 patientes (12,7 %) ont été classées dans le groupe « bilan d'extension douteux » (tableau III). Tous les bilans classés comme « métastatiques » d'emblée ont été contrôlés par une biopsie. Parmi les 3 patientes métastatiques, aucune n'était multi-métastatique lors du diagnostic. Le taux de bilan revenu douteux était pour le groupe « bilan 1 » de 13 %, pour le groupe « bilan 2 » de 16 % et pour le groupe « bilan 3 » de 8 %. Les lésions retrouvées douteuses, en fonction du type de bilan d'extension, ont été détaillées dans le tableau IV. Parmi ces 81 patientes dont le bilan était douteux, 34 patientes (42 %) n'ont jamais été recontrôlées. L'oubli et la non-nécessité de recontrôle estimée par le clinicien ont été les deux motifs

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TABLEAU I Caractéristique de la population : 690 cas, pN0 avec indication de chimiothérapie adjuvante validée en RCP Moyenne

%

Minimum

Maximum

Âge

53 ans

26 ans

92 ans

Taille tumorale

23 mm

0,5 mm

140 mm

< 20 mm

356

52

20–50 mm

311

45

> 50 mm

23

3

Grade histologique SBR1

18

2,6

SBR2

257

37,2

SBR3

411

59,6

4

0,6

HER 2 surexprimée

Indéterminé

610

88

HER2 surexprimée, < 2 cm

314

88

Lobulaire

92

13

Canalaire

549

80

Autres

49

7

Type histologique

TABLEAU II Bilan d'extension initial : 639 patientes incluses, N0 avec indication de chimiothérapie validée en RCP Bilan d'extension initial

Cas

%

Bilan 1 : RP, échographie hépatique, scintigraphie osseuse

279

44

Bilan 2 : scanner TAP, scintigraphie osseuse

161

25

Bilan 3 : TEP-scan

119

19

Bilan incomplet

80

13

RP : radiographie pulmonaire ; scanner TAP : scanner thoraco-abdomino-pelvien ; TEP-scan : tomoscintigraphie par émission de positions après administration de 18FFDG.

expliquant ces examens non recontrôlés. Seules 47 patientes (58 %) ont eu un ou plusieurs examens complémentaires afin de les reclasser dans le groupe « non métastatique » ou « métastatique » : au total, 61 examens ont été nécessaires pour réaliser cette nouvelle classification. Le délai moyen pour la connaissance du statut définitif était de 60 jours. Dix-neuf pour cent des bilans ont nécessité une attente de plus de 6 mois afin de pouvoir les reclasser. Le délai de contrôle maximum a été

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Résultats

Article original

Intérêt du bilan d'extension dans le cancer du sein avant chimiothérapie adjuvante

Pour citer cet article : Thonnon C, et al. Intérêt du bilan d'extension dans le cancer du sein avant chimiothérapie adjuvante. Bull Cancer (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.02.018

Article original

C. Thonnon, C. Faure, N. Chopin, F. Beurrier, C.H. Quoc, O. Tredan, et al.

TABLEAU III Classification des bilans à l'issue du bilan initial d'extension ou après contrôle en cas de classification douteuse initiale Total

Métastatique

Non métastatique

Douteux

Classification à l'issue du bilan

639

3

55

81

Bilans douteux recontrôlés : classification à l'issue du contrôle

47

0

46

1

TABLEAU IV Classification des lésions à distance douteuses en fonction du bilan d'extension initial Organe douteux

Bilan 1

Bilan 2

Bilan 3

Bilan incomplet

Total cas

Os

26

8

4

4

44

Foie

7

12

3

4

26

Poumon

1

6

1

1

9

Ganglion

1

1

2

0

4

Ovaire

0

1

0

0

1

Rectum

0

0

1

0

1

Bilan 1 : RP, échographie hépatique, scintigraphie osseuse ; Bilan 2 : scanner TAP, scintigraphie osseuse ; Bilan 3 : TEP-scan.

d'un an. Trois bilans n'ont jamais pu être reclassés à l'issu des contrôles. Le contrôle d'un bilan douteux a induit un retard à l'initiation de la chimiothérapie adjuvante (4 mois) alors que le résultat du contrôle plaçait la patiente dans le groupe « non métastatique ». Aucune métastase à distance n'a pu être identifiée à l'issue de ce reclassement. Nous nous sommes également intéressés au devenir de ces patientes à moyen terme : une patiente a été identifiée comme multi-métastatique 2 ans après sa prise en charge initiale. Il s'agissait d'un bilan douteux qui n'avait jamais été recontrôlé et dont le site initialement douteux faisait partie des sites métastatiques identifiés lors du diagnostic de maladie métastatique.

Discussion

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Les recommandations professionnelles actuelles de l'INCa sont de ne pas réaliser de bilan d'extension systématique chez les patientes atteintes d'un cancer du sein classé T1 et T2 sans envahissement ganglionnaire clinique, en l'absence de point d'appel clinique [9]. En pratique, ce bilan est recommandé pour les tumeurs cT3-T4 ou cN+, et chez les patientes présentant un envahissement ganglionnaire macro-métastatique confirmé [9]. Ces recommandations émanent du faible taux de métastases pour les cancers du sein diagnostiqués aux stades précoces. D'après la revue systématique de Brennan et Houssami, la prévalence est de 0,2 % pour les patientes atteintes de tumeur au stade 1, 1,2 % pour les tumeurs de stade 2 et de 8 % pour les

tumeurs de stade 3 [10]. La taille de la tumeur et le statut ganglionnaire ont été déterminés comme facteurs prédictifs de métastases dans le cancer du sein indépendamment d'autres facteurs pronostiques [2,6,8,11]. De ce fait, certains auteurs recommandent de ne pas réaliser de bilan d'extension lors la prise en charge initiale des cancers du sein diagnostiqués au stade 1 ou 2 [1–5]. D'autres recommandent de ne pas le réaliser pour les tumeurs de moins de 5 cm sans atteinte ganglionnaire [6–8]. Nous nous sommes intéressés aux patientes présentant un cancer du sein sans envahissement ganglionnaire et dont les critères histo-pronostiques justifiaient une chimiothérapie adjuvante. En pratique courante, un bilan d'extension est réalisé avant l'initiation de la chimiothérapie quel que soit le stade de la tumeur. On retrouve cette recommandation dans le référentiel de la région Rhône-Alpes pour la prise en charge du cancer du sein infiltrant, avant la mise en place d'une chimiothérapie adjuvante [12]. À ce jour, peu d'articles ont étudié l'intérêt du bilan d'extension dans cette population spécifique de patientes ne présentant pas d'envahissement ganglionnaire [8,11,13] et nécessitant une chimiothérapie adjuvante. Le taux de métastase retrouvé dans la littérature pour les lésions toutes tailles confondues ne présentant pas d'envahissement ganglionnaire varie de 0,3–1,9 % [8,11,13]. L'étude de Turpin et al. s'est intéressée à la réalisation du bilan d'extension chez 123 patientes asymptomatiques tous stades confondus recevant une chimiothérapie adjuvante ou

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Pour citer cet article : Thonnon C, et al. Intérêt du bilan d'extension dans le cancer du sein avant chimiothérapie adjuvante. Bull Cancer (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.02.018

néoadjuvante pour un cancer du sein infiltrant et leurs conséquences sur la prise en charge [14]. Au total, 7,3 % (9 patientes) ont été diagnostiquées comme métastatiques à l'issue du bilan d'extension, dont seulement 4 patientes (3 %) ne présentaient pas d'envahissement ganglionnaire. Les auteurs concluaient de ne pas réaliser de bilan d'extension systématique pour les stades inférieur au stade IIIa compte tenu du risque de faux positif élevé et de l'important surcoût induit par cette stratégie [14]. Dans notre étude, nous nous sommes focalisés sur les patientes sans envahissement ganglionnaire quelle que soit la taille de la tumeur, mais dont les critères histo-pronostiques les rendaient éligible à un traitement adjuvant. Cependant, malgré ce haut risque théorique, le taux de métastase retrouvé dans notre étude est faible à 0,5 %. La réalisation d'un bilan d'extension dans cette population de patiente ne semble donc pas se justifier sur des données d'efficacité. D'autre part, nous nous sommes également intéressés aux résultats de ce bilan d'extension lorsque celui-ci revenait « douteux ». Dans ce groupe de patientes, qui représente 12,7 % de la population, la prescription initiale d'un bilan d'extension aboutit à plusieurs effets délétères. Tout d'abord, dans notre étude monocentrique nous avons mis en évidence un risque de retard à l'initiation des traitements adjuvants en raison du délai nécessaire afin de pouvoir confirmer l'absence de maladie métastatique. En effet, dans de nombreux cas, seule l'évolution des images dans le temps permet de confirmer ou d'infirmer leur nature métastatique. L'INCa recommande l'initiation de la chimiothérapie adjuvante, au plus tard, dans les 3 mois suivant la chirurgie [9], or 19 % des patientes présentant un bilan d'extension « douteux » nécessitent une attente supérieure à 6 mois afin de pouvoir confirmer ou infirmer la suspicion de maladie métastatique grâce à l'évolution des images. En pratique, devant l'impossibilité de pouvoir porter un diagnostic précis, le traitement par chimiothérapie adjuvante est administré afin de ne pas impacter la prise en charge. De plus, par la suite, lors du suivi ultérieur, ces images

s'avèrent ne pas être recontrôlées dans l'année qui suit dans 42 % des cas, réduisant d'autant plus l'intérêt de la réalisation d'un bilan d'extension. De plus, l'anxiété pouvant être induite par ce résultat douteux n'est que très mal évalué en pratique, d'autant plus qu'il s'agit de patientes déjà fragilisées sur le plan psychique par le diagnostic de cancer. En effet, les patientes prises en charge pour un cancer du sein et nécessitant de la chimiothérapie sont plus à risque de développer des troubles anxieux ou une dépression [15,16]. Ainsi, selon l'étude de Reece et al., 37,5 % des patientes recevant une chimiothérapie dans le cadre d'un cancer du sein présentent une dépression ou des troubles anxieux [15]. Dans ce contexte de population à risque de développer des troubles anxio-dépressif, la question de l'impact psychologique de ces bilans d'extension douteux doit donc être prise en compte lors de la prescription initiale. En conclusion, le taux de métastases chez les patientes présentant un cancer du sein infiltrant sans envahissement ganglionnaire est faible. D'après les recommandations de l'INCa, le bilan d'extension n'est pas recommandé, en l'absence de point d'appel clinique chez les patientes atteintes d'un cancer du sein classé T1 et T2 sans envahissement ganglionnaire clinique. Cependant, il reste souvent réalisé avant l'initiation d'une chimiothérapie quel que soit le statut ganglionnaire. Un taux de faux positif très élevé pour un taux de métastase très faible nous amène à reconsidérer l'intérêt de ce bilan d'extension, qui engendre des examens complémentaires supplémentaires et anxiogènes.

Article original

Intérêt du bilan d'extension dans le cancer du sein avant chimiothérapie adjuvante

Remerciements : Les auteurs remercient tous les membres de l'équipe médiale du centre Léon-Bérard qui ont rendu possible le recueil de données de cette étude, et en particulier Mme Thérèse Gargi. Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

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[Metastatic screening before adjuvant chemotherapy in breast cancer].

Systematic metastasis staging in early breast cancer is no longer recommended. However, it is still performed before adjuvant chemotherapy...
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