Progrès en urologie (2014) 24, 915—917

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Traitement médical de la lithiase urique Medical treatment of uric acid stone S. Dominique Service d’urologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France Disponible sur Internet le 6 septembre 2014

Résumé Le traitement médical de la lithiase urique occupe une place centrale dans la prise en charge de cette pathologie. Il permet d’une part de traiter les calculs formés mais également d’en prévenir la récidive. Ce traitement repose sur la cure de diurèse, l’alcalinisation des urines et des mesures hygiéno-diététiques. Dans la grande majorité des cas, il permet de traiter le patient sans avoir recours à des procédures chirurgicales. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary The medical treatment of uric acid stones is essential to its management. It allows the dissolution of the stones and prevents the formation of new ones. This treatment is based on a large diuresis, an alkanilization of the urines and diet. In most of the cases, the medical treatment avoids the use of surgical procedures. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La lithiase d’acide urique est un calcul un peu à part dans la pratique urologique quotidienne et son traitement médical occupe une place centrale dans sa prise en charge. En effet, si le traitement médical est primordial chez les patients lithiasiques pour prévenir la récidive, dans le cas particulier des patients atteints de calculs d’acide urique, ce

Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2014.07.015 1166-7087/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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S. Dominique

Tableau 1 Facteurs de risque du syndrome métabolique. Tour de taille > 102 cm chez l’homme et 89 cm chez la femme Triglycéridémie > 1,5 g/L Cholestérol HDL-C < 0,4 g/L chez l’homme et 0,5 g/L chez la femme PA > 130/85 mmHg Glycémie à jeun > 1,1 g/L

traitement médical permet également dans la grande majorité des cas de dissoudre les calculs déjà constitués et d’éviter d’avoir recours à des interventions chirurgicales. L’objectif de cet article est de décrire ce traitement après quelques données épidémiologiques et physiopathologiques qui permettent d’en comprendre le principe.

Épidémiologie La lithiase urinaire est une affection fréquente. Une personne sur dix environ présente au moins un antécédent de calcul à l’âge de 40 ans. Cela représente une incidence de 30 cas par 100 000 habitants par an, soit 21 000 nouveaux cas et 125 000 coliques néphrétiques par an. Les hommes sont deux fois plus touchés par cette affection que les femmes [1]. Parmi les différents types de calculs, l’acide urique arrive en troisième position en termes de fréquence. Il représente 11 % des calculs derrière l’oxalate de calcium (72 %) et les phosphates calciques (14 %). La lithiase urique est plus fréquente chez les hommes où elle représente 14 % des calculs que chez les femmes où elle n’est présente que dans 10 % des cas. Sa fréquence augmente également avec l’âge. Elle représente 1 % des calculs avant l’âge de 30 ans et plus de 37 % après 80 ans. Enfin, le poids joue un rôle important avec une fréquence 4 fois plus élevée chez les patients obèses comparativement aux autres patients. Indépendamment du poids, le diabète est également un facteur de risque important avec un risque multiplié par 2,5 chez les hommes et 5,5 chez les femmes [2].

Physiopathologie L’acide urique est le produit final du catabolisme des purines. Ces purines sont pour moitié produites par l’organisme et pour moitié apportées par l’alimentation. La capacité à se dissoudre dans l’eau et donc dans les urines de l’acide urique dépend de sa concentration (plus elle est élevée plus les calculs auront tendance à se former) et du pH des urines. À un pH inférieur à 5,5, l’acide urique se dissoudra très peu. À l’inverse, à pH supérieur à 6,5, il se transforme en urate de sodium 20 fois plus soluble [3]. Le pH normal des urines est de 5,8. La principale cause de baisse du pH urinaire est l’insulinorésistance liée au syndrome métabolique [4] (Fig. 1). Ce dernier se définit par l’association d’au moins 3 des facteurs de risque définis dans le Tableau 1 [5].

Figure 1.

Calculs d’acide urique.

Les 3 facteurs principaux en cause dans la formation de la lithiase urique sont donc l’acidité des urines, un taux élevé d’acide urique dans les urines (hyperuricurie) et une faible diurèse (qui augmente la concentration de l’acide urique mais également abaisse le pH). C’est sur la base de ces trois facteurs que le traitement médical de l’acide urique repose.

Traitement médical curatif de la lithiase urique Il repose sur une augmentation de la diurèse et une alcalinisation des urines.

Hyperdiurèse Le principe est de diluer les urines et ainsi d’amener l’acide urique à une concentration inférieure à son seuil de cristallisation. L’objectif est d’obtenir une diurèse d’au moins 2 litres par jour. La quantité de boissons nécessaire pour atteindre cet objectif dépend bien entendu de la chaleur ambiante, de l’activité physique et du poids du patient. Il est important que la prise de boisson soit bien répartie tout au long de la journée avec un effort particulier en soirée et au coucher pour éviter une nouvelle concentration des urines durant la nuit. Une prise de boisson en cas de réveil nocturne doit être dans cette optique également encouragée.

Alcalinisation des urines Le principe consiste à obtenir un pH urinaire compris entre 6,5 et 7. Il ne faut pas aller au-delà de 7. En effet, une alcalinisation excessive des urines augmente le risque d’infection urinaire d’une part, et d’autre part, le risque de phosphatisation du calcul. En l’absence d’hypertension artérielle ou d’insuffisance rénale, on peut proposer la prise d’eau de Vichy (Célestins ou Saint Yorre) qui est riche en bicarbonates de sodium. La consommation de trois quart à 1 litre par jour est nécessaire en fonction du pH urinaire obtenu. Cette prise devra être mélangée à une autre eau pour obtenir l’objectif

Traitement médical de la lithiase urique Tableau 2

Aliments riches en purines.

Charcuterie, saucisses Abats (ris de veau, rognons, foie, cervelle. . .) et gibiers (chevreuil, lièvre, bécasse, canard. . .) Fromages très fermentés Volailles grasses (poule, oie, pigeon. . .) Certains poissons (cabillaud, saumon, thon, sardines, truite, anchois. . .), coquillages et crustacés Bouillons de viande Légumes secs (lentilles, pois secs, pois chiches)

917 Par ailleurs, il faut encourager la diète DASH. Il s’agit d’un régime préconisé pour lutter contre l’hypertension artérielle. Cette dernière préconise la consommation de fruits et légumes, de produits laitiers à faible teneur en matière grasse, de fibres alimentaires solubles, de grains entiers et de protéines de source végétale. Il s’agit également d’un régime pauvre en acide gras saturés et en cholestérol. Il faut également fortement déconseiller les sucres d’absorption rapide (glaces, sodas, pâtisseries, confiseries. . .).

Traitement médicamenteux d’hyperdiurèse et là-encore, bien répartie sur le nycthémère. En cas d’échec de l’eau de Vichy ou en cas d’hypertension artérielle, l’alcalinisation nécessite la prescription de citrate de potassium. Ce dernier n’est pas commercialisé en France et doit donc être prescrit sous forme de « préparation officinale à usage thérapeutique » (l’ordonnance doit donc être intégralement rédigée en lettres). La posologie généralement nécessaire pour obtenir le pH voulu est de 6 à 8 g par jours. Le citrate de potassium se présente sous formes de sachets de 3 g à diluer dans un litre d’eau. L’alcalinisation est prescrite pour un mois au bout duquel le patient est revu en consultation de contrôle en général avec un scanner dans la mesure où les calculs d’acides uriques sont radio transparents. Si l’alcalinisation est bien menée, on peut s’attendre à la fonte en un mois de calculs d’un cm. Quel que soit le mode d’alcalinisation choisi, sa prescription doit s’accompagner d’une auto surveillance par le patient du pH urinaire. Cette dernière s’effectue à l’aide de bandelette urinaire dont l’utilisation doit être expliquée au patient. Il réalisera au début un contrôle matin et soir afin de vérifier que l’objectif de pH est atteint puis, une fois la situation stabilisée, une fois par jour sur les urines du matin.

Traitement médical préventif de la lithiase urique Ce dernier repose sur une diurèse abondante, des mesures diététiques, éventuellement une prescription médicamenteuse et la prise en charge des facteurs de risque.

Hyperdiurèse La prise de boissons abondante est nécessaire au long cours et repose sur les mêmes principes que ceux décrits au chapitre précédent en incluant l’eau de Vichy en l’absence de contre-indication. Dans le cas contraire, on conseille des eaux relativement riches en bicarbonates mais non salées (Salvetat, Vittel) ou des eaux dans lesquelles on dilue un jus de citron.

Mesures diététiques Le principe repose sur la diminution des apports en purines. Le Tableau 2 résume l’ensemble des aliments à éviter.

Lorsque les mesures diététiques ne suffisent pas à faire baisser le taux d’acide urique dans les urines (objectif : uricurie inférieure à 3 mmol/24 heures), il peut être nécessaire de prescrire de l’allopurinol à la dose de 200 à 300 mg/jour.

Pris en charge des facteurs de risque Il s’agit des facteurs de risques du syndrome métabolique dont la prise en charge dépasse les compétences de l’urologue. Ce dernier doit cependant informer et sensibiliser les correspondants impliqués dans cette prise en charge (cardiologues, médecins traitants).

Conclusion Le traitement médical occupe dans le domaine de la lithiase urique une place tout particulièrement importante, aussi bien pour traiter les calculs en place que pour prévenir la récidive. Des boissons abondantes, la lutte contre un pH urinaire acide et des mesures diététiques globalement peu contraignantes permettent d’éviter dans la grande majorité des cas d’avoir recours à des procédures chirurgicales.

Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Traxer O, Saussine S, Lechevallier E. Lithiases du haut appareil urinaire. Prog Urol 2008;18:801—1030. [2] Lieske JC, De La Vega LS, Gettman MT, Slezak JM, Bergstrahl EJ, Melton 3rd LJ, et al. Diabetes mellitus and the risk of urinary tract stones: a population-based case-control study. Am J Kidney Dis 2006;48:897—904. [3] Asplin JR. Uric acid stones. Semin Nephrol 1996;16:412—24. [4] Pak CY, Sakhaee K, Moe O, Preminger GM, Poindexter JR, Peterson RD, et al. Biochemical profile of stone-forming patients with diabetes mellitus. Urology 2003;61:523—7. [5] Executive summary of the third report of the National Cholesterol Education Program (NCEP). Expert panel of detection, evaluation and treatment of high blood cholesterol in adults (Adult treatment panel III). JAMA 2001;285:2486—97.

[Medical treatment of uric acid stone].

The medical treatment of uric acid stones is essential to its management. It allows the dissolution of the stones and prevents the formation of new on...
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