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ScienceDirect www.sciencedirect.com Chirurgie de la main 33S (2014) S89–S91

Mise au point

Aspects médico-légaux Medical liability issues C. Lebrun Cabinet Branchet, 35, avenue du Granier, 38240 Meylan, France Reçu le 26 février 2014 ; reçu sous la forme révisée le 23 juin 2014 ; accepté le 24 juin 2014 Disponible sur Internet le 11 juillet 2014

Résumé Sur 1603 dossiers de procédures en responsabilité civile de 2002 à 2012, concernant un acte chirurgical sur le membre supérieur, nous avons recensé 20 procédures (11 en judiciaire et 9 devant la CCI) mettant en cause, au total, 24 praticiens : trois mises en cause étaient multiples pour un même patient et faisait intervenir dans deux cas deux praticiens et, dans un cas, trois praticiens. Les motifs de mise en cause étaient extrêmement variés, mais bon nombre de cas concernaient en fait des résultats jugés non satisfaisants ou insuffisants au regard de la lésion initiale. L’information, toujours difficile à délivrer dans le cadre d’une urgence, n’est en général pas contestée. Cependant, elle devra être complète en période postopératoire, mentionnant le bilan lésionnel, les résultats attendus, les complications possibles ainsi que d’éventuelles reprises chirurgicales à moyen terme. En termes de responsabilité, seulement trois cas ont motivé par l’expert une responsabilité du praticien et un manquement aux règles de l’art. Pour conclure, cette étude montre que les lésions traumatiques des fléchisseurs des doigts sont un motif rare de mise en cause des praticiens devant les juridictions civiles (12 pour 1000) et que la responsabilité retenue en cas de manquement aux règles de l’art est encore plus exceptionnelle (2 pour 1000). # 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Traumatisme ; Tendons fléchisseurs ; Main ; Doigts ; Pouce ; Responsabilité médicale ; Responsabilité civile ; Procédure judiciaire ; CRCI ; Motif de mise en cause ; Fréquence

Abstract Of the 1603 civil liability cases filed between 2002 and 2012 related to upper-limb surgery, we found 20 proceedings (11 in court and 9 in front of the French CCI [commission for medical accidents]) that involved a total of 24 physicians: three proceedings involved multiple parties for a single patient and implicated two physicians in two cases and three physicians in one case. The grounds for liability being invoked varied greatly, but a good many of these cases concerned outcomes that were deemed unsatisfactory or insufficient in light of the initial injury. Information is always difficult to convey in an emergency setting, but is not generally disputed. However, the information process must be completed during the postoperative period and the patient informed of the injury assessment, expected results, potential complications and the possibility of surgical revision in the medium term. An expert found grounds for physician liability and breach of best practices in only three cases. In summary, this study shows that trauma-related flexor tendon injuries are rarely grounds for indictment of physicians before courts of civil jurisdiction (12 per 1000) and findings of liability for breach of best practices are even more rare (2 per 1000). # 2014 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Injury; Flexor tendons; Hand; Fingers; Thumb; Medical liability; Civil liability; Legal proceedings; CRCI; Grounds for liability; Frequency

Adresse e-mail : [email protected]. http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2014.06.004 1297-3203/# 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

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C. Lebrun / Chirurgie de la main 33S (2014) S89–S91

1. Introduction

2. Pathologies concernées et motifs de mise en cause

De 2002 à 2012, nous avons comptabilisé 1603 dossiers de procédures en responsabilité civile concernant un acte chirurgical sur le membre supérieur. Il s’agissait, pour une grosse moitié (environ 55 % des cas), de procédures engagées auprès de la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux et infections nosocomiales (CCI) et, pour une petite moitié (environ 55 % des cas), de procédures en référé devant les Tribunaux de Grande Instance. Rappelons que pour être recevable devant les CCI, un des trois critères suivants doit être obtenu :

Sur les 20 dossiers concernés, nous disposons de 11 dossiers judiciaires devant les Tribunaux de Grande Instance et 9 saisines des CCI. Concernant la pathologie initiale et le fait générateur, nous pouvons recenser :

 soit un déficit fonctionnel permanent (DFP) égal ou supérieur à 25 % dans le barème en vigueur d’évaluation du préjudice du dommage corporel en Droit Commun ;  soit un arrêt de travail d’au moins 6 mois consécutifs ou total de 6 mois durant l’année qui suit le fait générateur ;  soit des troubles graves dans les conditions d’existence ou inaptitude définitive pour poursuivre l’activité professionnelle initiale.

Le critère concernant le DFP est rarement atteint en ce qui concerne la chirurgie de la main et du membre supérieur, de même que les troubles graves dans les conditions d’existence. En revanche, il est fréquent d’avoir un arrêt de travail consécutif largement supérieur à 6 mois, ce qui explique que beaucoup de dossiers ont été déclarés recevables auprès des CCI, même pour des préjudices jugés faibles au plan fonctionnel, mais entraînant un arrêt de travail prolongé. La mise en place des CCI a provoqué une nette augmentation des mises en cause, surtout au cours des années 2003–2004, du fait de la simplicité et de la gratuité d’accès pour les demandeurs auprès de cette structure. Contrairement aux procédures judiciaires, le recours à un professionnel (avocat, médecin de recours) n’est ni systématique, ni obligatoire devant ces commissions. Nous avons également un certain nombre de procédures qui rebondissent d’une juridiction sur l’autre. Par exemple, lorsqu’une CCI s’est déclarée incompétente, le patient se tourne alors vers le Tribunal de Grande Instance et dépose une assignation en référé. À l’inverse, lors d’une opération d’expertise diligentée par le magistrat au cours d’une procédure TGI, s’il apparaît qu’il s’agit d’un accident médical non fautif, la partie demanderesse va se retourner devant la CCI pour obtenir une indemnisation. En utilisant la cotation CCAM, nous avons extrait de ces 1603 dossiers les mises en cause se rapportant à des lésions fraîches des tendons fléchisseurs, et nous avons ainsi obtenu 20 dossiers de mises en cause qui concernent 24 praticiens, car deux mises en cause concernaient deux praticiens et une concernait trois praticiens. Les mises en cause multiples sont souvent le fait de patients traités dans un service SOS Main et qui ont été vus par plusieurs praticiens associés, ceux-ci étant tous dans la cause lorsqu’une procédure est déclenchée.

 quatre jersey-fingers (2 sur l’annulaire et 2 sur l’auriculaire). Le motif de mise en cause était une raideur ou une perte de fonctions. Deux fois, le traitement complémentaire a consisté en une arthrodèse de l’articulation interphalangienne distale avec un résultat jugé non satisfaisant ;  neuf sections des tendons fléchisseurs en zone 2, atteignant quatre fois l’annulaire, dont deux fois compliquées de lésions concomitantes des paquets collatéraux et d’une fois d’une fracture ouverte de P2. Le motif de mise en cause a été la raideur résiduelle dans trois cas, ainsi qu’une amputation du col de la phalange proximale ;  deux lésions isolées du 5e doigt avec section concomitante d’un ou deux paquets collatéraux. Le motif de mise en cause a été une fois le névrome résiduel et la raideur, dans l’autre cas la survenue d’une algodystrophie extrêmement sévère ;  deux lésions des tendons fléchisseurs de l’index en zone 2. Les motifs de mise en cause ont été, pour l’un, une amputation secondaire trans-métacarpienne pour doigt exclu avec un résultat jugé mauvais et, pour l’autre, la survenue de tendinopathies multiples ainsi que d’une épicondylalgie rebelle au cours de la rééducation ;  deux lésions du tendon long fléchisseur du pouce au niveau de l’articulation métacarpo-phalangienne, l’un s’accompagnant d’une lésion d’un nerf digital palmaire propre. Les motifs de mise en cause étaient une raideur résiduelle avec rétraction de la 1re commissure dans un cas, dans l’autre cas des troubles sensitifs persistants ainsi qu’un névrome ;  une lésion iatrogène du tendon long fléchisseur du pouce au poignet lors d’une chirurgie d’exérèse d’un kyste synovial. La blessure peropératoire n’a pas été diagnostiquée par le chirurgien, ni en cours d’intervention, ni en période postopératoire immédiate, ce n’est qu’au bout de la première visite de contrôle que le diagnostic de lésion du tendon long fléchisseur du pouce est apparu comme évident. Cette lésion a été réparée secondairement avec un résultat partiel. Il ne s’agit, bien sûr, pas à proprement parler d’une véritable lésion traumatique au sens où on l’entend habituellement, mais il nous semble utile dans le cas présent de la faire figurer car, en l’espèce, il s’agissait d’un chirurgien qualifié et expérimenté, ce qui montre bien que ce type d’incident est toujours possible ;  trois mains « complexes » avec atteinte de plusieurs rayons, dont deux comportaient une sub-amputation ou une amputation complète d’un rayon. Dans deux cas, le motif de mise en cause était un résultat jugé non satisfaisant avec des gestes d’amputation secondaire ;  un cas tout à fait exceptionnel où il s’agissait d’une main complexe comportant une réimplantation distale du pouce et une revascularisation de trois doigts en lésion trans-métacarpienne.

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Le motif de mise en cause était une paralysie sciatique bilatérale au réveil d’une intervention particulièrement prolongée, alors que le résultat sur la main était jugé extrêmement satisfaisant. 3. Avis sur la responsabilité Sur ces 20 dossiers, nous relevons trois cas où le rapport de l’expert a retenu une responsabilité du chirurgien et un manquement aux règles de l’art :  le premier cas est celui de la lésion iatrogène peropératoire non diagnostiquée du tendon long fléchisseur du pouce au cours de l’exérèse d’un kyste synovial, ayant nécessité une reprise chirurgicale et un résultat final jugé non satisfaisant. Cet évènement a été qualifié de maladresse ou manque de précaution par l’expert ;  le deuxième cas est celui d’un jersey-finger avec une erreur diagnostique initiale entraînant un délai important à la prise en charge de la lésion, une chirurgie secondaire jugée non satisfaisante et, finalement, un échec. Le manquement retenu a été qualifié de perte de chance par l’expert, à hauteur de 50 % ;  le troisième cas concerne une lésion en zone 2 de l’appareil fléchisseur du 5e doigt accompagnée d’une section du paquet collatéral ulnaire, dont le diagnostic n’a pas été fait en cours d’opérations et dont la réparation sans l’utilisation de grossissement optique a été jugée non conforme par l’expert.

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4. Conclusion Vingt-quatre mises en cause en responsabilité civile concernant des lésions des tendons fléchisseurs sur 1603 dossiers de procédure concernant le membre supérieur est une fréquence qui peut sembler extrêmement faible (12 pour 1000). Il y a certainement plusieurs explications à cette faible fréquence :  les blessés de la main sont conscients le plus souvent qu’il s’agit d’une lésion grave pouvant entraîner des séquelles ;  l’indication opératoire n’est jamais contestée ;  l’information dans le cadre d’une urgence véritable est rarement contestée, bien qu’elle soit tout de même requise à partir du moment où le blessé est physiquement et psychologiquement apte à recevoir cette information. Les motifs de mise en cause et les doléances sont relativement variés mais, dans bon nombre de dossiers, on trouve des résultats simplement jugés non satisfaisants avec raideur, geste secondaire, voire amputation, alors qu’aucune complication véritable n’est survenue. Ceci montre bien que, même en l’absence d’obligation de résultat, en chirurgie fonctionnelle et réparatrice, les patients cherchent de plus en plus un résultat parfait et sont déçus, voire revendicateurs, lorsque le résultat est jugé non satisfaisant. Déclaration d’intérêts Le cabinet Branchet est assureur en responsabilité civile des praticiens.

[Medical liability issues].

Of the 1603 civil liability cases filed between 2002 and 2012 related to upper-limb surgery, we found 20 proceedings (11 in court and 9 in front of th...
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