Pour citer cet article : Denolle T et al., Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle. . ., Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.07.016. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle, filiale de la Société française de cardiologie

Recommandations

Presse Med. 2014; //: /// ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

[TD$FIRSNAME]Thierry[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Denolle[TD$SURNAME.], [TD$FIRSNAME]Bernard[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Chamontin[TD$SURNAME.], [TD$FIRSNAME]Gérard[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Doll[TD$SURNAME.], [TD$FIRSNAME]Jean-Pierre[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Fauvel[TD$SURNAME.], [TD$FIRSNAME]Xavier[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Girerd[TD$SURNAME.], [TD$FIRSNAME]Daniel[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Herpin[TD$SURNAME.], [TD$FIRSNAME]Bernard[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Vaïsse[TD$SURNAME.], [TD$FIRSNAME]Frédéric[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Villeneuve[TD$SURNAME.], [TD$FIRSNAME]Jean-Michel[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Halimi[TD$SURNAME.]

Société française d’hypertension artérielle, 75012 Paris, France

Correspondance : Thierry Denolle, Société française d’hypertension artérielle, 5, rue des Colonnes-du-Trône, 75012 Paris, France. [email protected], [email protected]

Summary Management of resistant hypertension. Expert consensus statement from the French Society of Hypertension, an affiliate of the French Society of Cardiology To improve the management of resistant hypertension, the French Society of Hypertension, an affiliate of the French Society of Cardiology, has published a set of eleven recommendations. The primary objective is to provide the most upto-date information, based on the strongest scientific rationale and which is easily applicable to daily clinical practice for health professionals working within the French health system. Resistant hypertension is defined as uncontrolled blood pressure (BP) both on office measurements and confirmed by outof-office measurements despite a therapeutic strategy comprising appropriate lifestyle and dietary measures and the concurrent use of three antihypertensive agents including a thiazide diuretic, a renin–angiotensin system blocker (ARB or ACEI) and a calcium channel blocker, for at least four weeks, at optimal doses. Treatment compliance must be closely monitored, as most factors that are likely to affect treatment resistance (excessive

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Résumé Pour améliorer la prise en charge de l’HTA résistante, la Société française d’HTA, filiale de la Société française de cardiologie publie onze recommandations dont l’objectif principal est d’apporter des informations actualisées ayant la meilleure justification scientifique et qui soient applicables dans la pratique quotidienne des professionnels de santé travaillant dans le système de santé français. L’HTA résistante est définie par une pression artérielle non contrôlée en consultation et confirmée par des mesures en dehors du cabinet médical, malgré une stratégie thérapeutique comprenant des règles hygiéno-diététiques adaptées et une trithérapie antihypertensive (diurétique thiazidique, bloqueur du SRA [ARA2 ou IEC] et inhibiteur calcique), depuis au moins 4 semaines, à dose optimale. Il convient de rechercher une mauvaise observance et les facteurs qui favorisent la résistance (excès de sel, alcool, dépression et interférences médicamenteuses, substances ayant une action vasopressive). Si l’HTA résistante est confirmée, il est recommandé de demander l’avis d’un spécialiste en HTA pour rechercher une atteinte d’organe cible, une HTA secondaire.

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Disponible sur internet le :

LPM-2600

Pour citer cet article : Denolle T et al., Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle. . ., Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.07.016.

T Denolle, B Chamontin, G Doll, J-P Fauvel, X Girerd, D Herpin et al.

La stratégie thérapeutique recommandée est la quadrithérapie incluant la spironolactone (12,5 à 25 mg/j). En cas de contreindication ou de non réponse à la spironolactone, ou en présence d’effets indésirables, il est suggéré de prescrire un bêta-bloquant, ou un alpha-bloquant, ou un antihypertenseur central. L’intérêt de la dénervation rénale étant en cours d’évaluation, il est suggéré que l’indication de cette technique soit posée dans un centre spécialisé en HTA.

dietary salt intake, alcohol, depression and drug interactions, or vasopressors). If the diagnosis of resistant hypertension is confirmed, the patient should be referred to a hypertension specialist to screen for potential target organ damage and secondary causes of hypertension. The recommended treatment regimen is a combination therapy comprising four treatment classes, including spironolactone (12.5 to 25 mg/day). In the event of a contraindication or a non-response to spironolactone, or if adverse effects occur, a b-blocker, an a-blocker, or a centrally acting antihypertensive drug should be prescribed. Because renal denervation is still undergoing assessment for the treatment of hypertension, this technique should only be prescribed by a specialist hypertension clinic.

S

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elon le rapport de l’Organisation mondiale de la santé sur les facteurs de risque cardiovasculaire, l’hypertension artérielle (HTA) est responsable de 18 % des décès dans les pays riches et de 45 % des décès cardiovasculaires [1] et génère de lourds handicaps liés aux accidents vasculaires cérébraux (AVC), à la démence, à l’insuffisance cardiaque et à l’insuffisance rénale chronique. En 2008, les décès cardiovasculaires représentaient, en France, 30 % de l’ensemble des décès [2]. En France, on estime entre 12 et 14 millions le nombre de patients traités pour HTA [3] mais 50 % environ des hypertendus traités ne sont pas contrôlés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas à l’objectif tensionnel au moment de la consultation. Parmi les HTA non contrôlées, il est décrit des sujets ayant une HTA résistante à une prise en charge usuelle. Améliorer la prise en charge des hypertensions résistantes est justifiée par l’observation d’une augmentation de la prévalence d’atteinte des organes cibles et de l’incidence des AVC de près de 50 % sur une période de 3,8 ans par rapport aux patients dont l’HTA est bien contrôlée. Pour améliorer la prise en charge de l’HTA résistante, la Société française d’HTA, filiale de la Société française de cardiologie publie onze recommandations dont l’objectif principal est de permettre d’apporter des informations actualisées ayant la meilleure justification scientifique et qui soient applicables dans la pratique quotidienne des professionnels de santé travaillant dans le système de santé français. Le souhait de réaliser un document synthétique a conduit à limiter le nombre des recommandations. Pour permettre un usage facilité de ces recommandations par le médecin généraliste et le médecin spécialiste, les étapes de la prise en charge sont résumées sur les figures 1 et 2. Afin de favoriser la lecture du texte

argumentaire, celui-ci a été volontairement réduit mais est disponible sur www.sfhta.eu.

Méthodologie Pour la réalisation de cette recommandation, les règles suivantes ont été appliquées :  effectuer une recherche bibliographique ayant pour mots clés : « resistant hypertension, treatment-resistant hypertension, resistant hypertension review » ;

[(Figure_1)TD$IG]

Figure 1 Étapes de la prise en charge d’une HTA résistante pour le médecin généraliste HTA : hypertension artérielle ; MAPA : mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 h.

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Pour citer cet article : Denolle T et al., Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle. . ., Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.07.016.

[(Figure_2)TD$IG] 

rédaction définitive des recommandations après prise en compte de l’évaluation du groupe de lecture.

Recommandation et argumentaire Recommandation no 1 Il est recommandé de définir une HTA résistante comme une HTA non contrôlée en consultation (PA  140/90 mmHg chez un sujet de moins de 80 ans, ou PAS  150 mmHg chez un sujet de plus de 80 ans) et confirmée par une mesure en dehors du cabinet médical (automesure ou mesure ambulatoire de la pression artérielle), malgré une stratégie thérapeutique comprenant des règles hygiéno-diététiques adaptées et une trithérapie antihypertensive, depuis au moins 4 semaines, à dose optimale, incluant un diurétique.

Recommandations

Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle, filiale de la Société française de cardiologie

Figure 2











utiliser les articles de la recherche bibliographique pour permettre la réponse aux questions suivantes : définition de l’HTA résistante, prévalence chez les hypertendus traités, parcours de soins avec place du médecin généraliste et du médecin spécialiste, place des mesures de pression artérielle en dehors du cabinet médical, évaluation de l’observance des traitements, place des mesures non médicamenteuses, bilan pour la recherche des HTA secondaires, bilan des atteintes d’organes cibles, HTA induites par des substances exogènes, usages des médicaments antihypertenseurs en plurithérapie, place de la dénervation rénale, suivi après le contrôle de la pression artérielle ; rédaction d’un texte argumentaire à partir duquel les recommandations sont émises ; cotation des recommandations par le groupe de travail selon la méthode GRADE qui côte à la fois la qualité globale de la preuve scientifique (nombre et qualité des études) et la force des recommandations qui en découlent (force des évidences en faveur/défaveur de la recommandation). Elles sont de grade A (preuve scientifique élevée), grade B (preuve scientifique moyenne), grade C (preuve scientifique faible), et de classe 1 (il est recommandé), classe 2 (il est suggéré), classe 3 (il n’est pas recommandé) ; évaluation par les experts du groupe de travail de chaque recommandation selon la méthode DELPHI. Une quantification de l’accord associé à la recommandation est apportée avec une échelle allant de + (majorité faible) à ++++ (consensus total) ; soumission des recommandations à un groupe de lecture comprenant des médecins hospitaliers et libéraux, généralistes et spécialistes. Pour chaque recommandation ont été évaluées la précision, la pertinence, l’applicabilité, la correspondance à la pratique et l’utilité en utilisant une échelle discontinue graduée de 1 à 9 ;

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Classe 1 Niveau C Grade +++ Les sociétés savantes internationales et les organismes assurant la rédaction de recommandations professionnelles ont déjà édictés des recommandations ayant pour thème la prise en charge des hypertensions résistantes. Pour définir la population de patients sur laquelle s’applique ces recommandations, il est usuellement retenu les patients hypertendus traités dont la pression artérielle (PA) en consultation est supérieure à l’objectif tensionnel malgré une trithérapie antihypertensive à dose optimale (AHA recommandation 2013) [4], ou ceux dont la PA est supérieure à 140/90 mmHg malgré une stratégie thérapeutique incluant une modification appropriée du mode de vie et une trithérapie incluant un diurétique et deux autres classes d’antihypertenseur à dose adéquate (ESC/ESH recommandation 2013) [5]. La première étape de la prise en charge doit s’assurer d’une bonne évaluation de la PA en consultation, en utilisant un appareil homologué et en évitant l’erreur de mesure liée à une taille du brassard inadaptée à celle du bras du sujet, et en cherchant à éliminer un effet blouse blanche (PA élevée en consultation mais normale par mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 heures [MAPA] et/ou automesure). Une étude réalisée en médecine générale par l’Assurance maladie montrait que 27 % des patients, considérés comme non contrôlés sous trithérapie lors des trois dernières consultations, avaient en fait des chiffres de PA normaux en utilisant un appareil automatique avec brassard adapté à la consultation, et que 6 % de patients supplémentaires étaient en fait équilibrés en automesure après la mise en évidence d’un effet blouse blanche [6]. Pour confirmer le non contrôle de la PA, la MAPA permet aussi la détection de l’effet blouse blanche avec une diminution de la prévalence d’HTA non contrôlée de 38 % après sa réalisation. La comparaison de l’usage de l’automesure et de la MAPA dans l’HTA non contrôlée indique une globale concordance entre les méthodes mais démontre l’intérêt chez certains sujets de la mesure de la PA nocturne et d’une évaluation précise du cycle nycthéméral. La réalisation d’une MAPA a été considérée

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Étapes de la prise en charge d’une HTA résistante pour le médecin spécialiste

Pour citer cet article : Denolle T et al., Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle. . ., Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.07.016.

T Denolle, B Chamontin, G Doll, J-P Fauvel, X Girerd, D Herpin et al.

comme nécessaire pour la confirmation et l’analyse des caractéristiques de la PA chez les sujets ayant une HTA résistante. Pour l’interprétation de l’automesure et de la MAPA, les seuils suivants sont retenus pour l’HTA non contrôlée :  automesure tensionnelle  135/85 mmHg ;  MAPA  130/80 mmHg sur 24 heures ;  MAPA  135/85 mmHg en période diurne ;  MAPA  120/70 mmHg en période nocturne. L’obtention d’une prescription adaptée en trithérapie est la deuxième étape de la prise en charge lorsque l’HTA est non contrôlée car il est montré que l’ajout d’une troisième famille pharmacologique permet d’améliorer le contrôle tensionnel. Des essais randomisés ont évalué l’efficacité d’une trithérapie sur la baisse de la pression artérielle chez des hypertendus dont l’HTA n’était pas contrôlée par une bithérapie [7,8]. Ces études indiquent que les trithérapies sont plus efficaces sur la baisse de la PAS/PAD que les bithérapies. En faisant varier la définition relative au nombre et à la qualité des antihypertenseurs prescrits, une étude récente indique que, sur la même population, la prévalence de l’HTA résistante est de 30,9 % (non contrôle sous trithérapie ou contrôle sous quadrithérapie), ou de 3,4 % (non contrôle malgré 3 antihypertenseurs à dose maximale comprenant un diurétique) [9].

Recommandation no 2 2-A. La trithérapie antihypertensive doit comporter, outre un diurétique thiazidique, un bloqueur du SRA (ARA2 ou IEC) et un inhibiteur calcique. D’autres classes pharmacologiques sont à utiliser en cas d’intolérance ou d’indications préférentielles. 2-B. Dans l’HTA résistante, un diurétique thiazidique doit être utilisé : l’hydrochlorothiazide à un dosage d’au moins 25 mg/j ou l’indapamide. 2-C. En cas d’insuffisance rénale stades 4 et 5 (eDFG < 30 mL/min/1,73m2), le thiazidique doit être remplacé par un diurétique de l’anse (furosémide, bumétanide) prescrit à une posologie adaptée à la fonction rénale. Classe 1, Niveau A, Grade +++

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Le choix des antihypertenseurs composant la trithérapie n’a pas été évalué. Il n’a pas été identifié d’essai randomisé comparant différentes trithérapies pour le traitement de l’HTA non contrôlée. La recommandation américaine (AHA recommandation 2013) [4] souligne que le choix d’une trithérapie est empirique et se fonde sur le contexte clinique et le mécanisme d’action des différentes classes d’antihypertenseurs. La recommandation européenne de 2013 (ESC/ESH recommandation 2013) [5] indique que lorsqu’une trithérapie est utilisée, le choix des médicaments peut se faire au sein de quatre classes d’antihypertenseurs : diurétiques thiazidiques, inhibiteurs du système rénine–aldostérone (SRA), bêta-bloquants et inhibiteurs calciques. En France, les données de prescription des antihypertenseurs obtenues par les études FLAHS indiquent que chez les 15 % d’hypertendus traités par trithérapie [10], la

combinaison diurétique thiazidique plus bloqueur du SRA (antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 [ARA2] ou inhibiteur de l’enzyme de conversion [IEC]) et inhibiteur calcique ne concerne que 33 % des prescriptions ; la combinaison bloqueur du SRA, diurétique et bêta-bloquant est notée sur 33 % des ordonnances ; l’association bêta-bloquant avec deux autres classes étant prescrite chez 21 % des patients. Par ailleurs, les données de l’Assurance maladie indiquent que 88 % des hypertendus sous trithérapie ayant une ALD ont une prescription comportant un diurétique [6], mais une étude réalisée aux États-Unis montre que seulement la moitié des hypertendus non contrôlés ayant au moins une trithérapie reçoivent une dose optimale d’antihypertenseurs [11]. Pour traiter les HTA non contrôlées et avant de considérer que l’HTA est résistante, il est proposé que la trithérapie comporte un diurétique thiazidique, un bloqueur du SRA (ARA2 ou IEC) et un inhibiteur calcique. Les autres classes pharmacologiques peuvent être utilisées en cas d’intolérance ou d’indications préférentielles. Concernant le choix du diurétique, il est recommandé l’utilisation d’un diurétique thiazidique (hydrochlorothiazide à un dosage d’au moins 25 mg/j ou indapamide), le thiazidique devant être remplacé par un diurétique de l’anse (furosémide, bumétanide) en cas d’insuffisance rénale de stades 4 et 5 (eDFG < 30 mL/min/1,73m2),

Recommandations no 3 et 4 Recommandation 3 – Il est recommandé de rechercher une mauvaise observance : questionnaire, dosages médicamenteux, décompte des médicaments. Classe 1, Niveau C, Grade +++ Recommandation 4 – Il est suggéré que l’information du patient, l’éducation thérapeutique et l’automesure tensionnelle puissent contribuer à améliorer le contrôle tensionnel. Classe 2, Niveau B, Grade ++ La recommandation européenne de 2013 (ESC/ESH recommandation 2013) [5] souligne l’importance de rechercher une mauvaise observance du traitement chez l’hypertendu résistant mais indique que la détection d’une mauvaise observance par l’interrogatoire du patient peut être erronée. Il existe des moyens directs pour objectiver la non-observance (pilulier électronique, dosage des médicaments), mais leur usage n’est pas applicable à la pratique clinique courante. L’usage d’un questionnaire adapté à la recherche d’une mauvaise observance chez l’hypertendu a été évalué en pratique quotidienne et a apporté une aide à la prise en charge d’hypertendus non contrôlés [12]. La recherche d’une mauvaise observance chez l’hypertendu résistant apporte souvent une information utile comme l’indique une étude réalisée en Pologne qui se base sur la détection des médicaments dans les urines et révèle une mauvaise observance du traitement chez 53 % des patients tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Denolle T et al., Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle. . ., Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.07.016.

avec chez 16 % une absence totale de prise des médicaments prescrits [13]. Les analyses des bases de données de délivrance des prescriptions des antihypertenseurs ont noté que c’est dans l’année suivant la première prescription que la fréquence d’arrêt de la prise quotidienne est la plus élevée. Une étude réalisée à partir de la base de données de l’Assurance maladie en France [14] montre qu’à 12 mois de la première délivrance d’antihypertenseur, 35 % des patients ont arrêté le traitement initialement prescrit et que 63 % ont connu au moins une période d’arrêt temporaire (plus de 14 jours) de leur traitement. Certains paramètres sont associés à un meilleur suivi du traitement (persistance de la prescription) : un âge plus élevé, la présence d’un diabète ou d’antécédents cardiovasculaires, un nombre réduit de comprimés, la délivrance d’associations fixes. Pour améliorer l’observance au suivi du traitement antihypertenseur, des études d’intervention ont été réalisées afin de tester les effets de l’information du patient, de l’éducation thérapeutique et de l’automesure tensionnelle. Les résultats de ces études ne sont le plus souvent pas démonstratifs.

Recommandation no 5 Il est suggéré de rechercher un facteur favorisant la résistance aux traitements (excès de sel, alcool, dépression et interférences médicamenteuses) ou des médicaments et substances ayant une action vasopressive (encadrés 1 et 2). Classe 2, Niveau B, Grade ++ Les conseils concernant les mesures d’habitudes de vie sont similaires chez l’hypertendu résistant et chez l’hypertendu contrôlé : 2  perte de poids en cas de surpoids (IMC > 25 kg/m ) ou 2 d’obésité (IMC > 30 kg/m ) ;

Encadre´ 2 Médicaments et substances pouvant interférer avec le métabolisme et/ou l’action des antihypertenseurs (liste non exhaustive) 

Anti-inflammatoires non stéroïdiens



Antirétroviraux



Inhibiteurs de CYP17A1 : jus de pamplemousse, macrolides,

Recommandations

Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle, filiale de la Société française de cardiologie

antifongiques azolés

diminution d’une consommation excessive en apports sodés ; modération de la consommation d’alcool ;  pratique d’un exercice physique régulier ;  enrichissement de l’alimentation en légumes et diminution des apports de graisses animales. La réalisation d’un recueil des urines des 24 heures permet la mesure de la natriurèse qui quantifie les apports en sel. Un consommateur excessif de sel est dépisté si la natriurèse dépasse 12 g/jour (200 mmol). L’objectif d’une élimination par 24 heures inférieure à 6 g de NaCl (100 mmol) sera recommandé. Un interrogatoire alimentaire détaillé dépistera les consommations d’aliments riches en sel caché (fromage, pain, charcuterie, pizza, bouillons cubes. . .). Il sera utile d’authentifier la présence d’un état dépressif ou de douleurs chroniques dont la prise en charge pourra participer au contrôle de l’HTA résistante aux traitements [15].  

Recommandations no 6 et 7 Recommandation 6 – Si l’HTA résistante est confirmée, il est recommandé de demander l’avis d’un spécialiste en HTA pour rechercher une HTA secondaire, une atteinte d’organe cible et établir la stratégie thérapeutique ultérieure. Classe 2, Niveau B, Grade ++

Médicaments et substances ayant une action vasopressive (liste non exhaustive) 

Anti-angiogéniques



Ciclosporine, tacrolimus



Corticostéroïdes



Érythropoïétine



Œstrogènes de synthèse (contraception orale)



Sympathomimétiques



Inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline



Alcool



Cocaïne, amphétamines



Herbes (éphédra ou ma huang)



Réglisse (acide glycyrrhizinique)

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Recommandation 7 – Les examens effectués pour la recherche d’une HTA secondaire ou d’un facteur favorisant seront réalisés en fonction du contexte clinique, de la disponibilité des techniques d’exploration et de l’expérience du spécialiste. Ils sont :  ionogramme sanguin et natriurèse dès 24 heures, créatininémie, créatininurie et protéinurie dès 24 heures ;  angioscanner abdominal ;  échographie Doppler des artères rénales ;  dosage de la rénine et de l’aldostérone plasmatiques pour calcul du rapport aldostérone–rénine plasmatiques ;  dosage des méta- et normétanéphrines urinaires des 24 heures ;  dosage du cortisol libre urinaire (CLU) des 24 heures, test de freinage rapide par la dexaméthasone (DXM) 1 mg ;  oxymétrie nocturne, polygraphie de ventilation, enregistrement polysomnographique.

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Encadre´ 1

Pour citer cet article : Denolle T et al., Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle. . ., Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.07.016.

T Denolle, B Chamontin, G Doll, J-P Fauvel, X Girerd, D Herpin et al.

Classe 2, Niveau B, Grade ++

Classe 1, Niveau A, Grade ++++

La recherche d’une HTA secondaire est recommandée en présence d’une HTA résistante. Elle nécessite un interrogatoire, un examen clinique et des examens complémentaires orientés. En effet, si l’existence d’une HTA secondaire est rare dans la population générale des hypertendus, elle est beaucoup plus fréquente en présence d’une HTA résistante. L’absence de stratégie de dépistage validée en soins primaires, la difficulté, voire l’impossibilité de réaliser certains examens dans des conditions optimales conduisent à proposer que la recherche de l’HTA secondaire soit assurée par le spécialiste. Le bilan prendra en compte la prévalence de chaque étiologie selon les caractéristiques du patient. Une étude publiée en 2011 [16] a évaluée la prévalence des causes d’HTA secondaires dans une population d’hypertendus résistants suivis au Brésil. Un hyperaldostéronisme primaire est noté chez 5,6 % des sujets, une sténose de l’artère rénale chez 2,4 %, une maladie rénale chez 1,6 %. Un syndrome d’apnée du sommeil est retrouvé chez 64 % des sujets.

Recommandation 10 – En cas de contre-indication ou de non réponse à la spironolactone, ou en présence d’effets indésirables, il est suggéré de prescrire un bêta-bloquant, ou un alpha-bloquant, ou un antihypertenseur central.

Recommandation no 8 Les examens suggérés pour la recherche d’une atteinte d’organe cible sont :  créatininémie, créatininurie, microalbuminurie et protéinurie ;  ECG de repos et échocardiographie. Classe 2, Niveau B, Grade ++ La recherche d’une atteinte d’organe cible doit être effectuée lors du bilan d’une HTA résistante. L’existence d’une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) électrique ou échocardiographique, la présence d’une microalbuminurie, d’une protéinurie ou d’une atteinte de la fonction rénale, l’existence d’une atteinte vasculaire confortent le diagnostic d’HTA résistante et sont autant d’arguments en faveur du renforcement du traitement antihypertenseur. De plus, il a été démontré que la régression de l’HVG et de la protéinurie était associée à l’amélioration du pronostic cardiovasculaire [17,18]. Un bilan vasculaire sera réalisé en fonction du contexte clinique, de la disponibilité des techniques d’exploration et de l’expérience du spécialiste. Le bénéfice cardiovasculaire d’une régression de l’épaisseur intima média n’a pas été clairement établi.

Recommandation no 9 et 10

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Recommandation 9 – Il est recommandé, en l’absence d’étiologie curable retrouvée chez le sujet de moins de 80 ans, de mettre en place une quadrithérapie comportant en première intention la spironolactone (12,5 à 25 mg/j) en l’absence de contre-indication. Une surveillance de la kaliémie et de la créatininémie est nécessaire. Le choix d’un bêta-bloquant peut être préféré en fonction de la situation clinique.

Classe 2, Niveau C, Grade ++ Lorsque la trithérapie ne permet pas l’atteinte de l’objectif tensionnel, une quadrithérapie doit être proposée. Bien qu’aucune étude randomisée n’ait permis de déterminer le schéma thérapeutique optimal après une trithérapie, le renforcement du traitement diurétique est proposé lorsque la persistance d’une surcharge hydro-sodée est suspectée [19]. L’association de la spironolactone à une trithérapie est la stratégie qui a été la mieux évaluée. Plusieurs études ont observé un bénéfice sur le contrôle tensionnel à associer la spironolactone pour réaliser une quadrithérapie [20]. La bonne efficacité de l’association de diurétiques chez certains hypertendus résistants est possiblement liée au profil hormonal particulier de ces patients (rénine basse sans hyperaldostéronisme détectable). En cas d’intolérance mais d’efficacité de la spironolactone, l’amiloride doit être proposé plutôt que l’éplérénone qui n’a pas d’AMM reconnue pour le traitement de l’HTA en France. En cas de contre-indication ou de non réponse à la spironolactone, ou en présence d’effets indésirables, il est suggéré de prescrire un bêta-bloquant, ou un alpha-bloquant, ou un antihypertenseur central.

Recommandation no 11 L’intérêt de la dénervation rénale étant en cours d’évaluation, il est suggéré que l’indication de cette technique soit posée dans un centre spécialisé en HTA. Classe 1, Niveau C, Grade +++ La dénervation rénale par voie endovasculaire a pour but la destruction de certaines fibres nerveuses sympathiques afférentes et efférentes qui cheminent dans l’adventice des artères rénales provoquant une baisse de la PA. Les études cliniques initiales ont montré une baisse importante de la PA de consultation chez des hypertendus résistants avec une persistance 36 mois après la procédure (–27/–17 mmHg). La baisse de la PA n’étant pas immédiate, l’effet optimal doit être évalué au moins 3 mois après la procédure. Aucune complication sévère, ni d’hypotension orthostatique n’étaient rapportées. La fonction rénale est restée stable à 6 mois [21,22]. Cependant, il a été rapporté quelques cas de sténoses des artères rénales, secondaires à la dénervation. La publication d’une étude randomisée ayant comparé la dénervation à une procédure endovasculaire incomplète (SHAM) mais avec une bonne standardisation dans l’usage des médicaments antihypertenseurs n’a montré qu’une faible baisse, non significative, de la PA attribuable à la dénervation, en particulier lorsque la PA était évaluée par une MAPA à tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Denolle T et al., Prise en charge de l’hypertension artérielle résistante. Consensus d’experts de la Société française d’hypertension artérielle. . ., Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.07.016.

6 mois [23]. Dans l’attente de résultats d’autres essais qui aideront à préciser les indications de cette méthode de traitement de l’HTA, il est recommandé que cette technique ne soit indiquée qu’après une discussion multidisciplinaire comprenant un spécialiste en HTA, et d’en limiter l’indication aux hypertendus

essentiels, résistant à une quadrithérapie comprenant un diurétique et 25 mg/j de spironolactone, avec une PAS clinique > 160 et/ou une PAD clinique > 100 mmHg, une automesure ou une MAPA d’activité > 135/85 mmHg et une anatomie des artères rénales compatible avec la technique [24].

Recommandations

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References

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To improve the management of resistant hypertension, the French Society of Hypertension, an affiliate of the French Society of Cardiology, has publish...
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