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ANNPAT-946; No. of Pages 4 Annales de pathologie (2014) xxx, xxx—xxx

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CAS ANATOMOCLINIQUE

Carcinome salivaire sécrétoire, analogue des carcinomes sécrétoires mammaires Mammary analog secretory carcinoma of the parotid gland Maxime Guérin a,∗, Abdoulaye Diedhiou a, Emmanuel Nallet b, Suzy Duflo b, Marick Laé c, Michel Wassef d a

Service d’anatomie et cytologie pathologique, CHU Pointe-à-Pitre/Abymes, BP 465, 97159 Pointe-à-Pitre cedex, Guadeloupe b Service ORL, CHU Pointe à Pitre/Abymes, Guadeloupe, France c Service de pathologie, unité de cytogénétique, institut Curie, Paris, France d Service de pathologie, hôpital Lariboisiere, Paris, France Accepté pour publication le 13 aoˆ ut 2014

MOTS CLÉS Carcinome salivaire sécrétoire ; Analogue des carcinomes sécrétoires mammaires ; Glande parotide ; ETV6

KEYWORDS Mammary analog secretory carcinoma; Parotid gland; ETV6



Résumé Le carcinome salivaire analogue des carcinomes sécrétoires mammaires est une tumeur rare, de description récente. Nous rapportons l’observation d’un homme de 46 ans présentant une tumeur du lobe superficiel de la parotide gauche pour laquelle le diagnostic de carcinome salivaire sécrétoire (analogue des carcinomes sécrétoires mammaires) a été porté. La confirmation diagnostique s’appuie sur la mise en évidence de la translocation ETV6-NTRK3, bien que certains aspects morphologiques et immunohistochimiques soient évocateurs. Il s’agit d’une nouvelle entité à distinguer du carcinome à cellules acineuses et du cystadénocarcinome cribriforme de bas grade, ses principaux diagnostics différentiels. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Mammary analog secretory carcinoma (MASC) of the parotid gland is a rare and recently described lesion. We report the case of a 46-year-old man with a tumor of the parotid gland which was carried to the diagnosis of MASC. Diagnostic was confirmed by highlighting the ETV6-NTRK3 gene translocation. However, some morphologic and immunohistochemical features are suggestive of this entity. This carcinoma should be distinguished from its main differential diagnoses: acinic cell carcinoma and low grade cribriform cystadenocarcinoma. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Guérin).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.08.004 0242-6498/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Guérin M, et al. Carcinome salivaire sécrétoire, analogue des carcinomes sécrétoires mammaires. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.08.004

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M. Guérin et al.

Observation clinique Un homme de 46 ans présente une augmentation du volume de la partie superficielle de la parotide gauche. Il s’agit d’une tuméfaction ferme et indolore à la palpation. Le patient a pour antécédents un nodule thyroïdien non exploré, une hémorragie digestive, une hypertension artérielle et un diabète familial. Une échographie retrouve un nodule intra parotidien de 12 mm de diamètre au sein du lobe superficiel. L’imagerie est complétée par une TDM confirmant la présence d’un nodule hétérogène partiellement nécrotique. La mesure est corrigée à 14 mm de grand axe. Il est également réalisé une IRM qui révèle ce même nodule en hypo signal T1 et hyper signal T2. Une exérèse chirurgicale est réalisée sans curage ganglionnaire associé. À ce jour, le patient n’a pas présenté de récidive dans les 14 mois qui ont suivi l’exérèse.

Examen anatomopathologique L’examen macroscopique identifie au sein du lobe parotidien superficiel adressé un nodule grisâtre de 1,4 cm de grand axe. Il est inclus en totalité. L’étude histologique du nodule révèle une prolifération tumorale dense, bien limitée en périphérie et creusée par endroits de quelques cavités cribriformes contenant parfois un matériel faiblement éosinophile. Les cellules sont volumineuses, au cytoplasme éosinophile et aux contours peu visibles. Il n’est pas visualisé de granulation cytoplasmique. Les noyaux sont arrondis, clairs et comportent un petit nucléole. Le stroma grêle renferme quelques lymphocytes. (Fig. 1). L’étude immunohistochimique réalisée montre une expression des anticorps anti CK7, CK5/6, CK19, vimentine, avec également une positivité cytoplasmique et nucléaire de l’anti-protéine S100. On note un fort marquage par l’anticorps anti-mammoglobine (Fig. 2). Les cellules sont négatives pour CK20, TTF1, actine, P63 et DOG-1. Le diagnostic proposé fut donc celui de carcinome salivaire sécrétoire, analogue des carcinomes sécrétoires mammaires.

Figure 1. Carcinome salivaire sécrétoire, analogue des carcinomes sécrétoires mammaires. Hémalun et éosine. Grossissement × 10. Secretory carcinoma of salivary gland. Mammary analog secretory carcinoma. Hemalun and eosin. Enlargement × 10.

Figure 2. Marquage intense par l’anticorps anti-mammoglobine. Intense marking by anti-mammoglobin antibodies.

L’étude en pathologie moléculaire réalisée confirme le diagnostic. L’hybridation in situ en fluorescence (FISH) sur coupe tissulaire à partir d’un bloc de tissu fixé et inclus en paraffine, utilisant la sonde de fission bicolore du gène ETV6 (sonde Vysis) a permis d’observer une fission de l’un des signaux ETV6 dans 50 noyaux examinés, confirmant ainsi la présence d’un remaniement de ce gène (Fig. 3).

Discussion Le carcinome salivaire sécrétoire analogue des carcinomes sécrétoires mammaires ou MASC (Mammary Analog Secretrory Carcinoma) est une entité récemment décrite au sein des tumeurs épithéliales malignes des glandes salivaires.

Figure 3. Hybridation in situ interphasique sur coupe tissulaire. Présence d’un réarrangement du gène ETV6 : les signaux vert (FITC) et rouge (rhodamine), situés de part et d’autre du locus de ETV6 sur le chromosome 12, sont séparés. Présence d’une copie intacte de la région de ETV6 représentée par une co-localisation des signaux vert et rouge. Interphasic in situ hybridization on tissue section. Presence of rearrangement of the ETV6 gene: green signals (FITC) and red signals (rhodamine), situated on either side of the ETV6 locus on chromosome 12, are separated. Presence of an intact copy of the ETV6 region represented by a co-localization of green and red signals.

Pour citer cet article : Guérin M, et al. Carcinome salivaire sécrétoire, analogue des carcinomes sécrétoires mammaires. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.08.004

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Carcinome salivaire sécrétoire, analogue des carcinomes sécrétoires mammaires La première description date de 2010 par Skalova et al. [1]. Sa ressemblance avec les carcinomes mammaires sécrétoires fut constatée sur le plan morphologique mais également sur un plan génétique. En effet ces deux entités partagent une translocation commune, t(12 ;15)(p13 ;q25). Cette translocation réalise une fusion des gènes ETV6 et NTRK3 (ou NTRK4). La translocation n’est pas spécifique de ce type tumoral. Elle est également présente dans des tumeurs mésenchymateuses (fibrosarcome congénital/nephrome mésoblastique congénital) et certaines leucémies. Ce carcinome n’est pas répertorié dans la classification OMS des tumeurs de la tête et du cou, édition 2005 [2]. Selon Sakalova et al. [1,3,4] ce carcinome toucherait principalement la glande parotide de patients d’âge moyen. La dissémination métastatique serait rare, bien que l’évolution clinique reste imprévisible. Les cas rapportés présentent en effet généralement un comportement indolent, peu différent de celui d’un carcinome à cellules acineuses mais certains cas sont particulièrement agressifs avec un pronostic péjoratif [4]. Ce type de carcinome se rencontre également dans les glandes salivaires accessoires. Mais, il ne serait pas limité aux localisations mammaires ou salivaires, avec notamment un cas décrit récemment dans la peau. [5] D’après certain auteur, la majorité des carcinomes évoquant un carcinome à cellules acineuses hors de la parotide correspondrait à un MASC [6]. Cette entité tumorale de la parotide présente d’importantes similitudes morphologiques avec d’autres carcinomes des glandes salivaires. Histologiquement, le carcinome sécrétoire salivaire ou MASC peut prendre une architecture nodulaire, micro ou macro kystique, parfois papillaire, rappelant un carcinome à cellules acineuses. La cellularité est monotone, de bas grade, de type apocrine. Les cytoplasmes sont éosinophiles. Les noyaux sont réguliers, souvent un peu clairs, vésiculeux et comportent un petit nucléole. Il existe au moins focalement une sécrétion extracellulaire PAS positive. Ces différents aspects peuvent également se rencontrer dans les carcinomes à cellules acineuses et les cystadénocarcinomes cribriformes de bas grade, principaux diagnostics différentiels à évoquer [7]. Cependant, il faut noter certaines subtilités histologiques permettant la distinction. L’absence de granulations cytoplasmiques PAS positives différencie en principe le MASC du carcinome à cellules acineuses [8]. L’absence de cellules basales/myoépithéliales en périphérie des nodules tumoraux (absence d’aspect intracanalaire ou de carcinome in situ) permet d’écarter le diagnostic de cystadénocarcinome de bas grade. D’un point de vue immunohistochimique, Skalova et al. [1,3,4] décrivent pour presque l’ensemble de ces cas un fort marquage par les anticorps anti- protéine S100 (nucléaire et cytoplasmique), anti-CK7 et anti-vimentine. L’anticorps anti-mammoglobine est un élément important du diagnostic par sa sensibilité mais n’est pas absolument spécifique [8]. La CK19 est généralement diffusément et intensément exprimée. Ce profil particulier (Mammoglobine+, CK19+, S-100+, vimentine + ) est très évocateur du diagnostic et doit conduire à rechercher la présence de la translocation t(12 ;15) ETV6-NTRK3. Deux techniques sont disponibles : la FISH sur coupe tissulaire à partir d’un bloc de tissu fixé et inclus en paraffine qui permet de mettre en évidence

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le remaniement du gène ETV6 et la PCR à partir de tissu cryopréservé ou fixé qui montre la présence du transcrit ETV6-NTRK3. Pour la prise en charge thérapeutique de cette nouvelle entité, on ne dispose pas encore de recommandation spécifique. D’avantage de recul sur sa prévalence globale et son évolution est encore nécessaire afin d’établir un algorithme thérapeutique adapté [9]. Notre patient a bénéficié d’une exérèse complète sans récidive locale ou régionale au cours des 14 mois de suivi.

Conclusion Le carcinome salivaire analogue des carcinomes sécrétoires mammaires est une tumeur rare décrite en 2010. L’individualisation de cette entité s’appuie sur l’identification de la translocation t(12 ;15) ETV6-NTRK3 (mise en évidence du transcrit ETV6-NTRK3 par PCR ou du remaniement du gène ETV6 par FISH). Ses particularités morphologiques et immunohistochimiques permettent d’évoquer ce diagnostic, mais à l’heure actuelle seule la mise en évidence de cette altération moléculaire permet d’affirmer formellement le diagnostic. Son pronostic semble encore incertain. C’est donc une entité anatomoclinique à connaître et à différencier de ses principaux diagnostics différentiels que sont le carcinome à cellules acineuses et le cystadénocarcinome cribriforme de bas grade. Il n’est actuellement pas établi de prise en charge spécifique aux MASC, davantage de données anatomocliniques étant encore nécessaires afin d’en préciser l’évolutivité et d’évaluer un traitement adapté.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Skálová A, Vanecek T, Sima R, Laco J, Weinreb I, PerezOrdonez B, et al. Mammary analogue secretory carcinoma of salivary glands, containing the ETV6-NTRK3 fusion gene: a hitherto undescribed salivary gland tumor entity. Am J Surg Pathol 2010;34:599—608. [2] In: Barnes L, Eveson J, Reichart P, Sidransky D, editors. Pathology and genetics of head and neck tumours. World Health Organization classification of tumours Lyon: IARC Press; 2005. [3] Skálová A. Mammary analogue secretory carcinoma of salivary gland origin: an update and expanded morphologic and immunohistochemical spectrum of recently described entity. Head Neck Pathol 2013;7:S30—6. [4] Skálová A, Vanecek T, Majewska H, Laco J, Grossmann P, Simpson RH, et al. Mammary analog secretory carcinoma of salivary glands with high-grade transformation: report of 3 cases with the ETV6-NTRK3 gene fusion and analysis of TP53, ␤catenin. EGFR, and CCND1 genes. Am J Surg Pathol 2014;38: 23—33. [5] Kazakov DV, Hantschke M, Vanecek T, Kacerovska D, Michal M. Mammary-type secretory carcinoma of the skin. Am J Surg Pathol 2010;34:1226—7. [6] Bishop JA, Yonescu R, Batista D, Eisele DW, Westra WH. Most nonparotid ‘‘acinic cell carcinomas’’ represent mammary analog secretory carcinomas. Am J Surg Pathol 2013;37: 1053—7.

Pour citer cet article : Guérin M, et al. Carcinome salivaire sécrétoire, analogue des carcinomes sécrétoires mammaires. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.08.004

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M. Guérin et al.

[7] Bishop JA, Yonescu R, Batista D, Begum S, Eisele DW, Westra WH. Utility of mammaglobin immunohistochemistry as a proxy marker for the ETV6-NTRK3 translocation in the diagnosis of salivary mammary analogue secretory carcinoma. Hum Pathol 2013;44:1982—8. [8] Griffith C, Seethala R, Chiosea SI. Mammary analogue secretory carcinoma: a new twist to the diagnostic dilemma of

zymogen granule poor acinic cell carcinoma. Virchows Arch 2011;459:117—8. [9] Sethi R, Kozin E, Remenschneider A, Meier J, Vanderlaan P, Faquin W, et al. Mammary analogue secretory carcinoma: update on a new diagnosis of salivary gland malignancy. Laryngoscope 2014;124:188—95.

Pour citer cet article : Guérin M, et al. Carcinome salivaire sécrétoire, analogue des carcinomes sécrétoires mammaires. Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.08.004

[Mammary analog secretory carcinoma of the parotid gland].

Mammary analog secretory carcinoma (MASC) of the parotid gland is a rare and recently described lesion. We report the case of a 46-year-old man with a...
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