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PNEUMO-479; No. of Pages 4

Revue de Pneumologie clinique (2015) xxx, xxx—xxx

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CAS CLINIQUE

Hernie pulmonaire intercostale secondaire à un effort de toux Lung hernia provoked by a cough fit S. Aguir a, G. Boddaert a,∗, G. Weber b, E. Hornez a, F. Pons a a

Service de chirurgie thoracique et vasculaire, hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France b Service d’imagerie médicale, hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart, France

MOTS CLÉS Thorax ; Poumon ; Hernie

KEYWORDS Chest; Lung; Hernia



Résumé Les hernies pulmonaires sont rares et leur pathogénie peu décrite. Elles sont définies par la protrusion de parenchyme pulmonaire à travers la paroi thoracique : espace intercostal, hiatus inter-costo-claviculaire, sus-claviculaire ou diaphragmatique. On distingue classiquement les hernies congénitales des hernies acquises. Ces dernières sont généralement post-traumatiques ou post-opératoires mais peuvent être provoquées par des efforts de toux. Le diagnostic clinique, souvent évident, est confirmé par l’analyse radiographique mais surtout tomodensitométrique. Les risques principaux sont l’incarcération et la nécrose pulmonaire, voire la détresse ventilatoire par respiration paradoxale, en cas de volumineuse hernie. Le traitement, en règle chirurgical, n’est pas univoque et doit prendre en compte la localisation, la taille, la durée d’évolution et le contexte possiblement septique. Nous rapportons le cas d’une hernie basi-thoracique droite provoquée par un effort de toux chez un patient bronchitique chronique. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Lung hernias are rare and their pathogenesis is few described. They are defined as the protrusion of lung parenchyma through the chest wall: intercostal space, inter-costoclavicular, supra-clavicular or diaphragmatic hiatus. Lung hernias are classically divided into congenital and acquired hernias. Those are usually post-traumatic or post-surgical but can be provoked by cough. Clinical diagnosis is often evident but is confirmed by chest radiograph

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Boddaert).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.11.005 0761-8417/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Aguir S, et al. Hernie pulmonaire intercostale secondaire à un effort de toux. Rev Pneumol Clin (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.11.005

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S. Aguir et al. and especially computed tomography. Major risks are lung incarceration and necrosis but also ventilatory distress due to paradoxical respiration, in case of large defect. Treatment is first and foremost surgical but debated and should consider the localization, the size, the length of evolution and the possible infectious context. We report the case of a right basi-thoracic lung hernia induced by a cough fit, in a patient with chronic bronchitis. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les hernies pulmonaires sont rares et à différencier des éviscérations qui correspondent à l’extériorisation de parenchyme pulmonaire par une plaie. Le premier cas de hernie pulmonaire a été décrit en 1499 par Roland et correspondait à une hernie sus-claviculaire [1]. Un peu plus de 300 cas, seulement, ont été rapportés dans la littérature depuis. On distingue classiquement les hernies congénitales des hernies acquises. Ces dernières sont le plus souvent d’origine traumatique ou iatrogène, notamment après chirurgie thoracique. Il existe également des hernies acquises dites « spontanées » mais qui sont le plus souvent induites par un effort de toux, un éternuement, voire un « fauxmouvement », sans réelle notion de traumatisme. Nous rapportons le cas d’une hernie pulmonaire induite par un effort de toux, dont l’intérêt est d’en rappeler la classification, la physiopathologie, les moyens diagnostiques et thérapeutiques.

Observation Notre observation rapporte le cas d’un homme âgé de 63 ans, aux antécédents de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), de cardiopathie ischémique, présentant une obésité morbide avec un indice de masse corporelle (IMC) à 32, tabagique non sevré (50 paquets-années) et traité par corticoïdes inhalés au long cours. L’histoire est celle d’une douleur brutale, intense, basithoracique droite, à type de déchirement, au décours d’un effort de toux. L’évolution était rapidement marquée par une voussure impulsive ainsi qu’une dyspnée de stade III selon la New York Heart Association (NYHA) et des crachats hémoptoïques. À l’examen clinique, on observait une tuméfaction de la partie latérale du huitième espace intercostal droit, impulsive, douloureuse et crépitante à la palpation, mais sans hématome. La radiographie thoracique de face mettait en évidence une image aérique pariétale, en continuité avec le poumon, en regard de la partie latérale du huitième espace intercostal droit (Fig. 1). Le profil, quant-à lui, n’objectivait pas d’anomalie notable. La tomodensitométrie thoracique confirmait le diagnostic de hernie pulmonaire au niveau de la partie latérale du huitième espace intercostal droit. On notait également un discret emphysème au sein de la paroi thoracique, un diastasis entre la huitième et la neuvième côte, un aspect de contusion parenchymateuse à proximité, un épanchement pleural de faible à moyenne abondance et un poumon, par ailleurs, manifestement emphysémateux

(Fig. 2). La fibroscopie bronchique réalisée à titre systématique ne retrouvait pas de lésion tumorale ni d’autre anomalie pouvant expliquer les crachats hémoptoïques. Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) objectivaient un trouble ventilatoire obstructif modéré, non réversible, avec un volume expiratoire maximum en 1 seconde (VEMS) à 1,55 L soit 60,4 % de la théorique, une capacité vitale forcée (CVF) à 3,22 L soit 96,4 % de la théorique et un rapport de Tiffeneau à 62 %. L’indication opératoire a été retenue en raison de l’importance de la déhiscence, de la dyspnée, de douleurs invalidantes et de la contusion pulmonaire sousjacente, responsable des crachats hémoptoïques. Une vidéo-thoracoscopie première a été réalisée. L’exploration a mis en évidence une déchirure longitudinale du muscle intercostal avec incarcération du lobe pulmonaire inférieur droit, contus, ainsi qu’un aspect de pachypleurite chronique vraisemblablement infectieuse. Devant l’importance de la déhiscence et, compte tenu du contexte septique, la relative contre-indication à la pose d’une prothèse, une conversion en thoracotomie élective a été réalisée pour fermeture de l’espace intercostal à points séparés transpéri-costaux de fil non résorbable. Les suites opératoires ont été simples. Le patient était initialement pris en charge en unité de soins continus (USC), en raison de son terrain et pour contrôle analgésique. L’évolution a été favorable sous couvert de séances de ventilation non invasive (VNI) et de kinésithérapie respiratoire, permettant un transfert vers le service de chirurgie au 5e jour post-opératoire. Le résultat était jugé satisfaisant avec une paroi solide et aucun argument clinique ou radiologique évocateur de récidive. La sortie en centre de convalescence a eu lieu au 12e jour après l’intervention. À six mois, le patient était asymptomatique malgré la persistance d’une toux chronique et de douleurs neuropathiques, néanmoins bien calmées par un traitement anti-épileptique de type prégabaline. Il n’a pas présenté de nouveaux crachats hémoptoïques. La paroi thoracique était solide, sans voussure, notamment aux efforts de toux. La tomodensitométrie thoracique confirmait le bon résultat de la réparation, l’absence de récidive et la régression de la contusion pulmonaire sous jacente. Sur le plan fonctionnel, le patient était eupnéïque en air ambiant et ses EFR globalement identiques : VEMS à 1,66 L soit 65 %, CVF à 3,38 L soit 101,1 %, et rapport de Tiffeneau à 64 %.

Discussion Le terme hernie pulmonaire définit la protrusion de parenchyme pulmonaire couvert de ses feuillets pleuraux par un

Pour citer cet article : Aguir S, et al. Hernie pulmonaire intercostale secondaire à un effort de toux. Rev Pneumol Clin (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.11.005

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Hernie pulmonaire intercostale secondaire à un effort de toux

3 Tableau 1 Classification des hernies pulmonaires selon Morel-Lavallée [2] et fréquence selon Munell [3]. Localisation

Étiologie

Figure 1. Radiographie thoracique de face objectivant une image aérique pariétale, en regard du huitième espace intercostal droit, en continuité avec le poumon, correspondant à une hernie pulmonaire.

Figure 2. Tomodensitométrie thoracique en coupe axiale confirmant le diagnostic de hernie pulmonaire avec discret emphysème pariétal.

défect de la paroi thoracique, sans qu’il n’y ait d’effraction cutanée. Par abus, sont souvent inclues les éviscérations dîtes « couvertes ». La classification proposée par MorelLavallée en 1845, définissant les hernies en fonction de leur localisation et de leur mécanisme, reste la plus simple et la plus pertinente [2] (Tableau 1). Elle distingue les hernies sus-claviculaires, thoraciques ou diaphragmatiques et les hernies congénitales ou acquises. Ces dernières peuvent être traumatiques, consécutives, pathologiques ou encore spontanées. Le terme « consécutif », désignant une hernie d’apparition différée après un traumatisme, a secondairement disparu pour être inclus dans la catégorie post-traumatique, au même titre que les hernies postopératoires. En 1968, Munnell et al. [3] dans une revue de la littérature, rapportent 258 cas de hernie pulmonaire. Soixante-cinq pour cent sont thoraciques, 35 % cervicales,

Thoracique 65 % Sus-claviculaire 35 % Diaphragmatique < 1 % Primitive ou congénitale 18 % Secondaire Traumatique 52 % Spontanée 29 % Pathologique 1 %

un seul cas de hernie diaphragmatique est recensé. Dix-huit pour cent sont congénitales, 52 % post-traumatiques, 29 % spontanées et 1 % pathologiques, c’est-à-dire associées à une atteinte infectieuse ou tumorale de la paroi thoracique (Tableau 1). Les hernies spontanées sont le plus souvent intercostales, en avant de la jonction chondrale, entre la 7e et la 11e côte [4]. Il existe, à cet endroit, en dessous du muscle grand pectoral et du muscle thoracique transverse, une zone de faiblesse, le muscle intercostal externe étant réduit à une simple aponévrose, le muscle interne ne naissant que plus latéralement. Une seconde zone de faiblesse est classiquement décrite en arrière de l’angle costal, les muscles intercostaux interne et moyen ne naissant que plus latéralement. Néanmoins, les hernies y sont moins fréquentes en raison, vraisemblablement, de l‘importante couverture musculaire pariétale (para-vertébraux, grand dorsal, rhomboïde, trapèze). Les hernies cervicales, enfin, se développent entre le muscle scalène antérieur et le sterno-cleïdo-mastoïdien, à la faveur d’un défaut du fascia de Sibson (membrane supra-pleurale) [5—7]. Deux facteurs additionnels sont néanmoins indispensables, à savoir une faiblesse pariétale et une augmentation de la pression intra-thoracique. Le terrain typique est celui d’un homme tabagique, obèse, présentant une BPCO et traité par corticoïdes au long cours. À la faveur d’un effort de toux, d’éternuement ou d’un « faux-mouvement », se produit une déchirure de l’espace intercostal, fréquemment associée à une ou plusieurs fractures de côtes, disjonctions costo-chondrales ou chondro-sternales [8]. Moins souvent, ce sont des musiciens jouant d’un instrument à vent, des souffleurs de verre ou encore des patients portant des charges lourdes ou effectuant des efforts répétés à glotte fermée [4,5]. La présentation est celle d’une douleur brutale à type de déchirement, parfois associée à une dyspnée, des hémoptysies, avec apparition secondaire d’une voussure de la paroi thoracique, impulsive à la toux. Rarement, elles sont asymptomatiques, de découverte fortuite ou d’apparition différée. À la palpation, on observe une tuméfaction crépitante, souvent ecchymotique, majorée par les manœuvres de Valsalva, réductible, et parfois de collet palpable. Dans de rares cas de volumineuses hernies, il existe une détresse respiratoire avec respiration paradoxale [8]. La radiographie thoracique debout, de face et de profil, en inspiration, reste l’examen de première intention. Elle objective une image aérique, parenchymateuse, extra-thoracique, souvent associée à un emphysème sous-cutané et un élargissement de l’espace inter-costal concerné.

Pour citer cet article : Aguir S, et al. Hernie pulmonaire intercostale secondaire à un effort de toux. Rev Pneumol Clin (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.11.005

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S. Aguir et al.

Toutefois, elle est fréquemment négative ou d’interprétation difficile et peut-être sensibilisée par le réalisation de clichés tangentiels avec manœuvre de Valsala. L’examen de référence reste la tomodensitométrie thoracique éventuellement, là encore, optimisée par manœuvre de Valsalva. Elle confirme le diagnostic, caractérise la hernie, sa localisation, sa taille, objective le défect pariétal, d’éventuelles fractures et/ou disjonctions costales, et, enfin, précise l’état du parenchyme pulmonaire sous-jacent. À notre sens, aucun autre examen complémentaire à visée diagnostique n’est nécessaire. L’évolution spontanée des hernies pulmonaires se fait de manière inconditionnelle vers un élargissement du collet avec lésions parenchymateuses chroniques, risque d’étranglement et de détresse respiratoire par respiration paradoxale. Plusieurs cas d’extension abdominale avec hernie diaphragmatique associée ont par ailleurs été rapportés [5,9]. La réparation est alors d’autant plus difficile que retardée. C’est pourquoi nous recommandons une réparation chirurgicale précoce [4]. Il n’y a pas, à notre sens, de place pour les traitements de type corset ou autres systèmes de contention, la cicatrisation spontanée du défect pariétal étant vaine. Idéalement, le traitement chirurgical consiste à réduire la hernie, si possible en réséquer le sac, et restaurer la continuité et la solidité pariétale. La fermeture primaire ou raphie costale par thoracotomie élective semble la technique la plus simple et la plus rapportée. Elle est en général réalisée à l’aide de points trans- et/ou péri-costaux de fils non résorbables, l’abord permettant, par ailleurs, la reconstruction musculaire pariétale. La seconde possibilité est la couverture du défect pariétal par une plaque synthétique, voire biologique en cas de sepsis latent ou manifeste [4,10]. L’avantage de cette technique est de pouvoir être réalisée par vidéo-thoracoscopie [11]. Néanmoins, cette voie d’abord ne permet pas de geste de reconstruction pariétale et nous semble à réserver pour des défects de taille modérée. D’autres techniques sont ponctuellement rapportées dans la littérature : lambeau musculo-périosté [12], fascia lata [13], plaque métallique [7], matériel d’ostéosynthèse en titane [14]. Leur intérêt n’est qu’historique ou anecdotique. Enfin, outre le traitement chirurgical, la prise en charge doit être globale incluant : sevrage tabagique, lutte contre la toux, règles hygiéno-diététiques et rééducation fonctionnelle.

Conclusion Les hernies pulmonaires spontanées sont rares. Elles procèdent d’une hyper-pression intra-thoracique chronique et

d’une diminution de la résistance pariétale. À la faveur d’un effort de toux, d’éternuement ou d’un « faux-mouvement », se produit une déchirure de l’espace intercostal et sa déhiscence. L’évolution constante vers un élargissement du collet avec risque de lésions parenchymateuses et de répercussions ventilatoires implique un traitement chirurgical systématique. Ce dernier, non univoque, repose le plus souvent sur une raphie costale ou une couverture prothétique du défect pariétal.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Sources de soutien : néant.

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Pour citer cet article : Aguir S, et al. Hernie pulmonaire intercostale secondaire à un effort de toux. Rev Pneumol Clin (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.11.005

[Lung hernia provoked by a cough fit].

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