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ANNPLA-1113; No. of Pages 5 Annales de chirurgie plastique esthétique (2015) xxx, xxx—xxx

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CAS CLINIQUE

Carcinomes basocellulaires localement avancés : intérêt de traitements combinés, alternatifs à la chirurgie Locally advanced basal-cell carcinoma: Combined alternative treatments beyond surgery J.-M. Amici, M. Beylot-Barry * ˆ pital Haut-Le ´ ve ˆ que, universite ´ de Bordeaux, Service de dermatologie, CHU de Bordeaux, ho avenue de Magellan, 33604 Pessac, France Rec¸u le 20 septembre 2014 ; accepte´ le 26 janvier 2015

MOTS CLÉS Carcinomes basocellulaires avancés ; Vismodegib ; Radiothérapie ; Inhibiteur hedgehog

KEYWORDS Advanced non-resectable

Résumé Le vismodegib, inhibiteur de la voie de signalisation hedgehog, est une nouvelle option thérapeutique dans les carcinomes basocellulaires localement avancés (CBCLa) pour lesquels la chirurgie ou la radiothérapie ne sont pas appropriés. Sa prescription doit faire l’objet d’une décision en réunion de concertation pluridisciplinaire. Si les taux de réponse sont élevés avec une efficacité rapide et prolongée, les réponses complètes sont rares. D’autre part, les effets secondaires fréquents peuvent limiter la poursuite du traitement ou faire discuter des traitements séquentiels. Nous rapportons deux observations qui illustrent la gravité potentielle des CBCLa, tumeurs négligées par les patients et leur entourage rendant alors leur prise en charge chirurgicale impossible ou délabrante sans garantie carcinologique. Ces observations illustrent l’indication du vismodegib et la possibilité d’utiliser une radiothérapie en association ou en relais, après obtention d’une réduction tumorale sous vismodegib. Un tel traitement doit être connu des chirurgiens prenant en charge les CBCLa, à la fois comme alternative mais aussi comme possible traitement néoadjuvant dont la place à ce titre est en cours d’évaluation. # 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary The vismodegib, inhibitor of the hedgehog signaling pathway, is a new therapeutic option in locally advanced BCC when surgery or radiotherapy are inappropriate. If the response rate is high with rapid and sustained efficacy, complete responses are rare. Furthermore, the common side effects may limit continuous and prolonged treatment and lead to discuss

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Beylot-Barry). http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2015.01.002 0294-1260/# 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Amici J-M, Beylot-Barry M. CarcinomesQ1 basocellulaires localement avancés : intérêt de traitements combinés, alternatifs à la chirurgie. Ann Chir Plast Esthet (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2015.01.002

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J.-M. Amici, M. Beylot-Barry basal-cell carcinoma; Vismodegib; Radiotherapy; Hedgehog pathway inhibitor

sequential treatments. We report two cases that illustrate the severity of LaCBC, tumors neglected by patients and their families limiting therapeutic choice especially surgery that become impossible and for which vismodegib is indicated. These observations illustrate the possible interest of radiotherapy in combination or after tumor debulking by vismodegib. Vismodegib must be known by surgeons for LaCBC, mainly as an alternative beyond surgery but also as a possible neoadjuvant treatment to surgery that have to be evaluated. # 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Sonic hedgehog (HH) est un des 3 gènes homologues d’une voie de signalisation qui joue un rôle important dans le développement embryonnaire via l’induction d’une prolifération cellulaire. Il code pour une protéine ligand activateur de la voie de signalisation HH. Deux récepteurs protéiques lui sont associés : Patched 1 (PATCH1) et Smoothened (SMO). À l’état normal hors période embryonnaire, en l’absence du ligand HH, PTCH1 joue un rôle répresseur en inhibant l’activité de SMOTH. Dans le syndrome de Gorlin mais aussi dans 90 % des carcinomes basocellulaires (CBC) sporadiques, la voie HH est activée via une mutation du gène suppresseur de tumeur PTCH1, entraînant alors une levée d’inhibition, ou plus rarement via une mutation activatrice de la protéine membranaire effectrice SMO [1]. La découverte de la voie HH et de son implication dans les carcinomes sporadiques et au cours du syndrome de Gorlin a conduit au développement du vismodegib (Erivedge1), premier inhibiteur spécifique de cette voie [1]. Ce traitement par voie orale a obtenu l’AMM européenne pour les CBC localement avancés (CBCLa) ne pouvant être traités par chirurgie ou radiothérapie. Nous rapportons deux cas de CBCLa sporadiques (hors Gorlin) qui illustrent l’indication et l’efficacité du vismodegib mais aussi l’intérêt de traitements combinés après obtention d’une réduction tumorale.

Observations Cas no 1 Un homme de 39 ans, en bon état général (OMS 1) sans antécédent, était adressé pour une volumineuse tumeur bourgeonnante et ulcérée de l’hémiface droite (Fig. 1a). Celle-ci avait débuté en sous-orbitaire six ans auparavant, puis s’était progressivement étendue avec une croissance plus rapide depuis 1 mois. Une volumineuse ulcération de 15 cm de grand axe envahissait l’orbite devenue non fonctionnelle, ce qui l’avait conduit à consulter alors qu’il faisait jusqu’ici lui-même les pansements, sans avoir jamais eu d’avis médical et en continuant à exercer une activité de jardinier. La biopsie montrait un CBC trabéculaire infiltrant. Au scanner existait une infiltration tumorale centrée sur la région orbitaire droite, s’étendant en malaire, temporal, orbito-nasal et frontal, avec envahissement des muscles masséters et temporaux droits, de la graisse rétro-orbitale et du nerf optique, ostéolyse malaire et frontale droite et envahissement du sinus frontal avec une méningite carcinomateuse de contiguïté (Fig. 1b). Le scanner thoracoabdomino-pelvien était normal. L’examen du liquide céphalo-rachidien ne montrait pas de cellules carcinomateuses. Devant ce CBCLa T4N0M1 avec ostéolyse, envahissement sinusien et méningé, une radiothérapie comme une chirurgie

étaient récusées par la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) et un traitement par vismodegib proposé. Dès le 2e mois, la tumeur n’était plus hémorragique et nettement désinfiltrée (Fig. 1c,d). Au 7e mois, le patient acceptait une énucléation « de propreté » (Fig. 1e). Il n’existait pas d’infiltrat tumoral résiduel sur la pièce opératoire du globe oculaire. Au 14e mois, une infiltration en périphérie de l’érosion était observée avec des foyers de CBC trabéculaire à la biopsie (Fig. 1f). Le vismodegib était suspendu et une radiothérapie de contact réalisée sur cette zone bourgeonnante (45 Gy : 15 fractions en 5 semaines). Le vismodegib était repris 3 mois plus tard, permettant une stabilisation de l’érosion, sans extension en profondeur avec actuellement 27 mois de recul (Fig. 1g). Les effets secondaires consistaient en une agueusie grade 2 entre le 3e et le 6e mois entraînant une surconsommation de sel et de sucre et une prise de 7 kg. Il présentait depuis le 6e mois une alopécie complète et des crampes grade 1.

Cas no

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Une femme de 79 ans, de statut OMS à 2, consultait pour une tumeur sous-orbitaire gauche indolore évoluant depuis plus de dix ans. La tumeur exophytique mesurait de 5 sur 3 cm. L’ensemble de la paupière inférieure gauche était envahi avec une infiltration du bord libre tarso-conjonctival jusqu’au contact du globe oculaire (Fig. 2a). La biopsie montrait un CBC infiltrant. À l’IRM, la tumeur était au contact du globe oculaire sans envahissement profond. Il n’existait pas d’atteinte ganglionnaire ou à distance. La tumeur était classée T4N0M0. La patiente était vue en RCP. Devant ce CBCLa, l’envahissement du bord libre tarso-conjonctival jusqu’au contact du globe oculaire, la chirurgie était récusée de même qu’une radiothérapie première. Un traitement par vismodegib était décidé en précisant que selon la réduction tumorale obtenue, pourrait se discuter secondairement le recours à la chirurgie ou à la radiothérapie complémentaire. Dès le premier mois sous vismodegib (150 mg/jour), on observait un début d’affaissement de la tumeur (Fig. 2b). Au 5e mois, persistaient un ectropion et une discrète infiltration du versant conjonctival de la paupière inférieure (Fig. 2c). La biopsie ne montrait plus d’infiltrat tumoral mais l’aspect clinique restait suspect. La tolérance du vismodegib était correcte malgré une asthénie modérée et surtout une alopécie depuis 2 mois. La RCP décidait l’arrêt du vismodegib avec relais par une radiothérapie de contact (40 Gy : 10 fractions en 5 semaines). Une nette amélioration était observée dès la fin de la radiothérapie et se maintenait à 2 mois (Fig. 2d). Une surveillance était proposée.

Discussion Le traitement de référence des CBC est la chirurgie avec des modalités notamment en termes de marges, adaptées

Pour citer cet article : Amici J-M, Beylot-Barry M. CarcinomesQ1 basocellulaires localement avancés : intérêt de traitements combinés, alternatifs à la chirurgie. Ann Chir Plast Esthet (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2015.01.002

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Carcinomes basocellulaires localement avancés : intérêt de traitements combinés

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Figure 1 Patient 1. a : carcinome basocellulaire de l’hémiface droite avant traitement ; b : scanner avant traitement : infiltration tumorale de la région orbitaire s’étendant en malaire, temporal, orbito-nasal et frontal, avec envahissement musculaire, osseuse et orbitaire avec déformation du globe oculaire ; c—g : évolution à 3 mois, avec début d’alopécie (c), 6 mois (d), à 9 mois après énucléation (e), à 14 mois avant radiothérapie (f) et à 27 mois (1g).

principalement à l’agressivité tumorale potentielle [2]. Les CBC sont dits « avancés », dès lors que la chirurgie apparaît discutable, délabrante, voire impossible, sans garantie carcinologique et la radiothérapie dépassée. Comme pour nos

observations, il s’agit souvent de tumeurs longtemps négligées par les patients et leur entourage. La qualification de CBCLa, multifactorielle et potentiellement subjective, doit être validée en RCP de même que l’indication du vismodegib.

Pour citer cet article : Amici J-M, Beylot-Barry M. CarcinomesQ1 basocellulaires localement avancés : intérêt de traitements combinés, alternatifs à la chirurgie. Ann Chir Plast Esthet (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2015.01.002

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J.-M. Amici, M. Beylot-Barry

Figure 2 Patiente 2. a : carcinome basocellulaire massif de la paupière inférieure gauche, infiltrant le bord libre tarso-conjonctival jusqu’au contact du globe oculaire : avant traitement ; b : évolution à 1 mois ; c : évolution à 5 mois avant arrêt du vismodegib et début de la radiothérapie ; d : évolution à deux mois après radiothérapie.

La RCP a lieu de préférence en présence du patient, afin d’établir la meilleure option thérapeutique, tenant compte du patient (état général, comorbidités, entourage, statut génétique), de la tumeur (degré d’agressivité naturelle, niveau d’invasion profonde, caractère primitif ou récidivé) et des possibilités chirurgicales (chirurgie potentiellement radicale et appropriée ? Quel chirurgien reconstructeur ? Quels sacrifices anatomiques et séquelles fonctionnelles ?). Le vismodegib a montré une efficacité dans les CBCLa avec entre 45 et 60 % de réponses à la fois rapides et prolongées [1,3,4]. Des résultats particulièrement intéressants ont été décrits dans des localisations « sensibles », telles que la région péri-orbitaire comme chez notre première patiente, permettant d’éviter une énucléation et une chirurgie délabrante [3,5]. Cependant, cette efficacité est au prix d’effets secondaires quasi constants à type de crampes ou d’agueusie (dès les 3 premiers mois) ou d’alopécie qui peuvent être une limitation pour des traitements prolongés [6] et amener environ 15 % des patients à arrêter le traitement. Des mesures peuvent être prises pour limiter ces effets secondaires afin de poursuivre le traitement avec une qualité de vie acceptable. Plutôt que de prescrire le vismodegib en continu, on peut aussi être amené à discuter des traitements discontinus et ce d’autant qu’il paraît possible de reprendre le vismodegib et d’être à nouveau efficace en cas de récidive. En cas de reprise évolutive du CBCLa sous vismodegib ou à l’arrêt de celui-ci, une biopsie est indispensable, car des carcinomes épidermoïdes peuvent survenir sous ce traitement [7].

Le vismodegib ne permet que rarement d’obtenir une RC [3] et son effet n’étant que suspensif, l’arrêt du traitement expose aux récidives. Une radiothérapie ou une chirurgie secondaires, qui n’étaient pas envisageables initialement, peuvent le devenir secondairement après obtention d’une réduction tumorale significative comme chez notre première patiente. Peu de données sont actuellement disponibles concernant ces associations où le vismodegib est placé en « néoadjuvant » avec des cas ponctuels [8,9], une petite série — suggérant la nécessité d’au moins 3 mois de traitement avant chirurgie [10] et surtout des essais cliniques en cours (https://www.clinicaltrials.gov). Ces traitements peuvent aussi être proposés en complément du vismodegib comme chez notre second patient où la progression en périphérie a été contrôlée par la radiothérapie et le vismodegib repris secondairement a permis le maintien d’une réponse prolongée.

Déclaration d’intérêts Jean-Michel Amici : consultant pour Roche. Marie Beylot-Barry : interventions ponctuelles pour Roche.

Références [1] Recommandations pour la pratique clinique. Prise en charge du carcinome basocellulaire. Ann Dermatol Venereol 2004;131: 659—7562.

Pour citer cet article : Amici J-M, Beylot-Barry M. CarcinomesQ1 basocellulaires localement avancés : intérêt de traitements combinés, alternatifs à la chirurgie. Ann Chir Plast Esthet (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2015.01.002

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Carcinomes basocellulaires localement avancés : intérêt de traitements combinés [2] Sekulic A, Migden MR, Oro AE, et al. Efficacy and safety of vismodegib in advanced basal-cell carcinoma. N Engl J Med 2012;366(23):2171—9. [3] Chang ALS, Solomon JA, Hainsworth JD, Goldberg L, Mc Kenna E, Day B, et al. Expanded access study of patients with advanced basal cell carcinoma treated with the Hadgehog pathway inhibitor, vismodegib. J Am Acad Dermatol 2014;70(1): 60—9. [4] Dreno B, Basset-Seguin N, Caro I, Yue H, Schadedorf D. Clinical benefit assessment of Vismodegib therapy in patients with advanced basal cell carcinoma. Oncologist 2014;19(8):790—6. [5] Gill HS, Moscato EE, Chang ALS, Soon S, Silkiss RZ. Vismodegib for periocular and orbital basal cell carcinoma. JAMA Ophtalmol 2013;131(12):1591—4. [6] Tang JY, Mackay-Wiggan JM, Aszerbaum M, YAuch RL, Lindgren J, Chang K, et al. Inhibiting the hedgehog pathway in patients with the basal-cell nevus syndrome. N Engl J Med 2012;366: 2180—8.

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[7] Saintes C, Saint-Jean M, Brocard A, Peuvrel L, Renaut JJ, Khammari A, et al. Development of squamous cell carcinoma into basal cell carcinoma under treatment with Vismodegib. J Eur Acad Dermatol Venereol 2014. http://dx.doi.org/10.1111/ jdv.12526 [Epub ahead of print]. [8] Gathings RM, Orscheln CS, Huang WW. Compassionate use of vismodegib and adjuvant radiotherapy in the treatment of multiple locally advances and inoperable basal cell carcinomas and squamous cell carcinomas of the skin. J Am Acad Dermatol 2014; 70:e88—9. [9] Chang AL, Atwood SX, Tartar DM, Oro AE. Surgical excision after neoadjuvant therapy with vismodegib, for a locally advanced basal cell carcinoma and resistant basal carcinomas in Gorlin syndrome. JAMA Dermatol 2013;149:639—41. [10] Ally MS, Aasi S, Wysong A, et al. An investigator-initiated openlabel clinical trial of vismodegib as a neoadjuvant to surgery for high-risk basal cell carcinoma. J Am Acad Dermatol 2014 [Epub ahead of print].

Pour citer cet article : Amici J-M, Beylot-Barry M. CarcinomesQ1 basocellulaires localement avancés : intérêt de traitements combinés, alternatifs à la chirurgie. Ann Chir Plast Esthet (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2015.01.002

[Locally advanced basal-cell carcinoma: Combined alternative treatments beyond surgery].

The vismodegib, inhibitor of the hedgehog signaling pathway, is a new therapeutic option in locally advanced BCC when surgery or radiotherapy are inap...
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