Pour citer cet article : Latrech H, Polak M. Syndrome de Laron : aspects diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.02.022 Presse Med. 2015; //: ///
Syndrome de Laron : aspects diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques
Mise au point
ENDOCRINOLOGIE
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Hanane Latrech 1, Michel Polak 2
Disponible sur internet le :
1. Mohamed First University, Medical school, Mohamed VI hospital, department of endocrinology, Oujda, Maroc 2. Assistance publique–Hôpitaux de Paris, Necker–Enfants-Malades University Hospital, université Paris Descartes, centre des maladies endocriniennes rares de la croissance, pediatric endocrinology, gynecology and diabetology, 75015 Paris, France
Correspondance : Hanane Latrech, Medical school, Hay El hikma, 60000 Oujda Maroc.
[email protected] Points essentiels Le syndrome de Laron est une cause rare de retard statural due à une anomalie du récepteur de l'hormone de croissance (GH) caractérisé par une mauvaise corrélation phénotype–génotype et une prédilection géographique essentiellement au niveau du pourtour méditerranéen, du MoyenOrient et du sous-continent indien. Il correspond à une insensibilité complète à la GH qu'elle soit d'origine endogène ou exogène réalisant un tableau caractéristique marqué par des hypoglycémies, un retard statural extrêmement sévère et une dysmorphie faciale particulière contrastant avec des taux élevés de GH circulant. Le traitement par l'IGF1 recombinante représente à ce jour la seule option thérapeutique qui a permis d'améliorer le pronostic effroyable chez ces patients mais ne réalise pas réellement les conditions d'un véritable traitement de substitution.
Key points Laron syndrome: Presentation, treatment and prognosis Laron syndrome is a rare cause of short stature due to an abnormality of growth hormone receptor (GHR). It is characterized by poor phenotype–genotype correlation and geographic predilection essentially in the Mediterranean rim, the Middle East and Indian subcontinent. This syndrome corresponds to an endogenous and exogenous complete insensitivity of GH and manifests by early hypoglycemia, an extremely severe short stature and dysmorphic features contrasting with high levels of circulating GH. To date, treatment with recombinant IGF1 is the only treatment option that has improved the terrible prognosis in these patients but does not actually realize the conditions for genuine replacement therapy.
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tome xx > n8x > xx 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.02.022 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
LPM-2831
Pour citer cet article : Latrech H, Polak M. Syndrome de Laron : aspects diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.02.022
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H. Latrech, M. Polak
Introduction Le syndrome de Laron est un désordre génétique autosomique récessif caractérisé par une insensibilité à l'hormone de croissance (GH) qu'elle soit d'origine endogène ou exogène. Il a été décrit pour la première fois en Israël en 1966 par Laron et al. [1] chez trois enfants apparentés présentant des hypoglycémies et un retard statural extrêmement sévère associé à une dysmorphie faciale particulière mais avec des taux élevés de GH circulant. Et depuis, plus de 300 cas similaires ont été rapportés dans la littérature provenant essentiellement du pourtour méditerranéen, du Moyen-Orient, du sous-continent indien et de l'Équateur [2–4]. L'implication du récepteur de la GH n'a été confirmée que par la découverte du gène du récepteur de la GH (GHR) et la mise en évidence en 1989 de mutations du domaine extracellulaire du GHR chez ces patients [5,6]. L'utilisation thérapeutique de l'IGF1 de par le monde a permis d'améliorer la grande sévérité du retard de croissance.
Définition et aspects cliniques
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Le concept d'insensibilité à l'hormone de croissance (IGH) est défini par une absence ou un déficit de réponse à la GH d'origine endogène ou exogène [7]. Le syndrome de Laron, qui correspond à une insensibilité complète à la GH par anomalie de son récepteur, est actuellement la cause la plus fréquente des IGH avec plus de 250 patients identifiés à ce jour. Une prédilection géographique associée à une notion de consanguinité sont souvent retrouvées. Cliniquement, il se traduit par des hypoglycémies, un syndrome dysmorphique cranio-facial caractéristique incluant un faciès poupin, un front bombé avec des cheveux soyeux et clairsemés, une ensellure nasale marquée, une hypoplasie de l'étage moyen de la face, un menton proéminent et une macrocéphalie relative associés à une acromicrie, une adiposité abdominale et un nanisme sévère (figures 1– 3). Chez les garçons, la présence d'un micropénis est constante [1–3,7]. À la naissance, les mensurations de ces enfants se situent dans les normes pour l'âge gestationnel avec un périmètre crânien et un poids normaux et une taille normale ou légèrement inférieure à la moyenne. Ceci s'explique par le fait que l'action de la GH, par le biais de son récepteur, n'intervient pas de façon importante dans la croissance fœtale et le développement cérébral. Et c'est la survenue par la suite d'un ralentissement de la vitesse de croissance de l'ordre de 50 % qui aboutit au retard statural majeur et harmonieux situé entre –4DS et –10 DS dans la majorité des séries rapportées [6]. Un retard des acquisitions motrices, en rapport avec un certain degré d'hypoplasie musculaire, est possible. Le développement intellectuel diffère en fonction du type de l'atteinte moléculaire. En effet, les patients porteurs d'une délétion au niveau de l'exon 3, 5, 6 ont un retard mental considéré comme sévère [8]. Le retard pubertaire est présent dès lors que l'âge normal de la puberté est atteint.
Figure 1 Dysmorphie faciale caractéristique du syndrome de Laron
Figure 2 Acromicrie
Aspects paracliniques et moléculaires L'exploration paraclinique trouve un âge osseux très retardé avec des taux d'IGF1 très bas rapportés inférieurs à 20 ng/mL dans la plupart des séries. Ce taux contraste avec des valeurs de GH, de base et après stimulation, très élevés et ceci de façon corrélée au retard statural. Laron et al. ont rapporté un maximum de 280 ng/mL comme taux de GH en situation basale [1–3,6,7]. Le dosage de la GHBP (GH Binding Protein), qui correspond chez l'homme à la forme circulante soluble du
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Pour citer cet article : Latrech H, Polak M. Syndrome de Laron : aspects diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques. Presse Med. (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.02.022 Syndrome de Laron : aspects diagnostiques, thérapeutiques et pronostiques
Figure 3 Adiposité abdominale
récepteur de la GH, est un élément crucial dans la classification des syndromes d'insensibilité à la GH. Classiquement, il est effondré dans le syndrome de Laron mais peut être normal, voire élevé chez certains patients porteurs de certaine types de mutations altérant la dimérisation du récepteur sans pour autant modifier la liaison de la GH à la GHBP [1,2,5,7,8]. Le test de génération de l'IGF1 consiste à administrer l'hormone de croissance recombinante à la dose de 33 mg/kg/j pendant 4 jours avec un dosage de l'IGF1 avant et au 5e jour. L'absence d'augmentation du taux de l'IGF1 permet de faire le diagnostic biologique d'une résistance à la GH (tableau I). L'origine géographique, le contexte clinique et la fréquence du syndrome de Laron par rapport aux autres causes d'insensibilité à la GH permettent de faire évoquer ce diagnostic en premier [6]. Sur le plan moléculaire, le gène du récepteur de la GH (GHR), cloné en 1987, est formé de 9 exons localisés sur le chromosome 5. Ce récepteur est considéré comme étant le premier membre
identifié de la superfamille des récepteurs aux cytokines à avoir été impliqué dans une pathologie génétique [2,7,9]. L'implication du gène du GHR dans le syndrome de Laron a tout d'abord été démontrée par analyse de liaison génétique [10]. Dans les cas typiques, la transmission est autosomique récessive et les mutations homozygotes affectent le plus souvent les exons codant le domaine extracellulaire du GHR et sont généralement caractérisées par une réduction significative de son affinité pour la GH expliquant ainsi les taux souvent bas de la GHBP. Dans de rares cas où le taux de la GHBP est normal ou élevé, une anomalie de la dimérisation ou des anomalies moléculaires codant pour les domaines transmembranaires ou intracellulaires du GHR ont été identifiées empêchant ainsi l'activation de la cascade de signalisation (figure 4) [1,2,5,7,8]. À ce jour, plus de 70 mutations du gène du GHR ont été décrites et regroupent plusieurs types de défauts moléculaires à savoir des délétions, des mutations non-sens, des mutations décalant le cadre de lecture, des mutations d'épissage et de nombreuses mutations faux-sens avec une répartition géographique caractéristique (figure 5) [2,3,10–13]. Il a été aussi rapporté une mauvaise corrélation phénotype–génotype, en effet, les patients ayant la même mutation peuvent se présenter avec une hétérogénéité importante de la sévérité de la maladie notamment en termes de déficit statural et des dosages hormonaux sans qu'on puisse l'expliquer [7].
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Aspects thérapeutiques et pronostiques L'utilisation de l'IGF1 recombinante humaine (Increlex®), disponible depuis 1986, représente la seule option thérapeutique efficace du retard de croissance chez les patients présentant un syndrome de Laron et dont l'autorisation de mise sur la marché (AMM) a été obtenue dans cette indication aux États-Unis en 2005 et en Europe en 2007 [14–16]. L'Increlex® est administré par voie sous-cutanée en deux injections quotidiennes après le repas avec une dose maximale de 0,12 mg/kg de poids/
TABLEAU I Les causes de résistance à la GH
GHR Signalisation post-GHR
Étiologies
Clinique
Taux de GH
Taux GHBP
Taux d'IGF1
Taux d'ALS
Mutation du gène GH
Syndrome de Laron
Élevé
Souvent bas
Bas
Bas
Anomalie du Stat5b
RS et déficit immunitaire
Élevé
N ou élevé
Bas
Bas
Anomalie du gène Shp2
40 % Syndrome de Noonan
Souvent normal
Synthèse IGF1
Anomalie du gène IGF1
RCIU, microcéphalie Surdité
Élevé
Normal
Variable
Normal haut
Stockage de l'IGF1
Anomalie du gène ALS
RS modéré
Normal
Normal
Très bas
Très bas
Résistance à l'IGF1
Anomalie du gène IGF1R
RCIU, microcéphalie Déficit intellectuel Dysmorphie
Normal ou élevé
Normal
Élevé ou normal
Élevé ou normal
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Bas
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Type d 'anomalie
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H. Latrech, M. Polak
GH
GH
GHBP
GH Domaine extracellulaire Domaine transmembranaire JAK
Voie RAS/MAPK
Domaine intracellulaire
JAK
Voie JAK/Stat
Proliféraon cellulaire
GHR
Voie PI3K/ Akt
Effets métaboliques
Synthèse IGF-1 SOCS
Figure 4 Le récepteur de l'hormone de croissance et les voies de transduction du signal en aval
vitesses de croissance vont en diminuant pour devenir normales pour l'âge dès la 3e année, ne permettant donc plus de rattrapage ultérieur. En termes de taille adulte, peu d'études ont évalué les effets à long terme du traitement et dont les résultats
12 heures. Son utilisation chez quelque centaine de cas de syndrome de Laron a modifié profondément la vitesse de croissance, qui est passée selon Chernausek et al. [17] de 2,8 à 8 cm au cours de la première année. Lors des années suivantes, les
M-18L
2 70+1GA
5
6
R217X E224x 230delT 230delAT G236Splice R211G S226I Y208C D244N
Domaine extracellulaire
8
7
785-1G