Annals of Burns and Fire Disasters - vol. XXVII - n. 4 - December 2014

LA GREFFE DE PEAU TOTALE DANS LE TRAITEMENT DES SÉQUELLES DE BRÛLURES DE LA MAIN ET DES DOIGTS : A PROPOS DE 84 CAS Boukind S.,* Droussi H., Elatiqi O.K., Dlimi M., Dhaidah O., Ejjiyar M., Quaboul M., Dehhaze A., Fkhar S., Elamrani D., Benchamkha Y., Ettalbi S. Service de chirurgie plastique, réparatrice, esthétique et brûlés, CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc

RÉSUMÉ. Nous avons mené une étude rétrospective s’étendant de septembre 2004 à septembre 2012 sur les données de à propos de 84 patients présentant des séquelles de brûlure majeures de la main. Ces patients étaient traités chirurgicalement par une greffe de peau totale. Le but de cette étude est, donc, d’insister sur la simplicité de cette technique et surtout son efficacité et sa fiabilité. L’âge moyen de la survenue de la brûlure était de 4 ans. L’âge moyen de nos patients était de 18,3 ans (2-62 ans), avec prédominance masculine dans 60% des cas. L’agent causal le plus fréquent était un agent thermique - le plus souvent un liquide chaud (56%). Le délai moyen entre la fin de la cicatrisation et la prise en charge des séquelles était de 36 mois (2 mois - 16 ans). Dans 69 cas (82.5%), les lésions étaient localisées au niveau de la face palmaire de la main. Les séquelles ont été dominées par les rétractions digitales (65%) dont le déficit fonctionnel est évident. Une greffe de peau totale a été réalisée chez tous nos patients après libération des brides et excision des placards cicatriciels. Les rétractions commissurales ont été traitées par des plasties en Z. Dans 95% des cas, le prélèvement de peau totale était réalisé au niveau du pli inguinal. Le recul moyen était de 5,5 ans (1-8 ans). 11 patients ont été perdus de vu. Les résultats après cicatrisation complète et rééducation ont été jugés satisfaisants (bons) dans 62 cas (85%), et assez bons dans 11 cas (15%). Un traitement initial bien conduit et effectué dans les meilleures conditions permet non seulement de réduire le nombre de séquelles des brûlures mais encore de les rendre moins sévères. Mots-clés : séquelles, brûlures, main, greffe de peau totale

Introduction Les brûlures de la main constituent par leurs fréquences (47,1%) et leurs complications un important problème de santé publique.1 L’impact socio professionnel est majeur. En raison des séquelles fonctionnelles, inesthétiques et psychologiques que ces brûlures peuvent générer (rétractions, hypertrophies, mutilations), elles nécessitent un traitement adapté et une collaboration multidisciplinaire efficace. Selon Droussi et al.2 50% des brûlures chez l’enfant intéressent le membre supérieur et surtout la main. Ils ont montré la fréquence des accidents d’ébouillantement et les brûlures par contact chaud à cet âge, comme dans l’étude de Hassan Boukind.3 Le but du traitement est toujours de garantir une réinsertion socioprofessionnelle des brûlés. A cette fin, la greffe de peau totale reste la technique la plus simple et la plus efficace (en l’absence d’une mise à nu des éléments nobles) grâce à ses avantages trophiques et esthétiques. En l’absence d’études qui s’intéressent à cet-

te technique en particulière, le but de notre étude est d’insister sur la simplicité, efficacité et fiabilité de cette technique. Matériel et méthodes Nous avons mené une étude rétrospective étalé sur 8 ans de septembre 2004 à septembre 2012 et portant sur 84 patients présentant des séquelles de brûlures majeures au niveau de la main. Les séquelles sont la conséquence de brûlures profondes ayant cicatrisées spontanément ou de façon dirigée (cicatrices hypertrophiques, rétractions à types de brides linéaires et placards cicatriciels rétractiles, raideurs digitales). Une fiche d’exploitation préétablie a été élaborée dans ce but englobant des données épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques et évolutives. Tous ces patients ont bénéficié d’une greffe de peau totale, avec un recul moyen de 5,5 ans. Le traitement chirurgical a consisté en une li-

* Corresponding author: Dr. Boukind Samira, 293 Erraounak, Essaouira, Maroc. Tél.: 00212669946588; e-mail: [email protected]

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bération des brides jusqu’au plan prétendineux, et excision des placards cicatriciels suivie d’une bonne hémostase. Les rétractions commissurales ont été traitées par des plasties en Z simples ou doubles Z symétriques ou asymétriques, et quand les plasties ne suffisent pas à combler la perte de substance on a eu recours à la greffe de peau totale. Pour les rétractions de la première commissure, on n’a jamais eu recours à un geste musculaire (désinsertion de l’adducteur du pouce ou du premier interosseux dorsal) ou articulaire (arthrolyse de l’articulation trapézo-métacarpienne). Nous avons noté de grandes pertes de substance dans 10 cas avec mise a nu des tendons et éléments vasculonerveux avec persistance d’une atmosphère cellulograisseuse autour du pedicule et du peritendon sur les tendons permettant la greffe. Nous avons réalisé le prélèvement du greffon de peau totale sur patron de la perte de substance, au niveau du pli inguinal chez 80 patients (95%) et au niveau de la face interne du bras chez 4 patients (5%). Les sutures de la zone donneuse ont été réalisées par des points intra-dermiques puis un surjet intra-dermique au monocryl. Le greffon était fixé au niveau du site receveur, après dégraissage, par des points de suture séparés au nylon dans la majorité des cas (ou au vicryl rapide chez les enfants) puis scarifié pour drainer toute collection. Avant la fixation de la greffe, on a procédé à l’embrochage préosseux des doigts chez 55 patients et trans-osseux chez 4 patients. Le pansement de la zone receveuse était réalisé à base d’un bourdonnet gras. En plus, une immobilisation par attelle plâtrée était effectuée pour maintenir la main en position de capacité cutanée maximale et éviter toute position vicieuse des doigts. Le premier pansement de la zone receveuse était réalisé après 2 à 7 jours en post opératoire, et le rythme de changement du pansement était une fois par semaine jusqu’à cicatrisation complète. L’ablation des broches était réalisée après 15 à 21 jours du post opératoire. Les malades étaient mis sous topiques cicatrisants en massage avec prescription de vêtements compressifs, associés ou non à des plaques de gel de silicone, à partir de la 4ème semaine pour limiter l’apparition des séquelles hypertrophiques. La rééducation physique était commencée chez tous les malades entre le 11ème et le 15ème jour après l’intervention chirurgicale et consistant en une mobilisation active et passive douce, avec des mouvements du palper- rouler pour assouplir la peau. D’abord les patients ont été revus en consultation de façon régulière une fois par semaine jusqu’à cicatrisation complète. Après les patients ont été revus une fois tous les 3 mois dans un but d’évaluer le gain fonctionnel de la main, le regain de la sensibilité du greffon et le résultat esthétique. Tous nos patients ont été opérés par 3 opérateurs différents mais suivis par un seul opérateur. L’évaluation était clinique avec prise de photos. 202

Différents modes de sensibilité de greffe de peau totale ont été testés cliniquement en consultation à différents stades de la cicatrisation de façon comparative et symétrique avec la main controlatérale, chez les patients âgés de plus de 7 ans, à savoir : – La sensibilité thermique explorée par l’application d’objet chaud et froid – La sensibilité tactile fine explorée par le pincement de la zone greffée – La sensibilité algique : par piqure à l’aiguille – La sensibilité discriminative entre deux points espacés de 8 mm Les résultats fonctionnels ont été jugés en fonction du degré de récupération comme suit: Bon : récupération fonctionnelle complète (mobilité et sensibilité), absence de douleur, bonne cicatrisation. Assez bon : présence de trouble sensitif ou moteur minime, récupération fonctionnelle partielle. Mauvais : absence des fonctions du doigt (limitation importante de l’extension et/ou de la flexion), présence de douleur résiduelle, présence de raideur articulaire. Résultats Nous avons colligé 84 cas de séquelles de brûlures des mains sur une période de 8 ans. L’âge moyen de nos paTableau I - Les agents causals de la brûlure Agent causal Eau chaude Flamme Courant électrique Aliments chauds Huile chaude Acide

Nombre de patients 34 21 13 9 4 3

Pourcentage (%) 40 25 15 11 5 4

Tableau II - Localisation des séquelles de brûlure de la main Localisation Doigts (2ème, 3ème, 4ème, 5ème) Paume de la main 1ère commissure Dos de la main Pouce Commissures (2ème, 3ème, 4ème ) Poignet Totale

Nombre de patients 70

Pourcentage (%) 85

69 16 15 13 13

82,5 19 17,5 15 15

5 201*

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* Le nombre total retrouvé est supérieur au nombre des patients inclus dans cette étude vu qu’il existe des cas présentant des lésions associées.

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tients était de 18,3 ans, avec une prédominance masculine (50 hommes / 34 femmes). Le sexe ratio a été de 1,47. La tranche d’âge de 2 à 14 ans était la plus atteinte avec 50 malades soit 60% des cas. L’âge moyen de la survenue de la brûlure était de 4 ans. L’agent causal le plus fréquemment retrouvé était l’eau chaude dans 40% des cas, le reste des agents causals sont représentés dans le Tableau I. Le délai moyen entre la fin de la cicatrisation et la prise en charge des séquelles était de 36 mois (2 mois 16 ans). Les séquelles ont été localisées au niveau de la main droite dans 50 cas (60%) contre 25 cas (30%) pour la main gauche, d’une façon bilatéral dans 9 cas (10%). La majorité des séquelles étaient localisées au niveau des doigts (2ème, 3ème, 4ème, 5ème ) dans 85% des cas, la 1ère commissure était atteinte dans 19% des cas (Tableau II). On note aussi que les séquelles ont été dominées par les rétractions digitales (65%) (Tableau III). Nous avons observé des brides rétractiles dans 75% des cas et des placards cicatriciels rétractiles dans 25% des cas. Il n’y avait Tableau III - Nature des séquelles de brûlures majeures au niveau de la main Type des séquelles Brides linéaires digitales Brides commissurales Placards rétractiles digitales Placards rétractiles commissurales

Nombre Pourcentage (%) 42 50 21 25 13 15 8 10

Tableau IV - Pourcentage des complications Type de complication Nombre de cas Souffrance minime des 14 lambeaux locaux Infection locale 8 Lyse partielle 8 Dyschromie 6 Cicatrice hypertrophique 4 (jonction greffe peau saine) Lyse totale, nécrose, 0 hématome Infection et/ou lâchage de 0 suture du site donneur Rétraction, cicatrices 0 chéloides

Pourcentage (%) 17,5 10 10 7,5 5 0 0 0

pas de lésion osseuse ni tendineuse associée. Un déficit fonctionnel (limitation des mouvements) a été noté à l’examen clinique chez tous nos patients. Une radiographie standard de la main atteinte était réalisée chez 21 patients ayant des séquelles de brûlures anciennes, remontant à plus de un an, pour évaluer l’état de l’os et des articulations à la recherche de subluxation ou de luxation. Ce bilan radiologique était normal chez tous les patients. Des complications à court terme (infection locale, souffrance minime des lambeaux locaux, lyse partielle) ont été notées chez certains patients, et qui sont jugulées par des pansements adaptés, avec une bonne évolution (Tableau IV). Les greffes cutanées ont prises totalement chez 76 patients (90%). A travers cette série nous avons obtenu des résultats satisfaisants pour le patient et pour le médecin traitant. Les résultats fonctionnels ont été bons dans 62 cas (85%) et assez bons dans 11 cas (15%). Nous avons noté, à deux mois de l’acte chirurgical, un gain fonctionnel à 100% chez 38 patients (52%), à 75% chez 17 patients (23%), à 50% chez 12 patients (16%) et à 25% chez 6 patients (8%). Nous avons noté également une bonne élasticité du greffon chez tous les patients. La sensibilité thermique, tactile, algique au niveau du greffon était testée chez tous les patients âgés de plus de 7 ans et demi, à 1 an de recul et à 2 à 3 ans chez les anciens malades. Nous avons noté une nette amélioration de la sensibilité qui était jugée bonne dans 51 cas (70%), moyenne dans 14 cas (19%) et faible dans 8 cas (11%). La sensibilité discriminative entre deux points espacés de 8 mm trouve le même résultat en comparant la greffe de peau totale avec le même site sur la main normale controlatérale. Discussion Les brûlures graves de la main sont responsables de séquelles fonctionnelles et esthétiques majeures, associant la plupart du temps des brides rétractiles à des raideurs digitales, voire des amputations pour les lésions les plus profondes. La bonne prise en charge initiale, comprenant chirurgie précoce et rééducation, reste le maitre pilier dans la prévention de ces séquelles4 qui sont essentiellement cutanées de la face dorsale de la main plus rarement ostéoarticulaires.5 La peau dorsale est caractérisée par sa fragilité et sa finesse comparée à la peau palmaire et dont les

Tableau V - Résultats globaux en fonction des auteurs Auteur COULIBALY (2010) SANKALE (1999) RICHARD (1992) Notre série

Nombre de cas 40 18 32 84

Résultats excellent/bon 61,5% 42% 72,3% 85%

Résultats assez bons 30,8% 38% 23,1% 15%

Résultats mauvais 7,7% 15,5% 4,6% 0%

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CAS 1 :

CAS 2 :

Fig.1 - patient âgé de 12 ans qui présentait des séquelles de brûlures à type de rétraction de la face dorsale de la première commissure secondaire à la présence d’un placard cicatriciel hypertrophique à ce niveau avec limitaère tion d’ouverture de la 1 commissure à 45°. Fig. 2 - Aspect en peropératoire après libération et excision des tissus cicatriciels avec embrochage inter-métacarpien ouvrant la première commissure.

Fig. 3 - Aspect final après couverture de la perte de substance par une greffe de peau totale.

Fig.1 - patient âgé de 6 ans qui présentait une rétraction digito-palmaire post brûlure limitant l’extension des doigts avec une rétraction de la première commissure.

Fig. 2 - Aspect en peropératoire : la perte de substance engendrée par la libération du placard cicatriciel était couverte par une greffe de peau totale après embrochage en pré- osseux des quatre derniers doigts. La rétraction de la première commissure était traitée par une plastie en Z.

Fig. 3 (a,b) - Résultat final à distance après cicatrisation complète.

Fig. 4 (a,b) - Résultat final après 6 mois.

pertes de substance exposent des éléments nobles sous-jacents superficiels (appareil extenseur, articulations). Sa souplesse et sa mobilité permettent la flexion complète des articulations du poignet et des doigts. Une rétraction cutanée peut à elle seule limiter l’amplitude de la flexion de l’articulation sous-jacente.6 De ce fait, et dans la majorité des cas le simple remplacement de cette peau suffit à récupérer la mobilité de la main.7 Par contre, lorsque les brûlures sont profondes et exposent tendons, os ou pédicules vasculo-nerveux, la vitalité même de la main est menacée. La couverture par lambeau cutané ou fascio-cutané, musculaire ou musculo-cutané, est alors la seule solution de sauvetage.4 Ce moyen de couverture n’empêche pas un résultat fonctionnel médiocre en terme de mobilité. En tout cas, on devrait pro204

poser dans la réparation d’une perte de substance les techniques les plus simples et faciles à réaliser avant d’envisager des techniques plus compliquées, et la greffe de peau totale appartient à ces propositions dites simples. Son prélèvement consiste à emporter la totalité de l’épiderme et du derme.8 Elle a donc une texture plus épaisse et plus solide se rétractant moins une fois dans son site receveur.9 Les avantages trophiques et esthétiques de la greffe de peau totale rendent très fréquentes ses indications au niveau de la main et des paupières.8 La prise de la greffe va dépendre de nombreux facteurs (dégraissage méthodique et minutieux de la peau totale, vascularisation du site receveur, et immobilisation de la région greffée pendant les premiers jours post-opératoires)9 et c’est elle qui conditionnera le résultat esthétique final. Iwuagwu10 et Iregbulem11 rapportent dans leurs séries une prise de greffe de peau totale dans le traitement des séquelles de brûlures de la main avec zéro pour cent de perte totale. Les autres techniques qu’on peut discuter pour le traitement des séquelles de brûlure de la main passent par le lambeau-greffe abdominal, qui donne aussi de bons résultats. Toutefois, l’immobilisation stricte d’une durée minimale de trois semaines peut engendrer des enrai-

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dissements et donc son utilisation est limitée.12 Le lambeau de McGregor13 est très fiable sauf que l’immobilisation du membre supérieur et la nécessité de deux temps opératoires, ainsi que le dégraissage du lambeau, nous poussent à préférer la greffe de peau totale. Pour les lambeaux régionaux prélevés sur l’avant-bras (le lambeau antébrachial sur l’artère radiale et le lambeau interosseux), leur principale indication reste la mise à nu des structures nobles de la main (tendons, nerfs et vaisseaux ; articulations, os). En plus de la délicatesse de leur prélèvement, il y a la possibilité de lésion des pédicules et des téguments lors de la brûlure, en plus du problème des séquelles du site donneur.14,15 Les lambeaux libres (lambeaux scapulaires etc.) sont réservés aux rares cas où des lambeaux pédiculés ne sont pas disponibles. Leur réalisation est délicate chez le grand brûlé, dans un contexte de grande variabilité tensionnelle, de contamination septique, etc.5 Ces lambeaux libres sont le plus souvent trop épais pour permettre une rééducation satisfaisante. A noter que la greffe de peau totale perd toutes ses indications quand on est devant une mise à nu des tendons (sans peritendon), d’un pédicule vasculaire, d’un pédicule nerveux ou d’une zone ostéoarticulaire. Plusieurs facteurs ont été identifiés comme pouvant influencer les résultats de cette technique chirurgicale: La forme clinique La sévérité des lésions joue un rôle important dans la 16 qualité des résultats. Comme le révèle Stern, et d’après 24 Sankale, aucun bon résultat n’a été enregistré parmi les formes monstrueuses et, quelle que soit la forme anatomoclinique, les résultats se dégradent dès que 3 doigts ou plus sont intéressés. Ainsi on comprend l’importance d’un traitement initial correct afin de minimiser autant que possible les séquelles. Dans notre série, on a eu à traiter des déformations importantes avec un résultat parfaitement acceptable (Cas 3). Délai écoulé entre la brûlure et le traitement des séquelles Selon l’étude de Sankale,24 un délai de 1 à 2 ans semble un facteur de bon pronostic vu que les meilleurs résultats sont obtenus dans ce délai. Alexander17 recommande 2 à 3 ans et Baux18 6 mois. En fait, la notion importante ici est celle de repos histologique qui doit être de 3 mois au moins pour Milford et La Touche.19 Toutefois, une attitude vicieuse grave ou le cas de l’enfant chez qui la croissance normale de la main peut être menacée, peut justifier une intervention précoce. Dans ce cas, une kinésithérapie précoce et bien conduite peut être très utile. Dans notre série le délai moyen entre la fin de la cicatrisation de la brûlure et la prise en charge des séquelles était de 2 ans et demi avec des extrêmes de 2 mois à 16 ans.

CAS 3 :

Fig.1 - patient âgé de 28 ans qui présentait une rétraction en extension des articulations MP, flexion des inter-phalangiennes proximales, et amputation distale des quatre derniers doigts, avec présence de placards achromiques. Dessin de la zone à libérer (tracé transversal en zig zag).

Fig. 2 - Aspect final après libération du placard cicatriciel de la face dorsale de la main. Immobilisation de la zone greffée par embrochage en pré-osseux au niveau des quatre dernières métacarpo-phalangiennes puis couverture de la PDS par un greffon de peau totale.

Fig. 3 - Résultat final après cicatrisation complète de la greffe de peau totale.

Type d’intervention D’après l’étude de Sankale,24 l’excision suivie de greffe semble donner des résultats meilleurs que la seule plastie en Z : 52,5% d’excellents et de bons résultats contre 31,5%. Pour Baux,20 dans les crochets digitaux de la face palmaire, il faut préférer la greffe de peau totale à la plas205

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CAS 4 :

Fig. 1 (a,b) - Patient âgé de 4 ans qui présentait des rétractions digito- palmaires de la main gauche limitant l’extension des doigts. Fig. 2 - Aspect en peropératoire après libération de la rétraction, embrochage des doigts et greffe de peau totale.

Fig. 3 (a,b) - Résultat après 6 mois.

tie en Z pour la fermeture cutanée après incision de la bride. Il y a deux raisons pour cela: d’une part, parce que l’incision de la bride fait apparaitre un défect cutané toujours plus important que prévu; et d’autre part, parce qu’il ya un risque de nécrose de la pointe des Z qui se situent près des zones brûlées.21 Pour Vasseur22 il est préférable de recourir aux greffes de peau totales pour le traitement des rétractions cutanées de la paume et la face palmaire des doigts, malgré l’hyperpigmentation constante qu’elles présentent,23 et aux plasties locales pour les commissures. Dans notre série, pour les brides digitopalmaires, on a recours toujours à une libération en plasties en Z à chaque fois que cela est possible, et on complète par une greffe de peau totale dans les zones où les plasties sont insuffisantes. Cela permet de gérer au mieux le capital cutané et réduire la perte de substance à greffer minimisant ainsi la morbidité du site donneur. La méthode d’immobilisation L’immobilisation post-opératoire est préconisée par tous les auteurs. Dans la série de Sankale,24 46% des mains ont été immobilisées par abaisse-langue et 24% par plâtre.24 206

Alexander17 retrouve 43% d’excellents résultats et 30% de bons résultats quand l’attelle seule est utilisée contre 10% et 20% pour les broches de Kirschner. Schwanholt25 préconise un plâtre en hyperextension pour prévenir les brides palmaires. Merrel26 utilise des attelles nocturnes en « sandwich ». Dans notre série nous avons procédé à l’embrochage des doigts seulement lorsque ceux ci sont intéressés et une immobilisation par attelle plâtrée pour maintenir la main en position de capacité cutanée maximale en fonction du siège de la brûlure. La kinésithérapie La chirurgie de la main ne peut se concevoir sans kinésithérapie post-opératoire précoce est prolongée.17-19,26,27 Alexander17 la préconise pendant 4-5 semaines après ablation de l’immobilisation avec un programme d’exercices actifs rigoureux mais progressifs. Pour Baux,18 la kinésithérapie est d’un bénéfice certain et rapide. Il préconise une kinésithérapie conventionnelle intéressant la mobilité articulaire et une thérapie manuelle des cicatrices par massage et étirement du tissu conjonctif sous-cutané. Dans 1 l’étude de Coulibaly la kinésithérapie est commencée depuis la deuxième semaine de l’intervention. Dans notre série la kinésithérapie est débutée dès l’ablation des broches et prise des greffes, et cela se fait habituellement entre le 11ème et le 15ème jour. Sur le plan fonctionnel, dans notre série les résultats en général étaient satisfaisants dans 85% des cas avec un recul moyen de 5,5 ans (1-8 ans). D’après Alexander17 la meilleure évaluation est obtenue après 2 ans de recul lorsque le développement maximal du tissu scléreux post-opératoire est terminé. En général, les résultats de notre série sont proches de ceux de la littérature (Tableau V). Sur le plan sensoriel le mécanisme de la réinnervation sensitive du greffon de peau totale reste discuté,28 elle se ferait à partir du lit, par des rameaux sensitifs qui pénètrent la greffe et allant se connecter aux récepteurs survivants. Ainsi serait reproduit le schéma de la zone donneuse expliquant un meilleur retour de sensations dans les greffes de peau totales. La réinnervation sensitive des GPT était étudiée par de nombreux auteurs [Lofgren (1951), Napier (1952), Moberg (1958), Kirov (1962), Mannerfelt (1962), Matev (1965), Kadanoff et al. (1966, 1968)] mais les opinions énoncées sont loin d’être unanimes.28 Evan B et Matev28 ont constaté dans leur série qu’il existe une corrélation entre les résultats cliniques et histologiques sur biopsie qui ont montré la présence des récepteurs encapsulés (corpuscules de Meissner, Krause, Ruffini) uniquement au niveau de la périphérie de la greffe, c’est-à-dire la jonction greffe-peau saine de voisinage, alors que sur des prélèvements de greffe elle même, seulement des fibres nerveuses et des terminaisons nerveuses regroupées sous for-

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me d’agrégats denses autour de la racine des poils ont été visualisées. D’autres auteurs ont discuté l’origine de la croissance des fibres nerveuses dans les greffons cutanés, ainsi que le taux de cette croissance et sa relation avec l’épaisseur des greffons.29 Comme ils ont déclaré McCaroll (1938)30 et Barclay (1955),31 la restauration de la sensibilité est plus rapide dans le cas des greffes de peau mince, contrairement à Kredel et Evans (1933), Lofgren (1952) et Reid (1956) qui croient que la régénération nerveuse est plus rapide dans les greffes plus épaisses. Les méthodes d’analyse de la sensibilité au niveau des greffons cutanés sont au début développées pour examiner les récepteurs spécifiques, initialement par les physiologistes, puis les neurologues et dernièrement par les chirurgiens.29 L’exploration de la sensibilité discriminative entre deux points reste la méthode la plus fiable pour tester la sensibilité tactile au niveau d’une greffe de peau totale.29 D’après la même étude la réinnervation des lambeaux cutanés est très pauvre contrairement à une greffe cutanée où la réinnervation est beaucoup plus meilleure. Waris et al.32 ont rapporté dans son étude que seulement huit sujets parmi vingt deux pouvaient détecter la chaleur et la douleur au niveau de leur site de greffe et Hermansson et al.33 ont rapporté que dix sujets parmi dix-neuf avec greffe de peau totale avaient un seuil de détection de la chaleur d’environ 50°C, testé 2 mois à 3 ans après la greffe. Dans notre série, la sensibilité thermique, tactile, et algique testée chez 73 sujets au niveau des sites de greffe était jugée bonne chez 51 patients, moyenne chez 14 patients et faible chez 8 patients. Sur le plan esthétique, deux patients ont présenté une cicatrice hypertrophique et trois patients ont présenté une dyschromie. D’après Dhemin34 les résultats esthétiques, même qualifiés de bons, ne peuvent atteindre ce que voudraient le patient et le chirurgien. Pour Baux,35 quelles que soient les possibilités thérapeutiques il persistera un défaut cicatriciel, au moins sur le plan esthétique. Les complica-

tions post-opératoires observées dans notre série n’avaient pas de retentissement sur le résultat final et ne nécessitaient pas de reprise chirurgicale. Iwuagwu et Iregbulem10,11 rapportent dans leur série une prise de greffe de peau totale à 100%, ce qui concorde avec le résultat trouvé dans notre série et un taux de prise complète de greffe de 95%. La raideur articulaire et les infections ont représenté respectivement 7,7% et 15,4% des complications dans la série de Coulibaly.1 Nous avons rapporté 8 cas (10%) d’infection post-opératoire, rapidement jugulées par des soins rapprochés à base d’antiseptiques locaux. Ces données sont différentes de celles de Richard36,37 qui a trouvé 41,2% d’infections. Cette différence s’expliquerait par la taille de l’échantillon. Au total et dans la majorité des cas la couverture par greffe de peau totale des pertes de substance secondaires à la libération des rétractions post brûlure suffit à récupérer une bonne fonction de la main à savoir la mobilité et la sen38 sibilité. Conclusion La greffe de peau totale est un moyen simple, fiable, facile, et très efficace pour traiter les séquelles de brûlures de la main. Elle garde toujours sa place comme le premier choix thérapeutique lorsqu’il n’y a pas d’organe noble mis à nu (vaisseaux, tendons, articulations). Un sous sol bien vascularisé, un bon dégraissage et un bon pansement au bourdonnet restent le garant d’une bonne prise de la greffe et d’une cicatrisation précoce, avec une récupération fonctionnelle dans les meilleurs délais si on y associe une rééducation efficace. Un traitement initial bien conduit et effectué dans les meilleures conditions permet non seulement de réduire le nombre de séquelles de brûlures mais encore de les rendre moins sévères. Dans tous les cas la prévention reste l’arme de choix.

SUMMARY. We conducted a retrospective study of data from September 2004 to September 2012, involving roughly 84 patients with burn sequelae of the hand who were treated surgically with full thickness skin grafts. The purpose of our study was to show the simplicity, effectiveness and reliability of this surgical technique. The average age at which the burn occurred was 4 years old. The average age of our patients was 18,3 years old (range=2-62 years old); males were affected in 60% of cases. The most frequent cause of injury were thermal burns, most often caused by hot liquids (56%). The mean delay between the burn having healed and the management of the sequelae to the hand was 36 months (2 months-16 years). The lesions were localized in the palm of the hand in 69 cases (82,5%). The sequelae were dominated by finger contractures (65%). A functional deficit was noted in the physical examination of all our patients. Full thickness skin grafts were applied in all our patients following release of the contractures and excision of the scar tissue. Commissural contractures were treated with Z-plasties. In 95% of the cases, the full thickness skin grafts were taken from the inguinal crease. The mean follow-up was 5,5 years (1-8 years). Eleven patients went missing from the study. The results after healing and rehabilitation were deemed to be satisfactory (good) in 62 cases (85%) and fairly satisfactory (quite good) in 11 cases (15%). Well-conducted initial treatment, carried out under the best conditions, can not only reduce the number of burn sequelae but also make them less severe. Keywords: sequelae, burn, hand, full thickness skin graft

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Annals of Burns and Fire Disasters - vol. XXVII - n. 4 - December 2014

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Conflits d’interêt. Aucun This paper was accepted on 11 February 2014.

La greffe de peau totale dans le traitement des séquelles de brûlures de la main et des doigts: A propos de 84 cas.

We conducted a retrospective study of data from September 2004 to September 2012, involving roughly 84 patients with burn sequelae of the hand who wer...
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