La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada: la face cach´ee de la massification PIERRE CANISIUS KAMANZI Universit´e de Montr´eal PIERRE DORAY ` Universit´e du Qu´ebec a` Montr´eal (UQAM)

The increase in available student placements at colleges and universities, the implementation of provincial and federal postsecondary education policies, and the rise of the educational aspirations of families and individuals have all led to the massification of Canadian higher education. Based on Merle’s typology of the forms of democratization, this article attempts to revisit the theory of equality of opportunities by critically analyzing the link between massification of higher education and social equity. The results of an analysis of longitudinal data from the (YIT) Youth in Transition Survey show that at the age of 24 in 2008, approximately 77% of young Canadians have pursued studies in a college or university. If access to postsecondary education is now higher, to what extent has it improved social equity? The article shows, in light of the Merle’s typology, that mass university education is achieved in part under the seal of a segregative democratization, while college education tends to be egalitarian. L’augmentation de la capacit´e d’accueil des coll`eges et des universit´es, la mise en œuvre de politiques provinciales et f´ed´erales de d´eveloppement de l’enseignement postsecondaire et la mont´ee des aspirations scolaires des familles et des individus ont contribu´e a` massifier l’enseignement sup´erieur canadien. En se basant sur la typologie des formes de

ˆ a` des subventions de la FCBEM, du CRSH et du La r´edaction de cet article a e´ t´e rendue possible grace FRQSC. Les auteurs remercient e´ galement e´ valuateurs, ainsi que de Ren´ee Cloutier et France Picard de leurs critiques combien pr´ecieuses. Pierre Canisius Kamanzi, D´epartement d’administration et fondements de l’´education, Centre interuniversitaire sur la science et la technologie (CIRST), Universit´e de Montr´eal Marie-Victorin, bureau A-511 C.P. 6128, succursale Centre-ville Montr´eal, Qu´ebec H3C 3J7, Canada. E-mail: [email protected]

 C 2015 Canadian Sociological Association/La Soci´ et´e canadienne de sociologie

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

39

d´emocratisation de Merle, le pr´esent article tente de revisiter la th´eorie de l’´egalit´e des chances en s’interrogeant sur le lien entre la massification de l’enseignement sup´erieur et l’´equit´e sociale. Les r´esultats obtenus a` partir de donn´ees longitudinales provenant de ˆ de l’Enquˆete aupr`es de jeunes en transition (EJET) montrent qu’a` l’age 24 ans en 2008, environ 77 % des jeunes Canadiens ont poursuivi des e´ tudes dans un coll`ege ou une universit´e. Si l’acc`es aux e´ tudes postsecondaires est aujourd’hui plus e´ lev´e, dans quelle mesure celui-ci a-t-il am´elior´e l’´equit´e sociale? L’article montre, a` la lumi`ere de la typologie de Merle, que la massification de l’enseignement universitaire se r´ealise en partie sous le sceau d’une d´emocratisation s´egr´egative, tandis que l’enseignement coll´egial a tendance a` eˆ tre e´ galisateur.

LE NOMBRE DE JEUNES et adultes des diff´erentes provinces du Canada qui fr´equentent un coll`ege ou une universit´e a fortement augment´e au cours des d´ecennies de telle sorte que, au tournant du mill´enaire, le Canada faisait partie des pays qui ont d´eja` instaur´e un enseignement sup´erieur de ˆ es de 24 a` 34 masse. Ainsi, en 2009, 56 % des jeunes adultes canadiens ag´ ans d´etenaient un diplˆome d’´etudes postsecondaires, contre une moyenne de 34 % pour l’ensemble des pays membres de l’OCDE (2009). Le Canada fait ainsi partie des 4 pays ou` l’enseignement postsecondaire est le plus accessible, au cˆot´e de la F´ed´eration de Russie, de la Cor´ee du Sud et du Japon. Si la tendance a` la massification est manifeste, implique-t-elle pour autant une d´emocratisation? Face a` cette question, les avis sont plutˆot partag´es, d´ependamment du sens qu’on attribue au concept de d´emocratisation lui-mˆeme. Celui-ci a g´en´eralement e´ t´e d´efini en termes d’´egalit´e des chances d’acc`es. Or, comme le soulignent Prost (1992) en ´ France et Lucas (2001) aux Etats-Unis, il importe de faire la distinction entre la d´emocratisation quantitative et la d´emocratisation qualitative et de reconnaˆıtre que l’une n’implique pas n´ecessairement l’autre. La premi`ere est associ´ee au recrutement d’un grand nombre d’´el`eves / e´ tudiants de ˆ mani`ere a` accroˆıtre les effectifs et les taux de scolarisation par age sans limite d’appartenance sociale qui, dans plusieurs cas, conduisent a` un enseignement de masse. Quant a` la seconde, elle renvoie a` la repr´esentativit´e des cat´egories sociales d´efavoris´ees dans les diff´erents ordres d’enseignement. Certes, l’accroissement des effectifs d’´etudiants issus des divers horizons sociaux repr´esente un indicateur r´ev´elateur de la d´emocratisation, mais encore faut-il qu’il incarne l’´equit´e sociale. Autrement dit d´emocratisation quantitative et qualitative ne vont pas toujours de pair, car l’´egalit´e de droit ou de traitement n’implique pas n´ecessairement l’´egalit´e de fait. Selon les conditions dans lesquelles elle est envisag´ee, une politique d’´egalisation des chances peut favoriser un syst`eme scolaire d´emocratique au plan quantitatif, tout en masquant des in´egalit´es au le plan qualitatif (Dickert-Conlin et Rubenstein 2007;

40

CRS/RCS, 52.1 2015

Garcia 2002). Comme le note Garcia (2002), malgr´e l’enseignement de ˆ a` la s´election masse, les in´egalit´es se structurent et se maintiennent grace aux diff´erents paliers de l’orientation, a` la hi´erarchisation entre les fili`eres ` ce sujet, Merle (2000) va plus loin que et a` leur composition sociale. A Prost et Lucas, en pr´ecisant que trois formes de d´emocratisation qualitative sont possibles d´ependamment de l’importance accord´ee a` l’´equit´e sociale : la d´emocratisation s´egr´egative, la d´emocratisation e´ galisatrice et la d´emocratisation uniforme. Le pr´esent article vise a` e´ tudier la situation canadienne a` la lumi`ere de cette typologie en examinant le lien entre l’origine sociale et l’acc`es aux e´ tudes postsecondaires au Canada. Il souligne, a` partir de donn´ees empiriques, que la d´emocratisation de l’enseignement postsecondaire a pris diff´erentes formes et que, de ce fait, elle reste inachev´ee. En guise de pistes interpr´etatives des r´esultats, l’article s’appuie d’abord sur les th´eories classiques de la reproduction sociale (Bourdieu 1966, 1979; Bourdieu et Passeron 1964, 1970), de l’autos´election (Duru-Bellat 1996, 2003a) et du choix rationnel (Boudon 1974) pour tenter ensuite de mettre en relief l’apport des th´eories bas´ees sur l’organisation des politiques publiques et des syst`emes scolaires. Selon Gatz (1986), la conception de la d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur et des approches politiques adopt´ees pour la r´ealiser varie d’une soci´et´e a` l’autre. En nous basant, entre autres, sur les e´ tudes comparatives de Pechar et Andres (Andres et Pechar 2013; Pechar et Andres 2011) portant sur les r´egimes providentiels et les politiques de l’enseignement sup´erieur, nous interrogerons surtout l’influence de l’organisation des trajectoires scolaires et de l’orientation id´eologique des politiques publiques sur la massification de l’enseignement sup´erieur et la forme de d´emocratisation la plus pr´egnante. Trois questions guident notre r´eflexion : 1. Par rapport a` la typologie de Merle (2000), la d´emocratisation de l’enseignement postsecondaire au Canada est-elle e´ galisatrice, uniforme ou s´egr´egative? 2. Dans quelle mesure la situation au coll`ege se compare-t-elle a` celle de l’universit´e? 3. Quelles sont les pistes interpr´etatives pour comprendre la situation canadienne? La premi`ere section « rep`eres th´eoriques» fait e´ tat, a` partir d’une revue de quelques e´ crits ant´erieurs, de la question des in´egalit´es des chances dans l’enseignement postsecondaire au Canada et dans les pays semblables et r´esume bri`evement la typologie de Merle. La deuxi`eme d´ecrit la m´ethodologie : les donn´ees utilis´ees, les variables e´ tudi´ees et le mod`ele d’analyse. La troisi`eme est consacr´ee a` la pr´esentation et a` l’interpr´etation des r´esultats, alors que la derni`ere tente de d´egager les

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

41

pistes interpr´etatives possibles a` partir desquelles on peut comprendre les in´egalit´es scolaires dans un contexte d’enseignement sup´erieur de masse.

` ´ REPERES THEORIQUES Les r´eflexions sur la d´emocratisation de l’´education ne datent pas d’hier. D´eja` a` la fin du 18e si`ecle (1777), l’´economiste e´ cossais Adam Smith sugg´erait d’accroˆıtre le niveau d’instruction de tous les travailleurs, non seulement pour augmenter leur niveau de productivit´e, mais e´ galement pour pr´evenir leur ali´enation et maintenir un syst`eme de division du travail efficace. Pr`es d’un si`ecle et demi plus tard, les propos de Durkheim (1922) allaient presque dans le mˆeme sens. Pour ce sociologue franc¸ais, l’´education constitue un moyen de d´eveloppement harmonieux des facult´es humaines. L’auteur pr´econise ainsi la n´ecessit´e d’une e´ ducation de base commune pour tous comme outil de renforcement de la coh´esion sociale. Si au fil des d´ecennies, l’´education scolaire a occup´e de plus en plus de place dans les soci´et´es, son expansion prendra un e´ lan d´ecisif apr`es la Deuxi`eme Guerre mondiale pour r´epondre a` la demande croissante de la main-d’œuvre qualifi´ee, notamment a` la suite de la tertiarisation de l’´economie. Depuis, les fonctions attendues de l’´education se sont multipli´ees, mais aussi pr´ecis´ees en regard du d´eveloppement des peuples : ` de nos jours, l’´education n’est pas consid´er´ee rares sont les soci´et´es ou, comme un instrument d’accroissement de la productivit´e, de formation de bons citoyens ou d’am´elioration de la sant´e des peuples (OECD 2010). Parall`element, l’´education est progressivement devenue un nouvel instrument d’acquisition de statut social et un domaine de comp´etition et de lutte entre les classes sociales, compromettant ainsi sa fonction d’instrument de coh´esion sociale. Les familles ais´ees ont souvent r´eussi ˆ notamment au contrˆole de l’information a` pr´eserver leurs privil`eges grace sur la qualit´e des e´ tablissements, mais e´ galement a` une s´egr´egation spatiale qui permet d’entretenir des liens entre l’organisation sociale de l’habitat et de la carte scolaire (Duru-Bellat 2003b). Toutefois, la question de la d´emocratisation des syst`emes scolaires demeure peu pr´eoccupante jusqu’au d´ebut des ann´ees 1960. Depuis, les e´ tudes sociologiques se sont multipli´ees pour d´enoncer le lien entre les in´egalit´es sociales et les in´egalit´es scolaires, comme l’indiquent, entre autres, les travaux de ´ Coleman et al. (1966) aux Etats-Unis, ainsi que de Bourdieu (Bourdieu 1966; Bourdieu et Passeron 1964) en France, pour ne citer que les pionniers. Si jusqu’alors, le d´ebat concerne davantage les e´ tudes secondaires en raison de leur inaccessibilit´e, celui-ci s’est d´eplac´e progressivement vers l’enseignement sup´erieur au fur et a` mesure que l’enseignement secondaire obligatoire et gratuit se g´en´eralisait dans plusieurs pays et l’enseignement sup´erieur prenait a` son tour des dimensions importantes dans la soci´et´e (Duru-Bellat et Kieffer 2008).

42

CRS/RCS, 52.1 2015

D´emocratisation de l’enseignement sup´erieur: le changement dans le statu quo? Le questionnement public et politique sur la « n´ecessit´e » de concilier la d´emocratisation et l’expansion de l’enseignement sup´erieur n’est pas ` l’aube des ann´ees 1970, Huberman (1970) qualifiun sujet nouveau. A ait d´eja` de « slogan » les politiques de d´emocratisation de l’´epoque dans les pays industrialis´es, car la r´ealit´e dans les e´ tablissements semblait s’´eloigner des principes d’´equit´e sociale e´ nonc´es. En effet, selon l’auteur, en d´epit de l’accroissement du nombre de jeunes issus des cat´egories d´efavoris´ees poursuivant les e´ tudes postsecondaires, leur proportion dans les e´ tablissements demeurait de loin inf´erieure a` celle de ceux qui venaient des milieux ais´es, ce qui e´ largissait davantage les in´egalit´es scolaires selon l’origine sociale a` chaque nouvelle g´en´eration. Depuis, le taux de participation a` l’enseignement sup´erieur a fortement augment´e, mais la d´emocratisation a e´ t´e largement plus quantitative que qualitative, comme en t´emoignent les e´ tudes r´ecentes men´ees dans plusieurs pays de l’OCDE : par exemple, Jaoul (2004) et Merle (2009) en France; Lopez (2009) en Espagne; Bratti, Checchi, et De Blasio (2008) en Italie; Maroy et Van Campenhoudt (2010) en Belgique; Basset et Tapper (2009), Lasselles et al. (2009) au Royaume-Uni; Chesters et Watson (2013) ´ en Australie, ainsi que Bruke et Johnstone (2004) aux Etats-Unis. Seuls les pays scandinaves (Norv`ege, Su`ede, Finlande et Danemark) ont r´eussi a` accroˆıtre significativement la repr´esentativit´e des groupes d´efavoris´es ˆ grace a` l’harmonisation des politiques d’´egalisation des chances et a` l’organisation des syst`emes scolaires (Blumberg 1986a, 1986b; Osborne, Sandberg, et Tuomi 2004). Les e´ tudes comparatives internationales r´ev`elent que le Canada fait partie des pays ou` l’enseignement postsecondaire est globalement le plus accessible (Dubet, Duru-Bellat, et V´er´etout 2010; OCDE 2009). En d´epit de cette accessibilit´e e´ lev´ee, les in´egalit´es selon l’origine socio´economique demeurent significatives (Butlin 1999; Corak, Lipps, et Zhao 2005; Finnie et Mueller 2008). Les conclusions des diff´erentes e´ tudes sont cependant divergentes quant a` la modulation des in´egalit´es. Certaines d’entre elles indiquent que les e´ carts entre les groupes sociaux se sont att´enu´es au fil des ann´ees (Corak et al. 2005; Hoy, Christofides, et Cirello 2001), alors que d’autres affirment qu’elles se sont maintenues et, dans certains cas, se sont mˆeme accrues (Barr-Telford et al. 2003; Drolet 2005; Frenette 2005). Les jeunes venant des r´egions rurales, des familles d´efavoris´ees ou des communaut´es autochtones ont encore beaucoup d’obstacles a` surmonter pour acc´eder a` l’enseignement postsecondaire (Corak et al. 2005; Drolet 2005; Finnie, Lascelles, et Sweetman 2005). En particulier, la probabilit´e de poursuivre les e´ tudes postsecondaires augmente avec le niveau de scolarit´e des parents (Drolet 2005; Finnie et Mueller 2008; Frenette 2005; Kamanzi et al. 2010; Knighton et Mirza 2002; Wanner

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

43

1999), mais aussi avec leur revenu (Coelli, 2009; Corak et al. 2005). Mˆeme si, depuis les ann´ees 1950, on a continuellement assist´e a` une intensification de l’enseignement de masse dans l’ensemble du Canada, les in´egalit´es scolaires se sont maintenues au fil des g´en´erations (Wanner 1999). Pour leur part, Nakhaie et Curtis (1998) soulignent que les syst`emes scolaires n’ont pas cess´e d’entretenir les m´ecanismes de reproduction sociale. En bref, comme dans plusieurs autres pays industrialis´es (voir par exemple, Ambler et Neathery 1999 dans le cas de l’Europe), l’´egalisation des chances scolaires au Canada a permis de promouvoir la d´emocratisation quantitative de l’enseignement postsecondaire, mais il semble que sur le plan qualitatif la situation fasse toujours l’objet d’´evaluations diff´erentes. Mais ces derni`eres ne seraient-elles justement divergentes a` cause de cette expansion de l’enseignement sup´erieur qui a plutˆot donn´e lieu a` une d´emocratisation scolaire e´ clat´ee, comme l’observe Merle en France? En se basant sur la typologie des formes de d´emocratisation scolaire e´ labor´ee par cet auteur, la pr´esente e´ tude analyse s´epar´ement l’acc`es aux e´ tudes coll´egiales et a` l’universit´e pour tenter de saisir l’origine de cette divergence. Avant de proc´eder a` cette analyse, voyons d’abord pr´ecis´ement cette typologie pr´esent´ee par Merle a` propos des formes de la d´emocratisation de l’´education. Les formes de d´emocratisation Selon Merle (2000), mˆeme dans un contexte ou` le taux de scolarisaˆ tion par age assure une pr´esence des diff´erents groupes sociaux dans l’enseignement postsecondaire, notamment par la pr´esence accrue des jeunes de classe modeste, des e´ carts de r´eussite et une segmentation des fili`eres d’´etudes selon l’origine sociale, le sexe ou l’appartenance culturelle persistent. Or, comme le note l’auteur, ces e´ carts internes au champ scolaire se transforment par la suite en une diff´erenciation de comp´etences professionnelles et en in´egalit´es dans le march´e de l’emploi. Un premier int´erˆet de la proposition th´eorique de Merle est de diff´erencier les concepts de massification et de d´emocratisation. Le premier sert a` d´ecrire l’augmentation ou la croissance des effectifs scolaires et le second a` pr´eciser les diff´erentes formes d’´egalisation des chances. Dans un contexte de massification de l’enseignement, l’auteur fait remarquer qu’il existe trois types de d´emocratisation. Le premier est la « d´emocratisation e´ galisatrice ». Il correspond a` l’augmentation g´en´erale des taux de scolariˆ a` tous les niveaux d’enseignement et dans toutes les fili`eres sation par age (Merle 2000:23). Son caract`ere e´ galisateur tient au fait que des mesures d’´egalit´e mises en place favorisent l’augmentation et la repr´esentativit´e des jeunes issus des cat´egories sociales d´efavoris´ees qui acc`edent a` des niveaux de scolarit´e plus e´ lev´es, ce qui conduit a` une r´eduction des e´ carts entre les taux d’acc`es des diff´erentes cat´egories sociales. Le second type, la « d´emocratisation s´egr´egative », fait plutˆot r´ef´erence au mouvement

44

CRS/RCS, 52.1 2015

inverse au premier. On observe une croissance simultan´ee des taux de ˆ scolarit´e par age aussi bien dans les milieux socialement ais´es que dans les milieux modestes, mais le processus de recrutement des e´ l`eves et des e´ tudiants pour les fili`eres d’´etudes est de nature a` entretenir une certaine « polarisation » de l’orientation scolaire, conduisant a` ce que Merle qualifie de « sp´ecialisation sociale » (Merle 2000:23–24). En d’autres termes, tout en augmentant leur taux de participation aux diff´erents niveaux de scolarisation, les e´ tudiants issus des milieux modestes se concentrent davantage dans les fili`eres ou programmes « r´eguliers », alors que leurs taux demeurent faibles dans des fili`eres prestigieuses. Ce type de d´emocratisation r´eduit les « in´egalit´es devant l’enseignement », mais accroˆıt les « in´egalit´es dans l’enseignement », car, tout en ouvrant les services e´ ducatifs a` tous, il entretient une forme de « discrimination cach´ee » a` l’int´erieur du syst`eme e´ ducatif. Le troisi`eme type, la « d´emocratisation uniforme », correspond a` une forme interm´ediaire ou` l’augmentation de l’acc`es n’a pas d’effet sur les e´ carts de taux de scolarisation qui s´eparent les cat´egories sociales (Merle 2000:23–24). Il s’agit d’une situation de statu quo ou` les cat´egories sociales conservent leurs parts respectives dans les fili`eres selon les niveaux d’enseignement. L’auteur fait cependant remarquer que, dans les faits, il n’y pas de limite e´ tanche entre les trois formes de d´emocratisation, mais que, selon le contexte, on observe souvent des tendances vers l’une ou l’autre forme. La domination de l’une ou l’autre rel`eve en grande partie de l’orientation id´eologique des politiques publiques qui peuvent eˆ tre davantage n´eoconservatrices, n´eolib´erales ou socio-d´emocrates. Dans cette perspective, la contribution de cette typologie est double. D’une part, elle permet d’expliciter les th´eories des in´egalit´es, notamment celle de la reproduction et d’autre part, de r´einterroger les politiques e´ ducatives au regard de ces mˆemes th´eories et des pratiques sociales. La contribution de cet article consiste a` revisiter cette typologie de Merle dans le but de mieux saisir la situation canadienne. Comme nous l’avons vu dans la sous-section pr´ec´edente, le lien entre in´egalit´es scolaires et sociales en contexte de d´emocratisation est loin d’ˆetre un cas unique a` la France, tout comme il ne devrait pas avoir la mˆeme forme d´ependamment de l’organisation du syst`eme scolaire et des politiques ` la lumi`ere de cette typologie et a` partir des publiques de chaque pays. A donn´ees empiriques r´ecentes, l’´etude tente d’identifier a` quelle forme de d´emocratisation l’enseignement sup´erieur au Canada correspond davantage et dans quelle mesure cette relation peut s’interpr´eter non seulement a` partir des th´eories sociologiques, mais e´ galement de l’organisation des politiques publiques et des syst`emes scolaires.

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

45

´ METHODOLOGIE La source des donn´ees Les donn´ees utilis´ees sont tir´ees de l’Enquˆete aupr`es des jeunes en transition (EJET) obtenues a` la suite d’un suivi de neuf ans aupr`es d’une ˆ de 24 ans. Men´ee conjointement cohorte de jeunes de 15 ans jusqu’a` l’age par Statistique Canada et par Ressources humaines et d´eveloppement des comp´etences Canada, l’enquˆete s’est adress´ee aupr`es d’un e´ chantillon ˆ es de 15 ans en 1999 et ayant pass´e les tests PISA la mˆeme d’´el`eves ag´ ann´ee. Elle a permis de recueillir de l’information sur les e´ l´ements importants de la vie de es r´epondants inscrits a` l’´ecole en 2000, dont les parcours scolaires et les e´ pisodes d’emplois. Cette information permet d’´etudier plusieurs des transitions importantes qui peuvent survenir a` ce moment de la vie, dont les caract´eristiques de la scolarit´e au secondaire et le passage aux e´ tudes postsecondaires coll´egiales ou universitaires. L’EJET a d´ebut´e en 2000 et les questionnaires utilis´es au cycle 1 ont servi a` recueillir de l’information sur l’ann´ee 2000. Les questionnaires utilis´es dans les cycles suivants ont servi a` recueillir de l’information sur des p´eriodes de deux ans. Le cycle 2 a ainsi recueilli de l’information sur les ann´ees 2001 et 2002, le cycle 3 sur les ann´ees 2003 et 2004, le cycle 4 sur les ann´ees 2005 et 2006 et le cycle 5 sur les ann´ees 2007 et 2008. Le sous-´echantillon utilis´e est compos´e de 14,055 r´epondants. Les variables retenues La variable d´ependante e´ tudi´ee, l’« acc`es aux e´ tudes sup´erieures », a e´ t´e mesur´ee par le plus haut niveau d’´etudes de l’´etablissement fr´equent´e a` un moment ou un autre durant la p´eriode d’observation, soit entre 15 ans et 23 ans. Trois cat´egories ont e´ t´e consid´er´ees : (1) les e´ tudes secondaires (ce qui pour nous correspond aux situations d’absence de poursuite des e´ tudes dans l’enseignement sup´erieur), (2) les e´ tudes coll´egiales (c´egep technique au Qu´ebec, coll`ege communautaire dans les autres provinces, soit les formations techniques ou professionnelles postsecondaires non universitaires) et (3) les e´ tudes universitaires.1 Rappelons que cette e´ tude s’int´eresse principalement a` l’influence de ` cette fin, deux dimensions servant de l’origine sociale de l’individu. A variables ind´ependantes ont e´ t´e distingu´ees: le niveau d’´etudes du parent

1.

Pour des raisons de comparaison entre les provinces, nous avons duˆ uniformiser les cheminements scolaires des e´ tudiants en incorporant les e´ tudiants qu´eb´ecois qui avaient opt´e pour des e´ tudes pr´euniversitaires au c´egep dans la cat´egorie universit´e

46

CRS/RCS, 52.1 2015

le plus scolaris´e que nous qualifions de capital scolaire et leur revenu annuel combin´e qui repr´esente ici le capital e´ conomique. Il a e´ t´e demand´e aux parents d’´el`eves ayant r´epondu au questionnaire d’indiquer le plus haut niveau d’´etudes atteint. Les donn´ees disponibles ont permis de regrouper les sujets en trois cat´egories : (1) e´ tudes secondaires compl´et´ees ou sans aucun diplˆome (une partie des e´ tudes secondaires ou moins), (2) e´ tudes coll´egiales (coll`ege communautaire, c´egeps technique, etc.) et (3) e´ tudes universitaires. ` titre de variables de contrˆole, l’analyse tient compte d’autres carA act´eristiques sociod´emographiques connues pour leur influence sur l’acc`es aux e´ tudes postsecondaires : le sexe, le lieu g´eographique de r´esidence (rural/urbain), la r´egion de r´esidence (province) et le pays de naissance des parents (immigrant/Canadien de naissance). Seront e´ galement int´egr´ees dans l’analyse les variables suivantes relatives a` la scolarit´e ant´erieure du r´epondant : le rendement scolaire de l’´el`eve (mesur´e par la moyenne g´en´erale au secondaire sur 100), le temps consacr´e aux devoirs a` domicile et la r´egularit´e de son parcours scolaire. Un parcours est consid´er´e comme irr´egulier si l’´el`eve a connu a` un moment ou un autre une exp´erience de d´ecrochage, de rattrapage ou de redoublement.

Le mod`ele d’analyse statistique Les donn´ees disponibles permettent d’´etablir trois probabilit´es : (1) celle de poursuivre les e´ tudes universitaires, not´ee pr(y=1); (2) celle de poursuivre les e´ tudes coll´egiales, not´ee pr(y=2); et (3) celle de ne pas poursuivre les e´ tudes postsecondaires, ni a` l’universit´e ni au coll´egial, not´ee pr(y=3). Pour expliquer les probabilit´es de poursuivre soit les e´ tudes coll´egiales, soit les e´ tudes universitaires, nous appliquons le mod`ele de r´egression multinomiale (Allison, 2012). La mod´elisation par la fonction de logit permet de comparer chacune des deux premi`eres probabilit´es [pr(y=1) et pr(y=2)] a` celle d’arrˆeter les e´ tudes apr`es le secondaire [pr(y=3)], prise comme r´ef´erence. Pour faciliter l’interpr´etation des r´esultats, nous utilisons les rapports des cotes (RC) not´es Exp(ß) ou eß dans le langage statistique. Dans le cas pr´esent, un RC dont la valeur est e´ gale ou proche de 1 indique que les sujets auxquels il se rapporte ont une probabilit´e d’acc`es aux e´ tudes sup´erieures e´ gale a` celle de la cat´egorie de r´ef´erence. Un RC dont la valeur est sup´erieure a` 1 indique que ces sujets sont plus susceptibles de participer aux e´ tudes sup´erieures que la cat´egorie de r´ef´erence. Lorsque cette valeur tend plutˆot vers 0, cela signifie que ces mˆemes sujets ont une probabilit´e d’acc´eder aux e´ tudes sup´erieures moins e´ lev´ee par rapport a` la cat´egorie de r´ef´erence.

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

47

Tableau 1 ´ ´ Repartition des repondants selon le plus haut niveau de ´ ´ l’etablissement frequent e´ et l’origine sociale (%) ´ ´ Secondaire Etudes Etudes Ensemble ´ ou moins Collegiales universitaires postsecondaire

Revenu annuel des parents Inf´erieur Moyen inf´erieur Moyen sup´erieur Sup´erieur Niveau de scolarit´e des parents Secondaire ou moins Coll´egial Universitaire Ensemble des r´epondants

40 19 15 13

26 35 40 26

34 47 45 61

60 82 85 87

34 17 6 23

32 34 16 30

34 49 78 47

66 83 94 77

´ ´ PRESENTATION DES RESULTATS L’acc`es aux e´ tudes sup´erieures ` la fin des e´ tudes secondaires ou quelques ann´ees apr`es l’obtention A du diplˆome d’´etudes secondaires, la majorit´e des jeunes Canadiens poursuivent les e´ tudes postsecondaires. En 2008, un peu plus de trois ˆ quarts (77 %) avaient, a` l’age de 24 ans, fr´equent´e un e´ tablissement d’enseignement sup´erieur (tableau 1). Environ 30 % avaient fr´equent´e un coll`ege communautaire ou un «c´egep technique» et 47 % une universit´e ou une formation pr´euniversitaire. Toutefois, l’acc`es aux e´ tudes sup´erieures varie selon le capital e´ conomique et scolaire des parents. Plus pr´ecis´ement, la probabilit´e d’acc`es aux e´ tudes postsecondaires augmente avec le revenu et le niveau de scolarit´e des parents. Ceux dont les parents ont un revenu annuel faible (inf´erieur a` la m´ediane) ou sont peu scolaris´es (scolarit´e d’´etudes secondaires ou moins) fr´equentent l’universit´e dans une proportion plus faible. Ainsi, le taux de participation aux e´ tudes universitaires est respectivement de 78 % chez les r´epondants dont la m`ere ou le p`ere ont un diplˆome d’´etudes universitaires, soit un taux 2.3 fois plus e´ lev´e que chez ceux dont le parent le plus scolaris´e d´etient au plus un diplˆome d’´etudes secondaires (34 %). Au total, les e´ l`eves dont au moins un parent a obtenu un diplˆome d’´etudes universitaires participent aux e´ tudes postsecondaires dans une proportion de 94 %, contre 66 % chez les e´ l`eves dont les parents d´etiennent au mieux un diplˆome d’´etudes secondaires. On constate e´ galement une

48

CRS/RCS, 52.1 2015

relation similaire et quasi lin´eaire entre l’acc`es aux e´ tudes universitaires et le revenu familial des r´epondants : le taux de passage a` l’universit´e s’´el`eve a` 61 % chez les e´ l`eves venant des familles a` revenu annuel sup´erieur (quatri`eme quartile), alors qu’il est de 34 % chez les personnes issues des familles a` revenu de niveau inf´erieur (premier quartile). Deux autres observations m´eritent d’ˆetre soulign´ees. D’abord, l’influence du statut socio´economique des parents joue davantage sur l’acc`es a` l’universit´e que sur l’acc`es aux e´ tudes coll´egiales. Dans le premier cas, le revenu annuel des parents et leur niveau de scolarit´e augmentent l’acc`es. Par contre, dans le cas des e´ tudes coll´egiales, l’influence de ces variables est invers´ee. La participation aux e´ tudes coll´egiales y est moins e´ lev´ee pour les e´ l`eves issus des familles a` revenu sup´erieur et hautement scolaris´ees (universitaires). Par contre, elle est relativement plus e´ lev´ee chez les jeunes venant des familles a` revenu moyen et a` capital scolaire interm´ediaire (´etudes coll´egiales). Deuxi`emement, le niveau de scolarit´e des parents exerce une influence plus importante que le revenu, surtout sur l’acc`es a` l’universit´e. Il faut souligner toutefois que les deux variables sont fortement corr´el´ees, mais que l’une agit en partie ind´ependamment de l’autre. Selon la th´eorie de la m´eritocratie, on serait tent´e d’attribuer ces diff´erences aux in´egalit´es de performances scolaires au secondaire. Les analyses suppl´ementaires (tableau 2) montrent que ce n’est pas tout a` fait le cas, car a` performances scolaires comparables, l’origine sociale fait toujours la diff´erence. Comme l’indique le tableau 2, a` une moyenne g´en´erale sup´erieure a` 80 %, environ sept a` neuf finissants du secondaire sur dix s’inscrivent a` l’universit´e et ce, peu importe le revenu et la scolarit´e des parents. Par contre, la situation est diff´erente chez ceux dont la moyenne est inf´erieure a` 80 % : la proportion de ceux qui poursuivent les e´ tudes a` l’universit´e est de 20 % chez ceux dont aucun parent ne poss`ede un diplˆome postsecondaire, alors qu’elle est de 60 % chez ceux dont au moins un parent a un diplˆome universitaire, soit trois fois plus e´ lev´ee. Aux e´ tudes coll´egiales, les r´esultats ne laissent pas percevoir d’in´egalit´es selon l’origine sociale de l’´el`eve. L’analyse des r´esultats sur le revenu annuel des familles montre par ailleurs que celui-ci a des effets similaires a` celle de la scolarit´e. L’examen du profil des e´ tudiants au coll`ege et a` l’universit´e en fonction des caract´eristiques socio´economiques des parents montre que celui-ci refl`ete peu la structure sociale du sous-´echantillon. L’analyse des figures 1 et 2 permet de distinguer trois cas de figure. Le premier inclut les e´ tudiants dont les parents ont un revenu annuel de niveau sup´erieur ou sont titulaires d’un diplˆome d’´etudes universitaires. Cette cat´egorie d’´etudiants que l’on pourrait qualifier d’origine sociale sup´erieure est sous-repr´esent´ee dans les coll`eges, mais surrepr´esent´ee dans les universit´es. Par exemple, les e´ tudiants dont l’un ou l’autre parent d´etiennent un diplˆome

52 26 21 18

43 23 11

Inf´erieur Moyen inf´erieur Moyen sup´erieur Sup´erieur

Secondaire ou moins Coll´egial Universitaire

Secondaire ou moins

37 41 29

28 45 55 33

´ Collegiales

80 % ou moins ´ Etudes Secondaire ou moins

9 5 5 2

20 36 60

7 5 2

Niveau de scolarit´e des parents

20 29 24 49

Revenu annuel des parents

´ Etudes universitaires

17 18 6

21 13 15 11

81–100 % ´ Etudes ´ Collegiales

76 77 92

70 82 80 87

´ Etudes universitaires

´ ´ ´ erale ´ Repartition des repondants selon la moyenne gen au secondaire, le plus haut niveau de ´ ´ l’etablissement frequent e´ et l’origine sociale (%)

Tableau 2

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada 49

50

CRS/RCS, 52.1 2015 Figure 1

´ ´ ` Pourcentage des repondants ayant frequent e´ un college ou une universite´ selon le niveau de scolarite´ des parents ´ ´ ´ Note: · Profil-echantillon : Repartition de tous repondants selon le niveau de scolarite´ des parents ` ´ ´ ´ · Profil-college : Repartition des repondants ayant frequent e´ un ` college selon le niveau de scolarite´ des parents. ´ ´ ´ · Profil-universite´ : Repartition des repondants ayant frequent e´ une universite´ selon le niveau de scolarite´ des parents. Secondaire ou moins

Collégial

Universitaire

100% 90% 80%

45

70%

33 47

60% 50% 40% 30%

41 39

44

20% 10%

16

0% Profil-échanƟllon

26 9 Profil-collège

Profil-université

universitaire repr´esentent 16 % de l’´echantillon, alors que leur pourcentage est de l’ordre de 26 % a` l’universit´e et de 9 % au coll`ege (figure 1). Le deuxi`eme cas de figure regroupe des r´epondants que l’on peut associer a` la classe moyenne selon les mˆemes crit`eres. Il s’agit des r´epondants dont les parents ont un revenu moyen (deuxi`eme et troisi`eme quartiles) ou d´etiennent des diplˆomes d’´etudes coll´egiales. Ils ont tendance a` eˆ tre l´eg`erement surrepr´esent´es aux e´ tudes coll´egiales, mais leur proportion a` l’universit´e correspond plus ou moins a` leur proportion au sein de l’´echantillon. Ainsi, les e´ l`eves issus des familles a` revenu moyen (inf´erieur ou sup´erieur) constituent 53 % (21+32) de l’´echantillon, mais ils repr´esentent 61 % (27 + 34) au coll`ege, alors qu’a` l’universit´e leur proportion est de 51 % (20 +31) (figure 2). Enfin, la derni`ere cat´egorie regroupe les r´epondants que l’on pourrait consid´erer d’origine sociale inf´erieure : ceux dont les parents ont un revenu faible (premier quartile) ou ont un niveau de scolarit´e secondaire ou moins. Leur participation aux e´ tudes

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

51

Figure 2 ´ ´ ` Pourcentage des repondants ayant frequent e´ un college ou une universite´ selon le niveau de revenu annuel des parents ´ ´ ´ Note: · Profil-echantillon : Repartition de tous repondants selon le niveau de revenu annuel des parents ` ´ ´ ´ · Profil-college : Repartition des repondants ayant frequent e´ un ` college selon le niveau de revenu annuel des parents. ´ ´ ´ · Profil-universite´ : Repartition des repondants ayant frequent e´ une universite´ selon le niveau de revenu annuel des parents. Inférieur

Moyen inférieur

Moyen supérieur

Supérieur

100% 90%

20

17

32

34

21

27

27

22

Profil-échanƟllon

Profil-collège

15

80% 70% 60% 50% 40%

20

30% 20% 10%

31

34

0% Profil-université

coll´egiales refl`ete plus ou moins leur proportion au sein de l’´echantillon, mais ils sont nettement sous-repr´esent´es a` l’universit´e. Ainsi, ceux dont aucun parent n’a d´epass´e les e´ tudes secondaires constituent respectivement 45 % de l’´echantillon, alors que leur proportion est respectivement de 47 % et de 33 % au coll`ege et a` l’universit´e. Globalement, les r´esultats pr´ec´edents conduisent a` constater la persistance d’une d´emocratisation s´egr´egative. L’acc`es aux e´ tudes universitaires reste toujours marqu´e par la logique de la reproduction, mais on constate une tendance a` la d´emocratisation e´ galisatrice en ce qui a trait a` l’enseignement coll´egial. Des analyses de r´egression multinomiale (tableau 3) ont e´ t´e effectu´ees pour examiner si ces diff´erences observ´ees se maintiennent lorsqu’on tient compte de l’influence de l’ensemble des variables, dont la scolarit´e ant´erieure et les caract´eristiques sociod´emographiques. D’une part, le recrutement des e´ tudiants s’effectue sur la base de la m´eritocratie

´ Variables independantes Revenu annuel des parents (log) Scolarit´e des parents secondaire ou moins coll´egial universitaire ˆ Variables de controle Sexe homme femme Immigrant non oui Milieu de r´esidence urbain rural Moyenne g´en´erale au secondaire 90 -100 % 80 – 90 % 70 – 80 % Moins de 70 % R´ef´erence 2.10*** 7.34*** -

R´ef´erence 1.41*** 1.27 -

1.95***

Exp(β)

Exp(β) 1.68***

Universitaire VS secondaire

´ Collegial VS secondaire

` 1 Modele

1.67 1.45* R´ef´erence 0.71**

R´ef´erence 0.38***

R´ef´erence 2.27***

R´ef´erence 1.37**

R´ef´erence 1.66*** 1.57*

1.47**

Exp(β)

´ Collegial VS secondaire

` 2 Modele

(suite)

16.31*** 4.30*** R´ef´erence 0.14***

R´ef´erence 0.21***

R´ef´erence 3.11***

R´ef´erence 3.01***

R´ef´erence 2.66*** 7.54***

2.04***

Exp(β)

Universitaire secondaire

´ ´ Plus haut niveau de l’etablissement frequent e´ selon l’origine sociale – rapports des cotes de ´ regression multinomiale

Tableau 3

52 CRS/RCS, 52.1 2015

*significatif au seuil de 0.05. **significatif au seuil de 0.01. ***significatif au seuil de 0.001.

Nombre d’heures accord´e au devoir par semaine A connu des irr´egularit´es scolaires non oui R´egion de r´esidence Qu´ebec Ontario Maritimes Prairies Colombie-Britannique Pseudo-R2 χ 2 de Wald DF N 0.0532 427.49*** 6 10 336

-

Exp(β)

Exp(β)

-

-

Universitaire VS secondaire

´ Collegial VS secondaire

` 1 Modele

Suite

Tableau 3

0.85 R´ef´erence 1.81** 3.51*** 0.42***

0.66* R´ef´erence 0.65* 1.23 0.26** 0.3193 1589.25*** 30 10 336

2.25***

Exp(β)

Universitaire VS secondaire

R´ef´erence 0.27***

` 2 Modele

R´ef´erence 1.02

1.42***

Exp(β)

´ Collegial VS secondaire

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada 53

54

CRS/RCS, 52.1 2015

scolaire, car l’acc`es aux e´ tudes sup´erieures au coll`ege comme a` l’universit´e se r´ealise g´en´eralement sur la base d’une s´election, les e´ tablissements pouvant accepter ou refuser les e´ tudiants selon leurs r´esultats scolaires au secondaire.2 D’autre part, la d´ecision d’entreprendre les e´ tudes sup´erieures et, par la suite, le choix entre le coll`ege et l’universit´e ne peuvent eˆ tre dissoci´es des aspirations, ni du sentiment de confiance d’un candidat par rapport a` ses comp´etences au m´etier d’´etudiant (Coulon 1997). Les r´esultats du mod`ele 1 incluant simultan´ement le revenu et la scolarit´e des parents confirment ceux de l’analyse descriptive (tableau 1), tout en estimant davantage le lien entre l’origine sociale et les in´egalit´es scolaires. Dans le mod`ele 2, nous avons ajout´e trois variables sociod´emographiques (le sexe, le fait que l’´el`eve vient ou non de famille immigrante, le lieu g´eographique de r´esidence (rural ou urbain) pour tenir compte des effets de l’accessibilit´e (Frenette 2002, 2003), ainsi que des variables de la scolarit´e secondaire et la province de r´esidence pour tenir compte des effets de l’offre des e´ tudes par le syst`eme e´ ducatif. Les r´esultats montrent que mˆeme lorsque toutes ces variables sont prises en compte, l’influence du revenu et de la scolarit´e des parents sur l’acc`es aux e´ tudes sup´erieures demeure significative et presque constante. L’analyse permet de souligner au moins deux observations. Premi`erement, l’influence de l’origine sociale est nettement plus lourde a` l’universit´e qu’au coll`ege. Deuxi`emement, l’influence du capital scolaire des parents est plus e´ lev´ee que celle de leur capital e´ conomique. En particulier, l’´ecart est plus e´ lev´e entre les e´ l`eves dont au moins un parent a un diplˆome d’´etudes universitaires et les autres. Comme l’indiquent les coefficients, ces derniers sont presque huit fois plus susceptibles de s’inscrire a` l’universit´e que ceux dont aucun parent n’a fait des e´ tudes sup´erieures et trois fois plus que ceux dont le parent le plus scolaris´e d´etient seulement un diplˆome d’´etudes coll´egiales. En ce qui concerne les autres variables incluses dans l’analyse, essentiellement des variables relatives a` la scolarit´e des r´epondants et la province de r´esidence, les r´esultats r´ev`elent que celles-ci modulent l’acc`es tant aux e´ tudes coll´egiales qu’universitaires. L’acc`es aux e´ tudes universitaires est de loin plus e´ lev´e chez les e´ l`eves ayant des moyennes sup´erieures ` a` 80 % et consacrant davantage de temps aux devoirs a` domicile. A l’inverse, il est relativement faible chez les e´ l`eves ayant connu des situations de scolarit´e probl´ematique (rattrapage, d´ecrochage ou retard scolaire) ou dont les parents habitent en milieu rural. En comparaison a` l’Ontario (cat´egorie de r´ef´erence), l’acc`es aux e´ tudes universitaires est plus e´ lev´e dans les Provinces des Prairies et les Maritimes. L’influence de ces variables sur l’acc`es a` l’enseignement coll´egial est plus ou moins similaire, sauf qu’elle est relativement moins e´ lev´ee qu’a` 2.

Ou ceux obtenus au cours de la scolarit´e dans l’enseignement coll´egial pr´euniversitaire dans le cas des universit´es qu´eb´ecoises.

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

55

Figure 3 ´ ´ ´ Evolution de la participation aux etudes superieures entre 20 ans et 24 ans (%) 50

47

45 40 35 30

30

29

26

25

20 ans

20

24 ans

15 10 5 0 Collège

Université

l’universit´e comme l’indiquent les coefficients. L’acc`es y est r´eduit chez les e´ l`eves ayant des notes faibles (moins de 70 %) et r´esidant en milieu rural. Par contre, il est e´ lev´e chez les femmes et les immigrants. Il est comparable entre l’Ontario et le Qu´ebec, mais faible dans les Maritimes et les provinces des Prairies. L’origine sociale et les parcours scolaires diff´er´es La plupart des jeunes Canadiens entreprennent les e´ tudes postsecondaires entre 18 ans et 20 ans. Toutefois, pour diverses raisons (personnelles, sociales ou scolaires), une partie d’entre eux s’y inscrit plus tard. Nous avons analys´e l’´evolution de la situation entre 20 ans et 24 ans pour examiner si l’influence de l’origine sociale sur l’acc`es aux e´ tudes postsecondaires diminue ou se maintient dans le temps. Comme l’indique la figure 3, l’augmentation du taux de participation est plus importante a` l’universit´e (18 %) qu’au coll`ege (4 %), une diff´erence qui pourrait s’expliquer a` la fois par de nouvelles inscriptions, mais e´ galement par des mouvements de transition du coll`ege a` l’universit´e. En reprenant les r´esultats du mod`ele 2 (tableau 3), nous avons ˆ compar´e la situation a` l’age de 20 et 24 ans (tableau 4). Les r´esultats

´ Variables independantes Revenu annuel des parents (log) Scolarit´e des parents secondaire ou moins coll´egial universitaire ˆ Variables de controle Sexe homme femme Immigrant non oui Milieu de r´esidence rural urbain Moyenne au secondaire 90–100 % 80–90 % 70–80 % Moins de 70 % 1.07 R´ef´erence 7.78*** 17.60*** R´ef´erence 3.60*** R´ef´erence 1.38** 1.06 R´ef´erence 23.59*** 3.34*** R´ef´erence 0.57***

R´ef´erence 3.72*** 3.51***

R´ef´erence 1.94***

R´ef´erence 0.72**

1.07 R´ef´erence

2.31** 1.09 R´ef´erence 1.18

Exp(β)

Exp(β)

1.24*

Universitaire VS secondaire

´ Collegial VS secondaire

20 ans

1.67 1.45* R´ef´erence 0.71**

(suite)

16.31*** 4.30*** R´ef´erence 0.15***

0.21*** R´ef´erence

0.38*** R´ef´erence

R´ef´erence 3.01***

R´ef´erence 2.66*** 7.54***

2.04***

Exp(β)

Universitaire VS secondaire

R´ef´erence 3.12***

24 ans

R´ef´erence 2.26***

R´ef´erence 1.36**

R´ef´erence 1.66*** 1.49

1.47**

Exp(β)

´ Collegial VS secondaire

´ ´ ˆ Plus haut niveau de l’etablissement frequent e´ selon l’origine sociale et l’age – rapports des cotes de ´ regression multinomiale

Tableau 4 56 CRS/RCS, 52.1 2015

*significatif au seuil de 0.05. **significatif au seuil de 0.01. ***significatif au seuil de 0.001.

Nombre d’heures consacr´e aux devoirs par semaine A connu des irr´egularit´es scolaires oui non Province de r´esidence Qu´ebec Ontario Maritimes Prairies Colombie-Britannique Pseudo-R2 χ 2 Wald DF N 0.36*** R´ef´erence 0.30*** R´ef´erence 1.11 0.51*** 0.42***

0.65*** R´ef´erence

2.43*** R´ef´erence 0.38*** 0.39*** 0.38*** 0.2668 2,410.96*** 30 10,336

0.98

Exp(β)

Exp(β)

0.84**

Universitaire VS secondaire

20 ans

´ Collegial VS secondaire

Suite

Tableau 4

0.66* R´ef´erence 0.65* 1.23 0.26*** 0.3193 1,589.25*** 30 10,336

1.09 R´ef´erence

1.42**

Exp(β)

´ Collegial VS secondaire

24 ans

0.85 R´ef´erence 1.82** 3.51*** 0.43***

0.28*** R´ef´erence

2.25***

Exp(β)

Universitaire VS secondaire

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada 57

58

CRS/RCS, 52.1 2015

r´ev`elent que loin de s’att´enuer dans le temps, les e´ carts selon l’origine sociale augmentent et contribuent a` renforcer davantage la d´emocratisation ˆ s´egr´egative. L’effet du revenu des parents augmente avec l’age des r´epondants, particuli`erement a` l’universit´e. Cela pourrait s’expliquer par le fait que, lorsqu’on vient d’une famille a` revenu faible, plus on vieillit, plus on est contraint de se prendre en charge et d’assumer plusieurs responsabilit´es associ´ees au passage pr´ecoce a` la vie d’adulte (d´epart du foyer familial, autonomie financi`ere) et moins on est susceptible de ˆ poursuivre des e´ tudes sup´erieures et d’en supporter les couts. Quant au capital scolaire des parents, son effet demeure significatif et e´ lev´e, mais diminue consid´erablement, ce qui laisse penser que, d’une part, les jeunes issus des familles moins scolaris´ees sont ind´ecis ou ont besoin de temps suppl´ementaire pour se pr´eparer aux e´ tudes sup´erieures, mais qu’ils r´eajustent au fil du temps leur projet de scolarisation a` la hausse. Ce r´eajustement pourrait eˆ tre attribuable, entre autres, a` l’acc`es a` l’information tardive (sur le march´e de l’emploi et les e´ tudes sup´erieures) qui ne leur est pas toujours accessible en famille. Cela dit, cette diminution observ´ee reste cependant tr`es relative, car les e´ carts entre les e´ l`eves issus des familles universitaires et les autres demeurent fortement e´ lev´es.

DISCUSSION Malgr´e les politiques de d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada, celui-ci reste caract´eris´e par des in´egalit´es selon l’origine sociale. D’une mani`ere g´en´erale, selon les th´eories existantes, la persistance de ces in´egalit´es peut eˆ tre interpr´et´ee comme une combinaison des effets de reproduction sociale (Bourdieu 1966; Bourdieu et Passeron 1964, 1970; Bowles et Gintis 1976; Collins 1979), des comportements d’autos´election des jeunes et de leur famille (Duru-Bellat 1996, 2003a), ainsi que des choix rationnels de l’´el`eve durant son parcours scolaire (Boudon 1974; Jackson et al. 2007). Quoique la contribution explicative de ces th´eories soit ind´eniable, elle s’av`ere limit´ee. On sait, on d´enonce, mais on laisse toujours la reproduction jouer. C’est comme si les syst`emes scolaires e´ taient neutres. Or, le lien entre l’origine sociale et les in´egalit´es scolaires a un caract`ere structurel qui tient a` l’organisation des trajectoires scolaires et au degr´e de s´electivit´e aux diff´erents ordres d’enseignement (Dupriez et Dumay 2005; Felouzis 2009; Marks 2005), lesquels s’inscrivent eux-mˆemes dans l’orientation id´eologique des politiques publiques et dans la relation sp´ecifique entre le march´e de l’emploi et chaque ordre d’enseignement dans une soci´et´e donn´ee (Chauvel 2008; Pechar et Andres 2011; Willemse et de Beer 2013). Comme le note Souto-Otero (2010), l’expansion de l’enseignement sup´erieur et la mobilisation scolaire des jeunes peuvent eˆ tre moins le reflet de la d´emocratisation scolaire en soi que de l’insuffisance d’emplois exigeant des qualifications inf´erieures,

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

59

alors qu’on observe l’accroissement des emplois exigeant des diplˆomes d’´etudes sup´erieures. Elle peut e´ galement relever de l’insuffisance des e´ coles de formation professionnelle, comme c’est le cas dans les provinces de l’Atlantique (Maritimes) du Canada. Lorsque les trois situations sont combin´ees, l’enseignement sup´erieur et particuli`erement universitaire a tendance a` se massifier, tout en e´ tant comp´etitif et s´electif. L’´etude comparative r´ecente men´ee par Andres et Pechar (2013) est assez e´ clairante a` ce sujet. Les auteurs montrent que, dans les pays de tendance n´eolib´erale dont le Canada fait partie selon la classification des pays par Esping-Andersen (1999) valid´ee par Saint-Arnaud et Bernard (2003), l’enseignement sup´erieur est valoris´e au d´etriment de la formation professionnelle qui devient moins attrayante pour les jeunes, contrairement aux pays de tendance conservatrice, par exemple. En mˆeme temps, l’´egalit´e des chances et la libert´e de choix y sont cependant des valeurs importantes. Dans cette perspective, l’organisation des trajectoires scolaires favorise un syst`eme int´egr´e caract´eris´e par une structure plus ou moins commune pour tous les e´ l`eves pendant une dur´ee relativement longue. Et comme le notent Dupriez et Dumay (2005), cette forme d’organisation vise a` neutraliser, ou a` tout le moins minimiser les effets de l’origine sociale et a` accorder a` chaque e´ l`eve suffisamment de temps pour am´eliorer ses performances et ses chances de scolarisation jusqu’au niveau souhait´e. La s´election scolaire est quasi inexistante au secondaire et les trajectoires sont organis´ees de mani`ere a` ce que chaque parcours scolaire permette l’acc`es aux e´ tudes sup´erieures, et ce, contrairement aux r´egimes n´eoconservateurs. Toutefois, cette e´ galisation des chances au secondaire vise moins a` am´eliorer l’´equit´e sociale qu’a` accroˆıtre la cr´eation du capital humain. Cette configuration a une double implication sur la d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur. D’une part, elle accroˆıt les aspirations scolaires des jeunes et des familles, car le diplˆome d’´etudes sup´erieures constitue une condition d’acc`es a` un emploi qualifi´e. D’autre part, les gouvernements sont pouss´es a` investir davantage de ressources dans l’enseignement sup´erieur, particuli`erement universitaire, pour r´epondre a` la demande sociale croissante d’´education exprim´ee par la population et le march´e de l’emploi. Au Canada, la r´eponse a` cette demande s’est r´ealis´ee a` la fois par l’accroissement du nombre de places disponibles dans les e´ tablissements et l’assouplissement des trajectoires scolaires qui, a` leur tour, ont conduit a` l’expansion de l’enseignement sup´erieur. Cette expansion se manifeste par l’accroissement des effectifs et des taux de participation aussi bien des jeunes de milieux favoris´es que de milieux d´efavoris´es. Dans un contexte de march´e, elle est a` la fois une cause et une cons´equence de la comp´etition et n’est pas a` l’abri de l’exclusion sociale. En particulier, la valorisation de l’enseignement universitaire au d´etriment de l’enseignement professionnel coll´egial et des m´etiers au secondaire a contribu´e a` renforcer son caract`ere comp´etitif par des pratiques de s´election. De plus, la s´egr´egation sociale entre les jeunes Canadiens apr`es l’entr´ee a` l’universit´e

60

CRS/RCS, 52.1 2015

se poursuit, voire mˆeme se renforce par le biais de l’orientation scolaire, le type d’´etablissement fr´equent´e et la poursuite des e´ tudes apr`es l’obtention du diplˆome de premier cycle : les jeunes issus des familles de classes moyennes et sup´erieures sont nettement plus susceptibles de fr´equenter les e´ tablissements prestigieux (Davies, Maldonado, et Zarifa 2014) et de s’inscrire aux e´ tudes de maˆıtrise et doctorat (Zarifa 2012). Tout laisse ainsi penser que la massification de l’enseignement sup´erieur g´en`ere et entretient elle-mˆeme de nouveaux m´ecanismes de s´egr´egation sociale (SoutoOtero 2010). Dans cette optique, la coexistence entre la massification de l’enseignement sup´erieur et la concomitance d’une d´emocratisation e´ galisatrice au coll`ege, mais s´egr´egative a` l’universit´e s’inscrit dans l’orientation id´eologique n´eolib´erale des provinces canadiennes et dans l’organisation de leurs syst`emes scolaires. Les diff´erences observ´ees entre les r´egions dans nos analyses illustrent ce propos, car tout en e´ tant semblables entre elles, les politiques provinciales en mati`ere d’enseignement pr´esentent aussi des diff´erences importantes qui rel`event de leur histoire, de leur composition d´emographique et de leur environnement e´ conomique (Jones 1997). Comme le souligne Skolnik (1997), la configuration des r´eseaux des e´ tablissements de l’enseignement sup´erieur s’est faite de mani`ere e´ clat´ee et align´ee a` l’´evolution sociohistorique de chaque province. Il n’existe donc pas de mod`ele unique de syst`eme d’enseignement sup´erieur entre les provinces, tout comme la r´epartition des e´ tablissements sup´erieurs, les r`egles d’acc`es et l’offre d’´education ne sont pas uniformes.

CONCLUSION La pr´esente e´ tude avait l’objectif de revisiter la typologie des formes de d´emocratisation scolaire de Merle (2000) pour apporter davantage d’´eclairage sur la persistance des in´egalit´es dans l’enseignement sup´erieur au Canada. L’int´erˆet de cette typologie est de d´epasser une vision purement quantitative essentiellement fond´ee sur l’accessibilit´e pour en saisir les aspects qualitatifs. Les r´esultats obtenus a` partir de donn´ees empiriques ont permis de montrer que, derri`ere la massification de l’enseignement sup´erieur au Canada, se dessinent deux formes de d´emocratisation scolaire : une qui tend a` eˆ tre e´ galisatrice aux e´ tudes coll´egiales et une autre nettement s´egr´egative dans l’enseignement universitaire. Nous avons compar´e les situations a` 20 ans et a` 24 ans pour examiner dans quelle mesure l’acc`es diff´er´e aux deux ordres d’enseignement contribue a` r´eduire ou a` entretenir cette forme de d´emocratisation. Les r´esultats ont montr´e que les e´ carts selon l’origine sociale diminuent dans le temps tout en demeurant fortement e´ lev´es, ce qui appuie l’hypoth`ese de la pr´esence d’une d´emocratisation s´egr´egative plus que toute autre forme (uniforme ou e´ galisatrice). Toutefois, les diff´erences sont plus importantes a` l’universit´e qu’au coll`ege.

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

61

Au terme de cet article, il convient de reconnaˆıtre au moins deux limites. Premi`erement, les r´epondants sur lesquels a port´e l’analyse avaient 24 ans. Or dans un contexte de d´emocratique, l’acc`es aux e´ tudes sup´erieures ˆ se fait d´esormais a` tout age, ce qui pourrait r´eduire ou accroˆıtre la d´emocratisation s´egr´egative. Deuxi`emement, l’´etude s’est limit´ee a` examiner les formes de la d´emocratisation scolaire sous le seul angle de l’acc`es aux e´ tudes. Or, dans un syst`eme de comp´etition, les m´ecanismes de d´emocratisation s´egr´egative s’op`erent de plus en plus par la voie de l’orientation scolaire comme en t´emoignent les recherches men´ees dans plusieurs pays : en France (Andr´e 2012; Duru-Bellat 1996, 2003b; Landrier et Nakhili 2010), en Grande-Bretagne (Roberts et Atherton 2011), en Belgique (Draelants et Artoisenet 2014; Maroy et Van Campenhoudt 2010), en Irlande (Lynch et O’Riordan 1998) et dans les pays nordiques (Plant et al. 2003). En d´epit de ces limites, l’´etude a conduit a` des r´esultats int´eressants. Au plan th´eorique, elle a permis de valider la typologie de Merle dans le contexte sociopolitique canadien, tout en soulignant la sp´ecificit´e de ce dernier. Du point de vue des politiques publiques, l’´etude permet de mieux saisir les dessous de la massification de l’enseignement sup´erieur et de penser des politiques mieux cibl´ees afin d’assurer une profonde d´emocratisation des ressources e´ ducatives. En effet, le rep´erage des zones ou` s’exercent les diff´erentes formes de d´emocratisation et des m´ecanismes producteurs de ces formes peut guider l’action publique en mati`ere d’´education en g´en´eral et d’enseignement sup´erieur en particulier.

´ erences ´ Ref bibliographiques Allison, P.D. 2012. Logistic Regression Using the SAS System: Theory and Application. 2d ed. Cary, NC: SAS Institute Inc. Ambler, J.S. and J. Neathery. 1999. “Education Policy and Equality: Some Evidence from Europe.” Social Science Quarterly 80(3):437–56. Andr´e, G. 2012. L’orientation scolaire: H´eritages sociaux et jugements professoraux. Paris: Presses universitaires de France. Andres, L. and H. Pechar. 2013. “Participation Patterns in Higher Education: A Comparative Welfare and Production Regime Perspective.” European Journal of Education 48(2):247– 61. Barr-Telford, L., F. Cartwright, S. Prasil and K. Shimons. 2003. Acc`es, pers´ev´erance et financement : premiers r´esultats de l’enquˆete sur la participation aux e´ tudes postsecondaires ´ (EPEP). Ottawa: Statistique Canada, Catalogue 81-595-MIF. Basset, R. and T. Tapper. 2009. “Coming to Terms with Mass Higher Education: Lessons from the United States and Beyong.” Higher Education in Europe 34(1):127–41. Blumberg, M.J. 1986a. The Democratization of Higher Education in Denmark, Iceland, Norway, and Sweden: A Cross-National Study of Post-War Reforms. Kent, OH: Kent State University, Departement of Political Science.

62

CRS/RCS, 52.1 2015

Blumberg, M.J. 1986b. Scandinavian Higher Educational Reform: From Elitism to Egalitarianism. Kent, OH: Kent State University, Departement of Political Science. Boudon, R. 1974. Education, Opportunity, and Social Inequality. New York: Wiley. Bourdieu, P. 1966. “La transmission de l’h´eritage culturel.” Pp. 383–426 in Le Partage des ´ b´en´efices. Expansion et in´egalit´es en France, edited by DARRAS. Paris: Editions de Minuit. ´ Bourdieu, P. 1979. La distinction. Critique sociale du jugement. Paris: Edition de Minuit. ´ Bourdieu, P. and J.C. Passeron. 1964. Les h´eritiers: les e´ tudiants et la culture. Paris: Editions de Minuit. ´ ements d’une th´eorie du syst`eme Bourdieu, P. and J.C. Passeron. 1970. La reproduction: El´ ´ d’enseignement. Paris: Editions de Minuit. Bowles, S. and H. Gintis. 1976. Schooling in Capitalist America: Educational Reform and the Contradictions of Economic Life. New York: Basic Books. Bratti, M., D. Checchi and G. De Blasio. 2008. “Does the Expansion of Higher Education Increase the Equality of Educational Opportunity? Evidence from Italy.” LABOUR: Review of Labour Economics and Industrial Relations 22:53–88. Bruke, J.B. and M. Johnstone. 2004. “Access to Higher Education: The Hope for Democratic Schooling in America.” Higher Education in Europe XXIX(1):19–31. Butlin, G. 1999. “Determinants of Postsecondary Participation.” Education Quarterly Review, Statistic Canada Catalogue no. 81-003-XIB), 5(3):1–35. Chauvel, L. 2008. “Comparing Welfare Regime: Living Standards and Unequal Life Chances of Different Birth Cohorts.” Working Paper No. 500. Retrieved December 15, 2014 (http://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/f0uohitsgqh8dhk980spog9kp). Chesters, J. and L. Watson. 2013. “Understanding the Persistence of Inequality in Higher Education: Evidence from Australia.” Journal of Education Policy 28(2):198–215. Coelli, M.C. 2009. “Tuition Fees and Equality of University Enrolment.” Canadian Journal of Economics/Revue canadienne d’´economique 42(3):1072–99. Coleman, J.S., E.Q. Campbell, C.J. Hobson, F. McPartland, A.M. Mood, F.D. Weinfeld and R.L. York. 1966. Equality of Educational Opportunity. Washington, DC: U.S. Government Printing Office. Collins, R. 1979. The Credentials Society: An Historical Sociology of Education and Stratification. New York/San Francisco/London: Academic Press. Corak, M., G. Lipps and J. Zhao. 2005. “Family Income and Participation in Postsecondary Education.” Pp. 255–94 in Higher Education in Canada, edited by C.M. Beach, R.M. Boadway and R.M. McInnis. Kingston: John Deuts Institute for Study for Economic Policy. Coulon, A. 1997. Le m´etier d’´etudiant. Paris: Presses universitaires de France. Davies, S., V. Maldonado and D. Zarifa. 2014. “Effectively Maintaining Inequality in Toronto: Predicting Student Destinations in Ontario Universities.” Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie 51(1):22–53. Dickert-Conlin, S. and R. Rubenstein. 2007. Economic Inequality and Higher Education: Access, Persistence, and Success. New York: Russell Sage Foundation. Draelants, H. and J. Artoisenet. 2014. “Le rˆole de l’´etablissement d’enseignement secondaire dans la construction des aspirations d’´etudes sup´erieures.” Les cahiers de recherche du Girsef No. 84. Retrieved December 15, 2014 (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal00976834/document).

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

63

Drolet, M. 2005. Participation aux e´ tudes postsecondaires au Canada: le rˆole du revenu et du niveau de scolarit´e des parents a-t-il e´ volu´e au cours des ann´ees 1990? Ottawa: Statistique Canada. Dubet, F., M. Duru-Bellat and A. V´er´etout. 2010. “Les in´egalit´es entre l’amont et l’aval. Organisation scolaire et emprise des diplˆomes.” Sociologie 1(2):177–97. Dupriez, V. and X. Dumay. 2005. “L’´egalit´e des chances a` l’´ecole: Analyse d’un effet sp´ecifique de la structure scolaire.” Revue fran¸caise de p´edagogie 150:5–17. ´ Durkheim, E. 1922. Education et sociologie. Paris: Presses universitaires de France. Duru-Bellat, M. 1996. “Social Inequality in French Secondary Schools.” British Journal of Education 17(3):341–50. Duru-Bellat, M. 2003a. Les in´egalit´es sociales a` l’´ecole et les politiques e´ ducatives. Paris: Unesco, Institut international de planification de l’´education. Duru-Bellat, M. 2003b. “Actualit´e et nouveaux d´eveloppements de la question de la reproduction des in´egalit´es sociales par l’´ecole.” L’orientation scolaire et professionnelle 32(4):571–94. Duru-Bellat, M. and A. Kieffer. 2008. “Du baccalaur´eat a` l’enseignement sup´erieur en France: d´eplacement et recomposition des in´egalit´es.” Population 68(1):123–58. ´ Esping-Andersen, G. 1999. Les trois mondes de l’Etat providence: essai sur le capitalisme moderne. Paris: Presses universitaires de France. Felouzis, G. 2009. Syst`emes e´ ducatifs et in´egalit´es scolaires : une perspective internationale. SociologieS. Retrieved December 15, 2014 http://sociologies.revues.org/2977 (15-12-2014). Finnie, R., E. Lascelles and A. Sweetman. 2005. “Who Goes? The Direct and Indirect Effects of Family Background on Access to Postsecondary Education.” Pp. 295–338 in Higher Education in Canada, edited by C.M. Beach, R.M. Boadway and R.M. McInnis. Kingston: Queen’s University, John Deuts Institute for Study of Economic Policy. Finnie, R. and R.E. Mueller. 2008. The Effects of Family Income, Parental Education and Other Background Factors to Postsecondary Education in Canada. Measuring the Effec` MESA project paper. Retrieved July 15, 2014 (http://www.mesativeness of Student Aid. A project.org). Frenette, M. 2002. Trop loin pour continuer? Distance par rapport a` l’´etablissement et inscription a` l’universit´e. Ottawa: Statistique Canada, Direction des e´ tudes analytiques, Document de recherche. Frenette, M. 2003. Acc`es au coll`ege et a` l’universit´e: est-ce que la distance importe? Ottawa: Statistique Canada, Document de recherche. Frenette, M. 2005. L’acc`es aux e´ tudes postsecondaires est-il e´ quitable au Canada et aux ´ Etats-Unis? Ottawa: Statistique Canada, Direction des e´ tudes analytiques, Document de recherche. Garcia, S. 2002. “La ‘fabrique’ de la d´emocratisation scolaire: indicateurs statistiques et ‘consignes’ d’´evaluation.” Cahiers de la recherche sur l’´education et les savoirs 1:265–85. Gatz, T. 1986. “La d´emocratisation a` l’universit´e.” Revue fran¸caise de p´edagogie 77:5–11. Hoy, M., L.N. Christofides and J. Cirello. 2001. “Family Income and Postsecondary Education in Canada.” The Canadian Journal of Higher Education 31(1):177–208. Huberman, M. 1970. International Education Year 1970. Reflections on Democratization of Secondary and Higher Education. Paris: Unesco. Jackson, M., R. Erickson, J.H. Goldthorpe and M. Yaish. 2007. “Primary and Secondary Effects in Class Differentials in Educational Attainment. The Transitions to A-Level Courses in England and Wales.” Acta Sociologica 50(3):2011–29.

64

CRS/RCS, 52.1 2015

Jaoul, M. 2004. “Enseignement sup´erieur et origine sociale en France: e´ tudes statistiques des in´egalit´es depuis 1965.” Revue internationale de l’´education 50(5-6):463–82. Jones, G.A. 1997. “A Brief Introduction to Higher Education in Canada." Pp. 1–8 in Higher Education in Canada. Different Systems, Different Perspectives, edited by G.A. Jones. New York/London: Routledge. Kamanzi, P.C., P. Doray, S. Bonin, A. Groleau and J. Murdoch. 2010. “Les e´ tudiants de premi`ere g´en´eration dans les universit´es: L’acc`es et la pers´ev´erance aux e´ tudes au Canada.” Revue canadienne de l’enseignement sup´erieur/Canadian Higher Education Review 4(3):1–24. Knighton, T. and S. Mirza. 2002. “L’incidence du niveau de scolarit´e des parents et du revenu du m´enage sur la poursuite d’´etudes postsecondaires.” Revue trimestrielle de l’´education 8(3):25–32. Landrier, S. and N. Nakhili. 2010. “Comment l’orientation contribue aux in´egalit´es de parcours scolaires en France.” Formation Emploi 109:23–36. Lasselles, L., F. Keir and I. Smith. 2009. “Enhancing Pupils’ Aspirations to University: The St-Andrew School Experience.” Journal of Further and Higher Education 33(4):395–410. Lopez, M.R. 2009. “Equality of Opportunities in Spanish Higher Education.” Higher Education 58:285–306. Lucas, S.L. 2001. “Effectively Maintained Inequality: Education Transitions, Track Mobility, and Social Background Effects.” American Journal of Sociology 106(6):1642–90. Lynch, K. and C. O’Riordan. 1998. “Inequality in Higher Education: A Study of Class Barriers.” British Journal of Sociology of Education 19(4):445–78. Marks, G.N. 2005. “Cross-National Differences and Accounting for Social Class Inequalities in Education.” International Sociology 20(4):483–505. Maroy, C. and M. Van Campenhoudt. 2010. “D´emocratisation s´egr´egative de l’enseignement ´ sup´erieur en Belgique francophone: le poids de l’autos´election et des familles.” Education et soci´et´es 26(2):89–106. Merle, P. 2000. “Le concept de d´emocratisation de l’institution scolaire: une typologie et sa mise a` l’´epreuve.” Population 55(1):15–50. Merle, P. 2009. La d´emocratisation de l’enseignement. Paris: La D´ecouverte. Nakhaie, M.R. and J. Curtis. 1998. “Effects of Class Positions of Parents on Educational Attainment of Daughters and Sons.” Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie 35(4):483–515. OCDE. 2009. Regards sur l’´education. Les indicateurs de l’OCDE. Paris: OCDE. OECD. 2010. Improving Health and Social Cohesion through Education. Paris: OECD. Osborne, M.J., H. Sandberg and O. Tuomi. 2004. “A Comparison of Development in University Continuing Education in Finland, the UK and Sweden.” International Journal of Lifelong Education 23(2):137–58. Pechar, H., and L. Andres. 2011. “Higher Education Policies and Welfare Regimes: International Comparative Perspectives.” Higher Education Policy 24(1):25–52. Plant, P., L.L. Christiansen, A. Lov´en, G. Vilhjalmsdottir and R. Vuorinen. 2003. “Research in Educational and Vocational Guidance in the Nordic Countries: Current Trends.” International Journal for Educational and Vocational Guidance 3:101–22. Prost, A. 1992. L’enseignement s’est-il d´emocratis´e? Paris: Presses universitaires de France.

La d´emocratisation de l’enseignement sup´erieur au Canada

65

Roberts, K. and G. Atherton. 2011. “Career Development among Young People in Britain Today: Poverty of Aspiration or Poverty of Opportunity?” International Journal of Education Administration and Policy Studies 3(5):59–67. Saint-Arnaud, S. and P. Bernard. 2003. “Convergence ou r´esilience? Une analyse de classification hi´erarchique des r´egimes providentiels des pays avanc´es.” Sociologie et soci´et´es 35(1):65–93. Skolnik, M.L. 1997. “Putting it All Together: Viewing Canadian Higher Education from Collection of Jurisdiction–Based Perspectives." Pp. 325–41 in Higher Education in Canada. Different Systems, Different Perspectives, edited by G.A. Jones. New York/London: Routledge. Smith, A. [1777] 1933. Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations. London: Dent. Souto-Otero, M. 2010. “Education, Meritocracy and Redistribution.” Journal of Education Policy 25(3):397–413. Wanner, R.A. 1999. “Expansion and Ascription: Trends in Educational Opportunity in Canada, 1920-1994.” Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie 36(3):409–42. Willemse, N. and P. de Beer. 2013. “Three Worlds of Educational Welfare States? A Comparative Study of Higher Education Systems across Welfare States.” Journal of European Social Policy 22(2):105–17. Zarifa, D. 2012. “Persistant Inequality or Liberation from Social Origins? Determinating Who Attends Graduate and Professional Schools in Canada’s Expanded Postsecondary System.” Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie 49(1):109–37.

Copyright of Canadian Review of Sociology is the property of Wiley-Blackwell and its content may not be copied or emailed to multiple sites or posted to a listserv without the copyright holder's express written permission. However, users may print, download, or email articles for individual use.

La démocratisation de l'enseignement supérieur au Canada: la face cachée de la massification.

The increase in available student placements at colleges and universities, the implementation of provincial and federal postsecondary education polici...
324KB Sizes 0 Downloads 10 Views