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Revue des Maladies Respiratoires (2014) xxx, xxx—xxx

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ARTICLE ORIGINAL

Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Is there a place for surgical management in stage IIIA N2 non-small cell lung cancer? P.-B. Pagès ∗, A. Pforr , J.-P. Delpy , H. Abou Hanna , A. Bernard Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, université de Bourgogne, CHU Bocage central, CHU de Dijon, BP 77908, 14, rue Gaffarel, 21079 Dijon cedex, France Rec ¸u le 23 f´ evrier 2014 ; accepté le 12 juillet 2014

MOTS CLÉS Chimiothérapie d’induction ; Radiothérapie ; Cancer bronchique non à petites cellules ; Chirurgie thoracique



Résumé Introduction. — Le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) demeure un problème de santé majeur, avec une survie globale à 5 ans des stades IIIA de l’ordre de 25 %. La prise en charge chirurgicale des CBNPC de stade IIIA demeure cependant controversée. Nous avons donc évalué les différentes stratégies de prise en charge des CBNPC de stade IIIA-N2. Méthodes. — De janvier 1990 à décembre 2013, les essais contrôlés randomisés évaluant la survie des patients traités par chimiothérapie d’induction suivie d’une résection chirurgicale vs chirurgie seule, et ceux évaluant la survie des patients traités par radio- ou chimiothérapie d’induction suivie d’une résection chirurgicale vs la combinaison chimiothérapie d’induction + radiothérapie pour le stade IIIA-N2 ont été analysés. Résultats. — On retrouve une augmentation significative de la survie globale de 16 % dans le groupe chimiothérapie d’induction suivie d’un traitement chirurgical par rapport à la chirurgie seule. Cependant, il n’existait pas de différence significative en termes de survie entre le groupe chimiothérapie d’induction suivie d’un traitement chirurgical et le groupe chimiothérapie d’induction suivie d’une radiothérapie. Conclusions. — Les preuves scientifiques disponibles actuellement ne permettent pas de remettre en question de manière définitive la place de la chirurgie dans les CBNPC de stade IIIA-N2. © 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.-B. Pagès).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016 0761-8425/© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Pagès P-B, et al. Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016

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P.-B. Pagès et al.

KEYWORDS Induction chemotherapy; Radiotherapy; Non-small cell lung cancer; Thoracic surgery

Summary Introduction. — Non-small cell lung cancer (NSCLC) remains a major health problem, with a 5year overall survival of 25%. Surgical management of stage IIIA NSCLC is still controversial. We conduct a systematic analysis of the different management strategies for stage IIIA-N2 NSCLC. Methods. — We analyzed randomized control trials published between January 1990 to December 2013, comparing induction chemotherapy followed by surgery vs. surgery alone, and those comparing induction chemo or radiotherapy followed by surgery vs. induction chemotherapy followed by radiotherapy for stage IIIA-N2 NSCLC. Results. — A 16% significant increase in overall survival was found in favor of induction chemotherapy followed by surgery vs. surgery alone. However, there was no significant difference in overall survival between induction chemo- or radiotherapy followed by surgery and induction chemotherapy followed by radiotherapy. Conclusion. — Current scientific data do not permit the exclusion of surgery as an option in the management of stage IIIA-N2 NSCLC. © 2014 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

Matériel et méthodes

Le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) demeure un problème majeur de santé publique, avec une survie globale à 5 ans tous stades confondus de 17,1 % [1] et de 24 % pour les stades IIIA opérés [2]. La prise en charge chirurgicale des CBNPC localement avancés de stade IIIA demeure cependant controversée [3]. En effet, il s’agit d’une population très hétérogène de patients, incluant les patients présentant des tumeurs classées T1-3 N2, T4 N0-1 et T3 N1. De plus, au sein des atteintes médiastinales de type N2, il existe une très grande hétérogénéité, allant de formes infiltratives majeures (Bulby N2) à des formes d’atteinte ganglionnaire limitées ou discrètes, avec des survies à 5 ans de 34 % pour les N2 unisites à 20 % pour les N2 multisites [2,4]. Les récentes recommandations de l’American College of Chest Physicians sur la prise en charge CBNPC de stades III remettent en question l’intérêt de la chirurgie [5]. Cependant, ces recommandations s’appuient sur des études anciennes, de faibles effectifs et hétérogènes [5]. L’objectif de ce travail était de faire le point sur la place de la chirurgie dans la prise en charge des patients présentant un CBNPC de stade IIIA-N2, par l’intermédiaire d’une revue exhaustive de la littérature et d’une méta-analyse. Nous avons ainsi comparé deux stratégies de prise en charge des CBNPC de stade IIIA-N2. D’une part, en comparant la chimiothérapie d’induction (ICT) suivie d’une résection chirurgicale avec la chirurgie seule puis, d’autre part, en comparant un traitement d’induction suivie d’une résection chirurgicale avec un traitement comprenant une chimiothérapie et radiothérapie (RT) sans chirurgie.

De janvier 1990 et décembre 2013, les essais contrôlés randomisés évaluant la survie des patients traités par ICT suivie d’une résection chirurgicale vs chirurgie seule, et ceux évaluant la survie des patients traités par radio- ou chimiothérapie d’induction suivie d’une résection chirurgicale vs la combinaison ICT + radiothérapie ont été analysés. Les données ont été collectées sur la base de données Medline en recherchant les articles correspondant de langue anglaise. La méta-analyse a été conduite selon les règles de bonnes pratiques éditées par l’International Network of Agencies for Health Technology Assessment (INAHTA) et le Guidelines International Network (GIN) [6]. La taille de l’effet a été estimée par le hazard ratio (HR). Un HR < 1 indique la supériorité de l’une des stratégies thérapeutiques. Pour la méta-analyse, nous avons utilisé un modèle à effets aléatoires. Pour l’estimation de l’hétérogénéité des études, nous avons utilisé l’I2 : des valeurs d’I2 de 25 %, 50 % et 75 % correspondent respectivement à une hétérogénéité faible, modérée et forte [7]. L’analyse a été faite avec le logiciel STATA 12 statistical software (StataCorp LP, College Station, États-Unis).

• Les récentes recommandations de l’American College of Chest Physicians remettant en question l’intérêt de la chirurgie dans le traitement des CBNPC de stade IIIA-N2 reposent sur des études anciennes, de faibles effectifs et hétérogènes et sont donc critiquables. • Les autres stratégies comprenant des associations thérapeutiques, dont deux comportaient de la chirurgie, sont plus efficaces que la chirurgie seule.

Résultats ICT + chirurgie vs chirurgie seule Concernant l’étude de l’impact sur la survie globale, 231 articles ont été retrouvés. Parmi ceux-ci, seuls huit articles [8—15] étaient des essais contrôlés randomisés éligibles pour cette analyse. On retrouvait un total de 1586 patients présentant un CBNPC de stade IIIA, 823 patients traités par ICT puis chirurgie et 763 traités par chirurgie seule (Tableau 1). Le calcul du nombre de patients nécessaires n’était estimé dans aucune des études à l’exception de celle de Roth et al. [8] où le nombre de patients était de 65 patients par bras, et les auteurs ont en réalité inclus 28 et 32 patients respectivement dans le bras ICT plus chirurgie et chirurgie seule. Pour l’ensemble des études retenues, la suspicion

Pour citer cet article : Pagès P-B, et al. Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016

Incomplète/thoracotomie exploratrice Lobectomie Pneumonectomie Curage médiastinal radical Bras Chirurgie seule Médiastinoscopie ou tomie Nombre de patients inclus Opérés Nombre de patients stade IIIA N2 Résection complète (R0)

Incomplète/thoracotomie exploratrice Lobectomie Pneumonectomie Curage médiastinal radical

Zhou, 2001 [10]

Depierre, 2002 [11]

Liao, 2003 [13]

Nagaï, 2003 [12]

Yao, 2004 [14]

Li, 2005 [15]

NR 6C (P) NR

83 % 3C (P) 5

NR 2C (P) 4

NS 2C (P) 3

NR 1 ou 2C (P)

OUI 3C (P) 6

NR (P) NR

NR NR NR

28 28 (100 %)

30 27 (90 %)

187 167 (87,2 %)

103 NR

77 NR

30

92 (49,2 %)

65 (63,1 %)

31 28 (90,3 %) NR

234 NR

28

314 307 (97,7 %) 314

NR

NR

NR 17 (60,7 %) 11 (39,3 %)

25 (83,3 %) 23 (76,7 %)

NR NR

72 (38,5 %) 154 (92 %)

NR NR

NR NR

NR NR

4 (14,8 %)

NR

11 (6,6 %)

NR

NR 20 (64,5 %) 7 (25 %)

NR

NR

NR NR NR

NR NR OUI

NR NR NR

76 (45,5 %) 87 (52 %) 59 (35,2 %)

NR NR NR

21 (75 %) 2 (7,1 %) NR

NR NR NR

NR NR NR

NR 32 32

63 % 30 30 (100 %)

NS 186 171 (91,9 %)

NR 108 NR

OUI 31 31 (100 %)

NR 222 NR

NR 60 NR

NR

NR

NR 310 285 (91,9 %) NR

75 (40,3 %)

NR

NR

NR

NR

NR 21 (65,6 %) 11 (34,4 %)

19 (63,3 %) 27 (90 %)

NR NR

50 (26,9 %) 149 (87,1 %)

NR NR

NR NR

NR NR

3 (10 %)

NR

19 (11,1 %)

NR

NR 24 (77,4 %) 7 (22,6 %)

NR

NR

NR

NR

NR

68 (39,8 %)

NR

NR

NR

NR NR

NR OUI

NR NR

98 (57,3 %) 61 (35,7 %)

NR NR

24 (77,4 %) 5 (16,1 %) NR

NR NR

NR NR

NR : non renseigné ; NS : non systématique ; P : sel de platine ; ICT : chimiothérapie d’induction.

ARTICLE IN PRESS

Nombre de patients stade IIIA N2 Résection complète (R0)

Rosell, 1999 [9]

Modele +

Bras ICT + Chirurgie Médiastinoscopie ou tomie Type de chimiothérapie Délais fin ICT—chirurgie (en semaines) Nombre de patients inclus Opérés

Roth, 1998 [8]

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Caractéristiques des études comparant l’ICT suivie d’une chirurgie et la chirurgie seule.

Chirurgie et cancers bronchiques stade IIIA-N2

Pour citer cet article : Pagès P-B, et al. Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016

Tableau 1

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P.-B. Pagès et al. Tableau 2

Caractéristiques des études comparant l’ICT suivie d’une chirurgie vs la chirurgie seule.

Auteur

Année

Roth [8] Rossel [9] Zhou [10] Depierre [11] Liao [13] Nagaï [12] Yao [13] Li [15]

1998 1999 2001 2002 2003 2003 2004 2005

p

Taux de décès à 30 jours

Survie à 5 ans

ICT + chirurgie

Chirurgie seule

ICT + chirurgie

Chirurgie seule

NR 7,4 % (2) NR 8,5 % (14) NR 0 NR NR

NR 6,6 % (2) NR 4,6 % (8) NR 0 NR NR

36 % 17 % 34,4 % NR 36,1 % 10 % 34,2 % 23,4 %

15 % 0% 24,2 % NR 14,3 % 22 % 23,0 % 21,7 %

0,056 0,005 0,010 NR NR 0,520 NR NR

NR : non renseigné ; ICT : chimiothérapie d’induction.

Figure 1. seule.

Graphique en forêt (Forest plot) des essais concernant le traitement par chimiothérapie d’induction (ICT) + chirurgie vs chirurgie

d’envahissement des ganglions médiastinaux était uniquement radiographique, basée sur les données du scanner thoracique. On ne retrouve une preuve histologique de l’atteinte médiastinale que dans trois études [9,11,12]. L’ICT comprenait systématiquement un doublet ou un triplet à base d’un sel de platine (cisplatine ou carboplatine) sauf pour l’étude de Zhou qui recevait une bithérapie sans sel de platine [10]. Le nombre de cycles d’ICT réalisés était variable allant de 1 à 6 cycles, de même que le délai entre la fin de l’ICT et la chirurgie allant de 3 à 6 semaines selon les études. Les patients en progression après l’ICT, sur des critères scannographiques, n’étaient pas opérés et recevaient alors un traitement par RT [9—11] ou une chimiothérapie de 2e ligne [11,13]. Les résections pulmonaires réalisées sont rapportées dans le Tableau 1. Un curage ganglionnaire médiastinal radical n’était pratiqué que dans trois études [9,11,12]. Les taux de décès postopératoires dans les 30 jours sont rapportés dans le Tableau 2. La survie globale à 5 ans dans le bras ICT + chirurgie allait de 10 à 36,1 % selon les études [8—15] et dans le bras chirurgie seule de 0 à 24,2 % [8—15] (Tableau 2). La méta-analyse

permettait d’obtenir un HR de 0,84 (IC 95 %, 0,75—0,95), en faveur d’une augmentation significative de la survie globale de 16 % pour la stratégie ICT + chirurgie (Fig. 1). Enfin, il existait une hétérogénéité importante des différentes études : I2 = 43,3 % (Fig. 1).

ICT + chirurgie vs ICT + radiothérapie Concernant l’étude de l’impact sur la survie globale des patients traités, soit par ICT + résection chirurgicale, soit par ICT + radiothérapie (ICT + RT), 67 articles ont été retrouvés. Parmi ceux-ci, seuls trois articles [16—18] étaient des essais contrôlés randomisés et étaient éligibles pour cette analyse. Parmi les trois articles retenus, on retrouvait au total 776 patients, 393 patients traités par ICT puis chirurgie et 383 traités par ICT + RT (Tableau 3). Les trois études comprenaient un nombre de patients inclus très inférieur au calcul du nombre de patients nécessaires pour mettre en évidence une différence significative en faveur du bras chirurgical. Pour ces trois études, l’envahissement des ganglions médiastinaux n’était suspecté que sur le scanner thoracique puis ensuite confirmé par une biopsie sous médiastinoscopie.

Pour citer cet article : Pagès P-B, et al. Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016

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Chirurgie et cancers bronchiques stade IIIA-N2 Tableau 3

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Description des études comparant ICT + chirurgie avec ICT + radiothérapie.

Auteur

Stephens, 2005 [16]

Van Meerbeeck, 2007 [17]

Albain, 2009 [18]

Nombre de patients éligibles Prévus Éligibles Inclus : total ICT + chirurgie Induction + RT

350 NR 48 20 28

640 579 332 167 165

612 429 396 202 194

Nombre de patients Inclus dans le bras chirurgie Opérés

20 4 (20 %)

167 127 (76,1 %)

202 155 (76,7 %)

Médiastinoscopie systématique

Oui

Oui

Oui

Type de résection Thoracotomie exploratrice Résection R0

0 NR

14,1 % (21) 49,7 % (74)

Pneumonectomie

50 % (2)

46,3 % (69)

Lobectomie ou bilobectomie

50 % (2)

38,9 % (58)

Type de curage ganglionnaire médiastinal

NR

NR

4 % (9) 87,8 % (144) 34,8 % (54) 63,2 % (98) NR

Taux de mortalité à 30 jours des résections pulmonaires Lobectomie ou bilobectomie Pneumonectomie

0% 50 % (2)

0% 7,24 % (5)

1 % (1) 25,9 % (14)

Taux de complications postopératoires à 30 jours Respiratoires Pleurales Cardiaques

NR NR NR

27,9 % (38) 18,4 % (25) 14 % (19)

NR NR NR

Survie à 5 ans Induction + chirurgie Induction + RT p

NR NR NR

14 % 15,7 % 0,600

27 % 20 % 0,100

NR : non renseigné ; ICT : chimiothérapie d’induction ; RT :radiothérapie.

L’ICT consistait en un doublet comprenant un sel de platine, le délai moyen entre l’ICT et la chirurgie était de 3 à 6 semaines selon les études [16—18] (Tableau 3). Les patients en progression après l’ICT sur des critères scannographiques n’étaient pas opérés et recevaient alors un traitement par RT [16,17] ou une chimiothérapie de 2e ligne [18]. Les résections chirurgicales pratiquées et les complications postopératoires sont rapportées dans le Tableau 3. Au total 30 patients ont eu une thoracotomie exploratrice [17,18]. Aucune précision concernant le type de curage ganglionnaire réalisé n’était donnée dans les trois études [17,18]. Dans le bras chirurgie, de nombreux patients n’ont pas été opérés : 80 % dans l’étude de Stephens et al. [16], 23,95 % dans l’étude de Van Meerbeck et al. [17] et 28,24 % dans l’étude d’Albain et al. [18]. De plus dans l’étude d’Albain et al., 60 % des patients opérés ont rec ¸u une chimiothérapie

adjuvante [18] et 40 % ont rec ¸u une RT adjuvante dans l’étude de Van Meerbeck et al. [17]. En termes de survie globale à 5 ans, il n’existait pas de différence significative entre le groupe ICT + chirurgie et le groupe ICT + RT avec un HR de 0,96 (IC 95 % ; 0,81—1,12) (Fig. 2).

Discussion ICT + chirurgie vs chirurgie seule Les recommandations récentes sur l’évaluation préopératoire de ces patients soulignent l’importance du TEP-scan associé à un prélèvement histologique par médiastinoscopie ou par une technique mini-invasive [19]. En effet, le niveau d’atteinte ganglionnaire médiastinal a un impact majeur sur

Pour citer cet article : Pagès P-B, et al. Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016

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P.-B. Pagès et al.

Figure 2. Graphique en forêt (Forest plot) des essais concernant le traitement par chimiothérapie d’induction (ICT) + chirurgie vs ICT + radiothérapie.

la survie des patients : avec respectivement un taux de survie à 5 ans de 48 %, 35 %, 34 %, 20 %, pour les N1 uni- ou multisites et les N2 uni- ou multisites [4]. L’analyse de l’ensemble des données de la littérature concernant l’impact sur la survie de la stratégie comprenant une ICT suivie de la résection chirurgicale par rapport à la chirurgie seule met en évidence une amélioration significative de la survie des patients ayant bénéficié d’une ICT par rapport au groupe chirurgie seule, cependant, ce résultat est à contrebalancer par de nombreux points. Tout d’abord, la majorité de ces études sont anciennes, le staging médiastinal reposant presque uniquement sur le scanner thoracique, rarement une preuve histologique est rapportée. Depuis cette période, le TEP-scan est apparu et a montré une sensibilité et une spécificité largement supérieures au scanner thoracique dans le staging médiastinal, permettant de détecter un plus grand nombre de patients N3 ou présentant des métastases à distance [20]. De nos jours, les patients présentant des atteintes médiastinales dites « minimal invasive N2 » sont désormais mis en évidence par le TEP-scan avant que les modifications anatomiques des ganglions puissent être mises en évidence par le scanner thoracique [20]. Ainsi, les patients traités dans les études incluses dans cette méta-analyse ne correspondent pas totalement aux patients « N2 » qui sont proposées à l’heure actuelle pour une prise en charge multimodale comprenant une résection chirurgicale. De plus, les études incluses sont de faible puissance et il existe une très grande hétérogénéité concernant le type d’ICT, le délai entre l’ICT et la chirurgie, le nombre de patients stade IIIA et N2, rendant difficile l’interprétation des résultats. Les types de chimiothérapie délivrée en induction sont hétérogènes, cependant, elles comportent toutes un sel de platine, qui est à la base de la chimiothérapie d’induction proposée par Betticher en 2005 pour le CBNPC de stade I à IIIA [21]. Il faut surtout remarquer que peu de données concernant la prise en charge chirurgicale sont décrites avec précision et disponibles dans ces études : que ce soit pour le type de résection, le type de curage ganglionnaire médiastinal ou

la morbimortalité postopératoire. Ainsi, Thomas et al. ont décrit les règles de bonnes pratiques des exérèses pulmonaires pour cancer pour la Société franc ¸aise de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, démontrant que la survie globale des patients opérés d’un cancer bronchique dépend de la qualité de la résection pulmonaire mais également du curage ganglionnaire médiastinal [22]. Ce curage permet à la fois d’améliorer la survie globale mais également d’obtenir une meilleure évaluation de l’atteinte ganglionnaire médiastinale dont découle un potentiel traitement adjuvant qui a fait la preuve de son efficacité dans les stades IIIA [23]. Les données concernant le caractère R0 des résections pulmonaires pratiquées ne sont rapportées que dans quatre études [10,11,13,14], celles concernant la réalisation d’un curage ganglionnaire médiastinal montrent que celuici n’a été systématique que dans l’étude de Rosell [11] et non systématique dans deux autres études [13,14]. Enfin, aucune précision sur le curage ganglionnaire n’est rapportée dans les autres études. Cette analyse met en évidence l’insuffisance de qualité de la prise en charge chirurgicale, en conformité avec les recommandations de bonnes pratiques [22]. Une tendance en faveur de l’ICT semble apparaître, cependant, il convient de garder en mémoire la grande hétérogénéité des essais ainsi que les faibles effectifs de ces études avant d’affirmer la supériorité de l’ICT sur la chirurgie seule dans le cadre des CBPNC de stade IIIA-N2. • Il n’a pas été retrouvé de différence significative entre le groupe chimiothérapie d’induction + chirurgie et le groupe chimiothérapie d’induction + radiothérapie vis-à-vis de la survie globale à 5 ans. • Actuellement, l’évaluation préopératoire de ces patients doit comporter un PET scan et un prélèvement histologique par médiastinoscopie ou par une technique mini-invasive, car l’envahissement ganglionnaire est un facteur pronostique majeur.

Pour citer cet article : Pagès P-B, et al. Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016

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Chirurgie et cancers bronchiques stade IIIA-N2 • Les chimiothérapies d’induction des études évaluées étaient hétérogènes mais toutes comportaient un sel de platine. • Pour le geste chirurgical, la survie globale des patients dépend de la qualité de la résection pulmonaire mais aussi du curage ganglionnaire médiastinal, ce dernier ayant un intérêt non seulement thérapeutique mais aussi diagnostique de l’atteinte ganglionnaire médiastinale. • Dans les études citées, la qualité de la prise en charge chirurgicale était insuffisante et non en conformité avec les recommandations de bonnes pratiques.

ICT + chirurgie vs ICT + radiothérapie La place de la chirurgie après un traitement d’induction pour les CBPNC de stade IIIA n’est pas déterminée à l’heure actuelle. Les conclusions des essais contrôlés randomisés rapportés par Van Meerbeck et al. [17] et Albain et al. [18] n’ayant pas permis de conclure à la supériorité d’un traitement d’induction suivi d’un traitement chirurgical par rapport à un traitement par ICT + RT. L’analyse de ces études met en évidence un manque de puissance (Tableau 3), les études ayant été stoppées précocement devant le faible taux d’inclusion. Ainsi, l’absence de différence significative de ces essais de supériorité n’a pas permis méthodologiquement de conclure à l’équivalence des deux traitements. Concernant la survie des patients inclus dans le bras chirurgie, un taux important de résection incomplète et de thoracotomie exploratrice sans résection pulmonaire est retrouvé (Tableau 3) : environ la moitié des patients de l’étude de Van Meerbeeck [17] et 12,2 % pour Albain [18] ont eu une résection incomplète, et on retrouve une thoracotomie exploratrice chez respectivement 14,1 % et 4 % des patients opérés. Pourtant, Foucault et al. [24] en 2013 ont mis en évidence une importante diminution de la survie globale à 5 ans des CBNPC opérés, ayant subi, soit une thoracotomie exploratrice, soit une résection R2 par rapport à une résection R0, respectivement 1,1 %, 11,1 % et 47,1 % (p < 10−3 ) [24]. Ensuite, le nombre de patients opérés dans le bras chirurgie des études est très nettement inférieur au nombre de patients inclus, respectivement 20 %, 71,7 % et 74 % pour les études de Stephens [16], Van Meerbeeck [17] et Albain [18] (Tableau 3). Enfin, la mortalité à 30 jours est très élevée dans l’étude d’Albain, avec un taux de mortalité pour les pneumonectomies de 25,9 %. En 2011, Bernard et al. rapportèrent les résultats des résections pulmonaires pour cancer de la base de données franc ¸aise de chirurgie thoracique « Epithor » sur la période de 2003 à 2008. Sur les 15 581 résections pulmonaires majeures, on retrouvait une mortalité à 30 jours de 3 % pour les patients traités par lobectomies et de 7,7 % pour les patients traités par pneumonectomie [25]. Enfin, un traitement adjuvant par chimiothérapie a été réalisé chez 60 % des patients de l’étude d’Albain [18] et par RT chez 40 % des patients de l’étude de Van Meerbeeck [17], cette donnée n’étant pas prise en compte dans l’analyse des résultats.

7 • Il est actuellement impossible d’évaluer la supériorité d’un traitement d’induction suivi d’un traitement chirurgical par rapport à un traitement par chimiothérapie puis radiothérapie, essentiellement du fait d’un manque de puissance des études épidémiologiques.

Conclusions La prise en charge des CBNPC de stade IIIA demeure un problème complexe compte tenu de la très grande hétérogénéité de patients, pour lesquels des recommandations semblent difficiles à établir au vu de la qualité des études sur lesquelles elles reposent. Ainsi, les preuves scientifiques disponibles ne permettent pas de remettre en question de manière définitive la place de la chirurgie dans les CBNPC de stade IIIA-N2. POINTS ESSENTIELS • La survie globale à 5 ans des stades IIIA des cancers bronchiques non à petites cellules est de l’ordre de 25 %. • Plusieurs stratégies de prise en charge des cancers bronchiques non à petites cellules de stade IIIAN2 ont été proposées, avec une amélioration significative de la survie globale pour les trois dernières stratégies : ◦ chirurgie seule ; ◦ chimiothérapie d’induction puis résection chirurgicale ; ◦ radiothérapie d’induction puis résection chirurgicale ; ◦ chimiothérapie d’induction + radiothérapie. • La chirurgie garde toute sa place dans le traitement des cancers bronchiques non à petites cellules de stade IIIA-N2.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Pagès P-B, et al. Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016

Modele + RMR-942; No. of Pages 8

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P.-B. Pagès et al.

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Pour citer cet article : Pagès P-B, et al. Quelle place reste-t-il pour la chirurgie dans les cancers bronchiques de stade IIIA-N2 ? Revue des Maladies Respiratoires (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.07.016

[Is there a place for surgical management in stage IIIA N2 non-small cell lung cancer?].

Non-small cell lung cancer (NSCLC) remains a major health problem, with a 5-year overall survival of 25%. Surgical management of stage IIIA NSCLC is s...
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