Bull Cancer 2015; 102: S93–S95

Poumon Reste-t-il une place pour la chimiothérapie dans les cancers pulmonaires porteurs d’une altération moléculaire addictive ? Les arguments du oui

Controverse • Pour

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/bulcan www.sciencedirect.com

Benjamin Besse Reçu le 28 mars 2015 Accepté le 9 avril 2015

Gustave-Roussy, Villejuif, Université Paris Sud, Paris, France

Correspondance : Benjamin Besse, Gustave-Roussy, 114, rue Edouard-Vaillant, 94805 Villejuif cedex, France. [email protected]

Mots clés Cancer bronchique Chimiothérapie Thérapies moléculaires ciblées

 Résumé Avec l’émergence des thérapies moléculaires ciblées dans la prise en charge des cancers bronchiques non à petites cellules, la place des cytotoxiques conventionnels est remise en question. La controverse en ce domaine correspond à des interrogations sur nos stratégies en pratique clinique. Cet article présente les arguments clés pour l’utilisation des cytotoxiques en présence d’une altération ciblable.

 Summary Is chemotherapy still a valid option for oncogene-addicted lung cancer? Yes With the emergence of molecular targeted therapies in the management of non-small cell lung cancer, the role of conventional chemotherapy can be questioned. This article presents the key arguments for the use of cytotoxics in presence of a targetable alteration.

D

epuis 2009, l’analyse moléculaire fait partie du quotidien dans le traitement des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC). La France est le seul pays doté d’une évaluation centralisée, mise en place sous l’impulsion de l’Institut national du cancer (INCa) [1]. Nous savons ainsi qu’environ 15 % des patients présentant un CBNPC seront dans une situation « d’addiction oncogénique », dans la mesure où leur tumeur portera soit une mutation EGFR, soit un remaniement ALK (ALK+). Aujourd’hui, 5 inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) sont accessibles dans ces situations : 3 inhibiteurs d’EGFR et 2 inhibiteurs d’ALK. Même si ces derniers agents sont aujourd’hui utilisés en 2e intention, les données

Bulletin du tome 102 > Suppl. au n°6 > Juin 2015 © 2015 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

de la littérature devraient permettre une extension d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un traitement en première ligne [2]. Pour beaucoup, l’introduction d’un ITK en première intention est déjà un standard. Nous allons voir ici pourquoi la chimiothérapie garde toute sa place dans ces situations. Les patients porteurs de CBNPC métastatiques EGFR mutés ou ALK+ ont une survie souvent supérieure à 2 ans, ce qui est prêt du double de ce qui est actuellement décrit pour ce stade [2,3]. Cette survie prolongée est un vrai défi pour l’oncologue, et ne peut se résumer à une prescription « reflexe » d’un ITK, mais plutôt à

CANCER

S93

Keywords Chemotherapy Lung cancer Molecular targeted therapies

Controverse • Pour

B. Besse

l’élaboration d’une stratégie qui associera séquentiellement (et dans un ordre qui reste à définir) la(les) chimiothérapie(s), le(s) ITK(s) et peut être l’immunothérapie. Au plan de l’efficacité, 9  études ont permis de comparer l’efficacité d’un doublet à base de sels de platine à un ITK en cas de CBNPC EGFR mutés (tableau I) [4]. Toutes les études démontrent un puissant bénéfice sur la survie sans progression (HR entre 0,16 et 0,58), mais sans aucun bénéfice sur la survie globale, probablement en raison de la prescription fréquente d’un ITK en 2e ligne thérapeutique. Pour les tumeurs ALK+, la même observation peut être faite, avec des HR de PFS dans le même ordre de grandeur [2]. Ceci signifie qu’il n’y a aucun avantage, pour le patient, à débuter par un ITK. Il est même possible de s’interroger sur la pertinence de la chimiothérapie utilisée dans ces différents essais. Les courbes de survie sans progression tendent à être superposables jusqu’à l’arrêt de la chimiothérapie, suggérant qu’une stratégie de maintenance

pourrait avoir un bénéfice particulier dans cette population  [5,6]. C’est particulièrement vrai pour le sous-groupe des tumeurs ALK+, qui démontrent une sensibilité exquise au pémétrexed [7]. L’absence d’utilisation de bévacizumab dans les bras contrôle peut également être souligné, ce d’autant que cette population y est souvent éligible (patients souvent porteurs d’adénocarcinomes, peu fumeurs et donc avec peu de comorbidités). L’impact des antiangiogéniques dans cette population n’est pas clairement défini, mais pourrait être plus important qu’anticipé [8]. L’association du pémétrexed et du bévacizumab, en phase de maintenance, a permis d’allonger significativement la survie sans progression chez 376 patients (HR = 0,57 ; IC 95 % 0,44-0,75) par rapport au bévacizumab seul  [9]. Une telle stratégie, dans les bras contrôles des 10 essais randomisant les TKI en 1re ligne à une chimiothérapie de 1re intention aurait probablement impacté la survie sans progression, et peut-être la survie globale.

Tableau I

S94

Études randomisées comparant un inhibiteur de tyrosine kinase à une chimiothérapie avec sel de platine Étude

patients (n) EGFRm

Cible

Agents

PFS

OS

IPASS

261

EGFR

Géfitinib vs carboplatine-paclitaxel

HR 0,48 (IC 95 % 0,36-0,64) p = 0,001

HR 1,00 (IC 95 % 0,76-1,33) p = 0,990

FIRST-SIGNAL

42

EGFR

Géfitinib vs gemcitabine-cisplatine

HR = 0,544 (IC 95 % 0,269-1,1) p = 0,086

HR = 1,043 (IC 95 % 0,498-2,182)

WJTOG

172

EGFR

Géfitinib vs cisplatine-docétaxel

HR 0,33 (IC 95 % 0,21-0,54) p 

[Is chemotherapy still a valid option for oncogene-addicted lung cancer? Yes].

With the emergence of molecular targeted therapies in the management of non-small cell lung cancer, the role of conventional chemotherapy can be quest...
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