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RMR-971; No. of Pages 4

Revue des Maladies Respiratoires (2015) xxx, xxx—xxx

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CAS CLINIQUE

Ipilimumab et cancer bronchique métastatique : peut-on changer l’histoire naturelle de la maladie ? Ipilimumab and metastatic lung cancer: Can we change the natural history of the disease? A. Boyer a, L. Greillier a,b, H. Barazzutti a, P. Tomasini a,b, F. Barlesi a,b,∗ a

Service d’oncologie multidisciplinaire et innovations thérapeutiques, Aix-Marseille université, Assistance publique—Hôpitaux de Marseille, 13915 Marseille cedex 20, France b Inserm U911, centre de recherche en oncologie biologique et oncopharmacologie, faculté de médecine, Aix-Marseille université, 13385 Marseille cedex 05, France Rec ¸u le 8 septembre 2014 ; accepté le 11 d´ ecembre 2014

MOTS CLÉS Immunothérapie ; Ipilimumab ; Adénocarcinome bronchique ; Rémission

Résumé Introduction. — L’ipilimumab (anticorps anti-CTLA-4) a pour but d’activer une immunité antitumorale. Ce traitement est en cours d’évaluation dans le cancer bronchique non à petites cellules. Observation. — Nous rapportons le cas d’un patient de 53 ans présentant un adénocarcinome bronchique primitif de stade IV, inclus en 2008 dans l’essai de phase II CA 184-104 évaluant l’apport de l’ipilimumab à une chimiothérapie par carboplatine et paclitaxel. Après une réponse partielle initiale sous chimiothérapie, le patient a présenté une réponse complète sous ipilimumab en maintenance, au prix d’une toxicité digestive de grade 3. Cette réponse complète persiste à 6 ans.

∗ Auteur correspondant. Service d’oncologie multidisciplinaire et innovations thérapeutiques, hôpital Nord, chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France. Adresse e-mail : [email protected] (F. Barlesi).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.12.006 0761-8425/© 2015 Publi´ e par Elsevier Masson SAS pour la SPLF.

Pour citer cet article : Boyer A, et al. Ipilimumab et cancer bronchique métastatique : peut-on changer l’histoire naturelle de la maladie ? Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.12.006

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A. Boyer et al. Conclusions. — Notre cas illustre l’apport des immunothérapies chez certains patients dont les mécanismes d’actions, les rapports entre l’efficacité et la toxicité et les facteurs prédictifs d’efficacité restent encore à définir. © 2015 Publi´ e par Elsevier Masson SAS pour la SPLF.

KEYWORDS Immunotherapy; Ipilimumab; Bronchial adenocarcinoma; Remission induction

Summary Introduction. — Ipilimumab (anti CTLA-4 antibody) aims to activate antitumor immunity. This treatment is being evaluated in non-small cell lung cancer. Case report. — We report a case of a stage IV adenocarcinoma patient randomized in 2008 in the phase II trial CA 184-104 evaluating the combination of ipilimumab to chemotherapy with carboplatin and paclitaxel. After an initial partial response to chemotherapy, the patient achieved a complete response with ipilimumab as maintenance therapy. However, it was complicated by grade 3 gastro-intestinal toxicity leading to stop the ipilimumab. However, this complete response persists after 6 years. Conclusions. — Our case illustrates the contribution of immunotherapy at least in some patients. The mechanisms of action, relationship between efficacy and toxicity and predictors of efficacy remain to be defined. © 2015 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of SPLF.

Introduction Le cytotoxic T-lymphocyte protein 4 (CTLA-4) est exprimé à la surface des lymphocytes T auxillaires et fournit un signal d’inhibition en jouant un rôle de molécule de co-stimulation négative. Il se lie à ses ligands B7-1 et B7-2 qui sont exprimés à la surface des cellules présentatrices d’antigènes et rentre ainsi en compétition avec le CD28 qui fournit pour sa part un signal d’activation en jouant un rôle de co-stimulation positive. Le CTLA-4 est responsable d’une inhibition lymphocytaire lorsque le CD28 n’est pas engagé en même temps, ce qui est le cas pour les cellules exprimant peu de molécules B7 (les cellules cancéreuses expriment peu de molécules B7). L’ipilimumab est un anticorps monoclonal humain qui se lie à l’antigène 4 des lymphocytes cytotoxiques (CTLA-4) et l’inhibe, ce qui a pour but d’activer une immunité antitumorale. Ce traitement a été validé pour le traitement des mélanomes métastatiques [1]. Dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), l’ipilimumab a été évalué dans des études de phase 2 [2] dans les stades avancés et est en cours d’investigation dans des essais de phase 3 [3].

Observation Un patient âgé de 53 ans, fumeur à 30 paquets-années sevré depuis 10 ans, capitaine de remorqueur, en bon état général (performance status 0), ayant comme comorbidités une HTA et un diabète non insulinodépendant a consulté en septembre 2008 pour une masse du lobe supérieur droit de 5 cm associée à des adénomégalies médiastinales homolatérales et une masse controlatérale douloureuse

malgré un traitement morphinique située au niveau de la gouttière costovertébrale. Les prélèvements de la lésion lobaire supérieure droite au cours d’une endoscopie bronchique ont permis d’établir le diagnostic d’un adénocarcinome bronchique peu différencié classé cT3N2M1 selon la classification TNM 2007 confirmé par documentation histologique de la métastase pulmonaire controlatérale. Le statut mutationnel du patient n’a pas été établi. Le patient a été inclus en novembre 2008 dans l’essai de phase II CA 184-041 (NCT00527735) [4] où les patients chimio-naïfs avec CBNPC étaient randomisés pour recevoir 6 cures de chimiothérapie avec carboplatine (AUC 6) et paclitaxel (175 mg/m2 ), tous les 21 jours, seule ou en association avec l’ipilimumab (10 mg/kg) de C1 à C4 ou de C4 à C6. Par la suite, une maintenance par ipilimumab était administrée toutes les 12 semaines jusqu’à progression. Le patient a bénéficié de sa première cure en décembre 2008 avec obtention d’une réponse partielle après 2 cures (diminution des lésions cibles de 57 %) encore améliorée après 4 cures (diminution de 71 %) et après 6 cures (diminution de 90 %) conduisant à débuter un traitement de maintenance. Après une cure de maintenance, on notait une réponse complète et 9 cures de maintenance ont été réalisées au total avec maintien d’une réponse complète. Le traitement de maintenance est arrêté au bout de 9 cures en raison d’une toxicité digestive avec des diarrhées de grade 3 en lien avec une colite inflammatoire. Les différents examens complémentaires dont les coprocultures ont éliminé une cause infectieuse (dont une infection à clostridium difficile) et une régression rapide des symptômes est obtenue sous corticothérapie.

Pour citer cet article : Boyer A, et al. Ipilimumab et cancer bronchique métastatique : peut-on changer l’histoire naturelle de la maladie ? Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.12.006

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Ipilimumab et cancer bronchique

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Figure 1. Réponse du cancer bronchique sous ipilimumab, avec coupes tomodensitométriques thoraciques avant traitement (A), après 6 cycles de chimiothérapie (B), après deux ans d’ipilimumab en maintenance (C) et actuellement, à 6 ans du diagnostic (D).

Le patient est actuellement toujours en réponse complète à six ans (Fig. 1).

Discussion Ce patient présentant une réponse complète à 6 ans du diagnostic d’un adénocarcinome bronchique de stade IV illustre une évolution favorable qui est exceptionnelle pour cette maladie. Ainsi, nous pourrions quasiment considérer ce patient comme guéri de son CBNPC. Ceci est probablement imputable à l’apport de l’ipilimumab dans la mesure où la réponse était incomplète sous chimiothérapie et est devenue complète sous traitement de maintenance par ipilimumab seul. L’efficacité a néanmoins été associée à une toxicité résolutive de grade 3. L’impact potentiel de la chimiothérapie chez ce patient semble être négligeable aussi bien sur l’efficacité que la toxicité. Aucune étude n’a comparé dans le CBNPC une immunothérapie seule à une immunothérapie associée à une chimiothérapie. Dans cette même étude de phase 2 [4], on note une amélioration de la survie sans progression dans les deux bras ipilimumab par rapport à la chimiothérapie seule avec une légère amélioration de la médiane de survie par rapport au

bras placebo. On note une médiane de survie sans progression de 5,7 mois dans le bras ipilimumab de C4 à C6 (hazard ratio : 0,72, p = 0,05) et 5,5 mois dans le bras ipilimumab de C1 à C4 (hazard ratio : 0,81, p = 0,13) contre 4,6 mois dans le bras chimiothérapie seule. Dans d’autres cancers, l’ipilimumab a montré sa capacité à induire des guérisons. Dans le mélanome, l’ipilimumab a montré son efficacité dans des études de phase III [1] et est ainsi validé dans le traitement des mélanomes avancés. Dans le mélanome métastatique, de nombreux cas de réponse complète prolongée ont été décrits [5] avec dans cette étude 15 patients sur 177 (8 %) présentant une réponse complète supérieure à 3 ans. Quatorze patients sont encore en réponse complète plus de 6 ans après. On constate également que quatre patients ayant été initialement en réponse partielle durant le traitement sont devenus en réponse complète après l’arrêt suggérant un effet à long terme de l’ipilimumab. Dans le cancer de prostate métastatique, des cas de réponse complète prolongés ont également été décrits [6]. D’autres immunothérapies, actuellement en cours d’évaluation dans le cancer bronchique, ont été associées à des réponses prolongées, voire complètes, dans certains cancers tels que les anti-PD1 ou les anti-PDL1 [7].

Pour citer cet article : Boyer A, et al. Ipilimumab et cancer bronchique métastatique : peut-on changer l’histoire naturelle de la maladie ? Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.12.006

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A. Boyer et al.

Par ailleurs, dans le mélanome, une corrélation a été montrée dès le départ entre la réponse à l’ipilimumab et sa toxicité [8] avec 36 % de toxicité de grade III/IV chez les répondeurs contre 2 % chez les non-répondeurs (p = 0,0008). Dans l’article de Prieto et al., 51 % des répondeurs contre 22 % des non-répondeurs ont développé des toxicités de grade III/IV (p = 0,002) avec principalement des toxicités digestives (gastrite, entérite, duodénite, colite). Dans le cancer du rein métastatique, une association a également été montrée entre ces effets secondaires et sa réponse : 30 % de toxicité de grade III/IV chez les répondeurs contre 0 % chez les non-répondeurs [9]. Les principales toxicités étant l’entérite et l’hypophysite. Dans le poumon, des toxicités de grade supérieures ou égales à 3 ont été décrites chez environ 40 % des patients sans corrélation montrée avec l’efficacité [4]. Le rationnel de l’association entre la réponse à l’ipilimumab et sa toxicité n’est pas clair. Différentes hypothèses existent comme le rôle des lymphocytes Treg qui expriment fortement le CTLA-4 qui ont la propriété d’inhiber la prolifération d’autres lymphocytes T effecteurs et jouent ainsi un rôle de tolérance immunitaire et qui semblent jouer un rôle dans l’auto-immunité digestive, ou l’hypothèse de différences génétiques dans la réactivité auto-immune. Par ailleurs, les facteurs prédictifs de réponse à l’ipilimumab ne sont pas encore connus expliquant l’hétérogénéité des réponses à ce traitement. Parmi ces facteurs prédictifs, l’histologie de type épidermoïde a été évoquée sans confirmation à ce jour. Ce cas illustre ainsi les grandes perspectives qu’offrent l’ipilimumab et les anti-CTLA-4 dans le CBNPC et de fac ¸on plus générale les immunothérapies. Ainsi, il est nécessaire de mieux comprendre les mécanismes d’action et de connaître les facteurs prédictifs d’efficacité afin de pouvoir un jour sélectionner les patients qui pourraient en bénéficier. L’intérêt de l’inclusion précoce des patients dans des essais cliniques est également renforcé par le cas de notre patient.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Hodi FS, O’Day SJ, Mc Dermott DF, et al. Improved survival with ipilimumab in patients with metastatic melanoma. N Engl J Med 2010;363:1290. [2] Tomasini P, Khopta N, Greillier L, Barlesi F. Ipilimumab: its potential in non-small cell lung cancer. Ther Adv Med Oncol 2012;4:43—50. [3] www.clinicaltrials.gov. Clinical trials NCT01285609. [4] Lynch Tj, Bondarenko I, Luft A, et al. Ipilimumab in combination with paclitaxel and carboplatin as first-line treatment in stage IIIB/IV non-small cell lung cancer; results from a randomized double-blind, multicenter phase II study. J Clin Oncol 2012;30:2046—54. [5] Prieto P, Yang J, Sherry R, et al. CTLA-4 blockade with ipilimumab: long term follow-up of 177 patients of metastatic melanoma. Clin Cancer Res 2012;18:2039—47. [6] Graff JN, Puri S, Bifulco CB, Fox BA, Beer TM. Sustained complete response to CTLA-4 blockade in a patient with metastatic, castration-resistant prostate cancer. Cancer Immunol Res 2014;2:399—403. [7] Brahmer JR, Drake CG, Wollner I, et al. Phase I study of singleagent anti-programmed death-1 (MDX-1106) in refractory solid tumors: safety, clinical activity, pharmacodynamics, and immunologic correlates. J Clin Oncol 2010;28:3167—75. [8] Attia P, Phan GQ, Maker AV, et al. Autoimmunity correlates with tumor regression in patients with metastatic melanoma treated with anti-cytotoxic T-lymphocyte antigen-4. J Clin Oncol 2005;23:6043—53. [9] Yang JC, Hughes M, Kammula U, et al. Ipilimumab (antiCTLA4 antibody) causes regression of metastatic renal cell cancer associated with enteritis and hypophysitis. J Immunother 2007;30:825—30.

Pour citer cet article : Boyer A, et al. Ipilimumab et cancer bronchique métastatique : peut-on changer l’histoire naturelle de la maladie ? Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2014.12.006

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Ipilimumab (anti CTLA-4 antibody) aims to activate antitumor immunity. This treatment is being evaluated in non-small cell lung cancer...
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