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Complications infectieuses associe´es a` la polykystose re´nale autosomique dominante Infectious complications in autosomal dominant polycystic kidney disease Yves Pirson *, Nada Kanaan Service de ne´phrologie, cliniques universitaires Saint-Luc, universite´ catholique de Louvain, 10, avenue Hippocrate, 1200 Brussels, Belgique

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 25 novembre 2014 Accepte´ le 26 novembre 2014 Disponible sur Internet le xxx

Malgre´ de nombreuses ame´liorations dans la prise en charge de la polykystose re´nale autosomique dominante (PKRAD) au cours des 20 dernie`res anne´es, l’infection bacte´rienne du rein ou du foie, avec, au premier chef, l’infection intrakystique, reste une complication se´rieuse et potentiellement se´ve`re. L’infection d’un kyste re´nal est la plus fre´quente. Le diagnostic diffe´rentiel avec une he´morragie intrakystique est essentiel : il se base sur la pre´sentation clinique (en particulier la se´ve´rite´ et la dure´e de la fie`vre), le taux de prote´ine C-re´active (CRP) et la leucocytose, ainsi que la densite´ tomodensitome´trique du kyste suspect. L’infection d’un kyste he´patique survient surtout chez les patients ayant une he´patome´galie kystique, est parfois redoutable et a une propension a` la re´cidive. Dans les deux localisations, l’examen d’imagerie le plus performant est la tomographie par e´mission de positons couple´e a` la tomodensitome´trie utilisant comme marqueur le fluor 18 incorpore´ dans une mole´cule de glucose formant le [18F]-fluorode´soxyglucose ([18F]-FDG-TEP/TDM) et le traitement de premie`re ligne est une antibiothe´rapie de 6 semaines par une fluoroquinolone. La ponction-aspiration du ou des kyste(s) infecte´(s) est indique´e dans le traitement initial des kystes tre`s volumineux et a` titre diagnostique dans les kystes re´sistant a` un traitement antibiotique bien conduit. Chez les patients candidats a` la transplantation re´nale, un ante´ce´dent d’infection kystique re´nale re´cidivante justifie l’exe´re`se pre´alable du ou des rein(s) infecte´(s), tandis qu’un ante´ce´dent d’infection kystique he´patique re´cidivante ou d’angiocholite re´cidivante fait envisager une transplantation he´patique. Parmi les manifestations extrare´nales et extrahe´patiques de la PKRAD, la diverticulose colique est la seule qui pourrait eˆtre associe´e a` un risque plus e´leve´ d’infection et ce, chez les patients dialyse´s et transplante´s ; une observation qui me´riterait d’eˆtre confirme´e. ß 2015 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Polykystose re´nale Infections Kystes Rein Foie Angiocholite Diverticulite

A B S T R A C T

Keywords: ADPKD Cyst infections Renal Liver Angiocholitis Diverticulitis

Despite advances in the management of autosomal dominant polycystic kidney disease over the past two decades, infection of liver and kidney cysts remains a serious and potentially threatening complication. Kidney cyst infection is the most frequent complication. It is differentiated from hemorrhage by the clinical presentation (mainly the severity and duration of fever), C-reactive protein (CRP) and white blood cells levels, and the density of the suspected cyst on computed tomography. Liver cyst infection occurs more frequently in patients with large cysts volumes. It can be life threatening and has a tendency to recur. In both infections, the best radiological imaging technique is positron emission tomography after intravenous injection of [18F]-fluorodeoxyglucose combined with computed tomography. Treatment with a fluoroquinolone should be continued for 6 weeks. Cyst aspiration is necessary only when cysts are very large and/or when infection is resistant to antibiotic treatment. In patients who are candidates to kidney transplantation, a history of recurrent kidney cyst infection justifies pre-transplant nephrectomy, while a past history of recurrent liver cyst infection or

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Pirson). http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2014.11.008 1769-7255/ß 2015 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Pour citer cet article : Pirson Y, Kanaan N. Complications infectieuses associe´es a` la polykystose re´nale autosomique dominante. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2014.11.008

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angiocholitis leads to consider liver transplantation. Among extrarenal and extrahepatic complications of polycystic disease, colic diverticulosis is reported to be associated with increased risk of infection in patients on hemodialysis and after kidney transplantation. However, this observation needs to be confirmed. ß 2015 Association Socie´te´ de ne´phrologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La polykystose re´nale autosomique dominante (PKRAD) atteint environ une personne sur 1000, et est la cause de l’insuffisance re´nale terminale (IRT) chez 5 a` 10 % des patients recourant a` un traitement de supple´ance re´nale [1]. Les deux manifestations cliniques principales en sont le de´veloppement de kystes dans le rein et dans le foie. Malgre´ de nombreuses ame´liorations dans la prise en charge de la maladie au cours des 20 dernie`res anne´es, l’infection bacte´rienne du rein ou du foie, avec, au premier chef, l’infection intrakystique, reste une complication se´rieuse et potentiellement se´ve`re. Son diagnostic n’est pas toujours aise´ et son traitement est e´tonnamment peu codifie´. Revoyant les dossiers de 389 patients atteints de PKRAD hospitalise´s au cours d’une de´cennie, l’e´quipe de Necker a recense´ 41 e´pisodes d’infection de kyste (re´nal ou he´patique) chez 31 patients, soit une incidence annuelle de 0,01 e´pisode/patient dans cette population, repre´sentant 11 % des causes d’hospitalisation de cette cohorte [2]. Les auteurs ont propose´ pour la premie`re fois des crite`res diagnostiques pour l’infection kystique. Ces crite`res ont depuis lors e´te´ e´value´s et affine´s par d’autres groupes [3–7]. Les progre`s accomplis dans le diagnostic de ces complications infectieuses contraste avec l’absence d’e´tude consacre´ a` leur traitement, lequel reste encore aujourd’hui au stade de « l’opinion d’experts » (comme l’indiqueront d’ailleurs les recommandations K-DIGO sur la PKRAD, dont la re´daction est en cours pour soumission a` la revue Kidney International). Nous revoyons ici l’e´tat de nos connaissances dans le diagnostic et le traitement de l’infection du rein et du foie dans la PKRAD ; nous nous interrogeons, pour terminer, sur le risque d’infection lie´ aux autres manifestations de la maladie. 1. Infection du rein 1.1. E´pide´miologie Un ante´ce´dent d’infection urinaire basse est retrouve´ chez 19 % des hommes et 68 % des femmes atteints de PKRAD [8], tandis que la pre´valence de l’infection re´nale, beaucoup plus rare, n’est pas connue. Le rein est quasi toujours contamine´ par la voie ascendante, comme l’indiquent les observations suivantes :  l’infection re´nale est assez souvent pre´ce´de´e d’une symptomatologie de cystite ;  90 % des infections re´nales surviennent chez des femmes, tout comme les infections basses ;  les germes identifie´s dans l’infection haute sont retrouve´s dans les infections basses. De rares cas de contamination par voie he´matoge`ne ont ne´anmoins e´te´ rapporte´s [8]. L’infection re´nale peut parfois se compliquer de choc septique ou d’un abce`s. 1.2. Poser le diagnostic d’infection kystique Une infection de kyste re´nal peut survenir a` n’importe quel stade de la maladie, y compris en dialyse chronique (durant

laquelle le volume des reins continue ge´ne´ralement de croıˆtre) : nous l’avons observe´ chez 16 % de nos patients dialyse´s pour PKRAD durant un suivi de 4 ans, la pre´valence e´tant la plus e´leve´e dans le sous-groupe de patients ayant de´ja` un ante´ce´dent d’infection kystique avant dialyse [9]. L’infection de kyste est souvent le diagnostic qui vient spontane´ment a` l’esprit lorsqu’un patient atteint de PKRAD se pre´sente avec de la fie`vre et une douleur lombaire ou abdominale. Dans cette situation, il faut exclure une pyone´phrose, une pye´lone´phrite aigue¨ et une simple he´morragie intrakystique a` l’aide de la pre´sentation, de l’examen clinique, des examens de laboratoire et de l’imagerie. Le diagnostic de pyone´phrose, souvent annonce´ par une crise de colique ne´phre´tique, est affirme´ par la mise en e´vidence de l’obstacle. Celui de pye´lone´phrite aigue¨ est atteste´ par l’uroculture et la re´ponse au traitement dans les 48 a` 72 heures. Quant au diagnostic d’infection kystique, il est e´voque´ devant :  une e´le´vation de la tempe´rature au-dessus de 388 C (en moyenne 398 C) ;  l’apparition, dans 70 % des cas, d’une zone douloureuse et parfois tume´fie´e au niveau du rein, avec une uroculture souvent ne´gative et une he´moculture positive dans 50 % des cas (le plus souvent, Escherichia coli). L’e´valuation initiale est cependant parfois e´quivoque, surtout si le patient arrive apre`s avoir de´ja` pris un antibiotique, ce qui n’est pas exceptionnel. Lors de la pre´sentation initiale, le diagnostic diffe´rentiel principal est celui d’une he´morragie intrakystique : lorsque celle-ci s’accompagne d’une e´le´vation de la tempe´rature, elle ne de´passe cependant pas 388 C et se prolonge rarement au-dela` de 2 jours. N’oublions pas non plus qu’une douleur de l’hypochondre droit peut eˆtre d’origine he´patique (voir plus bas) et une douleur de la fosse iliaque gauche d’origine colique (diverticulite, voir plus bas). La se´ve´rite´ du syndrome inflammatoire aide e´galement a` diffe´rencier une infection d’une he´morragie intrakystique re´nale, une concentration de prote´ine C-re´active (CRP) supe´rieure a` 15 mg/dL et une leucocytose (leucocytes > 15 000) traduisant tre`s probablement une infection [6]. C’est a` l’imagerie que nous devons les progre`s les plus significatifs dans la reconnaissance de l’infection kystique. Ils ont e´te´ e´value´s par plusieurs auteurs dans des se´ries personnelles re´trospectives, avec la difficulte´ de la de´finition de l’e´talon-or pour ce diagnostic. Ces se´ries ont fait l’objet d’une analyse critique re´cente, dont les re´sultats sont re´sume´s dans le Tableau 1 [2–4,6,7] :  l’e´chographie et la TDM ont une sensibilite´ nettement insuffisante pour le diagnostic d’infection. La TDM est, en revanche, habituellement diagnostique en cas d’he´morragie intrakystique, celle-ci s’accompagnant d’une e´le´vation de la densite´ (supe´rieure a` 25 et souvent a` 50 unite´s Hounsfield) qui n’est pas observe´e dans une infection [5,6] ;  avec la re´serve d’un nombre limite´ d’examens disponibles, l’IRM standard est un peu plus sensible ;  la tomographie par e´mission de positons couple´e a` la tomodensitome´trie (TEP/TDM), utilisant comme marqueur le fluor 18

Pour citer cet article : Pirson Y, Kanaan N. Complications infectieuses associe´es a` la polykystose re´nale autosomique dominante. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2014.11.008

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NEPHRO-770; No. of Pages 5 Y. Pirson, N. Kanaan / Ne´phrologie & The´rapeutique xxx (2015) xxx–xxx Tableau 1 Sensibilite´ des diffe´rentes techniques d’imagerie dans le diagnostic d’infection kystique chez les patients atteints de PKRAD [7]. Diagnostic Infection kystique re´nale Probablec Certainec

US 3/26 (12)a 9/15 (60)

Infection kystique he´patique Probable 2/12 (17) 5/9 (56) Certaine Total des cas probables Total des cas certains

TDMb

IRMb

TEP/TDM

7/40 (18) 15/20 (75)

4/7 (57) 4/4 (100)

12/13 (92) 4/4 (100)

3/5 (60) 1/2 (50)

14/15 (93) 6/6 (100)

5/19 (26) 9/19 (47)

5/38 (13)

12/59 (20)

7/12 (58)

26/28 (93)

14/24 (58)

24/39 (62)

5/6 (83)

10/10 (100)

a

n identifie´s / n avec infection (%). b TDM et IRM : tomodensitome´trie et imagerie par re´sonance magne´tique avec ou sans produit de contraste. c Certain : par ponction du kyste ; probable : crite`res le´ge`rement diffe´rents d’une e´tude a` l’autre ; le plus souvent tempe´rature > 388 C durant > 2 jours, avec douleur lombaire ou abdominale et avec prote´ine C-re´active (CRP) > 15 mg/dL.

incorpore´ dans une mole´cule de glucose formant le (18F)-fluorode´soxyglucose (FDG), a une excellente sensibilite´, de l’ordre de 92 a` 100 %. Les me´rites respectifs de ces techniques ainsi que des autres techniques scintigraphiques ont e´te´ discute´s ailleurs [5]. Ne´anmoins, en bref :  la TDM et/ou l’IRM gardent toute leur valeur pour suivre l’e´volution de la kystose (notamment le volume des reins) et les cliche´s les plus re´cents sont une pre´cieuse re´fe´rence lorsqu’il s’agit d’identifier le(s) kyste(s) suspect(s) de s’eˆtre infecte´(s) ;  une technique d’IRM relativement re´cente, l’image ponde´re´e en diffusion, paraıˆt assez prometteuse pour reconnaıˆtre une infection kystique [6,10] ;  la scintigraphie aux globules blancs marque´s a` l’indium 111 est moins inte´ressante par comparaison a` la FDG-TEP/TDM, en raison de la lourdeur de sa pre´paration, de sa moins bonne sensibilite´ et de sa moins bonne re´solution spatiale ;  l’avantage additionnel de la FDG-TEP/TDM est la mise en e´vidence e´ventuelle d’un autre diagnostic rendant compte de l’e´tat fe´brile ayant fait suspecter une infection kystique. Ainsi, dans notre se´rie, elle a permis d’identifier une angiocholite, une diverticulite, une prostatite, une pye´lone´phrite du greffon et une infection d’un ane´vrisme aortique [3] ;  il reste a` de´montrer la spe´cificite´ de la FDG-TEP/TDM, particulie`rement sa ne´gativite´ dans un nombre de cas suffisant d’he´morragie intrakystique [3,5]. 1.3. Traiter efficacement l’infection kystique Le pronostic des infections re´nales compliquant la PKRAD a e´te´ clairement ame´liore´ par l’arrive´e des fluoroquinolones ; ces mole´cules ont repre´sente´ un apport de´cisif dans les infections kystiques. Les kystes e´tant, pour la plupart, de´connecte´s de leur ne´phron d’origine, les antibiotiques ne peuvent y pe´ne´trer qu’en diffusant a` travers leur paroi, ce qui est grandement facilite´ par leurs proprie´te´s lipophiles : or, les fluoroquinolones posse`dent, outre cette qualite´, un spectre d’action convenant aux Gram ne´gatifs habituellement responsables de ces infections. Ils sont donc devenus le traitement de choix de l’infection kystique re´nale [8]. Une alternative est le cotrimoxazole, qui connaıˆt ne´anmoins un nombre appre´ciable de re´sistances. La re´sistance devient aujourd’hui e´galement un proble`me pour les fluoroquinolones : environ 25 % des ente´robacte´ries rencontre´es actuellement dans des infections de kystes y sont devenues re´sistantes [7].

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La voie intraveineuse n’est indispensable que dans les situations les plus graves ou en cas d’intole´rance digestive. Il est surprenant de constater que la dure´e optimale du traitement n’a fait l’objet d’aucune e´tude spe´cifique. L’expe´rience clinique nous ayant appris, comme a` d’autres, que le taux de re´cidives est substantiel apre`s un traitement de 3 semaines, nous recommandons empiriquement un traitement de 6 semaines [8]. La ponction-aspiration du ou des kystes responsables est un geste souvent de´licat et parfois dangereux. Il ne nous paraıˆt indique´ que dans les kystes tre`s volumineux (a` vise´e surtout the´rapeutique) ou en cas de re´sistance a` un traitement antibiotique ˆ r, bien conduit (a` vise´e surtout diagnostique), pour autant, bien su que le(s) kyste(s) responsable(s) ai(en)t e´te´ formellement identifie´(s) par l’imagerie. 1.4. Implication pour la transplantation Une infection kystique re´cente, surtout si elle a e´te´ difficile a` traiter ou re´cidivante, est une indication de ne´phrectomie avant d’effectuer une greffe re´nale [11]. 1.5. Pre´vention de la re´cidive L’infection gagnant le rein par les voies urinaires, les mesures habituelles visant a` pre´venir l’infection urinaire basse sont a` recommander, y compris l’e´viction de la cathe´te´risation des voies urinaires. Les patients ayant une PKRAD et faisant fre´quemment des infections urinaires devraient, en outre, disposer, a` domicile, du mate´riel leur permettant de pre´lever des urines pour le laboratoire de bacte´riologie avant l’instauration de tout traitement antibiotique. 2. Infection du foie 2.1. E´pide´miologie Pas plus que pour le rein, nous ne disposons de chiffres de pre´valence pour l’infection he´patique. L’infection kystique est de loin la plus fre´quente, l’angiocholite restant heureusement exceptionnelle. Les facteurs favorisant l’infection des kystes he´patiques sont l’he´patome´galie kystique et, peut-eˆtre, les traitements immunosuppresseurs, ces derniers n’e´tant toutefois peut-eˆtre pas un facteur de risque inde´pendant, puisque le volume d’un foie kystique continue a` se majorer apre`s transplantation re´nale [11]. Les germes responsables des infections he´patiques sont ceux qu’on s’attend a` trouver dans le tractus digestif, avec, aux premie`res places, E. coli et Klebsiella pneumoniae. Des infections nosocomiales ou he´matoge`nes existent, mais sont tre`s rares [7]. Malgre´ l’ame´lioration de sa prise en charge et de son traitement au cours des 30 dernie`res anne´es [12–14], l’infection kystique du foie reste plus se´ve`re que celle des kystes re´naux : elle est, en moyenne, plus volumineuse, plus souvent multiple, plus souvent re´cidivante (risque de l’ordre de 50 %) et plus souvent fatale [15]. Il n’est donc pas e´tonnant d’observer un impact de cette complication au stade de l’IRT. Ainsi, une analyse du registre United States Renal Data System (USRDS) montre qu’au sein du groupe de patients atteints de PKRAD, le seul sous-groupe ayant un taux de mortalite´ supe´rieur aux patients non diabe´tiques atteints d’une autre ne´phropathie est celui des patients pre´sentant une he´patome´galie kystique [16]. 2.2. Poser le diagnostic d’infection kystique Chez un patient ayant une PKRAD, l’association d’une douleur de la re´gion he´patique et d’une fie`vre a` 38–398 C suffit a` e´voquer le

Pour citer cet article : Pirson Y, Kanaan N. Complications infectieuses associe´es a` la polykystose re´nale autosomique dominante. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2014.11.008

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diagnostic. L’e´le´vation de la CRP est du meˆme ordre de grandeur que dans l’infection de kyste re´nal et l’he´moculture est positive dans 60 % des cas revus par Lantinga et al. [7]. Un signe biologique additionnel d’infection kystique he´patique consiste en l’e´le´vation, parfois conside´rable, du taux se´rique du carbohydrate antige`ne CA19-9 : nous avons montre´ qu’il est produit par l’e´pithe´lium des canalicules biliaires et que sa concentration dans les kystes infecte´s est tre`s e´leve´e [17]. Le pouvoir pre´dictif de ce nouveau marqueur se´rique est en cours d’e´valuation. Le taux de base du CA19-9 e´tant plus e´leve´ chez les patients PKRAD ayant une he´patome´galie kystique que chez ceux qui n’en ont pas et ce, proportionnellement au volume de la kystose [18], nous recommandons d’en faire la de´termination chez tout patient PKRAD ayant une kystose he´patique significative [5]. Comme pour les kystes re´naux, la FDG-TEP/TDM est le meilleur examen en matie`re d’imagerie, avec une sensibilite´ tout aussi remarquable (Tableau 1), permettant du meˆme coup de distinguer l’origine he´patique de l’origine re´nale de douleurs de l’hypochondre droit.

Tableau 2 Distinction entre une infection kystique re´nale et une he´morragie intrakystique.

Fie`vre Prote´ine C-re´active (CRP) Leucocytose Densite´ de la tomodensitome´trie (TDM)

Infection

He´morragie

> 388 C, souvent > 398 C durant > 2 jours > 15 mg/dL

< 388 C < 2 jours < 15 mg/dL

> 10 000/mL < 25 UH

< 10 000/mL > 25 UH

Tableau 3 Causes principales de fie`vre chez les patients ayant une PKRAD. Rein

Foie Diverticule colique (essentiellement au stade de l’insuffisance re´nale terminale)

Pyone´phrose sur calcul Pye´lone´phrite aigue¨ Infection kystique Infection kystique Angiocholite –

2.3. Traiter efficacement l’infection kystique Le raisonnement est le meˆme que pour l’infection kystique re´nale et l’option de premie`re ligne est aussi une fluoroquinolone. La ponction-aspiration des kystes suspects re´pond e´galement aux meˆmes indications que celles qui s’appliquent aux kystes re´naux. En pratique, cette technique est davantage utilise´e pour les kystes he´patiques, car ils sont a` la fois plus souvent volumineux et plus souvent accessibles. De meˆme que pour les kystes re´naux, la dure´e optimale de l’antibiothe´rapie n’est pas connue. Nous savons seulement, d’expe´rience, que le risque de re´cidive est encore plus e´leve´ que pour les kystes re´naux, ce qui nous a amene´s a` recommander une antibiothe´rapie d’au moins 6 semaines [8]. Il est parfois ne´cessaire de recourir a` une he´patectomie partielle pour e´radiquer une infection re´cidivante [15]. 2.4. Implication pour la transplantation Chez les patients, heureusement rares, qui ont des re´cidives fre´quentes et se´ve`res d’infection kystique du foie, et qui sont candidats a` la transplantation re´nale, la greffe combine´e rein-foie, si elle est possible, est a` notre avis l’option a` privile´gier [11]. 2.5. Angiocholite compliquant une maladie de Caroli Dans de tre`s rares cas, la PKRAD est associe´e a` une maladie de Caroli, c’est-a`-dire une dilatation des voies biliaires intrahe´patiques [8,19]. L’angiocholite compliquant la maladie de Caroli est redoutable car :  son diagnostic n’est pas aise´, se pre´sentant le plus souvent comme un acce`s septice´mique sans signe d’appel clinique et avec une FDG-TEP/TDM silencieuse (mais avec une e´le´vation franche des GGT et du CA19-9) ;  elle peut conduire au choc septique et au de´ce`s ;  elle re´cidive tre`s fre´quemment, contraignant parfois a` une antibiothe´rapie continue.

Il faut en tout cas y penser chez un patient PKRAD pre´sentant des pousse´es re´cidivantes de septice´mie a` bacte´rie Gram ne´gatif sans cause e´vidente. Dans les cas rebelles, la transplantation he´patique devient la seule issue curative [11].

3. Autres manifestations de la PKRAD pouvant se compliquer d’infection Parmi les diverses manifestations extrare´nales et extrahe´patiques de la PKRAD [20,21], deux pourraient, a priori, se compliquer d’infection :  les valvulopathies cardiaques (essentiellement mitrales) ;  la diverticulose colique (dont la pre´valence ne devient supe´rieure a` celle de la population ge´ne´rale qu’au stade de l’IRT). L’endocardite demeure heureusement exceptionnelle chez le patient atteint de PKRAD, meˆme chez les patients dialyse´s [9] et les patients transplante´s [11]. Au stade de l’IRT et de la transplantation, les patients atteints de PKRAD courraient un risque plus e´leve´ de diverticulite que les patients d’un groupe te´moin :  20 % en cas de PKRAD contre 3 % dans une petite se´rie de patients dialyse´s [22] ;  3,5 % en cas de PKRAD contre 0,9 % dans une vaste cohorte de patients greffe´s [23]. Ces observations me´riteraient d’eˆtre confirme´es. 4. Conclusions L’infection des kystes re´naux ou he´patiques est une complication se´rieuse de la PKRAD. Celle du rein est la plus fre´quente. Le diagnostic diffe´rentiel avec une he´morragie intrakystique se base sur la pre´sentation clinique, biologique et tomodensitome´trique (Tableau 2). Il faut aussi avoir a` l’esprit les autres causes possibles d’infection bacte´rienne compliquant la PKRAD (Tableau 3). L’infection kystique du foie est moins fre´quente, mais souvent plus se´ve`re que celle du rein, avec une propension particulie`re a` la re´cidive. Dans les deux localisations, l’examen d’imagerie le plus performant est la FD-TEP/TDM, et le traitement de premie`re ligne est une antibiothe´rapie de 6 semaines par une fluoroquinolone. La ponction-aspiration du ou des kyste(s) infecte´(s) est indique´e dans le traitement initial des kystes tre`s volumineux et a` titre

Pour citer cet article : Pirson Y, Kanaan N. Complications infectieuses associe´es a` la polykystose re´nale autosomique dominante. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2014.11.008

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diagnostique dans les kystes re´sistant a` un traitement antibiotique bien conduit. Chez les patients candidats a` la transplantation re´nale, un ante´ce´dent d’infection kystique re´nale re´cidivante justifie l’exe´re`se pre´alable du ou des rein(s) infecte´(s), tandis qu’un ante´ce´dent d’infection kystique he´patique re´cidivante ou d’angiocholite re´cidivante fait envisager une transplantation he´patique. De nombreux points d’interrogation persistent cependant quant a` la pre´valence exacte de ces complications, des facteurs de risque, du pouvoir pre´dictif pre´cis des outils utilise´s dans le diagnostic, ainsi qu’au risque de re´cidive des infections et a` la dure´e optimale du traitement. Une vaste e´tude prospective permettrait d’y re´pondre. ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Torres VE, Harris PC, Pirson Y. Autosomal dominant polycystic kidney disease. Lancet 2007;369:1287–301. [2] Salle´e M, Rafat C, Zahar JR, Paulmier B, Gru¨nfeld JP, Knebelmann B, et al. Cyst infections in patients with autosomal dominant polycystic kidney disease. Clin J Am Soc Nephrol 2009;4:1183–9. [3] Jouret F, Lhommel R, Beguin C, Devuyst O, Pirson Y, Hassoun Z, et al. Positron emission computed tomography in cyst infection diagnosis in patients with autosomal dominant polycystic kidney disease. Clin J Am Soc Nephrol 2011;6:1644–50. [4] Piccoli GB, Arena V, Consiglio V, Deagostini MC, Pelosi E, Douroukas A, et al. Positron emission tomography in the diagnostic pathway for intracystic infection in ADPKD and ‘‘cystic’’ kidneys. A case series. BMC Nephrol 2011;12:48. [5] Jouret F, Lhommel R, Devuyst O, Annet L, Pirson Y, Hassoun Z, et al. Diagnosis of cyst infection in patients with autosomal dominant polycystic kidney disease: attributes and limitations of the current modalities. Nephrol Dial Transplant 2012;27:3746–51. [6] Suwabe T, Ubara Y, Sumida K, Hayami N, Hiramatsu R, Yamanouchi M, et al. Clinical features of cyst infection and hemorrhage in ADPKD: new diagnostic criteria. Clin Exp Nephrol 2012;16:892–902. [7] Lantinga MA, Drenth JP, Gevers TJ. Diagnostic criteria in renal and hepatic cyst infection. Nephrol Dial Transplant 2014;10:455–65.

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Pour citer cet article : Pirson Y, Kanaan N. Complications infectieuses associe´es a` la polykystose re´nale autosomique dominante. Ne´phrol ther (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.nephro.2014.11.008

[Infectious complications in autosomal dominant polycystic kidney disease].

Despite advances in the management of autosomal dominant polycystic kidney disease over the past two decades, infection of liver and kidney cysts rema...
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