Table ronde Nouveautés en vaccinologie en 2015 (GPIP)

Vaccination anti-HPV : que faut-il croire ? I. Hau Rainsard Service de pédiatrie générale du Pr Epaud, ChI Créteil, 40 avenue de Verdun, 94000 Créteil, France

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epuis 2007, la France comme la plupart des pays industrialisés a introduit la vaccination contre les HPV (human papillomavirus) en routine chez les jeunes filles. Le vaccin bivalent (Cervarix®) et le vaccin quadrivalent (Gardasil®) ont chacun démontré leur efficacité dans les essais cliniques permettant la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la prévention des lésions précancéreuses du col de l’utérus. En France chaque année, malgré le dépistage, environ 1 000 femmes meurent d’un cancer du col de l’utérus. Fin 2013 en France la couverture vaccinale à 3 doses était de 38 % à 20  ans, mais elle chute à 20  % à 16  ans, or, il est primordial pour cette vaccination d’être effectuée avant la survenue de l’infection HPV (transmise sexuellement) pour être efficace. Ces données confirment donc la médiocrité de la couverture vaccinale en France. De plus la couverture vaccinale a chuté entre 2011 et 2013. En effet le pourcentage de jeunes filles de 15 ans ayant reçu une dose est passé de 26  % à 18  % à cause de croyances entretenues par certains médecins et fortement relayées par les réseaux sociaux et les médias qui ont suscité une défiance injustifiée .

1. Quelles sont les données de tolérance de ces vaccins anti-HPV ? Les résultats des études françaises et internationales n’ont pas révélé jusque là d’éléments remettant en cause le profil de tolérance de ces vaccins. Avec un recul de plus de 7  ans et un grand nombre de doses, tant à l’échelon national (5,8  millions de doses) qu’international (plus de 170  millions de doses) rien ne permet de retenir l’existence d’un lien de causalité entre cette vaccination et les événements indésirables graves qui lui ont été attribués, en France notamment. Il faut rappeler que l’âge de révélation des maladies auto-immunes se situe entre 15 et 35 ans, vacciner dans cette tranche d’âge aura comme une conséquence des associations temporelles, ce qui ne veut pas dire qu’il existe un lien de cause à effet. Il faut donc comparer la fréquence des maladies dans la population vaccinée et non vaccinée. Une étude prospective a été réalisée en France à partir des données SNIIRAM (système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie). Elle a intéressé une cohorte de jeunes filles de 11-15 ans où le taux d’incidence de 9 maladies auto-immunes

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n’était pas significativement différent après 3 ans de suivi dans la population vaccinée et dans la population non vaccinée (2,14 pour 10 000 personnes versus 2,06 pour 10 000 personnes/ année)  [1]. Plusieurs études internationales n’ont pas non plus mis en évidence une augmentation de risque liée au vaccin. Une étude récente de cohorte incluant toutes les femmes danoises et suédoises entre 10-44 ans (environ 4 millions de femmes dont 800 000 vaccinées) n’a pas retrouvé d’augmentation du risque de sclérose en plaques (SEP) ou autres maladies démyélinisantes dans la population des vaccinées (1.00 IC 95 % 0,8-1,26) [2].

2. Quelles sont les données d’efficacité disponibles de ces vaccins depuis les essais cliniques? En raison de l’intervalle de temps long entre l’infection par l’HPV et la survenue d’un cancer du col de l’utérus, il est vrai que l’impact de la vaccination sur les cancers du col ne pourra se mesurer que dans plusieurs décennies. L’impact de la vaccination peut, pour le moment, se mesurer sur la prévalence des infections HPV, et les premiers résultats commencent à être publiés sur les lésions précancéreuses du col de l’utérus. Les principales études d’impact de la vaccination sur la prévalence des infections liées aux HPV ont été conduites en Australie, aux Etats-Unis, au Royaume Uni et en Allemagne. En Australie, où la couverture vaccinale à 3 doses est supérieure à 70 % chez les jeunes filles de 11-12 ans, la prévalence des HPV vaccinaux a été réduite de 28,7 % à 6,7 % chez des jeunes femmes de 18-24 ans consultant au centre de planning familial, permettant d’estimer une efficacité vaccinale contre l’infection par les HPV vaccinaux à 73 % (IC 95 % : 48-86 %) [3]. Des données concernant l’impact vaccinal sur les lésions précancéreuses du col de l’utérus commencent à sortir en Australie, aux Etats-Unis et au Canada. Dans une étude australienne de cohorte rétrospective d’environ 39 000 jeunes filles qui ont eu un frottis, le taux de détection de lésions histologiques est significativement diminué chez les femmes vaccinées par rapport aux nonvaccinées (HR =0,72, (IC 95  % : 0,58-0,91) ; l’efficacité vaccinale pour un schéma vaccinal complet a été estimée à 47,5 % (IC 95 % : 22,7-64,4)  [4]. Ces résultats en situation réelle sont similaires ou parfois un peu supérieurs à ceux observés lors des essais cliniques des vaccins (qui montraient une diminution d’environ

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40 % des lésions de haut grade du col de l’utérus au cours des années qui suivent la vaccination). Ces données internationales démontrent donc l’efficacité en situation réelle sur la prévalence des infections à HPV et l’incidence des lésions précancéreuses (préalables nécessaires et indispensables au cancer du col de l’utérus). On peut donc raisonnablement espérer que d’ici quelques années on confirmera que la vaccination contre l’HPV apporte une protection supplémentaire vis-à-vis de la mortalité par le cancer du col. La stratégie vaccinale doit absolument être couplée à une amélioration de l’organisation du dépistage en France.

3. Conclusion La quasi-totalité des pays industrialisés a émis des recommandations vaccinales HPV similaires aux recommandations françaises et certains pays réussissent à obtenir une couverture vaccinale élevée. Seuls une mobilisation importante de tous les acteurs

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de santé et un état qui soutienne une politique de vaccination ambitieuse pourront permettre d’inverser la courbe catastrophique de la couverture vaccinale par HPV en France.

Références [1] Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à la Vaccination contre les infections à papillomavirus humains/Juillet  2014. Disponible sur : http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=454 [2] Scheller NM, Svanström H, Pasternak B, et al. Quadrivalent HPV vaccination and risk of multiple sclerosis and other demyelinating diseases of the central nervous system. JAMA 2015;313:54-61. [3] Tabrizi SN, Brotherton JM, Kaldor JM, et al. Fall in human papillomavirus prevalence following a national vaccination program. J Infect Dis 2012;206:1645-51. [4] Gertig DM, Brotherton JM, Budd AC, et al. Impact of a populationbased HPV vaccination program on cervical abnormalities: a data linkage study. BMC Med. 2013;11:227.

[HPV vaccine: what are we to believe?].

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