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PATHOLOGIE DES SURRÉNALES

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; 43: 453–459 ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Comment gérer l’arrêt d’une corticothérapie ? Jean-Marc Kuhn, Gaëtan Prévost

CHU de Rouen, service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, 76230 Bois-Guillaume, France

Correspondance : Jean-Marc Kuhn, CHU de Rouen, service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, 147, avenue du Maréchal-Juin, 76230 Bois-Guillaume, France. [email protected]

Key points How to manage the interruption of a treatment with anti-inflammatory corticosteroids? A prolonged treatment with anti-inflammatory corticosteroids induces an inhibition of ACTH secretion from pituitary corticotroph cells. An abrupt interruption of such a treatment potentially leads to the risk of an acute adrenal failure, in particular in stressing situations. The inertia in reactivation of the secretion of the stimulating hypothalamic factors (CRH and AVP) and consecutively of ACTH can be responsible for an inability to adapt the secretion of glucocorticoids in response to stress. A short-time treatment (< 3 weeks) with anti-inflammatory corticoids does not expose to this risk. On the contrary, a more prolonged treatment, especially with high daily doses, needs to perform an evaluation of the level of corticotroph secretion. This evaluation should be done before to consider that either stopping the treatment is out of risk or if the initiation of a substitutive treatment with hydrocortisone is required. The measurement of morning plasma cortisol level already provides a significant information. As to whether that is needed, a dynamic evaluation can be performed. W Among the available tests, the Synacthen test, easy to perform and using at best 1 mg of b1-24 ACTH, appears the most finely informative to answer this question and to choose the most adapted follow-up.

tome 43 > n84 > avril 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.01.007

Points essentiels Le traitement prolongé par corticoïdes anti-inflammatoires est responsable d’une mise au repos de la sécrétion corticotrope hypophysaire. L’interruption brutale de la corticothérapie expose potentiellement au risque de survenue d’une défaillance surrénalienne aiguë, en particulier si le patient est soumis à un stress d’intensité importante. L’inertie de la remise en route de la sécrétion des facteurs hypothalamiques stimulateurs (CRH et AVP), d’une part, et de l’ACTH (et consécutivement surrénalienne), d’autre part, risque de ne pas permettre d’adapter la sécrétion glucocorticoïde aux nécessités de réponse au stress. Si un traitement par corticoïdes de durée brève (< 3 semaines) n’expose pas à ce risque, leur administration sur une période plus prolongée, et a fortiori si la posologie est élevée, rend nécessaire d’évaluer la qualité de la sécrétion corticotrope. Ceci doit être effectué avant de considérer que l’arrêt est dénué de risque ou au contraire qu’il existe potentiellement et qu’il est nécessaire de mettre en route, en relais, un traitement de substitution par hydrocortisone. La mesure de la cortisolémie matinale possède déjà une valeur diagnostique importante. Elle sera complétée, si nécessaire, par une évaluation dynamique. Parmi les différentes investigations disponibles, le test au SynacthèneW, de réalisation aisée et utilisant au mieux 1 mg de b1-24 ACTH, apparaît celui qui permet de répondre le plus finement à cette question et de choisir l’attitude pratique la plus adaptée.

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Disponible sur internet le : 6 mars 2014

J-M Kuhn, G Prévost

L

es corticoïdes de synthèse sont, en raison de leurs propriétés anti-inflammatoires ou immuno-suppressives, utilisés en traitement prolongé dans de nombreuses maladies chroniques. Une fois l’évolutivité de l’affection contrôlée et, a fortiori, lorsque les différents critères de surveillance sont en faveur de l’extinction du processus causal, l’arrêt de la corticothérapie peut être envisagé. Cette option peut également être prise en cas de survenue d’effets indésirables graves ou d’absence de bénéfice sur l’affection en cours. L’interruption d’un traitement corticoïde prolongé expose à plusieurs risques potentiels qui incluent la réactivation de la maladie traitée, l’apparition d’un syndrome de sevrage en corticoïdes (traduction d’une vraisemblable dépendance à leurs effets psychostimulants et anti-asthéniques qui se démasquent lors de l’arrêt du traitement) et le déficit corticotrope qui est susceptible de se révéler par sa complication majeure : l’insuffisance surrénale aiguë. L’insuffisance corticotrope est, en effet, une conséquence du puissant effet de rétro-régulation négative exercé par le corticoïde, utilisé à dose pharmacologique, sur la synthèse hypothalamique des neuro-hormones stimulantes de la sécrétion d’ACTH. S’y adjoignent un effet inhibiteur direct sur l’activité sécrétoire des cellules corticotropes hypophysaires et une inertie de la récupération fonctionnelle hypothalamo-hypophysaire après suspension de l’influence frénatrice du médicament. Il faut rappeler que la corticothérapie prolongée est, en termes de fréquence, la première cause d’insuffisance corticotrope.

Pourquoi et quand détecter le risque de défaillance surrénalienne ? La gravité de la décompensation aiguë d’une insuffisance surrénalienne, entité à bien différencier du syndrome de sevrage en corticoïdes (encadre´ 1), justifie le dépistage du

Encadre´ 1 Symptômes du sevrage en corticoïdes, à différencier des manifestations annonciatrices d’une défaillance surrénalienne aiguë

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Symptômes du sevrage en corticoïdes : 

asthénie ;



léthargie ;



dépression ;



anorexie ;



amaigrissement ;



nausées ou vomissements ;



myalgies ;



déficit corticotrope préalablement à la décision d’arrêt d’un traitement prolongé par corticoïdes, même si le risque de défaillance aiguë est faible. Sa fréquence a en effet été évaluée à moins de 1 % des cas sur d’importantes cohortes de patients qui ont reçu une corticothérapie prolongée et ont été soumis au stress majeur d’une intervention chirurgicale effectuée sous anesthésie générale [1,2]. Le risque d’insuffisance surrénale secondaire au déficit en ACTH est classiquement fonction de la durée du traitement par corticoïdes, de la dose quotidienne employée, mais également de la puissance relative du stéroïde utilisé, des modalités et de la voie d’administration et, paramètre d’évaluation malaisée, de la sensibilité individuelle du patient. Schlaghecke et al. [3] ont évalué l’influence de la posologie et de la durée de la thérapeutique sur les réponses hypophysaires et surrénaliennes à l’administration de rhCRH synthétique chez 279 patients ayant reçu un traitement chronique par corticoïdes anti-inflammatoires. La proportion de réponses jugées faibles ou nulles à la stimulation par 100 mg de rhCRH n’apparaît pas significativement liée à la dose quotidienne (5 à 30 mg de prednisone/ jour) ou à la durée (jusqu’à 15 ans) du traitement. Sur la base des études publiées, il est proposé de considérer comme suspects d’insuffisance corticotrope potentielle :  les patients dont les manifestations cliniques évoquent un syndrome de Cushing iatrogène ;  ceux qui ont reçu une dose  20 mg de prednisone (ou équivalent) par jour pendant plus de 3 semaines ;  et enfin les patients dont le traitement oral par corticoïdes a été fractionné en deux prises (dont une vespérale) pendant quelques semaines, quelle qu’en soit la posologie. L’interruption du traitement doit, dans ces situations, être précédée d’une évaluation fonctionnelle du système hypothalamo-hypophyso-cortico-surrénalien. Éventuelle exception à cette règle, les patients pour lesquels il est envisagé une réduction par paliers très progressifs de la corticothérapie (tableau I), sur une période prolongée, qui permet à la fois de prévenir la réactivation de la maladie traitée et d’éviter l’apparition de signes de déficit en glucocorticoïdes endogènes.

Tableau I Paliers de décroissance d’une corticothérapie anti-inflammatoire si option d’un sevrage progressif sur une durée prolongée Prednisone ou équivalent (mg/j)

Palier de décroissance (mg)

Durée du palier (semaines)

5 à 10

1à2

20 à 40

5

1à2

arthralgies ;

10 à 20

2,5

2à3



céphalées ;

5 à 10

1

2à4



fébricule.

40

tome 43 > n84 > avril 2014

Comment gérer l’arrêt d’une corticothérapie ?

Tableau II Demi-vie biologique et puissance frénatrice respectives des corticoïdes par référence à ceux de la cortisone (demi-vie = 8 à 12 heures, puissance frénatrice = 1) Corticoïdes

Demi-vie (heures)

Puissance frénatrice

Cortisone

8–12

1

Cortisol

8–12

1,25

Prednisone

12–36

3–5

Prednisolone

12–36

3–5

Triamcinolone

12–36

3–5

Dexaméthasone

36–54

5–35

9a-fluorohydrocortisone

8–12

10–15

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est > 7,5 mg de prednisone par jour, justifie la réalisation d’une exploration de la fonction corticotrope avant d’effectuer l’interruption du traitement.

Quelles investigations endocriniennes utiliser ? La mesure, dans les conditions basales, du taux matinal du cortisol plasmatique peut s’avérer d’intérêt comme examen de première ligne pour le dépistage de l’insuffisance corticotrope. Une cortisolémie < 138 nmol/L (5 mg/dL) est hautement prédictive de déficit en ACTH [4]. À l’inverse, cette probabilité est très faible pour une valeur > 365 nmol/L (13,2 mg/dL). Cette méthode impose la réalisation d’un prélèvement sanguin au laboratoire, contrainte qui peut être évitée par la détermination du taux de cortisol salivaire. Chez le patient traité par corticoïdes, une concentration matinale de cortisol salivaire < 5 nmol/L (0,18 mg/dL) rend hautement probable l’existence d’un déficit corticotrope, alors qu’un chiffre > 16 nmol/L (0,58 mg/dL) apparaît l’exclure [5]. La sécrétion des androgènes surrénaliens étant sous la dépendance de celle de la cellule corticotrope hypophysaire s’est fort logiquement posé la question de l’intérêt de leur mesure en pathologie impliquant l’ACTH. Sans surprise, les taux plasmatiques de base de DHEA et de DHEA sulfate (DHEA-S) sont significativement inférieurs aux normes pour la tranche d’âge considérée en cas de déficit corticotrope [6,7]. Sans qu’elle supplante ceux du cortisol, les résultats de cette mesure, facultative, peuvent venir étayer le diagnostic fonctionnel surrénalien. La détermination du taux d’ACTH plasmatique n’a pas d’intérêt pour dépister l’insuffisance corticotrope post-corticothérapie. Associé à un effondrement de la cortisolémie, un taux bas d’ACTH ne ferait que confirmer l’origine hypothalamo-hypophysaire du déficit. De même, la mesure du cortisol libre urinaire des 24 heures est dénuée d’intérêt dans ce contexte. Des résultats sans équivoque sur les taux hormonaux de base permettront de choisir, lors de l’arrêt de la corticothérapie, l’attitude pratique adaptée à la situation fonctionnelle : substitution ou non par hydrocortisone. Dans les autres cas, le recours à des explorations hormonales dynamiques est nécessaire. Le « Gold Standard » reste l’hypoglycémie insulinique, qui induit de façon reproductible [8] la sécrétion des neuro-peptides stimulateurs de la synthèse et de la libération d’ACTH. Ce test qui explore l’ensemble de la cascade hypothalamo-hypophyso-surrénalienne a plusieurs inconvénients. Il est mal supporté, potentiellement dangereux en cas de déficit corticotrope et ne peut être réalisé qu’en milieu hospitalier. Des alternatives ont donc été développées et validées par référence aux résultats de l’hypoglycémie insulinique. Le test à la métopirone (dans sa version longue ou dans sa version en prise unique vespérale plus aisément réalisée) se heurte au double inconvénient de l’indisponibilité d’obtention

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En revanche, les patients dont la durée de traitement est inférieure à 3 semaines (quelle que soit la dose quotidienne) et ceux dont la corticothérapie est effectuée en alternance un jour sur deux n’apparaissent pas exposés au risque de décompensation surrénalienne à l’arrêt des stéroïdes anti-inflammatoires. Une exploration systématique de l’intégrité de la fonction corticotrope n’apparaît donc pas justifiée dans ces cas. Demeurent les situations intermédiaires (7,5 à 20 mg de prednisone en prise matinale unique ou une dose < 10 mg avec au moins une prise vespérale) où l’incertitude sur ce risque justifie la réalisation d’investigations destinées à dépister un potentiel déficit corticotrope. Ainsi, lorsqu’un arrêt de la corticothérapie est envisagé, une posologie < 7,5 mg/j en termes d’équivalent en dose quotidienne de prednisone autorise l’interruption du traitement sans exploration préalable, une dose quotidienne > 20 mg impose la mise en route d’un traitement substitutif tandis que la réalisation d’une exploration fonctionnelle surrénalienne est justifiée pour les posologies intermédiaires. Cette attitude doit cependant être modulée en fonction de la nature du corticoïde utilisé. La prise en compte de la nature du corticoïde utilisé a en effet son importance. Comme illustré dans le tableau II, l’effet frénateur exercé sur la sécrétion corticotrope, qui est fonction de la demi-vie et de la puissance biologiques, oscille entre 1 et 35 selon la molécule considérée. L’estimation du potentiel frénateur en « équivalent prednisone » permet de s’affranchir de la majeure partie ces particularités moléculaires. Au-delà du seuil de 3 semaines, la durée du traitement n’apparaît pas influencer le risque de déficit corticotrope. L’influence de ce paramètre a été évaluée dans l’étude de Schlaghecke et al. [3] où les patients ont été répartis en fonction de la durée du traitement par corticoïdes anti-inflammatoires qui a varié de moins d’un mois à plus de 2 ans. Les proportions de réponses normales, faibles ou absentes à l’administration de rhCRH sont similaires quel que soit le groupe considéré. Une corticothérapie prolongée sur plus de 3 semaines, notamment si la posologie utilisée

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des comprimés en officine libérale et de nécessiter des dosages d’ACTH et/ou de 11 désoxycortisol plasmatique. Par ailleurs, la réalisation du test long nécessite l’hospitalisation du patient. Le test à la CRH court-circuite l’étage de l’hypothalamus et est jugé sur l’ascension post-stimulative des taux plasmatiques d’ACTH et de cortisol. L’élévation de la cortisolémie induite par l’administration de CRH est bien corrélée à celle obtenue au cours de l’hypoglycémie insulinique [9]. Une réponse < 377 nmol/L (13,7 mg/dL) témoigne d’une insuffisance surrénalienne secondaire au déficit en ACTH. Quoique fiable, l’emploi de ce test se trouve réduit par son coût lié notamment au prix d’achat du sécrétagogue et à la multiplicité des dosages qu’il impose. Ceci en limite l’utilisation en pratique clinique. C’est donc sur la base du test à la b1-24 ACTH (test au SynacthèneW) que repose, en pratique, l’évaluation dynamique de la fonction corticotrope au moment où se pose la question de l’interruption d’une corticothérapie. Il s’agit d’une évaluation indirecte de l’activité sécrétoire de la cellule corticotrope hypophysaire liée au constat que la réponse surrénalienne à la stimulation par SynacthèneW est proportionnelle à son contact préalable avec l’ACTH endogène. Ce fait, lié à la régulation positive de l’ACTH sur l’expression de ses propres récepteurs surrénaliens, explique que l’amplitude de la réponse surrénalienne au SynacthèneW fournisse une information pertinente sur le retentissement d’une corticothérapie prolongée sur la fonction corticotrope. Le test classique évalue l’ascension de la cortisolémie 60 minutes après injection intraveineuse de 250 mg de SynacthèneW. Il existe une corrélation étroite entre les pics de cortisolémie obtenus après ce test et l’hypoglycémie insulinique [10]. La récente méta-analyse de Kazlauskaite et al. [4] conclut que la probabilité d’un déficit corticotrope est inférieure 5 % si l’ascension du taux de cortisol plasmatique est > 600 nmol/L (21,7 mg/dL) et au contraire supérieure à 83 % si le pic n’atteint pas 440 nmol/L (15,9 mg/dL). Ces seuils peuvent être respectivement ajustés à 550 (19,9 mg/dL) et 400 nmol/L (14,5 mg/dL), selon la méthode de dosage utilisée pour mesurer le taux de cortisol plasmatique. Le test au SynacthèneW présente les avantages de la simplicité de réalisation, d’une excellente tolérance, de pouvoir être effectué en ambulatoire et sans influence de l’horaire de prélèvement sur le résultat. Au demeurant, il s’agit d’un test pharmacologique, les taux plasmatiques de b1-24 ACTH atteignant plusieurs milliers de pg/mL dans les minutes qui suivent l’injection [11]. A donc été évalué l’intérêt diagnostique d’un test au SynacthèneW beaucoup plus proche de la physiologie. L’injection de 1 mg de b1-24 ACTH au cours du test au SynacthèneW « Low Dose », qui a montré son intérêt dans le suivi des syndromes de Cushing [12,13], est suivie d’un pic plasmatique moyen d’1-24ACTH, 100 fois inférieur à celui du test standard, puis d’une ascension de la cortisolémie qui culmine 30 minutes après l’injection. Les valeurs atteintes sont similaires à celles de la 30e minute du

test standard [11]. C’est donc préférentiellement par le test au SynacthèneW 1 mg avec mesure du cortisol plasmatique ou salivaire, et éventuellement de la DHEA [7], 30 minutes après l’injection, que devrait s’effectuer l’évaluation de la fonction corticotrope lorsque les résultats des mesures de base laissent un doute sur son intégrité. Ce test est utilisable aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant [14]. On ne peut que regretter l’absence de disponibilité d’un conditionnement du SynacthèneW en flacons de 1 mg. Cela oblige en effet à des manipulations de dilution susceptibles de limiter, en pratique, l’utilisation de ce test. Le recours à l’hypoglycémie insulinique ou au test à la métopirone ne doivent s’envisager qu’en troisième ligne, après réalisation des mesures de base et une première évaluation dynamique, si l’ascension de la cortisolémie au cours du test au SynacthèneW s’inscrit entre 440 (15,9 mg/dL) et 600 nmol/L (21,7 mg/dL). Les tests au glucagon ou au GHRP-6 [15] qui ont été évalués ne sont pas employés compte tenu de leur moindre sensibilité.

En pratique La corticothérapie peut être interrompue, sans qu’une évaluation hormonale préalable soit nécessaire, si la posologie utilisée a été < 7,5 mg de prednisone par jour et la durée de la thérapeutique inférieure à 3 semaines. Pour les corticothérapies utilisées à doses supérieures et/ou plus prolongées, il faut effectuer une mesure des taux hormonaux de base : cortisol plasmatique ou salivaire matinal ( DHEA plasmatique). Selon le résultat, trois situations sont possibles :  la corticothérapie peut être interrompue sans compensation hormonale si cortisol plasmatique > 365 nmol/L (13,2 mg/ dL) ou cortisol salivaire > 16 nmol/L (0,58 mg/dL) ;  il faut à l’inverse initier une substitution par hydrocortisone si cortisol plasmatique < 138 nmol/L (5 mg/dL) ou cortisol salivaire < 5 nmol/L (0,18 mg/dL). Celle-ci repose sur la prise quotidienne de 15 à 20 mg d’hydrocortisone en deux à trois prises, posologie qui sera portée à la hausse en cas d’apparition d’un syndrome de sevrage en corticoïdes ou en situation de stress. Avec la possibilité d’en réduire la posologie en fonction des résultats des bilans de surveillance, ce traitement de substitution sera maintenu jusqu’à la normalisation de la fonction corticotrope ;  une évaluation fonctionnelle dynamique est nécessaire si cortisol plasmatique compris entre 138 (5 mg/dL) et 365 nmol/L (13,2 mg/dL) ou cortisol salivaire compris entre 5 (0,18 mg/dL) et 16 nmol/L (0,58 mg/dL). Cette évaluation repose, de façon optimale, sur la réalisation d’un test au SynacthèneW 1 mg. Une ascension du taux de cortisol plasmatique au-dessus de 600 nmol/L (21,7 mg/dL) ou du cortisol salivaire au-dessus de 20 nmol/L (0,72 mg/dL) [16] permet l’arrêt de la corticothérapie sans introduction d’une tome 43 > n84 > avril 2014

Comment gérer l’arrêt d’une corticothérapie ?

substitution par hydrocortisone. À l’inverse, un pic de cortisol plasmatique < 440 nmoL (15,9 mg/dL) ou de cortisol salivaire < au seuil suscité fera maintenir la substitution hormonale et réévaluer ultérieurement les possibilités de récupération de la sécrétion hypophysaire d’ACTH. Les étapes de la surveillance biologique, qui repose sur la détermination de la cortisolémie ou du taux de cortisol salivaire matinaux (mesures effectuées avant la prise d’hydrocortisone), complétée, si nécessaire, par la réalisation d’un test au SynacthèneW, sont effectuées à intervalles de 6 à 8 semaines. Le retour dans la norme des critères biologiques de surveillance permet de mettre un terme à la substitution en glucocorticoïde. Au demeurant, une réponse normale ne permet pas d’exclure totalement une inertie corticotrope [17] susceptible de se révéler lors de stress, ce qui doit amener à reconsidérer l’intérêt de l’encadrement d’une situation stressante prévisible

Tableau III Substitution de couverture en hydrocortisone à proposer lors d’un stress chirurgical programmé, en prévention d’une défaillance surrénalienne chez le patient récemment sevré en corticoïdes Type d’intervention

Dose quotidienne (en équivalent hydrocortisone) (mg)

Durée du traitement (h)

25

24

50 à 75

24 à 48

100 à 150

48 à 72

Stress mineur (cure de hernie inguinale) Stress modéré (cholécystectomie) (hystérectomie) Stress majeur (colectomie) (pancréato-duodénectomie)

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Arrêt de la corticothérapie (prednisone 5-7,5 mg/j)

Initiation d'une substitution par hydrocortisone

Cortisolémie matinale

138 à 365 5 à 13,2

< 138 365 > 13,2

β1-24 ACTH

> 440 à < 600 > 15,9 à < 21,7

< 440 < 15,9

> 600 > 21,7

Hypoglycémie ou Métopirone

Réponse

Réponse

insuffisante

normale

Substitution par hydrocortisone

Pas de traitement

Figure 1 Étapes de la démarche pratique lors du sevrage en corticoïdes

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Cortisolémie en nmol/L (chiffre supérieur) et en mg/dL (chiffre inférieur).

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(comme une intervention chirurgicale majeure) par une substitution glucocorticoïde transitoire. Ceci est d’autant plus justifié que l’arrêt de la corticothérapie est récent. Si cette option est prise, la posologie de la « couverture » en hydrocortisone ne doit pas être surestimée mais adaptée à l’intensité du stress (tableau III). Une ascension intermédiaire des concentrations du cortisol plasmatique (440 [16 mg/dL] à 600 nmol/L [21,8 mg/dL]) ou salivaire (12 [0,44 mg/dL] à 20 nmol/L [0,73 mg/dL]) après stimulation par SynacthèneW devra faire réaliser un complément d’exploration par test à la métopirone ou par hypoglycémie insulinique pour écarter ou au contraire affirmer un déficit corticotrope et consécutivement pour initier ou non une substitution par hydrocortisone. En résumé, lorsqu’après une décroissance progressive, la dose quotidienne atteint un équivalent de 5 mg de prednisone et que l’interruption de la corticothérapie est envisagée, sans risque de récurrence de la maladie qui a justifié sa mise en route, une évaluation hormonale doit être réalisée. Telles des poupées russes, trois étapes successives peuvent être nécessaires pour choisir de maintenir ou non la substitution par hydrocortisone qui aura pris le relais de la corticothérapie (figure 1). Un premier dépistage est effectué par simple mesure du cortisol matinal. Si nécessaire, une deuxième étape comportera la réalisation d’un test au SynacthèneW (préférentiellement à 1 mg) avec recours éventuel, dans un troisième temps, au test à la métopirone ou par hypoglycémie insulinique.

Conclusion L’interruption d’une corticothérapie anti-inflammatoire à doses frénatrices et prolongée sur plus de 3 semaines justifie une évaluation clinico-biologique préalable. La posologie utilisée, la durée d’administration, les répercussions cliniques fournissent des premiers signes d’orientation. La mesure du cortisol plasmatique matinal, méthode simple de dépistage, est utile mais n’est informative quedans 50 à 60 % des cas. L’évaluation de deuxièmeligne par b1-24 ACTH est simple et bien corrélée aux tests de référence. Une réponse normale autorise l’arrêt de la corticothérapie sans introduire de substitution glucocorticoïde en gardant présent à l’esprit que cette réponse normale ne permet pas d’exclure totalement une inertie corticotrope susceptible de se manifester en cas de stress aigu et qui peut justifier la mise en route d’une substitution hormonale transitoire si celui-ci est prévisible. La posologie de ce traitement de « couverture » en hydrocortisone, fréquemment surestimée, doit être adaptée à l’intensité prévisibledustress. Si l’information apportéepar letest auSynacthèneW estinsuffisante, ellepeutêtrecomplétéepar un destestsexplorant la totalité de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (métopirone ou hypoglycémie insulinique). Enfin, lorsque le maintien d’une substitution glucocorticoïde est nécessaire, une réévaluation de la fonctionnalité corticotrope sera réalisée à un rythme maximal bi-annuel jusqu’à sa récupération complète.

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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