Bull Cancer 2015; 102: 509–515

Synthèse

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/bulcan www.sciencedirect.com

Prise en charge du cancer de prostate résistant à la castration métastatique Philippe Beuzeboc 1, Christophe Massard 2

Reçu le 30 mars 2015 Accepté le 2 avril 2015 Disponible sur internet le : 28 mai 2015

1. Institut Curie, département d'oncologie médicale, 26, rue d'Ulm, 75005 Paris, France 2. Institut Gustave-Roussy, département d'oncologie médicale, 94076 Villejuif, France

Correspondance : Philippe Beuzeboc, Institut Curie, département d'oncologie médicale, 26, rue d'Ulm, 75005 Paris, France. [email protected]

Keywords Metastatic castrationresistant prostate cancer Abiraterone acetate Enzalutamide Docetaxel Cabazitaxel Denosumab Alpharadin Sipuleucel-T Splicing variants AR-V7

Résumé En dépit de taux d'androgènes de castration, le récepteur aux androgènes (RA) reste actif, jouant un rôle essentiel dans la progression tumorale. Depuis l'approbation du docétaxel, quatre différents agents montrant un bénéfice en survie globale ont été enregistrés sur des données d'études de phase III : l'enzalutamide et l'acétate d'abiratérone, deux hormonothérapies ciblant le RA, le sipuleucel-T, une immunothérapie, et le cabazitaxel, une chimiothérapie. Le dénosumab retarde significativement l'apparition d'évènements squelettiques graves. Les cliniciens sont donc confrontés à de multiples options et séquences thérapeutiques qui rendent les décisions difficiles. L'induction de variants d'épissage du RA (AR-V), responsables d'une prolifération tumorale RA négative ou RA indépendante, apparaît comme un mécanisme majeur de la résistance croisée entre les nouvelles hormonothérapies.

Summary How to manage patients with CRPC? Despite castrate levels of androgens, the androgen receptor (AR) remains active and continues to drive prostate cancer progression. Since the approval of docetaxel, four additional agents that show a survival benefit have been registered on the basis of randomized phase 3 trials. These have included enzalutamide and abiraterone, two agents designed specifically to affect the androgen axis, sipuleucel-T, which stimulates the immune system and cabazitaxel, a chemotherapeutic agent. Denosumab was shown to significantly delay skeletal-related events. Clinicians are challenged with a multitude of treatment options and potential sequencing of these agents that, consequently, make clinical decision making more complex. The induction of constitutively-active AR splice variants (AR-Vs) driving clonal proliferation of AR-negative and AR-independent metastases may be one major potential mechanism of resistance to new hormone therapies.

tome 102 > n86 > juin 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.04.015 © 2015 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

509

Mots clés Cancer de prostate résistant à la castration Acétate d'abiratérone Enzalutamide Docétaxel Cabazitaxel Dénosumab Alpharadin Sipuleucel-T Variants épissage AR-V7

Synthèse

P. Beuzeboc, C. Massard

T

Encadre 1

ous les cancers de prostate récidivants ou métastatiques, après avoir répondu à une privation androgénique, vont devenir après un temps variable résistants à la castration. Le blocage androgénique complet (BAC) associe inhibition de la sécrétion testiculaire de testostérone (chirurgicale ou médicale par agoniste ou antagoniste de la LH-RH) et inhibition des effets biologiques des androgènes rémanents par le blocage du récepteur aux androgènes (RA) avec un anti-androgène (qui devrait être nommé inhibiteur du RA). Les critères permettant de définir en clinique le cancer de prostate résistant à la castration (CPRC) sont exposés dans l'encadré 1. Le CPRC métastatique peut actuellement bénéficier d'approches thérapeutiques variées, hormonales, cytotoxiques, immunologiques ou de radiothérapie métabolique ayant montré des bénéfices en survie globale dans des études de phase III (tableau I) ainsi que des traitements diminuant les complications des métastases osseuses. L'acétate d'abiratérone [1], l'enzalutamide [2] et le cabazitaxel [3] ont été agréés après le docétaxel. Trois traitements, avec également un gain en survie globale, ont aussi été approuvés avant le docétaxel : le sipuleucel-T (PROVENGE) non disponible en Europe [4], l'acétate d'abiratérone [5] et très récemment l'enzalutamide [6] qui est disponible en France depuis mars 2014 (en ATU puis en AMM). En ce qui concerne l'alpharadin (radium-223), l'étude de phase III d'enregistrement [7] concernait à la fois des patients n'ayant pas reçu de chimiothérapie (jugés unfit) et des patients prétraités par docétaxel. L'évolution rapide des données [8–10] conduit à actualiser très régulièrement les recommandations comme le prouve le récent amendement à celles de l'AUA sur les 6 scénarios de patients les plus fréquemment rencontrés en pratique pour intégrer notamment le traitement par radium-223 [11].

Critères permettant de définir la résistance à la castration 1. Testostéronémie à des taux de castration (< 0,50 ng/mL ou 1,7 nmol/L). 2. Trois augmentations du PSA à au moins 2 semaines d'intervalle, dont 2 à plus de 50 % au dessus du nadir, avec un PSA > 2 ng/mL. 3. Retrait de l'anti-androgène depuis au moins 4 semaines (6 pour le bicalutamide). 4. Progression du PSA malgré des manipulations hormonales secondaires3. 5. Progression de lésions osseuses3 ou des parties molles4. 3

Au moins, un retrait des anti-androgènes ou une deuxième manipulation hormonale sont habituellement exigés pour remplir cette définition. 4 Progression ou apparition d'au moins deux lésions sur la scintigraphie osseuse ou progression de lésions des parties molles selon RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumours).

Les moyens thérapeutiques Les nouvelles hormonothérapies Ces dernières années ont été marquées par l'avènement des nouvelles hormonothérapies dont les chefs de file sont l'acétate d'abiratérone et l'enzalutamide. Lors de la résistance à la castration, la prolifération tumorale reste dépendante de la signalisation par le RA liée à l'acquisition de modifications biologiques incluant une surexpression du RA et une surexpression des enzymes impliquées dans la synthèse des androgènes. Cette stéroïdogenèse intracrine, à partir des androgènes surrénaliens mais aussi du cholestérol et de la progestérone, permet de contourner les niveaux faibles d'androgènes circulants. Montgomery et al. [12] ont montré que les niveaux de testostérone et les transcrits d'enzymes de la stéroïdogenèse étaient plus

TABLEAU I

510

Essais de phase III ayant montré un avantage en survie dans les CPRC métastatiques Traitement

Stade

Comparateur

Hazard ratio

p

Docétaxel/ prednisone

Chimio-naïf

Mitoxantrone/ prednisone

0,76

0,009

Sipuleucel-T

Chimio-naïf

Placebo

0,775

0,032

Abiratérone/ prednisone

Pré-docétaxel Post-docétaxel

Prednisone Prednisone

0,81 0,646

0,033 < 0,0001

Enzalutamide

Pré-docétaxel Post-docétaxel

Placebo Placebo

0,186 0,63

< 0,0001 < 0,001

Cabazitaxel/ prednisone

Post-docétaxel

Mitoxantrone/ prednisone

0,70

< 0,0001

Radium-223

Pré-docétaxel ou post-docétaxel

Placebo

0,70

0,002

tome 102 > n86 > juin 2015

La chimiothérapie Elle conserve malgré tout son intérêt et le docétaxel constitue un pivot incontournable du traitement du CPRC métastatique (CPRCm). Elle est indiquée de première intention dans les cancers à différenciation neuro-endocrine et dans les cancers présentant une résistance primaire ou acquise aux traitements ciblant le RA. Très tôt, il était apparu logique d'essayer d'améliorer l'efficacité du docétaxel en lui associant de façon concomitante des traitements ciblés variés. Aucun n'a pu dans cette situation démontrer d'efficacité sur la survie dans des études de phase III, montrant la limite du concept [18], que ce soit le calcitriol à fortes doses, des inhibiteurs du récepteur de l'endothéline ET1 (l'atrasentan, le zibotentan), des anti-angiogéniques (le bévacizumab, l'aflibercept, le lénalidomide), une vaccination (le GVAX), un inhibiteur de Src (le dasatinib), un anti-sens anticlustérine (l'OGX-010). Sont en attente les résultats de l'ipilimumab (un anticorps anti-CTLA4). En deuxième ligne de chimiothérapie, le cabazitaxel, un taxane semi-synthétique, est devenu le nouveau standard. Il a montré,

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versus mitoxantrone, une amélioration de la survie globale dans l'étude de phase III TROPIC. Des données de différentes cohortes internationales ont montré que l'utilisation du cabazitaxel dans la « vraie vie » [19,20] s'accompagne, à condition d'une bonne éducation du patient [21], d'une incidence faible de complications sérieuses. Celles-ci sont essentiellement les aplasies fébriles et les diarrhées. L'utilisation de G-CSF dès le premier cycle est importante pour les patients âgés. Elle améliore la tolérance et réduit d'environ 30 % le risque de neutropénie de grade > 3 et de leurs complications. Le profil de toxicité diffère de celui du docétaxel par l'absence de toxicité unguéale, neurologique, de syndrome rétentionnel et d'hypersensibilité. Se posent encore des questions sur la dose optimale. En effet si la dose d'AMM est de 25 mg/m2/21 jours, les deux études de phase I avaient recommandé pour l'une 25 mg/m2 [22] et l'autre 20 mg/m2 [23]. L'étude randomisée (PROSELICA), comparant actuellement les deux doses, devrait permettre de conclure sur la dose permettant le meilleur index efficacité/tolérance. Des schémas de fractionnement de doses sont également en cours d'investigations chez des patients fragiles ou âgés. La place éventuelle du cabazitaxel en première ligne est actuellement évaluée dans l'étude de phase III FIRSTANA et dans une étude de préférence CABA-DOC où le patient reçoit un traitement séquentiel randomisé de docétaxel et de cabazitaxel. Une reprise du docétaxel constitue aussi une option thérapeutique chez les patients ayant présenté une bonne réponse initiale et un intervalle libre de plusieurs mois. Elle permet d'obtenir une réponse biologique chez plus de la moitié des patients pour une durée médiane de réponse d'environ six mois.

Les traitements ciblant l'os Le dénosumab est un anticorps monoclonal humain qui se lie avec une forte spécificité au RANK-ligand (RANKL). Il est indiqué dans la prévention des complications osseuses chez des patients ayant un CPRC avec métastases osseuses à la dose de 120 mg/ tous les 28 jours en injection s.c. Ce traitement réduit significativement le risque de fractures vertébrales. Un supplément systématique en calcium et vitamine D doit lui être associé. Il a été enregistré à la suite des résultats d'une étude de phase III (1:1), de non-infériorité, en double insu le comparant au zolédronate chez 1901 patients [24]. Le dénosumab permet de retarder de façon statistiquement significative le premier événement osseux grave ou SRE (skeletal-related event) et de réduire les autres évènements osseux. Le risque d'effets d'ostéonécrose de la mâchoire est comparable à celui du zolédronate (2,3 % vs 1,3 % respectivement, p = 0,09). Par contre, le dénosumab n'améliore pas la survie globale par rapport au zolédronate. Il peut être utilisé chez les insuffisants rénaux [25] sans adaptation de dose mais avec un contrôle étroit de la calcémie. L'alpharadin (chlorure de radium-223) est une nouvelle radiothérapie métabolique des métastases osseuses du CPRC. Le radium-223 est un calcium mimétique. L'utilisation

511

élevés dans les métastases de patients castrés que dans les cancers de la prostate primaires de patients non castrés. L'acétate d'abiratérone est un inhibiteur sélectif oral, irréversible de CYP17, enzyme clé de la biosynthèse des androgènes qui catalyse deux réactions importantes impliquant la 17 alphahydroxylase et la C17-20-lyase [13]. L'acétate d'abiratérone n'entraîne pas d'insuffisance surrénalienne [14]. La synthèse de corticostérone, un corticostéroïde plus faible que le cortisol, est préservée. Il en résulte une élévation de l'ACTH avec un syndrome d'hypersécrétion de minéralocorticoïdes, caractérisé par une rétention hydro-sodée, une hypokaliémie, et une hypertension. L'utilisation d'une corticothérapie (prednisone, dexaméthasone) supprime cette élévation d'ACTH et les signes d'hyperaldostéronisme. L'enzalutamide (MDV 3100) est un inhibiteur du RA sans effet agoniste qui bloque la fixation des androgènes sur le RA, empêche la translocation nucléaire du complexe androgène/ RA et le recrutement de co-activateurs [15]. Il présente une affinité pour le RA environ 5–8 fois plus importante que le bicalutamide et n'a pas d'effet agoniste. L'effet secondaire le plus fréquent est la fatigue. Le taux de convulsions est de 0,6 % dans l'étude AFFIRM et de 0 % dans l'étude PREVAIL [16]. D'autres nouvelles molécules ciblant le RA sont en cours de développement comme l'ARN-509 et l'ODM-201. Ce dernier est un nouvel inhibiteur du RA structurellement distinct de l'enzalutamide. Son profil d'activité est différent de l'enzalutamide et de l'ARN-509, avec une affinité plus importante pour le RA et une inhibition supérieure de la croissance tumorale dans certains modèles précliniques [17]. Le développement du TAK 700, un autre inhibiteur de CYP17, s'est arrêté du fait de la négativité de deux études de phase III (en termes de survie globale).

Synthèse

Prise en charge du cancer de prostate résistant à la castration métastatique

Synthèse

P. Beuzeboc, C. Massard

d'isotopes émetteurs de particules a, plus lourdes et ayant un dépôt d'énergie plus important sur une distance plus courte, permet d'augmenter l'index thérapeutique tout en limitant la toxicité médullaire par rapport aux émetteurs b (strontium ou samarium). L'essai ALSYMPCA [26] a permis son enregistrement dans les CPRC avec métastases osseuses symptomatiques, isolées. L'étude était pré-stratifiée en fonction d'une chimiothérapie antérieure par docétaxel, du taux élevé de phosphatases alcalines, d'un traitement par biphosphonate. Le traitement utilise 6 injections mensuelles à la dose de 50 kBq/kg.

Les anti-angiogéniques Les résultats sont globalement négatifs que ce soit les anticorps anti-VEGF en association avec le docétaxel [27] mais aussi le sunitinib en post-docétaxel. Les espoirs reposent sur le cabozantinib (XL 184), un inhibiteur des récepteurs à tyrosine kinase (TKI) de VEGFR2, de MET, mais aussi de RET, disponible par voie orale. MET, dont le ligand est l'HGF (hepatocyte growth factor), est surexprimé dans le cancer de la prostate comme dans d'autres cancers. Il est impliqué dans la croissance tumorale, l'angiogenèse, l'invasion tumorale et l'évolution métastatique. Le cabozantinib a montré une activité clinique dans le CPRCm entraînant une réduction des tissus mous, une amélioration des hyperfixations au niveau de la scintigraphie osseuse, une amélioration de la survie sans progression, une réduction des marqueurs du turnover osseux, des douleurs et de l'utilisation des opiacés ainsi qu'une réduction des cellules tumorales circulantes [28]. Les résultats des études de phase III (COMET) devraient être disponibles prochainement.

Les immunothérapies

512

Le sipuleucel-T est une immunothérapie cellulaire autologue constituée de cellules mononucléaires du sang périphérique (PBMC), obtenues par cytaphérèse et cultivées avec une protéine recombinante humaine constituée par de la phosphatase acide prostatique (PAP) liée au GM-CSF. L'approbation de la FDA a été basée après une première étude contrôlée montrant un bénéfice en survie globale (mais pas en survie sans progression) sur la confirmation d'un gain en survie globale par une deuxième étude randomisée en double insu multicentrique contrôlée par placebo. PROSTVAC représente une approche vaccinale utilisant des combinaisons successives de poxvirus différents (virus de la vaccine et de la variole aviaire) recombinants porteurs de PSA, en association à du GM-CSF ! Une étude de phase III est en cours. Le blocage de CTLA4 (cytotoxic T-lymphocyte antigen-4) fait partie des nouvelles approches immunologiques en cours de développement dans le CPRCm. L'essai de phase IIII CA184-043, randomisé multicentrique, en double insu comparant la survie globale des patients présentant un CPRCm symptomatique en post-docétaxel traités par ipilimumab 10 mg/kg les semaines 1,4,7,10 (toutes 3 semaines 4 fois), puis toutes les 12 semaines

jusqu'à progression) ou placebo après une radiothérapie de métastases osseuses, n'a pas montré de bénéfice en survie pour l'ensemble de la population [29]. Par contre, une analyse en sousgroupe a montré que pour les patients ayant un meilleur profil pronostique avec un taux de phosphatases alcalines (PAL) < 1,5 N, d'hémoglobine > 11 g/dL et une absence de métastases viscérales, la médiane de SG était de 22,7 mois (17,8–28,3) dans le bras ipilimumab vs 15,8 mois (13,7–19,4) dans le bras placebo (HR = 0,62, IC 95 % : 0,45–0,86). Ces résultats justifient d'attendre les résultats des études réalisées chez des patients se présentant à un stade moins tardif de la maladie avant de pouvoir se faire une idée de l'intérêt potentiel de l'ipilimumab dans le CPRCm. Le tasquinimod a un mécanisme d'action original en se liant à la protéine S100A9 impliquée dans la différenciation et la progression cellulaire et présente dans les cellules tumorales ainsi que dans différentes cellules immunitaires. Deux études de phase III sont en cours.

Les indications thérapeutiques En situation non métastatique (M0) Il n'existe aucune recommandation autre que celle de la poursuite d'une hormonothérapie de première génération. Aucune nouvelle molécule n'est enregistrée dans cette indication. Trois études de phase III sont en cours pour évaluer dans les CPRC M0 différents nouveaux inhibiteurs du RA : PROSPER pour l'enzalutamide, SPARTAN pour l'ARN-509, et ARAMIS pour l'ODM-201.

En présence exclusivement de métastases extraosseuses Il n'y a pas d'indication à un traitement préventif de métastases osseuses. Le dénosumab n'a pas été enregistré dans cette indication. Le bénéfice significatif de retard à l'apparition de métastases osseuses de 4 mois dans l'étude de phase III versus placebo [30] n'a pas été jugé suffisant par les autorités, ce d'autant que le taux d'ostéonécrose de mâchoire était de 5 % (la médiane de survie était de 44 mois) et que le dénosumab n'améliorait pas la survie globale. Comme pour l'acide zolédronique, une longue durée d'exposition majore fortement le risque d'ONJ.

Pour des patients présentant des métastases peu ou pas symptomatiques avec un bon état général En présence de métastases osseuses ou extra-osseuses avant docétaxel peu ou pas symptomatiques, peuvent se discuter plusieurs choix thérapeutiques :  une immunothérapie par sipuleucel-T aux États-Unis. L'analyse en sous-groupe a montré que le bénéfice en survie était d'autant plus important que le traitement était débuté tôt (tableau II). En France, dans cette situation, les patients peuvent être inclus dans l'essai de phase III PROSTVAC ;  une hormonothérapie par acétate d'abiratérone sur les données de l'étude COU-AA-302 dont les résultats définitifs ont confirmé le gain significatif en survie globale. L'Europe, après

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TABLEAU II Étude IMPACT (sipuleucel-T). Rationnel pour un traitement précoce. Médianes de survie en fonction du taux de PSA à l'inclusion

Synthèse

Prise en charge du cancer de prostate résistant à la castration métastatique

PSA initial (ng/mL)



> 22,1–50,1

> 50,1–134,1

> 134,1

128

128

128

128

Sipuleucel-T

41,3 mois

27,1 mois

20,4 mois

18,4 mois

Contrôle

28,3 mois

20,1 mois

15 mois

15,6 mois

Différence

13 mois

7,1 mois

5,4 mois

2,8 mois

HR (IC 95 %)

0,51 (0,31–0,85)

0,74 (0,47–1,17)

0,81 (0,52–1,24)

0,84 (0,55–1,29)

les États-Unis, vient d'agréer l'enzalutamide après les résultats positifs de l'étude PREVAIL. Il sera disponible en France dans cette indication en 2015. La présence de métastases viscérales n'est pas une contre-indication aux nouvelles hormonothérapies qui ont montré une efficacité potentielle dans ces cas ; un traitement par alpharadin en cas de métastases osseuses exclusives ; l'indication d'une chimiothérapie par docétaxel reste une option possible.

Dans les formes à différenciation neuro-endocrine et les formes très symptomatiques chez des patients en bon état général La place de la chimiothérapie dans le CPRCm est indiquée d'emblée. Elle est souvent actuellement administrée après acétate d'abiratérone. Le moment idéal pour initier une chimiothérapie reste controversé. Si son indication n'est pas discutable dans les formes métastatiques symptomatiques, il n'existe pas de preuve pour justifier de la débuter précocement chez les patients asymptomatiques. Un schéma hebdomadaire peut être envisagé chez des patients incapables de recevoir un schéma optimal du fait de leur âge avancé, de leur état général ou de pathologies associées. Une évaluation gériatrique est recommandée chez les patients âgés, présentant des co-morbidités. Chez les patients asymptomatiques, le début du traitement doit être discuté individuellement. Plusieurs facteurs de mauvais pronostic ont été individualisés et regroupés dans des nomogrammes pronostiques.

Après docétaxel De la même façon plusieurs choix sont possibles :  soit une hormonothérapie par abiratérone ou enzalutamide ;  soit une chimiothérapie de deuxième ligne par cabazitaxel ;  soit l'alpharadin.

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Concernant le traitement spécifique des métastases osseuses Le dénosumab et l'acide zolédronique nécessitent un bilan dentaire initial vu le risque d'ostéonécrose de la mâchoire. Celui-ci est d'environ 1 % pour des traitements de deux ans (durée recommandée), le risque augmente à plus de 4 % pour 40 mois dans l'étude de prévention de métastases osseuses. Des traitements palliatifs comme la radiothérapie métabolique, la radiothérapie externe, l'utilisation adaptée des antalgiques doivent être envisagés précocement dans la prise en charge des métastases osseuses symptomatiques. Une chirurgie ou une radiothérapie décompressive (couplée à une corticothérapie à fortes doses) sont indiquées en urgence en cas de symptômes neurologiques en particulier d'origine rachidienne.

Dans tous les cas La poursuite de la castration s'impose en association avec l'ensemble de ces traitements et le choix des patients doit être pris en considération et respecté. Cependant, il apparaît important d'essayer de faire bénéficier les patients des différents traitements disponibles. En effet les médianes de survie des patients ayant participé au développement des nouvelles molécules sont, à partir de la mise en route du docétaxel, de l'ordre de 30 mois comparé à 18 mois dans l'étude pivot TAX327.

Perspectives Le choix des séquences devra dans l'avenir tenir compte, d'une part, des résistances croisées entre les nouvelles hormonothérapies [31,32], d'autre part, de la chimiosensibilité qui semble se maintenir avec ces hormonothérapies [33]. La place de l'alpharadin reste à définir notamment en combinaison avec d'autres traitements. Des associations entre différents traitements sont en cours d'évaluation en particulier la combinaison abiratérone/enzalutamide. L'apparition de variants d'épissage avec perte du domaine de fixation du ligand

513



< 22,1 n (patients)

Synthèse

P. Beuzeboc, C. Massard

et activité indépendante du ligand constitue un mécanisme de résistance aux nouvelles hormonothérapies qu'elle soit primaire (environ 20 %) ou acquise aux nouvelles hormonothérapies. Elle a une valeur pronostique importante en termes de survie. Les résultats des études précliniques [34] ont montré que la réactivation du RA lors de la résistance à l'acétate d'abiratérone n'était pas associée à une restauration des androgènes intratumoraux, une augmentation de co-activateurs ou une baisse des co-répresseurs mais à une induction rapide du principal variant d'épissage du RA appelé AR-V7. Antonarakis, dans une série limitée de 62 patients [35], a montré que la détection de AR-V7 dans les cellules tumorales circulantes (CTC) provenant de patients présentant un CPRCm était prédictive d'une résistance à l'enzalutamide et à abiratérone. Si ces données sont confirmées (avec une spécificité de 100 %), on pourra conclure qu'il s'agit d'une avancée très importante en disposant enfin d'un critère prédictif majeur de réponse aux

nouvelles hormonothérapies. Il reste néanmoins à régler l'essentiel, le problème pratique de l'isolement et de l'analyse des CTC.

Conclusions De multiples agents avec des mécanismes d'action variés permettent d'entraîner un bénéfice en délai jusqu'à progression et survie. L'utilisation précoce de certains d'entre eux pourrait augmenter leur efficacité. Beaucoup de travail reste néanmoins à faire pour optimiser les séquences. Dans l'avenir, des biomarqueurs prédictifs et des phénotypes cliniques pourraient permettre une certaine personnalisation des traitements. Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

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Synthèse

Prise en charge du cancer de prostate résistant à la castration métastatique

[How to manage patients with CRPC?].

Despite castrate levels of androgens, the androgen receptor (AR) remains active and continues to drive prostate cancer progression. Since the approval...
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