Pour citer cet article : Baran R, Comment reconnaître et traiter un psoriasis unguéal, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.lpm.2014.06.011. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

PATHOLOGIE UNGUÉALE

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; //: /// ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

Comment reconnaître et traiter un psoriasis unguéal Robert Baran

Nail Disease Center, 42, rue des Serbes, 06400 Cannes, France Disponible sur internet le : [email protected]

Psoriasis of the nails Psoriasis is an inherited chronic hyper proliferative autoimmune disease. Nail involvement is common and is found in 61% of cases of cutaneous psoriasis, with lifetime incidence of 90%; 80 to 90% in patients with psoriatic arthritis. Classical manifestations on the nail apparatus are correlated with the origin site of the disease. The proximal matrix produces pitting, trachyonychia and Beau’s lines, transverse grooves. The distal matrix (lunula) may appear spotted or erythematous in color. Inflammation of the mid or distal matrix causes leuconychia due to nail incorporation of parakeratotic cells. Nail bed and hyponychium can show onycholysis, oil drops (salmon patches) subungual hyperkeratosis and at the distal nail bed splinter hemorrhages. Induction or severe exacerbation of psoriasis may be due to drugs, such as b-blockers, lithium, antimalarial agents, antiTNF and interferon.

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Points essentiels Le psoriasis est une maladie héréditaire, hyperproliférative, chronique et auto-immune. L’atteinte de l’appareil unguéal est fréquente, elle concerne 61 % des patients ayant un psoriasis cutané et 80 à 90 % de ceux atteints de psoriasis arthropathique ; 90 % des psoriasiques auront une manifestation unguéale au cours de la vie. Il existe des corrélations anatomo-cliniques qui guideront le traitement. La matrice proximale est à l’origine des dépressions ponctuées, de la trachyonychie et des sillons de Beau. La matrice distale est responsable de l’aspect marbré de la lunule et peut induire une leuconychie. Le lit et l’hyponychium peuvent révéler une onycholyse, les taches d’huile de Milian ou une hyperkératose sous-unguéale. Les hématomes filiformes se situent principalement à la partie distale du lit. Le psoriasis médicamenteux n’est pas exceptionnel, la prise de bêtabloquants, de lithium, d’antipaludéens de synthèse, d’anti-TNF et d’interféron jouent un rôle d’induction ou d’exacerbation. L’existence de nombreux outils de détection permettent maintenant de suspecter la présence d’un psoriasis arthropathique, même latent, et d’envisager les traitements appropriés avec les rhumatologues.

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Key points

LPM-2566

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e psoriasis unguéal est une des manifestations caractéristiques du spectre de la maladie psoriasique mais, curieusement, il tisse des liens plus étroits avec le psoriasis arthritique (PsA) qu’avec le psoriasis isolé. Le psoriasis unguéal n’est donc pas seulement une maladie des annexes de la peau. Son impact sur la qualité de vie peut être majeur chez certains patients et il signe bien souvent une inflammation systémique non maîtrisée. D’un point de vue physiopathologique, selon Fournié et al., deux lésions fondamentales sont observées et permettent d’expliquer l’ensemble des signes cliniques et radiologiques : la synovite et l’enthésite. Dans le psoriasis, la synovite n’est pas le primum movens de la maladie mais serait due à la libération de cytokines inflammatoires à partir des enthèses enflammées [1,2]. Quelques chiffres concernant le psoriasis unguéal sont édifiants. Il affecte 61 % des sujets ayant un psoriasis cutané et 80 à 90 % de ceux atteints de psoriasis arthropathique ; 90 % des patients souffrant de psoriasis auront une manifestation unguéale au cours de la vie. Alors que 57 % des psoriasiques accusent une atteinte des mains et des pieds, 27 % des malades ne sont touchés qu’aux mains et 16 % aux pieds seulement. L’appareil unguéal est douloureux dans 52 % des cas [3]. La qualité de vie est altérée dans 76 % des cas, le handicap étant aussi bien physique que psychologique. Pour 93 % des patients, il existe une connotation esthétique importante ; chez 59 %, une gêne réelle au cours d’activité quotidienne et 48 % éprouvent des difficultés à assumer leur emploi. La prédisposition des psoriasiques aux infections fongiques est trois fois supérieure à celle des personnes indemnes de cette affection cutanée. Le psoriasis s’attarde volontiers sur des régions privilégiées comme le cuir chevelu et les ongles mais la maladie peut se concentrer isolément sur l’appareil unguéal, comme nous l’avons indiqué. Un seul doigt peut être touché sans manifestation radiologique. En revanche, l’IRM permet de révéler une enthésopathie (inflammation des insertions tendineuses osseuses et ligamentaires se poursuivant sur l’ongle et les capsules articulaires). La sonographie en 3D, et peut-être l’optical coherence tomography (OCT), éventuellement associées à la scintigraphie osseuse, sont susceptibles de déceler un psoriasis arthropathique (PsA). Tout porte à croire maintenant que l’onychopathie psoriasique est un marqueur d’une atteinte inflammatoire profonde [4]. L’ongle doit être considéré comme une annexe ostéo-musculaire avec son unité fonctionnelle formant l’organe enthésique. Du point de vue micro-anatomique, certaines images histologiques confirment le lien entre les différentes structures. Le tendon extenseur, en particulier, poursuit son insertion osseuse en enveloppant la racine de l’ongle. Les ligaments latéraux forment un réseau d’intégration contribuant à l’arrimage des

bords latéraux de la tablette unguéale. Ce continuum virtuel de structures du tissu conjonctif se confond avec le périoste épaissi de la phalange distale et avec les nombreux ligaments cutanés qui fixent la graisse pulpaire à la peau. Le psoriasis est loin d’être une maladie exceptionnelle mais son intérêt actuel est devenu quadruple, par :  la mise au point d’outils diagnostiques d’imagerie ;  une meilleure connaissance des diagnostics différentiels ;  l’évaluation de l’affection grâce à des scores plus performants et faciles à établir ;  la possibilité d’utiliser des thérapeutiques incomparablement plus efficaces que celles que nous connaissions dans un passé encore récent. Il est indispensable de se familiariser avec l’anatomie de l’appareil unguéal qui renseigne sur le site pathologique dont dépend l’aspect clinique et évolutif, puisque l’on sait que les lésions d’origine matricielle sont transitoires alors que celles du lit et de l’hyponychium ont un caractère permanent.

Corrélations anatomo-cliniques Le schéma de l’appareil unguéal est présenté dans la figure 1. La matrice proximale est le siège de dépressions ponctuées (figure 2), de la trachyonychie, des sillons de Beau (dépressions horizontales souvent multiples) (figure 3) et de l’onychomadèse. On connaît moins l’accentuation du relief des crêtes longitudinales physiologiques prenant parfois l’aspect de gouttes de cire fondue ou de coulées de cire linéaires. La matrice distale peut induire une leuconychie (figure 4) et l’aspect marbré de la lunule. Le lit et l’hyponychium peuvent révéler une onycholyse (figure 5), les taches d’huile de Milian (figure 6) ou une hyperkératose

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Figure 1 Schéma de l’appareil unguéal (section sagittale)

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Pour citer cet article : Baran R, Comment reconnaître et traiter un psoriasis unguéal, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.lpm.2014.06.011. Comment reconnaître et traiter un psoriasis unguéal

sous-unguéale (figure 7). Les hématomes filiformes se situent surtout dans la portion distale du lit. La paronychie a des caractères particuliers, la cuticule est intacte et la face dorsale du repli sus-unguéal est fréquemment psoriasique (figure 8). Enfin, la pression de ce repli libère un matériel caséeux à cellules nucléées ou anucléées sans accompagnement levuro-bactérien. L’association de certains de ces différents signes pathologiques n’est pas rare (figure 9).

Mise au point

Pathologie unguéale

[(Figure_2)TD$IG]

Psoriasis médicamenteux Il est indispensable d’éliminer un psoriasis médicamenteux en scrutant les ordonnances du patient. Les lésions sont souvent atypiques et doivent faire rechercher la prise de lithium, de bêtabloquants, d’antipaludéens de synthèse, d’anti-TNF et d’interféron qui peuvent avoir un rôle d’induction et/ou d’exacerbation.

Diagnostics différentiels

Figure 2 Dépressions ponctuées

Il est fonction des signes cliniques révélés par l’examen. Les dépressions ponctuées se rencontrent dans la pelade, l’eczéma, le syndrome de Fiessinger-Leroy et le lichen plan. Celles du psoriasis sont souvent plus profondes. L’onycholyse est le signe unguéal majeur : il faut éliminer une onychomycose, une dermite de contact, les microtraumatismes répétés, un carcinome épidermoïde, un lichen plan, une pelade. Il est impossible de distinguer cliniquement la trachyonychie du psoriasis, de la pelade ou du lichen plan lorsque l’atteinte des ongles est isolée. Toutefois, la croissance unguéale s’avère accélérée au cours du psoriasis. L’hyperkératose sous-unguéale isolée n’est pas fréquente. Elle est causée par de nombreuses conditions dont la connaissance

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Figure 3

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Lignes de Beau multiples

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Figure 4 Leuconychie

Figure 5 Onycholyse

est indispensable : l’onychomycose, le pityriasis rubra pilaire, l’acrokératose paranéoplasique, la pachyonychie congénitale, la pelade, la maladie de Darier et le lichen plan. La paronychie psoriasique peut évoquer un syndrome de Fiessinger-Leroy, une onychomycose, une dermite de contact et un lichen plan. Elle est souvent polydactylique. La leuconychie psoriasique vraie peut prendre le masque d’une pseudo-leuconychie mycosique sous-unguéale proximale ou d’une leuconychie apparente (ongle équisegmenté hyperazotémique, ongle cirrhotique et double bande blanche hypo-albuminémique). Les hématomes filiformes isolés sont cliniquement bien difficiles à distinguer des formes micro-traumatiques et du syndrome des anticorps antiphospolipides. En conclusion, dans les formes où l’examen clinique ne permet pas de conclure, la biopsie et la culture, en milieu de Sabouraud, facilitent le diagnostic en sachant qu’une atteinte mixte (psoriasis et mycose) n’est pas exceptionnelle aux orteils (figure 10).

c’est-à-dire dans 20 % des cas. Les critères indispensables sont objectifs (Psoriasis Area and Severity Index [PASI] > 10) mais aussi subjectifs. En effet, il faut tenir compte de l’impact de la maladie sur la qualité de vie qui joue un rôle prédominant dans le travail et la

[(Figure_6)TD$IG]

Évaluation de la sévérité

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Habituellement, les traitements systémiques ne sont utilisés que dans la prise en charge du psoriasis modéré à sévère,

Figure 6 Tache d’huile saumonée tome // > n8/ > /

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Pathologie unguéale

[(Figure_8)TD$IG]

Figure 7

Figure 8

Hperkératose sous-unguéale

Paronychie

vie sociale, mais aussi sur la dextérité manuelle et une limitation des activités physiques. L’impact émotionnel avec des phases de dépression et d’anxiété détériore parfois si fortement la qualité de vie que nous avons établi un nouveau score pour l’évaluer : le NPQ10 [5]. La réponse du malade à dix questions et le résultat du test sont exprimés en pourcentage. Cette évaluation du score est proportionnelle à la difficulté fonctionnelle ressentie par le patient et cette étude a pu confirmer l’existence de modifications concernant la qualité de vie des sujets atteints de psoriasis unguéal. De plus, récemment, nous avons proposé, avec des auteurs néerlandais, un nouveau mode d’évaluation du psoriasis unguéal qui tient compte de toutes les critiques opposées aux différents scores utilisés [6]. Enfin, de nombreux outils de détection nous permettent maintenant d’envisager l’ongle psoriasique sous un autre aspect et d’élargir nos possibilités thérapeutiques.



Les signes radiologiques clés sont bien définis [1] :  érosions articulaires ;  pincements de l’espace articulaire ; tome // > n8/ > /



prolifération osseuse, ostéolyse ; et néoformation osseuse aux enthèses centrales et périphériques.

[(Figure_9)TD$IG]

Figure 9 Ongle de Hench-Bauer Il associe un psoriasis du repli sus-unguéal, une onychose psoriasique et une arthrite de l’interphalangienne distale.

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Radiologie, IRM, sonographie et scintigraphie

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anomalies radiologiques et néoformations osseuses (1 point). Nous avons classé le PsA périphérique en cinq grands types (présentés au Nordic Congress of Dermato-Venereology en 2013) [14]. Ils sont tous décelables par l’imagerie médicale :  psoriasis arthropathique sans manifestation clinique cutanée ou unguéale ;  psoriasis cutané sans manifestation clinique unguéale ou articulaire ;  onychopathie psoriasique (avec ou sans atteinte cutanée) mais articles cliniquement normaux ;  onychopathie psoriasique clinique avec arthrite infraclinique distale (enthésopathie) ;  arthropathie psoriasique clinique avec modifications osseuses. 

Caractère héréditaire

Psoriasis Colonisation mycosique d'un ongle psoriasique Greffe mycosique sur un psoriasis unguéal Déclenchement du psoriasis par l’onychomycose (phénomène de Koebner)

Onychomycose

Susceptibilité à l'infection à T. rubrum (autosomique dominante)

Figure 10 Relations entre psoriasis et onychomycose D’après [5].

Une antenne spéciale est indispensable pour l’IRM des doigts ou des orteils, l’oedème osseux est communément décrit comme un caractère du PsA et permet de diagnostiquer l’ostéite adjacente qui peut accompagner l’enthésite. Elle établit surtout un lien entre l’enthésite et la synovite dans les articulations oedémateuses du PsA par la présence d’une inflammation non seulement focale aux sites d’insertion, mais beaucoup plus diffuse atteignant l’os non adjacent et les tissus mous, synovium compris. L’enthésite apparaît, par conséquent, comme le dénominateur commun entre psoriasis et PsA et l’enthésite infraclinique peut être l’initiateur qui provoque secondairement la synovite articulaire par relargage de médiateurs pro-inflammatoires [7,8]. L’ultrasonographie ostéo-musculaire a été utilisée pour l’investigation de la maladie synoviale, l’enthésite et la sacro-illiite. C’est le modèle de choix pour l’examen des tissus mous et de la surface osseuse où formations nouvelles et érosions sont discernables [9–11]. Des isotopes, au cours d’études scintigraphiques, ont révélé, dans certains psoriasis, en l’absence de toute symptomatologie articulaire, une distribution osseuse péri-articulaire [12,13].

Classification

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La maladie unguéale peut se manifester sous différentes formes dans le PsA dont les éléments diagnostiques sont définis par les critères CASPAR (Classification criteria for psoriatic arthritis). Les patients qui les remplissent présentent une maladie inflammatoire de l’articulation avec un score de 3 points ou plus, compte tenu des 5 catégories citées ci-dessous :  présence d’un psoriasis (2 points), antécédents (1 point), ou histoire familiale de psoriasis (1 point) ;  atteinte unguéale (onycholysis, dépressions ponctuées, hyperkératose sous-unguéale) (1 point) ;  absence de facteur rhumatoïde ;  dactylite actuelle ou antécédents de dactylite ;

Traitement L’évolution spontanée du psoriasis unguéal est capricieuse, faite de rémissions et de rechutes. L’exposition solaire peut aggraver les lésions unguéales, de même qu’un traumatisme isolé ou répété (phénomène de Koebner). C’est une évidence, le traitement est long, fastidieux, difficile et souvent décevant. . . mais notre attitude n’est jamais défaitiste face à une maladie où le psychisme joue un rôle prépondérant. Quelle que soit l’attente du patient, les moyens mis en oeuvre ne devront pas être disproportionnés avec l’intensité de la maladie. Il n’existe pas de traitement univoque du psoriasis unguéal, il doit être envisagé en fonction de différents paramètres : importance des lésions, sexe, profession, âge, extension à la peau, atteinte articulaire périphérique, demande du patient et niveau de compréhension. À ces considérations de la plus haute importance, il faut ajouter l’aspect des lésions, fidèle reflet de la localisation anatomique de la maladie sur l’appareil unguéal. On conçoit d’emblée que cette liste, non exhaustive, puisse conditionner les prescriptions. Chez l’enfant, le plus difficile est de persuader la famille, toujours en quête d’un remède efficace et rapide. C’est pourquoi, photographier l’atteinte psoriasique une fois par an montre aux parents que nous restons particulièrement vigilants. Chez l’adulte, le problème se pose différemment selon la profession. Le manuel, sujet aux micro et macrotraumatismes, a peu de chances de tirer grand parti du traitement. En effet, l’aggravation des lésions sous l’effet du phénomène isomorphique limite certainement les bienfaits qu’il en attend. Par contre, dans certaines professions libérales, un patient très motivé a toutes les chances d’en tirer bénéfice. Nos explications devront cependant faire comprendre que l’aspect actuel de l’ongle ne se modifiera pas rapidement. L’action du traitement qui ne s’exerce que sur les tissus péri et sous-unguéaux, incite la matrice à produire un ongle de meilleure qualité, voire normal, mais après un délai qui exige de longs mois. On expliquera au malade pourquoi le traitement varie selon la topographie de l’atteinte lésionnelle, ou même, selon les doigts malades. tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Baran R, Comment reconnaître et traiter un psoriasis unguéal, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.lpm.2014.06.011. Comment reconnaître et traiter un psoriasis unguéal

Les traitements topiques sont décevants. Par contre, les injections intralésionelles de corticoïdes en suspension à travers le repli sus-unguéal, avec une aiguille de 30 G, sont certainement très efficaces. Elles sont effectuées à raison d’une injection par mois pendant 6 mois. L’absence d’amélioration, bien que rare, entraîne la suspension du traitement. En fait, habituellement, dès la 2e injection, une amélioration se dessine nettement dans la région proximale. Au bout des 6 mois, les injections se poursuivront toutes les 6 à 8 semaines ; s’il faut persévérer au-delà d’une année, on proposera une injection tous les 3 mois. Nous nous refusons d’utiliser le dermojet malgré sa commodité, l’apparition de kystes d’implantation étant réelle puisqu’ils ont pu conduire à l’amputation de la phalange distale. En cas d’échec des corticoïdes injectables, des auteurs ont rapporté l’efficacité d’une injection de 2,5 mg de méthotrexate de chaque côté de l’ongle à la hauteur du repli sus-unguéal, après bloc anesthésique digital. Les injections sont répétées une fois par semaine durant 6 mois.

Localisation sous-unguéale non matricielle Les lésions consistent en une hyperkératose sous-unguéale, ou une onycholyse du lit sous forme de tache d’huile, ou bien d’un décollement disto-latéral. Dans la première hypothèse, une kératinolyse chimique à l’urée à 40 % permet de découper la kératine pathologique pour traiter le lit nouvellement exposé. Dans le second cas, le découpage à la pince de la portion de tablette détachée nous ramène à la situation précédente. Il suffit alors d’appliquer des corticoïdes (DermovalW) de façon quotidienne, vespérale, de préférence sous occlusion pendant une quinzaine de jours, puis de façon discontinue en procédant régulièrement, entre-temps, au découpage de la tablette, si elle ne manifeste pas encore d’adhérence au lit unguéal. Le traitement est souvent complété par des massages en insistant sur la sertissure proximale de l’ongle avec le tazarotène (un rétinoïde), le calcipotriol (un dérivé de la vitamine D3) associé au clobétasol ou encore le tacrolimus à 0,1 %. Si les résultats s’avèrent insuffisants et si la demande reste forte, nous proposons au patient des infiltrations de corticoïdes selon la technique de David de Berker, sous anesthésie locale, par injection sous-unguéale du lit par voie latérale, de 1/10 mL d’acétonide de triamcinolone à 10 mg/mL, effectuée avec une seringue Luer-Lock munie d’une aiguille de 30 G, aux points cardinaux Nord-Est-Nord-Ouest-Sud-Est-Sud-Ouest. Deux à trois séances à un mois d’intervalle peuvent être bénéfiques. En l’absence d’amélioration, chez un sujet toujours décidé à voir la fin de son tourment, ou simplement en cas de refus du traitement précédent, on peut envisager, en l’absence d’onycholyse, un badigeonnage du pourtour unguéal, matin et soir, avec une solution de fluoro-5-uracile à 1 % dans du propylène glycol pendant 6 mois, puis de façon discontinue. Ce traitement peut être très irritant. tome // > n8/ > /

La PUVA thérapie ne conserve plus beaucoup d’adeptes. La radiothérapie nécessite un appareillage adéquat, à fenêtre de béryllium, pour effectuer une radiothérapie à bas voltage, 10 à 50 Kv, distribuant un total de 10 Gy par doigt au maximum. Comme la Buckythérapie, elle est réservée à l’adulte de plus de 30 ans. Elle est utilisée couramment en Suisse et en Allemagne dans certains services de dermatologie, à la grande satisfaction de nombreux patients, mais n’empêche pas les récidives. Les bains d’électrons se sont montrés décevants. Ils s’accompagnent, de plus, d’une pigmentation unguéale secondaire brun noir. L’efficacité du « pulsed dye laser » PDL (595 nm) à raison d’une séance par mois [15] s’est avérée comparable à celle de la photothérapie dynamique utilisant l’acide méthylaminolévulinique. Parmi les effets secondaires, on note une douleur transitoire dans les 24 premières heures et un léger purpura du lit des ongles traités, disparaissant en une semaine. Si, pour diverses raisons (psoriasis cutané gênant), le patient souhaite avoir recours à un traitement systémique, l’acitrétine (0,2–0,3 mg/kg/jour) est certainement efficace au bout de 6 mois, sauf dans les formes onycholytiques qu’on risque d’aggraver. Cependant, sa durée, toujours longue, ses effets secondaires, souvent conséquents, et les précautions qu’il nécessite, en font rarement un traitement de choix. De plus, le phénomène de Koebner peut réveiller une paronychie psoriasique latente, exigeant parfois des injections d’acétonide de tramcinolone dans le repli sus-unguéal. Cyclosporine et méthotrexate (MTX) restent en compétition, toutefois, compte tenu des risques encourus, principalement avec la cyclosporine pour le rein et les problèmes d’hypertension artérielle, sans parler de l’hirsutisme, notre préférence se porte sur le MTX que l’on débute à la dose de 15 mg/semaine et que l’on diminue progressivement au bout de 3 mois. Ces deux médications imposent des examens biologiques réguliers. Selon Gümüsel et al. [16], le méthotrexate serait plus efficace sur les lésions d’origine matricielle tandis que la cyclosporine serait plus active sur celles du lit unguéal. L’acide fumarique utilisé en Allemagne n’a pas fait beaucoup d’adeptes en France. Chez la femme, le psoriasis peut bénéficier de tout ce qui précède, en dehors du méthotrexate et de l’acitrétine qui nécessitent une contraception en période d’activité génitale.

Thérapies ciblées L’utilisation au long cours des traitements systémiques n’étant pas dénuée d’effets secondaires, on comprend l’intérêt suscité par les biothérapies qui assurent une maîtrise thérapeutique permanente du psoriasis. Ces agents sont dérivés des technologies de l’ADN recombinant et peuvent être classés en trois grandes catégories, selon leur mécanisme d’action :  anti-TNF-a : infliximab en injection intraveineuse [17] et adalimumab [18,19] en injection sous-cutanée (les plus efficaces sur l’appareil unguéal) ; étanercept [20] que l’on peut même administrer à l’enfant ;

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En cas d’atteinte de la matrice unguéale

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anti-cellules T : aléfacept [21] ; anti-Il-12/23 : ustékinumab en injection sous-cutanée [22].

Existe-t-il une thérapie ciblée de choix pour les patients souffrant de psoriasis unguéal ? Toutes les études ont été réalisées sur un grand nombre de patients mais chacune utilisait une méthodologie légèrement différente et aucune ne comparait les différentes thérapies ciblées entre elles. Il est donc impossible de répondre à la question posée à moins de tenir compte de petites études rétrospectives qui suggèrent que l’infliximab est le plus efficace. En pratique, ces biothérapies, qui donnent habituellement d’excellents résultats dans le psoriasis unguéal, sont préconisées en cas d’association avec une atteinte articulaire ou seulement après échec des traitements systémiques classiques (méthotréxate, ciclosporine, photothérapie) mais à l’exclusion des fumarates et de l’acitrétine. Cependant, il faut reconnaître la possibilité de risques, parfois sévères, au cours des biothérapies, même s’ils sont devenus rares depuis qu’un bilan préthérapeutique s’efforce d’éliminer une infection, en particulier une tuberculose latente ou un cancer passé inaperçu. L’avenir fera le point sur une utilisation optimisée de ces biothérapies (associations, traitements séquentiels, alternance de différents agents), afin d’en augmenter l’efficacité et d’en réduire les risques et le coût. C’est en maintenant un contrôle à long terme qu’on limitera la fréquence des récidives, inévitables et imprévisibles en matière de psoriasis.

Le psoriasis pustuleux L’acitrétine (50 mg/j) est d’une grande efficacité [23]. Toutefois, lorsque l’on diminue la dose on risque une rechute qui peut ne toucher qu’un seul doigt ou qu’un seul orteil. Cette récidive après l’arrêt du traitement est habituellement de

règle. Cependant, l’action conjuguée du calcipotriol, du tazarotène en massage, 2 fois par jour, paraît bénéfique, ainsi que celle des corticoïdes sous occlusion. Le psoriasis pustuleux et l’acrodermatite continue d’Hallopeau sont sensibles à la ciclosporine à doses fortes avec les inconvénients qu’elles comportent ; les doses faibles exigent, en général, leur association aux traitements locaux indiqués. Il faut souligner l’efficacité récemment démontrée d’une pommade au tacrolimus à 0,1 % en monothérapie prolongée [24].

Infection mycosique et psoriasis Les cultures, couplées à un examen histo-mycologique, sont indispensables au moindre doute, la découverte de moisissures ou de levures risquant d’égarer le diagnostic. L’expérience montre que les dermatophytes sont rares aux ongles des doigts, mais non exceptionnels aux orteils. Ces associations fongiques favorisent une réaction isomorphique. C’est pourquoi les dispositifs transunguéaux antifongiques que nous complétons volontiers par un traitement systémique en présence de dermatophytes semblent avoir trouvé dans le psoriasis un débouché à leur mesure à la condition de procéder préalablement au débridement de la kératine pathologique avec ou sans kératolyse à l’urée à 40 %.

Conclusion Il reste le problème thérapeutique encore non résolu des PsA infracliniques à l’atteinte strictement unguéale, surtout à type d’onycholyse. La sonographie, l’IRM et la scintigraphie sont susceptibles de détecter une affection articulaire naissante. Le choix des traitements dépendra donc des spécificités de chaque patient et de l’avis du rhumatologue. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Mise au point

Pathologie unguéale

[How to diagnose and treat psoriasis of the nails].

Psoriasis is an inherited chronic hyper proliferative autoimmune disease. Nail involvement is common and is found in 61% of cases of cutaneous psorias...
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