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Mise au point

Analyse histologique et moléculaire des métastases cérébrales夽 Histological and molecular analysis of brain metastases E. Lechapt Zalcman a,∗,b , C. Bazille a , A. Rousseau c , F. Burel-Vandenbos d , J.-Y. Pierga e a

Laboratoire d’anatomie pathologique, centre hospitalier universitaire de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France CNRS, UMR 6301 ISTCT, CERVOxy, GIP Cyceron, boulevard Henri-Becquerel, BP 5229, 14074 Caen cedex, France c Département de pathologie cellulaire et tissulaire, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49100 Angers, France d Laboratoire central d’anatomie pathologique, centre hospitalier universitaire de Nice, 06000 Nice, France e Département d’oncologie médicale, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 24 novembre 2014 Accepté le 26 novembre 2014 Mots clés : Métastases cérébrales Primitif inconnu Immunohistochimie Biopathologie Marqueurs théranostiques Marqueurs prédictifs Thérapies ciblées

r é s u m é En présence d’une métastase cérébrale, les objectifs du pathologiste sont d’éliminer une tumeur primitive, et d’orienter le clinicien vers un type histologique potentiellement associé à un traitement spécifique. En complément de l’histologie standard, l’étude immunohistochimique est l’outil le plus performant pour préciser le type histologique ou l’origine d’une métastase. Une batterie restreinte d’anticorps est utilisée, en tenant compte des renseignements cliniques et du tropisme cérébral du cancer bronchique, du cancer du sein et du mélanome. L’arsenal thérapeutique s’est récemment enrichi de thérapies ciblées, notamment pour les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules ou de mélanome, et porteurs de certaines anomalies moléculaires (mutation de BRAF V600E, EGFR, etc.). Ces thérapies peuvent donner lieu à des réponses majeures, y compris sur des métastases cérébrales, ce qui justifie de réaliser, sans délai, le statut moléculaire d’une métastase cérébrale. Le pathologiste est au cœur du dispositif mis en place par l’Institut national du cancer (Inca) dans le but d’identifier des marqueurs théranostiques. Cela implique un soin particulier à la phase préanalytique et une bonne gestion de l’échantillon tumoral afin de combiner les différents outils, dans le but d’un rendu de résultats dans des délais optimaux. Cet article fait le point sur la démarche diagnostique anatomopathologique pour les métastases cérébrales, à l’ère des thérapies ciblées. © 2015 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

a b s t r a c t Keywords: Brain metastases Unknown primary site Immunohistochemistry Pathobiology Targeted therapy

The first step in the diagnosis of a metastatic brain lesion is to exclude a primary central nervous sytem tumour, followed by verification or identification of the primary tumor site, in order to guide the clinician to specific therapy. In addition to morphological features, ancillary immunohistochemical study is most effective for the evaluation of a metastatic neoplasm of unknown primary. Although the main principles are same, there are slight variations in the approach to the secondary lesion in the central nervous system versus other regions. Indeed, immunohistochemical approach focuses on the most common tumor types associated with secondary brain colonization: lung cancer, breast cancer and melanoma. Several studies have reported that targeted therapies are capable of reducing brain metastases in melanoma or nonsmall cell lung cancer, sometimes with a high dramatic response. These results have clearly impacted routine neuropathological practice. It is likely that molecular subtyping of central nervous system metastases will play an increasing role in the future. In accordance with the recommendations of Inca (French national cancer institute), the pathologist develops appropriate strategies for molecular and immunohistochemical analysis, in order to provide results as soon as possible. This article summarizes the diagnosic approach to brain metastases, with a focus on the recent emergence of targeted therapies. © 2015 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

夽 Travail soutenu par l’Association des neuro-oncologues d’expression franc¸aise (Anocef) – groupe métastases SNC. Le référentiel Anocef métastases cérébrales est disponible sur le site www.anocef.org. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Lechapt Zalcman). http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2014.11.004 1278-3218/© 2015 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société française de radiothérapie oncologique (SFRO).

Pour citer cet article : Lechapt Zalcman E, et al. Analyse histologique et moléculaire des métastases cérébrales. Cancer Radiother (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2014.11.004

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1. Introduction Les métastases cérébrales représentent 15 à 25 % des tumeurs intracrâniennes de l’adulte diagnostiquées dans un laboratoire d’anatomie pathologique. Dans un tiers des cas, la tumeur primitive est inconnue au moment de l’intervention en neurochirugie [1]. Le développement des thérapies ciblées a modifié la pratique des pathologistes. L’objectif principal du pathologiste est la recherche d’un type histologique tumoral auquel est potentiellement associée une thérapie ciblée. Le transfert rapide vers une plateforme de génétique moléculaire des cancers, soutenu par l’Institut national du cancer (Inca), est une demande pressante des oncologues pour une prise en charge rapide et optimale des patients atteints de métastases cérébrales. 2. Étape préanalytique : conditionnement du prélèvement La prise en charge des fragments tissulaires doit répondre aux procédures d’assurance qualité de l’Association franc¸aise d’assurance qualité en anatomie pathologique (Afaqap), publiées par la Haute Autorité de santé (HAS) et l’Inca [2]. Le prélèvement doit être adressé sans délai, si possible non fixé au laboratoire d’anatomie pathologique, un fragment étant cryopréservé en vue d’une éventuelle analyse moléculaire. La cryopréservation à visée sanitaire est recommandée mais non exigée du fait de la validation des tests moléculaires des thérapies ciblées sur les tissus fixés en formol et inclus en paraffine [2]. L’échantillon tissulaire est fixé en formol tamponné pour une durée supérieure à 24 heures et dans la mesure du possible, inférieure à 48 heures, puis inclus en paraffine. Le pathologiste sélectionne le bloc le plus représentatif pour réaliser les investigations complémentaires. L’accès aux données cliniques, radiologiques et biologiques est souvent indispensable pour éviter les investigations systématiques qui épuisent le matériel et peuvent déboucher sur des errances diagnostiques [3,4]. La réalisation des techniques moléculaires nécessite un pourcentage minimal de cellules tumorales. Le seuil critique dépend de l’anomalie moléculaire recherchée et de la technique utilisée. Une macrodissection est parfois nécessaire afin d’enrichir l’échantillon en ADN tumoral. 3. Stratégie spécifique selon le type histologique 3.1. Tumeur maligne indifférenciée primitive ou secondaire Trente à 40 % des métastases cérébrales sont uniques et peuvent en imposer pour une tumeur primitive du système nerveux central. La première étape du diagnostic consiste donc à éliminer une tumeur primitive. Par ailleurs, 11 % des patients atteints d’un cancer avec une lésion cérébrale unique le sont d’une lésion non métastastique, le plus souvent un gliome de haut grade, et la connaissance d’un premier cancer n’exclut pas la survenue d’une métastase cérébrale révélatrice d’un second cancer jusqu’alors inconnu [5,6]. Lorsque le diagnostic différentiel entre une tumeur primitive du système nerveux central et une localisation secondaire est difficile, le pathologiste doit s’assurer du bon échantillonnage de la tumeur qui peut nécessiter l’inclusion de l’ensemble du matériel. Les glioblastomes épithélioïdes ou rhabdoïdes peuvent à l’examen histologique en imposer pour une métastase d’un carcinome ou d’un mélanome [4,6]. L’expression immunohistochimique de marqueurs de cellules gliales comme la GFAP (glial fibrillary acidic protein), ou OLIG2 (facteur de transcription oligodendrocyte 2) est un argument fort en faveur d’une tumeur cérébrale primitive. Le diagnostic de mélanome est parfois difficile, en particulier dans les formes achromiques. L’utilisation des anticorps dirigés contre HMB-45, melan-A/MART-1 (melanoma antigen recognized

by T-cells-1), tyrosinase, ou PLN2 est préconisée pour confirmer le diagnostic de mélanome, potentiellement accessible à une thérapie ciblée par inhibiteur de BRAF en cas de mutation de ce gène [7]. La protéine S100, plus sensible (exprimée par plus de 90 % des tumeurs mélanocytaires) mais peu spécifique, ne présente qu’un intérêt limité. Il faut connaître les réactivités croisées d’anticorps de référence utilisés en pathologie générale ; comme l’expression de la protéine S100 ou de CD56 par de nombreuses tumeurs du système nerveux central, ou celles de marqueurs épithéliaux (EMA, AE1/AE3) par des tumeurs gliales [1,3,4]. Plus rarement, une tumeur germinale, une tumeur primitive neuroectodermique (PNET), un hémangioblastome peuvent mimer une métastase cérébrale. Une vraie différenciation épithéliale est observée dans de rares tumeurs du système nerveux central qui peuvent poser des problèmes de diagnostic différentiel avec une métastase : le carcinome des plexus choroïdes, qui reste exceptionnel chez l’adulte, ou la tumeur papillaire de la région pinéale, récemment individualisée. 3.2. Orienter vers un type histologique accessible à un traitement spécifique Nous n’aborderons ici que les métastases intraparenchymateuses, les localisations leptoméningées étant exclues. Chez les patients atteints d’une métastase cérébrale, l’enquête diagnostique doit rechercher en priorité un type histologique tumoral accessible à un traitement spécifique. La corrélation anatomoclinique (âge, imagerie, etc.) réduira le spectre des diagnostics envisageables. La plupart des cancers ont un profil métastatique bien identifié avec une certaine spécificité d’organe. Ainsi, chez l’adulte, les cancers responsables de métastases cérébrales intraparenchymateuses sont par ordre de fréquence décroissante : le cancer du poumon (36–64 %), le cancer du sein (15–25 %) et le mélanome (5–20 %) [8]. D’autres cancers fréquents dans la population générale tels que ceux du côlon s’accompagnent moins souvent de métastases cérébrales [8]. Le diagnostic peut être orienté dès l’analyse macroscopique (mélanome, rein) mais repose essentiellement sur l’analyse histologique. Habituellement, la métastase reproduit l’aspect histologique de la tumeur primitive avec parfois un degré de différenciation moindre. La grande majorité des métastases cérébrales sont des adénocarcinomes, identifiés par une analyse histologique standard (architecture glandulaire et mucosécrétion) qui permet de les distinguer d’un carcinome épidermoïde, d’un carcinome à petites/grandes cellules avec différenciation neuroendocrine, ou d’un carcinome non à petites cellules sans autre spécification. En complément de l’analyse morphologique, l’étude immunohistochimique adaptée aux hypothèses diagnostiques reste l’outil le plus performant pour préciser le type histologique ou l’origine d’une métastase cérébrale. Une batterie restreinte d’anticorps est utilisée, en tenant compte des renseignements cliniques et selon un arbre décisionnel inspiré de la pathologie générale (Fig. 1) [3,4,6]. Les procédures d’assurance qualité doivent garantir un examen fiable évitant les faux positifs et les faux négatifs. Des problèmes liés au prélèvement peuvent survenir : nécrose, réaction inflammatoire. 3.2.1. Adénocarcinome Le cancer bronchopulmonaire est la première cause de métastase cérébrale mais également la principale étiologie de métastase cérébrale révélatrice, y compris chez la femme non fumeuse [9]. Le tropisme du cancer bronchique non à petites cellules pour le cerveau varie avec le sous-type histologique ; il est plus élevé pour les adénocarcinomes (54,8 %) et les carcinomes peu différenciés (31,7 %) que pour les carcinomes épidermoïdes [9]. Le traitement de l’adénocarcinome pulmonaire a bénéficié ces dernières années d’avancées thérapeutiques majeures. À l’inverse, celui du

Pour citer cet article : Lechapt Zalcman E, et al. Analyse histologique et moléculaire des métastases cérébrales. Cancer Radiother (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2014.11.004

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Fig. 1. Démarche diagnostique en présence d’une métastase cérébrale intégrant les données immunohistochimiques et la recherche de marqueurs théranostiques. IHC : immunohistochimie ; GFAP : glial fibrillary acidic protein ; HMB45 : human melanoma black 45 ; BRAF : sérine/thréonine protéine kinase B-raf ; NRAS : GTPase N-ras ; CKIT : mast/stem cell growth factor receptor Kit ; EGFR : epidermal growth factor receptor ; HER2 : récepteur tyrosine protéine kinase erbB-2 ; TTF : thyroid transcription factor ; ALK : anaplastic lymphoma kinase ; ROS1 : c-ros oncogene 1, récepteur tyrosine kinase ; RET : proto-oncogène RET, récepteur tyrosine kinase ; ADK : adénocarcinome ; CK : cytokératine ; GATA3 : trans-acting T-cell-specific transcription factor GATA-3 ; RE : récepteur des estrogènes ; RP : récepteur de la progestérone ; PSA : antigène spécifique de la prostate ; CA125 : ovarian cancer antigen 125, mucine 16 ; TG : thyroglobuline ; PLAP : phosphatase alcaline placentaire ; ␣fœto : alphafœtoprotéine ; ␤HCG : hormone chorionique gonadotrope humaine ; NE : carcinome neuroendocrine.

Pour citer cet article : Lechapt Zalcman E, et al. Analyse histologique et moléculaire des métastases cérébrales. Cancer Radiother (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2014.11.004

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carcinome épidermoïde reste quasi inchangé et les thérapies ciblées tardent à venir. Les cancers d’origine pulmonaire, comme la plupart des adénocarcinomes du sein ou d’autres origines, expriment la cytokératine 7 sans exprimer la cytokératine 20 (phénotype CK7+/CK20−), et d’autres marqueurs d’organe sont nécessaires [1,3,4,6]. TTF1 (thyroid transcription factor), marqueur des tissus d’origine pulmonaire et thyroïdienne (normaux ou tumoraux), est exprimé par 80 % des adénocarcinomes non mucineux primitifs du poumon. Une métastase cérébrale d’adénocarcinome exprimant TTF1, opérée ou biopsiée, doit faire réaliser sans délai le bilan moléculaire préconisé par l’Inca pour l’accès aux thérapies ciblées (selon leur autorisation de mise sur le marché, ou en essai clinique) comme la recherche de mutation des gènes EGFR (epidermal growth factor receptor), KRAS, BRAF et HER2 (Human epidermal growth factor receptor 2) ou de translocation des gènes ALK (anaplastic lymphoma kinas) ou ROS1, et ce même si le cancer primitif a déjà fait l’objet d’une telle recherche. En effet, il peut exister une hétérogénéité moléculaire entre la métastase et la tumeur primitive ou l’apparition de mutations secondaires conférant une résistance au traitement. TTF1 est également exprimé par 90 % des carcinomes neuroendocrines à petites cellules et 50 % des carcinomes neuroendocrines à grandes cellules d’origine pulmonaire. En cas de suspicion de carcinome neuroendocrine, on recherchera une positivité des marqueurs neuroendocrines (CD56, chromogranine A, synaptophysine) et une expression en dot de la pancytokératine AE1/AE3. Il faut garder à l’esprit qu’il n’existe pas de marqueur absolu, ce d’autant que les métastases cérébrales peuvent présenter des phénotypes aberrants [3,4,6]. Une expression focale de TTF1 a été décrite dans des carcinomes mammaires. Enfin, l’absence d’expression de TTF1 n’élimine pas une métastase cérébrale d’un carcinome bronchique non à petites cellules, car l’expression de TTF1 n’est pas toujours conservée entre la tumeur primitive et la métastase, et 20 % des adénocarcinomes primitifs pulmonaires ne l’expriment pas. L’anti-napsin A peut aider à identifier une petite fraction de ces adénocarcinomes n’exprimant pas TTF1 [10]. Si une métastase cérébrale de cancer du sein est suspectée, l’expression des récepteurs hormonaux (récepteurs des estrogènes et récepteurs de la progestérone) est recherchée du fait des implications thérapeutiques mais également à visée diagnostique bien qu’elle ne soit pas spécifique (observée dans les adénocarcinomes de l’ovaire, de l’endomètre ou bronchopulmonaires chez la femme) [4,6,8]. Par ailleurs, les cancers du sein expriment fréquemment la mammaglobine, le GCDFP15 (gross cystic disease fluid protein-15) et GATA3 [11]. La surexpression en immunohistochimie de la protéine HER2 (reflet d’une amplification de l’oncogène HER2/cERBB2) est recherchée à visée thérapeutique et pronostique. Des discordances entre le statut HER2 de la tumeur primitive et de la métastase cérébrale étant observées dans 5 à 10 % des cas, ce statut est réévalué systématiquement dans les localisations secondaires [12]. Parmi les différents sous-types moléculaires des cancers du sein, les tumeurs surexprimant HER2 et les tumeurs dites « basal-like/triple négatives » (définies par l’absence d’expression de HER2 et des récepteurs des estrogènes et de la progestérone) se caractérisent par l’incidence la plus élevée de métastases cérébrales. Les tumeurs « triple négatives » de pronostic défavorable, souvent peu différenciées, expriment dans 80 % des cas, les cytokératines 5/6/14 (marqueurs des cellules basales/myoépithéliales des acini glandulaires), également utilisées en pathologie générale pour conforter le diagnostic de carcinome épidermoïde peu différencié [13]. Le pathologiste doit en tenir compte dans sa conclusion. Le diagnostic de métastase cérébrale d’adénocarcinome colorectal est souvent évoqué sur l’aspect histologique et conforté par le profil immunohistochimique (CK20+/CK7−), y compris dans les formes peu différenciées. CDX2, facteur de transcription spécifique de l’épithélium intestinal adulte, est également un marqueur en

faveur d’un cancer primitif colorectal. Une origine primitive colique implique la recherche d’une mutation activatrice des gènes Ras qui entraîne une activation constitutive de la voie de signalisation du récepteur de l’EGF.

3.2.2. Carcinome épidermoïde Le diagnostic de carcinome épidermoïde repose sur l’analyse histologique classique (ponts d’union intercellulaires et kératinisation). Si l’expression en immunohistochimie des cytokératines 5/6 ou de p40 (plus spécifique que p63, exprimé par 26 à 65 % des adénocarcinomes) peut être recherchée pour conforter une différenciation épidermoïde [11,14], aucun marqueur ne permet d’en préciser l’origine pulmonaire ou autre. Les marqueurs de différenciation malpighienne comportent également CK34E12, et desmocollin-3 ; TTF1 n’est pas exprimé par les carcinomes épidermoïdes. La coexistence de critères morphologiques et/ou immunohistochimiques de carcinome épidermoïde et d’adénocarcinome fait évoquer la possibilité d’un carcinome adénosquameux d’origine pulmonaire ou gynécologique basse. En pratique, en présence d’une métastase cérébrale d’un carcinome non à petites cellules, sans autre spécification, la probabilité d’une origine bronchopulmonaire est très élevée et ce, quel que soit le sexe. La recherche de mucines et l’immunohistochimie avec le couple TTF1 et p40 résout la majorité des situations. Si un cancer primitif mammaire est évoqué, le couple TTF1 et GATA3 serait le plus pertinent [11]. Le pannel CK7/CK20 est moins utile qu’en pathologie générale, car parmi les cancers à tropisme cérébral, nombreux sont ceux qui, comme les carcinomes bronchiques non à petites cellules ou le cancer du sein, ont un phénotype CK7+/CK20−. Devant une métastase cérébrale révélatrice d’un carcinome peu différencié, il faut privilégier le diagnostic histologique et la recherche du cancer primitif jusqu’à un certain point, et réaliser rapidement le statut moléculaire de cette métastase cérébrale. Compte tenu du tropisme du carcinome bronchique non à petites cellules pour le cerveau, le pathologiste doit transmettre sans délai les échantillons à la plateforme de biologie moléculaire, à la recherche de biomarqueurs spécifiques du cancer du poumon même si l’origine bronchopulmonaire n’est pas prouvée (non-expression de TTF1).

4. Biopathologie moléculaire Le pathologiste peut être amené à prescrire la recherche des biomarqueurs moléculaires pour aider à la prise en charge thérapeutique (Fig. 1). La liste des biomarqueurs à rechercher est fonction de l’origine de la métastase, du type histologique et des thérapeutiques disponibles [15]. Comme mentionné plus haut, dans le cas de métastases cérébrales de mélanome, les patients peuvent bénéficier d’une recherche de mutation BRAF V600 et dans le cancer du sein, d’une recherche d’amplification du gène HER2. En présence de métastase cérébrale de carcinome bronchique non à petites cellules non épidermoïde, la recherche de mutation du gène EGFR ou de réarrangement des gènes ALK et ROS1 doit être réalisée du fait des thérapeutiques ciblant ces altérations. De même, il est justifié de réaliser le statut moléculaire de toute métastase cérébrale de carcinome bronchique non à petites cellules non épidermoïde, prouvée ou suspectée, mais également si le site primitif reste inconnu et ce quels que soient le sexe, l’âge et le statut tabagique du patient. Dans le cadre des programmes annuels « biomarqueurs émergents de l’Inca », l’analyse d’autres biomarqueurs peut également être réalisée de fac¸on systématique par les plateformes de biologie moléculaire et conditionner l’accès à des essais cliniques : mutations BRAF, HER2, réarrangements de ROS1 ou RET et amplification de MET dans le cancer du poumon, mutations BRAF, NRAS et KIT

Pour citer cet article : Lechapt Zalcman E, et al. Analyse histologique et moléculaire des métastases cérébrales. Cancer Radiother (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2014.11.004

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dans le mélanome (recommandations de l’Inca). La liste des essais en cours est disponible sur le site de l’Inca [15]. Le cerveau semble être le principal site de rechute chez les patients atteints de carcinome bronchique non à petites cellules exprimant ALK traité par crizotinib, avec un taux de progression cérébrale de près de 50 % rapporté dans une série rétrospective [16]. Le pourcentage de patients atteints d’un carcinome bronchique non à petites cellules présentant une mutation du gène EGFR en Europe est estimé à environ 15 % [17]. Ces mutations sont dites activatrices car elles confèrent une sensibilité aux inhibiteurs de tyrosine kinase de EGFR et sont, de ce fait, recherchées systématiquement. Les carcinomes bronchiques non à petites cellules présentant une mutation pour EGFR seraient associés à un risque plus élevé de développer des métastases cérébrales que ceux non mutés, avec une fréquence d’apparition de métastases cérébrales de 64 % et 31 %, respectivement, et leur nombre serait plus élevé en cas de mutation de l’EGFR. Les mécanismes de résistance secondaire sont un peu mieux connus. La mutation T790 de l’exon 20 faisant perdre la sensibilité des cellules tumorales aux inhibiteurs de tyrosine kinase semblerait être un des mécanismes les plus fréquents de résistance (50 % des cas) [17]. D’autres mécanismes ont été mis en évidence comme l’amplification de c-MET (5 %), l’amplification d’EGFR (5 %), la mutation PIK3CA (5 %), une différenciation en cancer à petites cellules, la transition épithélio-mésenchymateuse, et les mutations de BRAF. Dans les carcinomes bronchiques non à petites cellules épidermoïdes, certaines équipes commencent à s’intéresser à la recherche d’altérations moléculaires accessibles à un traitement ciblé, comme l’amplification de FGFR1 (fibroblast growth factor receptor 1), qui code pour l’un des sous-types de la famille des récepteurs FGFR à tyrosine kinase. La région chromosomique 8p12 portant le locus du gène FGFR1 est amplifiée dans environ 20 % des carcinomes bronchiques non à petites cellules épidermoïdes et apparaît rare dans des carcinomes bronchiques non à petites cellules d’autres histologies, tels que les adénocarcinomes (moins de 2 %) [18,19]. Chez les patients atteints de métastase cérébrale de carcinome bronchique non à petites cellules, l’amplification de FGFR1 est retrouvée dans 19 % des carcinomes épidermoïdes et de fac¸on étonnante dans 15 % des adénocarcinomes [20]. Des modifications du nombre de copies du gène ont été mises en évidence avec différentes techniques, dont l’hybridation in situ fluorescente (FISH) [18,20], la signification clinique des seuils de positivité des tests reste à déterminer. Dans le cas de métastases cérébrales de mélanome, la recherche de mutation BRAF V600 est recommandée. En effet, 50 à 60 % des mélanomes cutanés ont une mutation BRAF et 15 % d’entre eux sont porteurs d’une mutation de NRAS [21]. Plus de 90 % des mutations BRAF sont de type V600E (plus rarement V600K). Elles induisent l’activation constitutive de la voie des MAP (mitogen-activated protein) kinases favorisant la croissance cellulaire, l’invasion et finalement, les métastases. Des inhibiteurs sélectifs de la mutation BRAF V600E dont le vemurafenib (Zelboraf® ) ou le dabrafenib (Tafinlar® ) sont disponibles [21]. Actuellement, l’identification des mutations BRAF repose sur des techniques de biologie moléculaire, l’utilisation d’un anticorps spécifique anti-BRAF V600E (clone VE1) n’ayant pas été validée [22]. Des résistances secondaires apparaissent mais d’autres thérapies ciblées (inhibiteurs sélectifs de MEK–MAPK/extracellular-signal-regulated kinase – kinase située sur la même voie de signalisation mais en aval de BRAF) comme le tramétinib ont montré des résultats majeurs en combinaison avec les inhibiteurs de BRAF [21,23]. Si la recherche de mutations BRAF est essentielle à la prise en charge thérapeutique, elle ne constitue pas un outil diagnostique. En effet, les mutations BRAF V600E sont observées dans de nombreuses tumeurs du système nerveux central, notamment dans 10 % des glioblastomes (dans 50 % des glioblastomes épithélioïdes), plus

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de 60 % des gangliogliomes et xanthoastrocytomes pléomorphes, 5 % des métastases cérébrales de cancers du côlon, et 1 à 4 % de celles de carcinome bronchique non à petites cellules où elles pourraient constituer une cible thérapeutique [24]. Une extension du programme Acsé (Accès sécurisé aux thérapies ciblées) de l’Inca propose de tester différentes pathologies tumorales à la recherche de ces mutations et permet l’utilisation d’un anti-BRAF [15]. 5. Conclusion Les thérapies ciblées sont entrées dans l’arsenal thérapeutique des métastases cérébrales. La nécessité de rechercher les biomarqueurs théranostiques a modifié les pratiques des pathologistes. Il revient au pathologiste d’utiliser toutes les techniques à sa disposition (immunohistochimie, FISH, etc.) et les plateformes de génétique moléculaire de la manière la plus efficace. Cela implique notamment un soin particulier à la phase préanalytique (délai d’acheminement, fixation du matériel, etc.) comme à la gestion du matériel tumoral afin de combiner les différents outils, dans le but d’un rendu de résultats dans des délais optimaux. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements Groupe de travail métastases SNC Anocef (par ordre alphabétique) : Antoine Carpentier (Paris), Frédéric Dhermain (Paris), Le Emilie Rhun (Lille), Emmanuel Mandonnet (Paris), Philippe Metellus (Marseille), Georges Noël (Strasbourg), Nicolas Reyns (Lille), Sophie Taillibert (Paris). Participation au référentiel (par ordre alphabétique) : Guillaume Gauchotte (Nancy), Catherine Génestie (Paris), Claude Alain Maurage (Lille), Catherine Miquel (Paris), Karima Mokhtari (Paris), Emmanuelle Uro-Coste (Toulouse), Gabriel Viennet (Besanc¸on), Jean-Michel Vignaud (Nancy). Références [1] Drlicek M, Bodenteich A, Urbanits S, Grisold W. Immunohistochemical panel of antibodies in the diagnosis of brain metastases of the unknown primary. Pathol Res Pract 2004;200:727–34. [2] Anon. Conservation et utilisation des échantillons tumoraux en cancérologie – actualisation 2011 des indications et recommandations aux tumorothèques. Boulogne-Billancourt: Institut national du cancer; 2011 [collection Référentiels et Recommandations, disponible en ligne à l’adresse : http://www.e-cancer.fr]. [3] Lesimple T, Voigt JJ, Bataillard A, Coindre JM, Culine S, Lortholary A, et al. Recommandations pour la pratique clinique : standards, options et recommandations 2002 pour le diagnostic des carcinomes de site primitif inconnu. Bull Cancer 2003;90:1071–96. [4] Becher MW, Abel TW, Thompson RC, Weaver KD, Davis LE. Immunohistochemical analysis of metastatic neoplasms of the central nervous system. J Neuropathol Exp Neurol 2006;65:935–44. [5] Patchell RA, Tibbs PA, Walsh JW, Dempsey RJ, Maruyama Y, Kryscio RJ, et al. A randomized trial of surgery in the treatment of single metastases to the brain. N Engl J Med 1990;322:494–500. [6] Pekmezci M, Perry A. Neuropathology of brain metastases. Surg Neurol Int 2014;4:S245–55. [7] Ordonez NG. Value of melanocytic-associated immunohistochemical markers in the diagnosis of malignant melanoma: a review and update. Hum Pathol 2014;45:191–205. [8] Preusser M, Capper D, Ilhan-Mutlu A, Berghoff AS, Birner P, Bartsch R, et al. Brain metastases: pathobiology and emerging targeted therapies. Acta Neuropathol 2012;123:205–22. [9] Jin J, Zhou X, Liang X, Huang R, Chu Z, Jiang J, et al. Brain metastases as the first symptom of lung cancer: a clinical study from an Asian medical center. J Cancer Res Clin Oncol 2013;139:403–8.

Pour citer cet article : Lechapt Zalcman E, et al. Analyse histologique et moléculaire des métastases cérébrales. Cancer Radiother (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2014.11.004

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ARTICLE IN PRESS E. Lechapt Zalcman et al. / Cancer/Radiothérapie xxx (2015) xxx–xxx

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Pour citer cet article : Lechapt Zalcman E, et al. Analyse histologique et moléculaire des métastases cérébrales. Cancer Radiother (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2014.11.004

[Histological and molecular analysis of brain metastases].

The first step in the diagnosis of a metastatic brain lesion is to exclude a primary central nervous sytem tumour, followed by verification or identif...
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