Pour citer cet article : Brissot P, Hémochromatoses : un monde qui change, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.014. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Éditorial

Presse Med. 2014; //: /// ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Hémochromatoses : un monde qui change [TD$FIRSNAME]Pierre[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Brissot[TD$SURNAME.]

Centre de référence des surcharges en fer rares d’origine génétique, CHU de Rennes, hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France Disponible sur internet le : [email protected]

Hemochromatoses: A changing world

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ue de changements, en effet, depuis la description syndromique princeps de Trousseau, il y a un siècle et demi. . .

Les grandes évolutions du passé récent Évolutions nosologiques et sémantiques [1] On doit désormais parler d’hémochromatoses au pluriel. En effet, les découvertes génétiques ont permis, à côté de l’hémochromatose classique liée au gène HFE [2], d’identifier plusieurs affections voisines non liées à ce gène. Le terme d’hémochromatose peut aujourd’hui être assimilé à la notion de surcharge en fer d’origine génétique, rendant, par là même, caduque l’appellation d’hémochromatose secondaire. Évolutions épidémiologiques L’hémochromatose liée au gène HFE est l’une des affections génétiques les plus fréquentes mais limitée aux sujets caucasiens alors que les hémochromatoses non HFE [3] sont rares mais sans restriction ethnique. L’homozygotie C282Y est une condition nécessaire mais non suffisante au développement de « l’hémochromatose maladie » qui ne surviendrait que chez moins de 30 % des hommes et chez environ 1 % des femmes. Évolutions physiopathologiques et mécanistiques

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Alors que pendant très longtemps, le seul couple protéique impliqué a été la transferrine (protéine de transport du fer circulant) et la ferritine (protéine de stockage cellulaire), un autre couple majeur a été identifié. Il s’agit de l’hepcidine, protéine circulante correspondant à « l’hormone du fer » [4,5], et de la ferroportine, protéine cellulaire, qui est physiologiquement le « bras armé » de l’hepcidine pour diminuer l’export cellulaire du fer [6].

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Pour citer cet article : Brissot P, Hémochromatoses : un monde qui change, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.014.

P Brissot

Ainsi, deux grands groupes d’hémochromatoses peuvent être distingués. Le premier est en rapport avec une hepcidinodéficience qui, en augmentant – via une hyperactivité de la ferroportine – la sortie du fer cellulaire depuis les entérocytes et les macrophages spléniques, augmente le fer sérique et donc le coefficient de saturation de la transferrine et aboutit, du fait de l’apparition d’une nouvelle forme de fer circulant (appelé fer non lié à la transferrine ou FNLT [7]), à l’accumulation de fer dans les divers parenchymes. C’est le cas de l’hémochromatose HFE mais aussi de l’hémochromatose juvénile en rapport avec des mutations des gènes codant HJV (hémojuvéline) ou HAMP (hepcidine), de l’hémochromatose par mutations du gène TFR2 (récepteur de la transferrine de type 2) ou de l’hémochromatose par mutations du gène SLC40A1 de la ferroportine (dans son sous-type rare qui conduit à une inefficacité de l’effet de l’hepcidine). Le second groupe d’hémochromatoses est en rapport avec un défaut d’export cellulaire du fer lié à des mutations du gène de la ferroportine (dans la forme habituelle responsable d’un défaut d’export cellulaire du fer) ou à des mutations du gène de la céruloplasmine (acéruloplasminémie héréditaire). Dans ce second groupe, la surcharge en fer est liée non à une hyperentrée de fer dans les cellules mais à un défaut de sortie avec en conséquence une surcharge en fer sans élévation du fer sérique ni de la saturation de la transferrine. Concernant la toxicité du fer, un rôle majeur est attribué au fer plasmatique réactif (FPR) qui est une forme de FNLT qui se caractérise par sa propension à produire des espèces radicalaires oxygénées et correspond à la fraction potentiellement toxique du fer circulant. On peut ainsi comprendre pourquoi les surcharges par hepcidino-déficience, qui sont les seules susceptibles de donner lieu à du FPR, s’avèrent dans l’ensemble plus délétères que les surcharges par ferroportino-déficience. Évolutions diagnostiques La donnée marquante a été que le diagnostic d’hémochromatose repose désormais sur une démarche essentiellement non invasive car basée sur la clinique, la biologie (saturation de la transferrine, ferritine, tests génétiques) et l’imagerie. L’« IRMFer » est devenu un outil précieux non seulement pour quantifier l’excès en fer mais aussi pour orienter vers le type de surcharge génétique en cause (une rate sans excès de fer étant le fait des surcharges par hepcidino-déficience à la différence des surcharges par ferroportino-déficience). Évolutions thérapeutiques

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Grâce aux avancées physiopathologiques, il est possible de mieux comprendre pourquoi le traitement déplétif par soustractions veineuses répétées (« saignées ») est si efficace et si bien toléré dans les hémochromatoses par hepcidino-déficience alors qu’il l’est sensiblement moins, voire est contreindiqué, dans les surcharges par ferroportino-déficience. En effet, les possibilités de recyclage cellulaire du fer de stockage

sont très grandes dans le premier cas alors que, dans le second, le « relargage » du fer post-saignée est déficient, voire absent.

Les grandes questions restantes et évolutions attendues Sur le plan nosologique Y a-t-il encore place pour la découverte de nouveaux gènes d’hémochromatoses ? Bien que la très grande majorité des surcharges génétiques entrent dans les cadres à ce jour décrits, il persiste d’authentiques situations cliniques qui suggèrent l’implication d’autres gènes. Sur le plan épidémiologique Quels sont les facteurs, génétiques et/ou acquis, qui déterminent, à partir d’un génotype donné, l’expression phénotypique en termes non seulement de surcharge en fer mais aussi de cible tissulaire préférentielle. Autrement dit, pourquoi, à « égalité de génotype », certains sujets développent-ils un excès en fer et d’autres moins (voire pas du tout) et pourquoi, à « égalité d’excès en fer », certains développent plus une arthropathie, un diabète, une hépatopathie ou une cardiopathie ? Sur le plan physiopathologique Si le rôle majeur du foie dans l’hémochromatose HFE a pu être démontré chez l’homme [8] et si la nature des cascades moléculaires reliant les mutations non HFE à l’hepcidino-déficience est de mieux en mieux connue, une inconnue majeure demeure celle du lien exact entre les mutations HFE – homozygotie p.Cys282Tyr (C282Y) – et l’induction du signal conduisant au déficit de synthèse en hepcidine. Quels sont les mécanismes sous-tendant l’atteinte articulaire si invalidante et si peu répondeuse au traitement par saignées ? Comment explique-t-on « l’impunité du cerveau » dans l’immense majorité de ces surcharges génétiques systémiques ? Sur le plan diagnostique Quelle sera la place du dosage de l’hepcidinémie ou du dosage des nouvelles formes de fer circulant, dosages restant actuellement du domaine de la recherche clinique ? Dans le sillage des techniques de séquençage à haut débit, il va s’agir de reconnaître, parmi le nombre croissant de mutations appelées à être mises en évidence, celles qui sont susceptibles d’être délétères [9]. Sur les plans thérapeutique et préventif L’avenir, pour les hémochromatoses par hepcidino-déficience, est bien sûr représenté par la supplémentation en hepcidine dont l’intérêt est d’ores et déjà fortement suggéré par des résultats expérimentaux prometteurs [10]. tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Brissot P, Hémochromatoses : un monde qui change, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.02.014.

Plus pragmatiquement, sera-t-il enfin possible d’obtenir que tout sujet adulte jeune bénéficie d’un simple dosage plasmatique couplé de la saturation de la transferrine et de la ferritine ?

Conclusion Au total, que de chemin parcouru depuis la description première de 1865, chemin qui permet d’ailleurs, par un curieux retour des choses, de mettre fortement en doute le diagnostic

d’hémochromatose « classique » dans cette observation. En effet, ayant concerné un sujet de 28 ans, avec mélanodermie intense, diabète décompensé et cirrhose hypertrophique, il apparaît plus que probable aujourd’hui que l’on doive considérer cette description comme le premier cas rapporté d’hémochromatose juvénile donc non liée au gène HFE.

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Hémochromatoses : un monde qui change

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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