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Cas clinique

Tumeur glomique de la capsule antérieure du coude. À propos d’un cas Glomus tumor of volar elbow capsule. Case report M. Burnier, L. Erhard * Institut chirurgical de la main et du membre supérieur, 17, avenue Condorcet, 69100 Villeurbanne, France Reçu le 20 mars 2013 ; reçu sous la forme révisée le 2 novembre 2013 ; accepté le 18 novembre 2013 Disponible sur Internet le 11 de´cembre 2013

Résumé Les tumeurs glomiques sont des tumeurs rares, bénignes mais douloureuses et pouvant être responsables d’une gêne fonctionnelle majeure. Même si leur localisation préférentielle reste digitale, 35 % des tumeurs glomiques sont extradigitales. La méconnaissance de cette pathologie caractérisée par des signes cliniques atypiques et l’absence d’imagerie spécifique sont responsables d’un délai diagnostique important, de sept à dix ans dans les formes extradigitales. Le traitement par exérèse chirurgicale simple assure une disparition immédiate des douleurs sans récidive dans près de 90 % des cas. Il apparaît donc nécessaire de souligner l’existence de cette pathologie parfois invalidante bénéficiant d’une solution thérapeutique efficace. Nous rapportons le cas d’une tumeur glomique de la capsule antérieure du coude gauche chez une jeune femme de 24 ans avec un délai diagnostique de 12 ans. # 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Coude ; Tumeur glomique ; Tumeur bénigne

Abstract Glomus tumors are rare tumors, benign but painful and responsible for a major functional impairment. Although their preferential localization is digital, 35% of glomus tumors are extradigital. Ignorance of this disease characterized by atypical clinical signs and the absence of specific imaging are responsible for a significant diagnostic delay, 7 to 10 years in extradigital forms. Treatment by surgical excision simply ensures immediate disappearance of pain without recurrence in 90% of cases. It is therefore necessary to emphasize the existence of this sometimes debilitating condition benefiting from effective therapeutic solution. We report the case of a glomus tumor of the anterior capsule of the left elbow in a 24-yearold woman with a diagnostic delayed by 12 years. # 2013 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Elbow; Glomus tumor; Benign tumor

1. Introduction Le glomus neuromyoartériel, composé de nombreuses anastomoses artérioveineuses, intervient dans la régulation de la microcirculation cutanée et la thermorégulation. La tumeur glomique [1] se développe aux dépens de ce tissu neuromyoartériel que l’on trouve principalement aux extrémités. Il existe également des tumeurs glomiques extradigitales, rares et

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Erhard). 1297-3203/$ – see front matter # 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.11.004

habituellement bénignes [2,3]. Si la présentation clinique des formes digitales est assez bien codifiée, les formes extradigitales sont moins connues et les patients sont souvent catalogués « douloureux chroniques » voire « psychiatriques ». Le diagnostic de ces tumeurs, à la fois clinique et paraclinique, est un véritable défi. L’objectif de ce travail est de rappeler la présentation clinique et les examens paracliniques permettant de mener au diagnostic de tumeur glomique, en rapportant le cas d’une tumeur glomique de la capsule antérieure du coude gauche.

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2. Cas clinique Il s’agissait d’une femme de 24 ans, droitière, qui présentait des douleurs associées à une raideur du coude gauche évoluant depuis 12 ans. On notait dans ses antécédents un traumatisme du coude gauche à l’âge de neuf ans, traité par une immobilisation plâtrée d’un mois avec retour à un état antérieur sans séquelle. À l’âge de 12 ans, de manière concomitante à ses débuts de compétition en patinage artistique, la patiente a présenté des douleurs nocturnes et à l’effort du coude gauche, associées à une raideur d’installation progressive. À l’âge de 18 ans, ces douleurs l’avaient amenée à consulter un chirurgien orthopédiste, qui n’avait pas objectivé de tuméfaction palpable ni d’hypersensibilité au froid. Il était noté une gêne fonctionnelle importante avec une limitation des amplitudes (flessum de 508). Les examens complémentaires (radiographies, arthroscanner, IRM non injectée du coude gauche ou encore l’électroneuromyogramme) étaient normaux. En revanche, une scintigraphie osseuse corps entier concluait à une atteinte articulaire huméroulnaire gauche avec une composante inflammatoire marquée (hyperfixation à la phase tardive au niveau de l’interligne huméro-ulnaire associée à une hyperfixation du poignet ipsilatéral). Une infiltration n’avait apporté aucune amélioration. Devant l’absence de diagnostic et donc de solution thérapeutique, la patiente avait été perdue de vue. Cinq ans après ce premier bilan, la persistance de douleurs mécaniques associées à un flessum antalgique responsable d’une gêne majeure ont amené la patiente à consulter à nouveau. À l’examen clinique, on trouvait une douleur aux mouvements avec une aggravation des limitations d’amplitudes. La flexion était limitée à 1058 et l’extension à 708. La pronation-supination était libre. Il n’avait pas été relevé d’atteinte neurologique ni vasculaire. Il n’existait pas d’hypersensibilité au froid, mais une sensibilité aux variations climatiques. L’état général de la patiente était conservé sans autre atteinte systémique. L’IRM injectée du coude gauche objectivait un épaississement de la synoviale antérieure à hauteur du versant latéral du compartiment huméro-ulnaire, associé à une prise de contraste intense après injection de gadolinium (Fig. 1). L’échographie mettait en évidence une lésion de la capsule antérieure du coude gauche hypoéchogène homogène, oblongue à contours nets, non hypervascularisée de 13  8 mm. Une microbiopsie de la lésion du coude gauche par voie latérale guidée sous scanner permettait de faire le diagnostic de tumeur glomique de la capsule antérieure du coude gauche. L’examen histologique objectivait une prolifération cellulaire bien limitée composée de cellules de petite taille, rondes, hétérogènes sans atypies cytonucléaires. Des structures vasculaires de taille et d’épaisseur variables s’associaient à cette population cellulaire. L’examen immunohistochimique montrait des éléments caractéristiques des tumeurs glomiques, à savoir la présence d’actine musculaire lisse et de collagène IV, et l’absence de protéine S100, de cytokératine ou de desmine. Une prise en charge chirurgicale sous anesthésie locorégionale par une voie d’abord latérale en passant entre les

Fig. 1. IRM T1 coupe horizontale du coude gauche sans (a) puis avec injection de gadolinium (b).

muscles épicondyliens latéraux permettait une capsulectomie antérieure avec une exérèse complète d’une tuméfaction bien limitée de couleur rouge au sein de cette capsule (Fig. 2). Les amplitudes peropératoires s’avéraient normalisées tant en flexion qu’en extension, ne justifiant pas de geste d’arthrolyse complémentaire. Une posture par attelle en extension à port nocturne était mise en place dès la sortie, de même qu’une

Fig. 2. Aspect macroscopique de la tumeur.

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rééducation immédiate sous couvert d’un cathéter analgésique pendant les deux premiers jours. Les suites opératoires ont été simples. Au recul de quatre mois et demi, date d’arrêt de la rééducation, la flexion atteignait 1458 pour un flessum résiduel de 108, sans douleurs et sans gêne fonctionnelle. 3. Discussion Les tumeurs glomiques sont des tumeurs généralement bénignes relativement rares, développées aux dépens d’une structure neuromyovasculaire située à la jonction dermohypodermique : le glomus. Elles représentent 1,6 % des tumeurs des tissus mous des extrémités [4]. Parmi les tumeurs glomiques, il faut distinguer les localisations digitales typiques, qui représentent 65 % des cas [5], et les formes extradigitales atypiques [6]. Concernant les tumeurs glomiques digitales, il n’existe pas de différence entre les deux sexes. En revanche, il existe une prédominance du genre masculin et un âge moyen plus élevé dans les formes extradigitales [7]. Concernant la localisation, les tumeurs glomiques sont plus fréquemment sous-unguéales. Le membre supérieur est la localisation la plus fréquente des tumeurs glomiques extradigitales [7,8]. Il existe également des cas décrits au niveau des membres inférieurs comme le pied (cuboïde, calcaneus), la région para-achilléenne, la fibula, la fosse poplitée, le ligament patellaire, le périoste du fémur, le trigone fémoral (triangle de Scarpa) ou le nerf sciatique [6,7,9,10]. Il a également été rapporté des localisations viscérales (trachée, médiastin, utérus, vessie, rein et tube digestif) [11]. Dans leur revue de la littérature, Takei et Nalebuff [12] ont trouvé 434 cas de tumeurs glomiques du membre supérieur, dont seulement 19 concernaient le coude. Ces formes extradigitales sont généralement de plus grande taille que les localisations digitales. En effet, leur taille varie de 2 à 50 mm [13]. L’exérèse chirurgicale a permis d’isoler chez notre patiente une tuméfaction de 12 mm. La plupart des tumeurs glomiques, même si elles sont extradigitales, sont intradermiques et les formes extradigitales extradermiques sont encore plus atypiques [14,15]. Ainsi, il est possible d’opposer la forme digitale à la forme extradigitale (dermique ou extradermique), tout comme il est possible de distinguer la forme dermique (digitale essentiellement, et extradigitale plus rare) de la forme extradermique (os, viscère, nerf). Chez notre patiente, les douleurs étaient apparues dans les suites d’un traumatisme. Carroll et Berman [5] retrouvent un traumatisme à l’origine de symptômes chez 23 % de ces patients. Il ne semble pas pourtant y avoir de relations étiologiques entre le traumatisme et la tumeur glomique. Sur le plan clinique, la triade clinique classique associe douleurs, zone gâchette et hypersensibilité au froid. Dans notre cas, seul le caractère douloureux était présent. L’exposition prolongée au froid était bien tolérée (patinage artistique), ce qui est en accord avec les données de la littérature [7,8]. L’examen clinique ne trouvait pas de papules bleutées. Le test au garrot de Hildreth [16], qui consiste en la diminution ou la disparition des phénomènes algiques après réalisation d’une ischémie digitale d’une minute, n’a pas été réalisé. Il est très sensible dans les

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tumeurs glomiques digitales (92 % pour Giele [17]). Il n’existait pas de masse tumorale palpable, ce qui peut être expliqué par la localisation profonde au niveau de la capsule articulaire. Les signes cliniques de ces tumeurs glomiques extradigitales et extradermiques ne répondent pas toujours à la triade clinique des localisations digitales. Cette présentation atypique explique en partie le retard du diagnostic. Dans le cas présenté, une difficulté supplémentaire à l’évocation du diagnostic était l’âge de la patiente. En effet, les premiers symptômes sont apparus à neuf ans. Kohout et Stout [18] signalaient que 6,3 % des tumeurs glomiques étaient trouvées chez des patients de moins de 16 ans. Delecourt et al. [19] ont rapporté le cas d’une tumeur glomique de l’orteil chez un enfant. En ce qui concerne les examens complémentaires, la radiographie standard est utile pour le diagnostic différentiel (fracture, ostéite chronique, atteinte tumorale osseuse), mais aussi pour chercher une empreinte osseuse, signe indirect de certaines tumeurs glomiques. L’échographie est un examen accessible et à moindre coût, qui permet d’évaluer la taille et la localisation tumorale avec une sensibilité proche de 67 % [20]. Elle se révèle utile pour guider la ponction-biopsie, qui a un rôle primordial dans le diagnostic en absence d’imagerie spécifique. Le scanner peut mettre en évidence la tumeur et peut aider à la réalisation d’une biopsie, mais ne constitue pas un outil essentiel au diagnostic étiologique. L’examen clef reste l’IRM à condition qu’elle soit injectée au gadolinium comme l’illustre notre cas, puisqu’une première IRM sans injection n’avait pas permis d’évoquer le diagnostic. Cet examen a toute sa place dans les formes extradigitales pour préciser la localisation exacte. Elle constitue l’examen le plus spécifique avec un aspect évocateur associant un hyposignal en T1 et un hypersignal T2 [8]. Dupuis et al. ont trouvé une excellente corrélation anatomochirurgicale avec l’IRM injectée [21]. Le diagnostic est souvent retardé de trois à sept ans [5] dans les formes digitales, mais encore d’avantage dans les formes extradigitales, où ce délai est de sept à dix ans [22,23]. L’évocation du diagnostic de tumeur glomique dans les formes extradigitales est fait seulement dans 20 % des cas avant l’analyse anatomopathologique [7]. Le retard diagnostique est dû non seulement à la méconnaissance de cette pathologie, mais également à l’absence d’une IRM injectée, qui reste l’examen le plus fiable pour évoquer le diagnostic de tumeur glomique. Dans tous les cas, le traitement par exérèse chirurgicale simple apporte une disparition immédiate des douleurs et donc de leur retentissement fonctionnel. Elle permet une disparition des douleurs sans récidive dans 89,5 % des cas [7]. L’impotence fonctionnelle de notre patiente était avant tout antalgique. Il convient ainsi d’évoquer le diagnostic de tumeur glomique, de renouveler l’examen clinique en cherchant un point douloureux et, en cas d’échec, de suivre le patient de façon régulière, tout en sachant renouveler des examens complémentaires. 4. Conclusion Les tumeurs glomiques extradigitales sont rares et méconnues, engendrant un retard diagnostique de plusieurs années. Elles

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sont généralement responsables d’une altération importante de la qualité de vie, du fait de leur caractère douloureux. Le principal examen complémentaire permettant de mener au diagnostic est l’IRM injectée, notamment pour les formes extradigitales. La chirurgie permet une disparition immédiate des douleurs sans récidive dans près de 90 % des cas.

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Déclaration d’intérêts [11]

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. [12]

Annexe A. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.11.004.

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[Glomus tumor of volar elbow capsule. Case report].

Glomus tumors are rare tumors, benign but painful and responsible for a major functional impairment. Although their preferential localization is digit...
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