Mise au point

Pathologie des surre´ nales

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Presse Med. 2014; 43: 460–467 ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Dossier thématique

Consultation génétique des phéochromocytomes et paragangliomes Catherine Cardot-Bauters1, Malika Ainaouï1, Lucie Coppin2, Pascal Pigny2

1. CHRU de Lille, hôpital Claude-Huriez, service d’endocrinologie, 59037 Lille cedex, France 2. CHRU de Lille, centre de biologie-pathologie, laboratoire de biochimie et biologie moléculaire, 59037 Lille cedex, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 4 mars 2014

Catherine Cardot-Bauters, CHRU de Lille, hôpital Claude-Huriez, service d’endocrinologie, rue Michel-Polonovski, 59037 Lille cedex, France. [email protected]

Key points Genetic diagnosis of phaeochromocytomas and paragangliomas

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Up to 30% of phaeochromocytomas and paragangliomas occur in the context of inherited tumor syndromes. Familial history and clinical presentation have to be strongly detailed to guide genetic testing. The identification of a genetic predisposition in a patient with phaeochromocytoma or paraganglioma has a positive impact in terms of medical care and follow-up for the proband and allows genetic testing in apparently asymptomatic family members. Two clusters of genes are described depending on their implication in the pathogenesis of inherited tumors. An algorithm for the genetic diagnosis of phaeochromocytomas and paragangliomas is proposed by The French network of oncogenetic laboratories. These recommendations will probably change with the identification of new predisposition genes and the development of new sequencing technologies.Genetic testing is prescribed by a specialist, as part of a cancer genetics specialist consultation in endocrine tumors. The psychological support is essential throughout the family survey.

Points essentiels Plus de 30 % des phéochromocytomes et paragangliomes relèvent d’une prédisposition génétique. L’analyse des antécédents familiaux et de la présentation phénotypique constitue un préalable indispensable à la demande du test génétique. La mise en évidence d’une prédisposition génétique permet d’adapter la prise en charge du patient et de proposer un dépistage familial chez les apparentés asymptomatiques. Deux groupes de gènes de prédisposition aux phéochromocytomes et paragangliomes sont décrits en fonction des mécanismes impliqués dans la tumorigenèse. Le réseau français des laboratoires d’oncogénétique a établi un arbre décisionnel guidant l’analyse génétique des patients atteints de phéochromocytomes et de paragangliomes. Ces recommandations seront probablement amenées à évoluer à la faveur de la découverte de nouveaux gènes de prédisposition et de l’apparition de nouvelles techniques de biologie moléculaire telles que les séquenceurs haut débit. Le test génétique doit être prescrit par un médecin spécialiste, dans le cadre d’une consultation d’oncogénétique spécialisée. L’encadrement psychologique est indispensable tout au long de l’enquête familiale.

tome 43 > n84 > avril 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.032

Consultation génétique des phéochromocytomes et paragangliomes

L

es paragangliomes sont des tumeurs rares dérivées du neuroectoderme, développées aux dépens des paraganglions, amas de cellules endocrines dispersées dans l’organisme, associées au système nerveux sympathique (tissu chromaffine) et parasympathique (tissu non chromaffine). Les paragangliomes de la tête et du cou, associés au système parasympathique, sont localisés au niveau jugulo-tympanique, carotidien, sous-clavier, supra-aortique, laryngé, ou en tout point du système vagal. Ces tumeurs n’ont en général pas d’activité sécrétrice et sont révélées par une tuméfaction cervicale parfois pulsatile, des acouphènes, une hypoacousie ou une dysphonie. Les paragangliomes thoraco-abdomino-pelviens, associés au système sympathique, se développent au niveau de la glande médullosurrénale, de l’organe de Zuckerkandl (en avant de la bifurcation aortique), le long des chaînes ganglionnaires paraaortiques, au niveau des chaînes ganglionnaires prévertébrales et paravertébrales abdominales et thoraciques, au niveau du pelvis, de la vessie. . . Ils peuvent sécréter des catécholamines. La nomenclature réserve le terme de phéochromocytomes aux paragangliomes sécrétants de localisation médullosurrénalienne. Les paragangliomes issus du système sympathique s’expriment par des signes liés à l’hypersécrétion des catécholamines et/ou à la localisation et à la taille tumorale. Le tableau clinique le plus typique associe une hypertension artérielle et des crises paroxystiques. L’hypertension artérielle peut être permanente systolo-diastolique et sévère, permanente avec des paroxysmes, ou exclusivement paroxystique. Les crises paroxystiques – parfois déclenchées par un traumatisme, une intervention chirurgicale, un effort physique, certains médicaments – associent céphalées, sudations froides, palpitations, douleurs ascendantes thoraco-abdominales, tremblements, pâleur, anxiété. On peut observer un amaigrissement et un diabète. Certains paragangliomes sont découverts fortuitement, par des examens radiographiques réalisés pour une autre symptomatologie. À titre d’exemple, 25 % des phéochromocytomes se

présentent comme des incidentalomes surrénaliens et 5 % des incidentalomes surrénaliens sont des phéochromocytomes. Le diagnostic de phéochromocytome ou de paragangliome est parfois fait à un stade présymptomatique, lors de la surveillance des sujets génétiquement prédisposés dans le cadre des maladies familiales. Les phéochromocytomes et paragangliomes peuvent être sporadiques ou s’intégrer dans le cadre de différents syndromes de prédisposition génétique [1,2]. On a longtemps considéré qu’environ 10 % de l’ensemble de ces tumeurs étaient génétiquement déterminées, liées à des mutations du gène NF1 (neurofibromatose de type 1), RET (néoplasies endocriniennes multiples de type 2A et 2B) ou VHL (maladie de von Hippel Lindau). Dans les années 2000 à 2001, l’identification des gènes SDH (SDHD, SDHC et SDHB) augmente à environ 25 % la proportion des formes héréditaires. Puis l’identification des gènes SDHAF2 (2009), TMEM127 (2010), SDHA (2010) et MAX (2011) porte à dix le nombre de gènes de susceptibilité aux phéochromocytomes et paragangliomes et à plus d’un tiers la proportion des tumeurs génétiquement déterminées.

Syndromes de prédisposition génétique aux phéochromocytomes et paragangliomes Neurofibromatose de type 1 La neurofibromatose de type 1 (NF1, maladie de Recklinghausen) se manifeste principalement par des neurofibromes multiples, des lésions cutanées (taches café au lait, lentigines), des anomalies squelettiques et une prédisposition aux leucémies et aux tumeurs gliales. La prévalence de la maladie est estimée à 1/ 5000. Les critères diagnostiques sont résumés dans l’encadre´ 1. Des phéochromocytomes ou paragangliomes fonctionnels sont

Encadre´ 1 Critères diagnostiques de la neurofibromatose de type 1 Conférence de consensus sur les neurofibromatoses (NIH – Bethesda, 1988). Le diagnostic de NF1 est retenu si au moins 2 des critères suivants sont présents : 

Glossaire NF1 NEM2

Neurofibromatose de type 1 Néoplasie endocrinienne multiple de type 2 Rearranged during transfection RET Succinate déshydrogénase SDH von Hippel Lindau VHL Groupe d’étude des tumeurs endocriGTE nes RENATEN RÉseau NAtional de prise en charge des Tumeurs Neuro-Endocrines rares malignes sporadiques et héréditaires

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Pathologie des surre´ nales

un apparenté au premier degré atteint (parent, fratrie ou enfant) ;



au moins 6 taches café au lait > 0,5 cm avant la puberté, > 1,5 cm après la puberté ;

 

lentigines axillaires ou inguinales ; au moins deux neurofibromes, quel que soit le type, ou au moins un neurofibrome plexiforme ;



gliome du nerf optique ;



au moins deux nodules de Lisch (hamartome irien) ;



une lésion osseuse caractéristique (pseudarthrose, dysplasie du

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sphénoïde, amincissement du cortex des os longs).

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décrits chez les patients porteurs d’une mutation NF1 dans 0,1 à 6 % des cas selon les séries. L’âge moyen au diagnostic est d’environ 40 ans. Il peut s’agir de tumeurs composites, associées à des ganglioneuromes ou des ganglioneuroblastomes intrasurrénaliens. NF1 est un gène suppresseur de tumeur, de grande taille (57 exons), et les néomutations sont fréquentes, ce qui rend l’analyse génétique difficile. Le diagnostic de neurofibromatose de type 1 repose donc essentiellement sur des critères cliniques [3].

Néoplasies endocriniennes multiples de type 2 Elles sont liées à des mutations du proto-oncogène RET (Rearranged during transfection) [4]. La prévalence de la maladie est estimée à 1/30 000. La néoplasie endocrinienne multiple de type 2A (NEM2A, syndrome de Sipple) est caractérisée par l’association d’un carcinome médullaire de la thyroïde (CMT), souvent première manifestation de la maladie, d’un phéochromocytome uni- ou bilatéral, d’une hyperparathyroïdie primaire et de lésions cutanées (notalgia) (tableau I). Les phéochromocytomes surviennent chez environ 50 % des patients porteurs d’une mutation de RET et sont bilatéraux dans 30 % des cas. Pour certaines mutations de RET, leur fréquence est moindre. Les formes malignes et les localisations extrasurrénaliennes sont exceptionnelles. La néoplasie endocrinienne multiple de type 2B (NEM2B, syndrome de Gorlin) associe un carcinome médullaire de la thyroïde, présent chez tous les patients porteurs de la mutation de RET, un phéochromocytome dans 50 % des cas, un syndrome marfanoïde et une ganglioneuromatose cutanéomuqueuse (tableau I). Du fait de l’agressivité particulière du CMT, les formes familiales sont rares.

Maladie de von Hippel Lindau Elle est due à une mutation perte de fonction du gène suppresseur de tumeur VHL. La prévalence de la maladie est estimée à 1/50 000. Elle se manifeste par des hémangioblastomes du système nerveux central (SNC) et rétiniens, des atteintes rénales (lésions kystiques et adénocarcinomes à cellules claires) et pancréatiques (kystes et tumeurs endocrines le plus souvent non fonctionnelles), des tumeurs du sac endolymphatique, et

des phéochromocytomes ou paragangliomes. On distingue deux sous-types de la maladie : le sous-type 1, dans lequel le phéochromocytome est rare mais l’adénocarcinome rénal fréquent, et le sous-type 2, dans lequel le risque de développer un phéochromocytome ou un paragangliome est élevé. Il a ainsi été mis en évidence des corrélations génotypes-phénotypes : les délétions complètes et les mutations troncantes du gène VHL sont essentiellement observées dans le type 1, tandis que les mutations faux sens de l’exon 3 sont associées au sous-type 2C, qui ne s’exprime que par des phéochromocytomes et/ou paragangliomes (tableau II) [5].

Phéochromocytomes et paragangliomes liés aux mutations des gènes SDH La succinate déshydrogénase (SDH) ou complexe mitochondrial est composé de quatre sous-unités : deux sous-unités catalytiques SDHA et SDHB, et deux sous-unités d’ancrage SDHC et SDHD. Des analyses de liaison réalisées chez de grandes familles comportant plusieurs générations de patients atteints de paragangliomes ont permis d’identifier dans les années 1990 trois loci de prédisposition appelés PGL1, PGL2 et PGL3. Deux gènes de susceptibilité ont été identifiés en 2000 : SDHD pour PGL1 en 11q23 [6] et SDHC pour PGL3 en 1q23 [7]. Des mutations de SDHB (PGL4, 1p35-36) ont été identifiées en 2001 chez des patients atteints de phéochromocytomes et paragangliomes héréditaires [8]. SDHB, SDHC et SDHD sont des gènes suppresseurs de tumeurs. Les paragangliomes liés à une mutation du gène SDHD sont le plus souvent multiples. Les localisations cervicales prédominent sur les localisations médiastinales ou abdominales. Des phéochromocytomes, parfois isolés, sont possibles. L’âge moyen au diagnostic est de 35 ans. Les formes malignes sont rares mais possibles [9]. Dans la majorité des cas, la transmission se fait selon un mode autosomique dominant avec empreinte génomique maternelle et seuls les sujets ayant hérité la mutation de leur père développent des paragangliomes. Trois publications font cependant état d’une exception à cette règle et d’une possibilité de transmission maternelle [10–12]. Les paragangliomes liés aux mutations de SDHB se localisent préférentiellement au niveau médiastinal ou abdominopelvien.

Tableau II Tableau I Manifestations cliniques des NEM2A et NEM2B

Manifestations cliniques de la maladie de von Hippel Lindau (types 1 et 2)

NEM2A

VHL de type 1

Carcinome médullaire de la thyroïde Phéochromocytome Hyperparathyroïdie primaire

462

Notalgia

NEM2B

VHL de type 2

Carcinome médullaire de la thyroïde

Pas de phéochromocytome

Phéochromocytome

Phéochromocytome

Toutes les autres atteintes sont possibles

Type 2A : pas de lésion rénale ni pancréatique Type 2B : possibilité de lésion rénale et pancréatique Type 2C : phéochromocytome isolé ?

Syndrome marfanoïde Ganglioneuromatose

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Consultation génétique des phéochromocytomes et paragangliomes

Les localisations cervicales sont plus rares. Il peut s’agir d’une tumeur unique. Le potentiel de malignité est élevé, environ 20 % des patients porteurs d’une mutation SDHB développent un paragangliome malin. La transmission est autosomique dominante mais la pénétrance incomplète [13]. En cas de phéochromocytome ou de paragangliome malin, la mise en évidence d’une mutation SDHB est un facteur aggravant du pronostic. Les mutations de SDHB peuvent également être associées à d’autres tumeurs (carcinomes rénaux) [14]. Les mutations de SDHC sont plus rares et principalement associées à des paragangliomes cervicaux, et occasionnellement à des phéochromocytomes ou paragangliomes abdominaux [15]. Les formes malignes sont rares.

des mutations de MAX (Myc-Associated factor X, 14q23), associées préférentiellement à des phéochromocytomes bilatéraux survenant chez des sujets jeunes. Comme pour SDHD et SDHAF2, une transmission préférentielle par la branche paternelle est évoquée [19]. De façon plus exceptionnelle, ont été décrites des mutations de KIF1b chez des patients atteints de phéochromocytomes associés à des neuroblastomes ou ganglioneuromes [20] et de PHD2 chez des patients atteints de phéochromocytomes et de polyglobulie [21]. Ces deux gènes ne sont pas analysés en pratique routinière. Les dix principaux gènes de prédisposition aux phéochromocytomes et paragangliomes sont répertoriés dans le tableau III.

Nouveaux gènes de prédisposition aux phéochromocytomes et paragangliomes

Deux groupes de gènes en fonction des mécanismes impliqués dans la tumorigenèse

Ont ensuite été décrites :  des mutations du gène SDHAF2, impliqué dans la flavination de la protéine SDHA et nécessaire à l’assemblage du complexe II mitochondrial. Ce gène correspond au locus PGL2 préalablement identifié. Les paragangliomes associés aux mutations de SDHAF2 s’expriment chez des sujets jeunes et sont souvent multiples. La transmission est autosomique dominante, soumise à empreinte génomique maternelle, et la pénétrance est faible [16] ;  des mutations du gène SDHA, quatrième sous-unité du complexe succinate déshydrogénase [17] ;  des mutations du gène TMEM127 (2q11), identifiées chez des patients atteints de phéochromocytomes isolés ou bilatéraux, survenant à un âge plus élevé, similaire à l’âge moyen de survenue des phéochromocytomes sporadiques. Les formes malignes sont rares [18] ;



Mise au point

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Les études portant sur le transcriptome ont permis de classer les gènes de prédisposition en deux groupes selon les mécanismes impliqués dans la tumorigenèse. Le cluster 1 regroupe les tumeurs impliquant les gènes SDHx et le gène VHL. L’accumulation de succinate ou l’inactivation de VHL conduit à l’inhibition de la dégradation des HIFs dans le protéasome et à une activation anormale de la voie de réponse à l’hypoxie et de l’angiogenèse. Le cluster 2 regroupe les tumeurs associées aux mutations des gènes NF1, RET, TMEM127 et MAX. L’activation de RET ou la perte de fonction de NF1 est responsable d’une activation des voies RAS/RAF et AKT/mTOR [22]. Ces différents profils d’expression génique peuvent être corrélés au profil sécrétoire des tumeurs. Ainsi, les tumeurs associées aux mutations SDHx et VHL produisent préférentiellement de la noradrénaline, tandis que les tumeurs associées aux mutations RET et

Tableau III Les 10 principaux gènes de prédisposition aux phéochromocytomes et paragangliomes Caractéristiques cliniques

NF1 17q11.2

Phéochromocytomes uniques ou bilatéraux, parfois malins

RET 10q11.2

Phéochromocytomes uniques ou bilatéraux, exceptionnellement malins

VHL 3p25.3

Phéochromocytomes uniques ou bilatéraux, paragangliomes abdominaux ou cervicaux

SDHD 11q23

Paragangliomes cervicaux multiples, paragangliomes thoraco-abdomino-pelviens et phéochromocytomes, rarement malins. Transmission paternelle préférentielle

SDHC 1q23.3

Paragangliomes cervicaux, plus rarement thoraco-abdomino-pelviens

SDHB 1p35-36 SDHAF2 11q12.2 SDHA 5p15

Paragangliomes abdominaux fréquemment malins, autres localisations possibles mais plus rares Paragangliomes cervicaux multiples. Transmission paternelle préférentielle Paragangliomes cervicaux et thoraco-abdomino-pelviens

TMEM127 2q11.2

Phéochromocytomes uniques ou bilatéraux

MAX 14q23

Phéochromocytomes uniques ou bilatéraux

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Gène

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NF1 produisent de l’adrénaline [23,24]. L’étude en immunohistochimie des gènes SDHB, SDHA et MAX sur le tissu tumoral permet de guider le diagnostic génétique [25,26].

Conduite pratique de l’enquête génétique Proposant

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Le diagnostic de phéochromocytome ou de paragangliome justifie une enquête spécialisée qui aboutira dans la majorité des cas à proposer un test génétique orienté [27–29]. Ce test génétique doit être pratiqué selon les règles définies par le décret du 4 avril 2008 régissant l’examen des caractéristiques d’une personne à des fins médicales, et au sein d’une consultation d’oncogénétique spécialisée dans les tumeurs endocrines. De nombreuses consultations de ce type ont été labellisées sur l’ensemble du territoire français par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) dans le cadre du plan cancer. La liste de ces consultations et des laboratoires d’oncogénétique endocrinienne est accessible sur le site GTE–RENATEN (www.reseau-gte.org). La consultation d’oncogénétique repose sur une équipe pluridisciplinaire associant des médecins spécialisés dans la prise en charge des tumeurs endocrines et des psychologues. Lors de la première consultation, le risque génétique ainsi que les conséquences de la positivité ou de la négativité du test sont expliqués au patient, et toutes les informations médicales sont recueillies. L’obtention du consentement éclairé est le préalable indispensable au prélèvement sanguin. Le résultat du test doit être rendu et expliqué au patient par le médecin prescripteur lors d’une deuxième consultation. Un entretien psychologique indépendant peut être proposé. Le résultat ne sera définitif qu’après confirmation de la présence ou de l’absence de la mutation sur une deuxième analyse effectuée à partir d’un prélèvement biologique indépendant. En cas de positivité, il sera proposé au patient une prise en charge thérapeutique et une surveillance adaptée. L’analyse très précise du contexte familial et des éléments cliniques est primordiale. On reconnaît ainsi assez facilement les phéochromocytomes associés à la NF1. On se contente en règle générale d’un diagnostic clinique. Le diagnostic de VHL peut également s’imposer d’emblée du fait de la coexistence d’autres atteintes cliniques telles qu’un hémangioblastome du SNC ou un carcinome rénal à cellules claires. Dans la NEM2, le carcinome médullaire de la thyroïde, même s’il est cliniquement asymptomatique, précède le plus souvent le phéochromocytome et le diagnostic peut parfois être posé sur l’élévation significative de la calcitonine. Dans ces deux situations, l’analyse ciblée du gène VHL ou RET viendra confirmer le diagnostic clinique, permettra d’adapter la prise en charge thérapeutique et la surveillance du patient, et de proposer une étude familiale. En présence de phéochromocytome(s) ou paragangliome(s) en apparence isolés, certains critères permettent d’orienter le test

génétique : âge de début de la maladie, localisations préférentielles, notion de malignité, profil sécrétoire, étude immunohistochimique de la pièce opératoire. Dans cette situation, une mutation de l’un des gènes de prédisposition est mise en évidence dans plus de 25 % des cas.

Enquête familiale : dépistage des sujets génétiquement à risque Chez un patient atteint de phéochromocytome ou de paragangliome, la mise en évidence d’une prédisposition génétique permet :  d’adapter la prise en charge thérapeutique et les modalités de surveillance du patient lui-même ;  de proposer une étude familiale afin d’identifier les apparentés porteurs de la même mutation qui pourront ainsi bénéficier des protocoles de dépistage et d’une prise en charge thérapeutique précoce. Il appartient au propositus de prévenir les membres de sa famille potentiellement concernés et de les orienter vers la consultation d’oncogénétique spécialisée. Le cas échéant, un courrier explicatif pourra lui être remis, charge à lui de le transmettre à ses apparentés. Cette démarche doit être volontaire, et en aucun cas les membres de la famille ne peuvent être directement convoqués par l’équipe médicale. Pour les enfants mineurs, la demande doit émaner des deux parents. L’âge à partir duquel on propose le dépistage génétique chez les apparentés au premier degré dépend de la mutation mise en évidence : 5 ans pour VHL et SDHx, dès les premiers mois de vie pour la NEM2B qui impose une thyroïdectomie prophylactique précoce, avant 5 ans ou un peu plus tard en fonction de l’anomalie de RET en cas de NEM2A. . . La première consultation comporte plusieurs étapes : présentation de la pathologie familiale, explications sur le mode de transmission potentiel et le risque de développer la pathologie, explications sur les modalités du test génétique et les délais habituels d’obtention des résultats. Cette consultation se déroule en présence d’un psychologue qui proposera, si le patient en éprouve le besoin, un entretien individuel soit à l’issue même de la consultation, soit à distance. Le plus souvent le patient qui est dans une démarche volontaire accepte de réaliser le prélèvement sanguin pour le test génétique à l’issue de la consultation. Le recueil du consentement éclairé, selon le document uniformisé par le réseau des laboratoires d’oncogénétique, est indispensable. Pour les enfants mineurs, l’accord des deux parents est demandé. Le prélèvement est ensuite transmis au laboratoire, avec un exemplaire du formulaire de consentement et une fiche résumant toutes les données anamnestiques et les renseignements cliniques nécessaires à la réalisation et à l’interprétation du test génétique. La deuxième consultation a pour objet de communiquer le résultat du test génétique. Des explications claires sur les tome 43 > n84 > avril 2014

Consultation génétique des phéochromocytomes et paragangliomes

conséquences de ce résultat doivent être apportées au patient. Le médecin doit encourager le patient à formuler ses interrogations. La présence du psychologue est encore ici indispensable. Un deuxième prélèvement est effectué, afin de valider définitivement le résultat du test. À l’issue de la consultation, le patient doit être parfaitement averti de son statut de sujet « à risque » ou « non à risque » et des modalités de surveillance et de prise en charge qui lui seront proposées. Aspects psychologiques La consultation d’oncogénétique est souvent source d’anxiété pour le patient. Ceci est particulièrement notable lorsque existe un contexte familial de tumeurs malignes, comme en cas de

mutation de SDHB. Les enjeux de l’annonce d’une maladie génétique sont essentiels : l’information donnée concerne à la fois le patient lui-même mais aussi sa famille. De la qualité de la transmission de l’information, des explications fournies, des réponses aux questions posées vont dépendre en grande partie les suites de l’enquête familiale. Le patient se trouve dans la position difficile d’annoncer à son tour la « mauvaise nouvelle » à son entourage. La transmission de cette information peut parfois se heurter à des conflits familiaux voire à des ruptures familiales. C’est parfois la loyauté au lien du sang qui permet à l’information de circuler. La première consultation pour un apparenté asymptomatique est un temps d’information primordial. La connaissance par le

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Pathologie des surre´ nales

Phéochromocytome Paragangliome

Présentation syndromique

Test ciblé

Forme maligne

SDHB MAX

Immunohistochimie

RET

SDHB négative

Adrénaline

SDHA négative

Phénotype biologique

VHL V SDHB SDHD SDHC

MAX négative

Noradrénaline Dopamine

Phéochromocytome

PGL thoraco-abdomino-pelvien

SDHD SDHB SDHC SDHAF2 SDHA

MAX

PGL cervical

Bilatéral Age < 40 ans

VHL RET TMEM127 MAX

VHL SDHB SDHD

SDHB SDHD VHL

SDHD SDHB SDHC

TMEM127 MAX

SDHC

VHL

Figure 1

tome 43 > n84 > avril 2014

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Dépistage génétique des phéochromocytomes et paragangliomes – Arbre décisionnel du réseau des laboratoires d’oncogénétique. PGL : paragangliome

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médecin et le psychologue de l’expression clinique de la maladie dans la famille est essentielle. L’ambivalence de la médecine génétique prédictive est soulignée par les familles. Ceci est d’autant plus vrai que l’expression clinique de la maladie est variable d’un individu à l’autre. Certains consultants souhaiteraient connaître plus précisément le risque de développer telle ou telle atteinte, dans une tentative de contrôler l’incertitude. On se heurte parfois à des demandes d’analyse génétique prédictive très précoce, pour des enfants de quelques mois. Ces demandes peuvent être justifiées dans certains cas précis (NEM2B ou certaines NEM2A par exemple). Pour les autres syndromes de prédisposition, ces demandes ne sont théoriquement pas justifiées avant l’âge moyen de 5 ans. Une demande d’analyse génétique prédictive n’est en effet théoriquement justifiée que si la connaissance du statut de « sujet à risque » a des conséquences immédiates dans la prise en charge médicale de l’enfant. Le délai d’obtention et de communication du résultat de l’analyse génétique est très souvent vécu comme trop long. Lorsque, pour une même famille, le dépistage est demandé pour plusieurs enfants, il convient d’être très vigilant au moment de la consultation d’annonce. Le diagnostic de sujet « à risque » ou « non à risque » est souvent vécu comme un couperet qui sépare les enfants en deux groupes. Là encore, il s’agit pour le médecin et le psychologue de rassurer l’enfant et ses parents, et de leur expliquer ce qui découle de cette prédisposition génétique, et notamment de les informer le plus précisément possible des modalités de surveillance.

Recommandations du réseau des laboratoires d’oncogénétique Le réseau français des laboratoires d’oncogénétique des tumeurs endocrines a proposé des recommandations pour le diagnostic génétique des phéochromocytomes et paragangliomes. Cet

arbre décisionnel est consultable sur le site GTE-RENATEN (www.gte-renaten.org) (figure 1).

Conclusion Le diagnostic de phéochromocytome ou de paragangliome justifie une consultation spécialisée qui, en fonction des antécédents familiaux et de la présentation clinique, permettra d’orienter l’étude génétique. La mise en évidence d’une prédisposition génétique permet d’adapter la prise en charge du patient mais aussi de proposer un dépistage familial. C’est ainsi que l’on peut mettre en évidence chez des apparentés asymptomatiques de petites tumeurs facilement curables, ou, selon le syndrome de prédisposition en cause, des lésions associées dont certaines potentiellement malignes seront guéries par une prise en charge précoce. Le réseau français des laboratoires d’oncogénétique propose un arbre décisionnel guidant, étape par étape, l’étude génétique. Ces recommandations seront probablement amenées à évoluer en fonction de la découverte de nouveaux gènes de prédisposition et de l’apparition de nouvelles techniques d’analyse génétique telles que les séquenceurs de nouvelle génération (next generation sequencing ou NGS). Le dépistage génétique et l’enquête familiale sont effectués dans le cadre d’une consultation multidisciplinaire déclarée, spécialisée dans la prise en charge des tumeurs endocrines. L’encadrement psychologique est indispensable tout au long de l’enquête familiale. La liste des consultations d’oncogénétique spécialisées en tumeurs endocrines, la liste des laboratoires référents effectuant l’analyse des gènes de prédisposition aux phéochromocytomes et paragangliomes, ainsi que les arbres décisionnels et le schéma d’organisation des consultations d’oncogénétique sont accessibles directement en ligne sur le site GTE-RENATEN (www.gte-renaten.org). Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Consultation génétique des phéochromocytomes et paragangliomes

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Mise au point

Pathologie des surre´ nales

[Genetic diagnosis of phaeochromocytomas and paragangliomas].

Up to 30% of phaeochromocytomas and paragangliomas occur in the context of inherited tumor syndromes. Familial history and clinical presentation have ...
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