Éditorial Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014 ; 12 (3) : 241-2
Vieillissement de la population ou transition démographique ? General ageing of the population or demographic transition?
doi:10.1684/pnv.2014.0494
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by an anonymous user on 08/03/2017.
L’
évolution attendue de la pyramide des âges en France et en particulier l’accroissement rapide du nombre et de la proportion de personnes âgées est un événement majeur qui impactera de nombreux aspects, et pas seulement médico-sociaux, de la vie en société jusqu’à la fin de ce siècle. L’élément majeur est sans conteste le vieillissement de la population. Même si dans certains pays d’Europe, la diminution du taux de natalité renforce l’augmentation de la proportion de personnes âgées, le nombre de personnes âgées en nombre absolu augmente dans tous les pays du monde, à de très rares exceptions. Les explications en sont connues : amélioration des conditions de vie et d’alimentation, amélioration des conditions sanitaires, progrès des techniques et thérapeutiques médicales avec une réduction de la mortalité néonatale et infantile, réduction de la mortalité en relation avec les accidents du travail. Si la réduction de la mortalité au cours de la vie a été le moteur du vieillissement en France jusque dans les années 1980, c’est le vieillissement ou ce que l’on appelle maintenant la longévité qui explique l’augmentation de l’espérance de vie à partir du milieu des années 1980. Même si l’on assiste depuis 2008 à une érosion de l’espérance de vie sans incapacité, les progrès notables de la qualité de prise en charge s’accompagnent du maintien de l’augmentation de l’espérance de vie. Mais cette attention centrée uniquement sur le vieillissement, et sur la présence ou non d’incapacités, de dépendances et de maladies chroniques est incomplet et risque de masquer le véritable périmètre des enjeux. Classiquement, la question du vieillissement renvoie à la question de l’augmentation de la dépense de santé, à la charge que représente pour la société et les familles la nécessité d’apporter des aides professionnelles à domicile, de mobiliser les forces des enfants dans l’aide plutôt que dans la vie professionnelle, d’entrer en institution médico-sociale ou sanitaire. Ce « surcoût » est la question qui a occupé les responsables politiques et les gestionnaires depuis les années 1970. L’importance démographique et donc économique de l’aide en a fait un sujet politique essentiel pour les collectivités territoriales, dessinant à travers elles les contours des compétences et des missions – on peut citer
en particulier et sans exclusive les conseils généraux à ce titre. Mais le vieillissement défini par la proportion de personnes âgées dans une population comprend deux termes : le nombre de personnes âgées et le nombre total de personnes – c’est une évidence ! En d’autres termes, d’un côté négatif, la présence de nombreuses personnes âgées est un problème si il n’y a pas assez de personnes jeunes pour la redistribution des retraites et des comptes sociaux et pour dispenser de l’aide familiale et professionnelle ; et d’un côté positif, la demande d’aide et donc la possibilité d’emploi est une chance pour les plus jeunes, surtout dans les territoires à faible activité économique primaire et secondaire. De même, les personnes âgées deviennent un groupe de pression culturelle si le nombre et la capacité d’innovation des plus jeunes sont moins prégnants que ce qui est porté par les plus âgés, et on peut assister à une domination culturelle des plus âgés, ce qui est une première dans les sociétés dites de progrès à l’inverse des sociétés traditionnelles. Ce phénomène incroyable est bel et bien en train de se produire avec une très forte présence d’artistes des années 1950 et 1960 auprès des plus jeunes (Radio Nostalgie, rétrospectives nombreuses, Rolling Stones en papy rockers, etc.). Ceci est également majeur dans le domaine économique avec l’enjeu de la transmission des biens acquis pendant les trente glorieuses aux générations plus jeunes, ce « bas de laine » national étant le garant de notre crédibilité devant l’emprunt de la dette. Ainsi on conc¸oit aisément que la réalité qui nous est demandée d’étudier en gériatrie et en gérontologie n’est pas simplement le vieillissement. Ce serait une erreur majeure à tous points de vue de limiter l’étude et les projets gérontologique et gériatrique au seul vieillissement. Mais il faut d’emblée et en quelque sorte dans une même perspective, appréhender la transition démographique dans son ensemble avec les particularités culturelles et économiques du passage des générations d’après guerre devenues âgées et des générations plus jeunes avec leur capacité d’adaptation, de leur générosité et de leur pragmatisme mais fragiles par le solde de certaines utopies qu’il faudra malgré tout assumer. La relation d’ensemble
Pour citer cet article : Berrut G. Vieillissement de la population ou transition démographique. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014; 12(3) :241-2 doi:10.1684/pnv.2014.0494
241
G. Berrut
Gilles Berrut Chef du Pôle hospitalo-univesitaire de Gérontologie clinique, CHU de Nantes, France Président du gérontopôle Autonomie longévité des Pays de la Loire, France
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ne se limite pas à ce qu’il est convenu d’appeler l’intergénérationnel, mais d’envisager que c’est l’ensemble de la société dans son ensemble qui s’adaptera. Aux gériatres de montrer la pertinence de ce changement afin qu’il soit une chance.
242
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 3, septembre 2014
Vieillissement de la population ou transition démographique ? General ageing of the population or demographic transition?
doi:10.1684/pnv.2014.0494
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évolution attendue de la pyramide des âges en France et en particulier l’accroissement rapide du nombre et de la proportion de personnes âgées est un événement majeur qui impactera de nombreux aspects, et pas seulement médico-sociaux, de la vie en société jusqu’à la fin de ce siècle. L’élément majeur est sans conteste le vieillissement de la population. Même si dans certains pays d’Europe, la diminution du taux de natalité renforce l’augmentation de la proportion de personnes âgées, le nombre de personnes âgées en nombre absolu augmente dans tous les pays du monde, à de très rares exceptions. Les explications en sont connues : amélioration des conditions de vie et d’alimentation, amélioration des conditions sanitaires, progrès des techniques et thérapeutiques médicales avec une réduction de la mortalité néonatale et infantile, réduction de la mortalité en relation avec les accidents du travail. Si la réduction de la mortalité au cours de la vie a été le moteur du vieillissement en France jusque dans les années 1980, c’est le vieillissement ou ce que l’on appelle maintenant la longévité qui explique l’augmentation de l’espérance de vie à partir du milieu des années 1980. Même si l’on assiste depuis 2008 à une érosion de l’espérance de vie sans incapacité, les progrès notables de la qualité de prise en charge s’accompagnent du maintien de l’augmentation de l’espérance de vie. Mais cette attention centrée uniquement sur le vieillissement, et sur la présence ou non d’incapacités, de dépendances et de maladies chroniques est incomplet et risque de masquer le véritable périmètre des enjeux. Classiquement, la question du vieillissement renvoie à la question de l’augmentation de la dépense de santé, à la charge que représente pour la société et les familles la nécessité d’apporter des aides professionnelles à domicile, de mobiliser les forces des enfants dans l’aide plutôt que dans la vie professionnelle, d’entrer en institution médico-sociale ou sanitaire. Ce « surcoût » est la question qui a occupé les responsables politiques et les gestionnaires depuis les années 1970. L’importance démographique et donc économique de l’aide en a fait un sujet politique essentiel pour les collectivités territoriales, dessinant à travers elles les contours des compétences et des missions – on peut citer
en particulier et sans exclusive les conseils généraux à ce titre. Mais le vieillissement défini par la proportion de personnes âgées dans une population comprend deux termes : le nombre de personnes âgées et le nombre total de personnes – c’est une évidence ! En d’autres termes, d’un côté négatif, la présence de nombreuses personnes âgées est un problème si il n’y a pas assez de personnes jeunes pour la redistribution des retraites et des comptes sociaux et pour dispenser de l’aide familiale et professionnelle ; et d’un côté positif, la demande d’aide et donc la possibilité d’emploi est une chance pour les plus jeunes, surtout dans les territoires à faible activité économique primaire et secondaire. De même, les personnes âgées deviennent un groupe de pression culturelle si le nombre et la capacité d’innovation des plus jeunes sont moins prégnants que ce qui est porté par les plus âgés, et on peut assister à une domination culturelle des plus âgés, ce qui est une première dans les sociétés dites de progrès à l’inverse des sociétés traditionnelles. Ce phénomène incroyable est bel et bien en train de se produire avec une très forte présence d’artistes des années 1950 et 1960 auprès des plus jeunes (Radio Nostalgie, rétrospectives nombreuses, Rolling Stones en papy rockers, etc.). Ceci est également majeur dans le domaine économique avec l’enjeu de la transmission des biens acquis pendant les trente glorieuses aux générations plus jeunes, ce « bas de laine » national étant le garant de notre crédibilité devant l’emprunt de la dette. Ainsi on conc¸oit aisément que la réalité qui nous est demandée d’étudier en gériatrie et en gérontologie n’est pas simplement le vieillissement. Ce serait une erreur majeure à tous points de vue de limiter l’étude et les projets gérontologique et gériatrique au seul vieillissement. Mais il faut d’emblée et en quelque sorte dans une même perspective, appréhender la transition démographique dans son ensemble avec les particularités culturelles et économiques du passage des générations d’après guerre devenues âgées et des générations plus jeunes avec leur capacité d’adaptation, de leur générosité et de leur pragmatisme mais fragiles par le solde de certaines utopies qu’il faudra malgré tout assumer. La relation d’ensemble
Pour citer cet article : Berrut G. Vieillissement de la population ou transition démographique. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014; 12(3) :241-2 doi:10.1684/pnv.2014.0494
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G. Berrut
Gilles Berrut Chef du Pôle hospitalo-univesitaire de Gérontologie clinique, CHU de Nantes, France Président du gérontopôle Autonomie longévité des Pays de la Loire, France
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by an anonymous user on 08/03/2017.
ne se limite pas à ce qu’il est convenu d’appeler l’intergénérationnel, mais d’envisager que c’est l’ensemble de la société dans son ensemble qui s’adaptera. Aux gériatres de montrer la pertinence de ce changement afin qu’il soit une chance.
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Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 3, septembre 2014
