© Masson, Paris. Ann Fr Anesth R6anim, 11 : 3-7, 1992

ARTICLE

ORIGINAL

Reflux. gastrooesophagien sous anesthdsie caudale et halothane au masque chez I'enfant Gastro-oesophageal reflux in children with combined halothane and caudal anaesthesia G. JEAN *, F. CORTAMBERT**, P. ROY***, C. FOUSSAT**, M. M O U S S A * * , H. DODAT . . . . , L. BERTRIX ** * Service de Nephrologie, pavilion 2F, Centre Hospitalier Lyon-Sud, 69310 Pierre-Benite, ** D~partement d'Anesth6sie-R~animation, *** Service de Gastro-Ent~rologie P~diatrique, .... Service de Chirurgie Urologique P6diatrique, Pavilion T bis, HSpital Edouard-Herriot, 69310 Lyon

RI~SUMI~ : Chez le petit enfant, l'anesth6sie caudale procure de bonnes conditions pour la chirurgie sousombilicale. L'association ~ une narcose de compl6ment et ~ une ventilation au masque peut favoriser un reflux gastrocesophagien (RGO). Une mesure gastrocesophagienne continue du pH a 6t6 enregistr6e chez 16 enfants glg6s de 2 ~t 5 ans, class6s ASA l, lors d'interventions sous-ombilicales de longue dur6e. Apr~s une pr6m6dication per os, l'induction par halothane a permis la r6alisation de l'anesth6sie caudale (lidocaine et bupivacaine) avec des r6injections au cours de l'anesth6sie. La sonde gastro0esophagienne de mesure du pH, positionn6e apr6s l'induction, a autoris6 un enregistrement continu. Aucun enfant n'a pr6sent6 de signe clinique respiratoire, et les suites ont toujours 6t6 simples. Deux 6pisodes de RGO asymptomatique, de 7 et 4 minutes, sont survenus chez deux enfants et ont 6t6 favoris6s par leur mobilisation : Fun au cours de la ponction caudale, l'autre lors du r6veil. L'int6r6t de l'atropine est discut6. L'anesth6sie caudale est une technique simple et s6curisante pour de longues interventions sousombilicales chez l'enfant, mais n6cessite quelques pr6cautions visant ~ minimiser le risque d'inhalation. Mots-cl6s : A N E S T H I ~ S I E ( T E C H N I Q U E S ) : anesthdsie pdridurale ; A N E S T H I ~ S I Q U E S ( V O L A T I L S ) : halothane ; C O M P L I C A T I O N S : reflux gastrocesophagien ; E Q U I L I B R E A C 1 D E - B A S E : pH.

INTRODUCTION

PATIENTS ET METHODES

L'anesth6sie caudale chez l'enfant procure habit u e l l e m e n t d ' e x c e l l e n t e s c o n d i t i o n s p e r et p o s t o p 6 r a t o i r e s p o u r la c h i r u r g i e s o u s - o m b i l i c a l e e n 6vitant l'intubation , et en assurant une anesth6sie de b o n n e q u a l i t 6 d 6 b o r d a n t p e u d u site c h i r u r g i c a l [2, 3, 8, 10, 13, 15, 16, 21]. L e s p o n c t i o n s , v e i n e u s e p 6 r i p h 6 r i q u e e t c a u d a l e ; r e n d e n t n 6 c e s s a i r e l'utilisation d'une anesth6sie de compl6ment par halothane au masque, habituellement associ6e ~ l'atrop i n e . C e t t e t e c h n i q u e p e u t f a v o r i s e r la s u r v e n u e de reflux gastrocesophagien (RGO) avec un risque d ' i n h a l a t i o n o u d e s p a s m e l a r y n g 6 [7, 11, 12, 19]. L e b u t d e c e t t e 6 t u d e est d ' 6 v a l u e r la f r 6 q u e n c e , l ' i m p o r t a n c e , le r e t e n t i s s e m e n t et les m o y e n s d e pr6vention du RGO, chez des enfants subissant une intervention chirurgicale sous-ombilicale de plus d'une heure avec ce type d'anesth6sie.

Nous avons 6tudi6 16 enfants (15 garcons et 1 fille), ~g6s de 2 h 5 ans, pesant de 7,6 ~ 17 kg, ASA 1, devant subir une intervention sous-ombilicale urologique : 13 cures d'hypospade, 3 cures de reflux par r6implantation ur6t6rov6sicale bilat6rale. La dur6e des interventions 6tait sup6rieure ~ 1 h (60 /~ 300 min). Lors de la consultation anesth6sique, l'accord des parents a 6t6 obtenu dans tous les cas. Les enfants ayant des ant6c6dents de r6gurgitation ou de vomissement ont 6t6 6cart6s ainsi que ceux pr6sentant une contre-indication ~t l'anesth6sie caudale ou h l'emploi d'halothane. Les enfants sont strictement ta jeun depuis au moins six heures. Ils re~oivent une pr6m6dication de 2 m g - k g - 1 d'hydroxyzine per os. L'induction anesth6sique d6bute au masque par halothane h 3 % puis, rapidement, ~ doses d6gressives jusqu'~ 0,5 % au moment de l'incision, avec un m61ange N20/ O2 de 50 %. La surveillance comporte la mesure continue de la Sao2 percutan6e (Physiocontrol ®), de la Petco2 (Datex ®) dans le masque, de la pression art6rielle toutes les 5 min (Dinamap ®) par brassard externe, de la temp6rature centrale par

Re~u le 18 juillet 1991, accept6 aprSs r6vision le 17 octobre 1991.

Tir6s a part: G. Jean.

4

G. JEAN ET COLL.

une sonde rectale, de la fr6quence respiratoire et cardiaque (Datex ®). Une voie veineuse p6riph6rique est mise en place, permettant l'injection d'atropine, ~t la dose de 10 ~g. kg -~, utitis6e syst6matiquement pour pr6venir la bradycardie induite par les doses initialement fortes d'halothane. Les enfants sont en ventilation spontan6e au masque en circuit ouvert. La sonde de mesure gastrique et cesophagienne du pH, avec deux 61ectrodes d'antimoine distantes de 5 cm, est positionn6e rapidement par voie nasale. Le faible diam6tre de la sonde (1,2 mm) permet de minimiser les fuites de gaz hors du masque. L'6valuation de la longueur msophagienne d'apr~s la taille de l'enfant permet de positionner correctement la sonde. L'acidit6 de l'61ectrode gastrique et la neutralit6 de l'61ectrode oesophagienne sont v6rifi6es. Une sonde de r6f6rence est plac6e sur la cuisse. Un 6talonnage des 61ectrodes est r6alis6 avant chaque enregistrement h l'aide de solutions de pH connu, acide et alcalin; ~i 37 °C. Les sondes sont laiss6es en place jusqu'au d6part de la salle de r6veil; une heure au moins apr~s le retour du bloc op6ratoire et le r6veil complet. L'enregistrement continu (une mesure toutes les quatre secondes) est r6alis6 par un Digitraper ABS ®, avec marqueur d'6v6nements. L'analyse du trac6 n6cessite un logiciel EsopHgram Version 5.1-GastrosoftInc sur un Personal Computer (PC). Deux tentatives de positionnement de sonde en phase pr6anesth6sique ont pr6alablement 6chou6 en raison d'une mauvaise tol6rance : agitation, efforts de vomissements, mobilisation de la sonde. Une ponction caudale est r6alis6e en d6cubitus lat6ral gauche, suivie de la mise en place d'un cath6ter en T6flon ® (20 G) permettant des r6injections ~t l'aide d'un prolongateur. L'injection initiale comporte 0,5 ml • kg -1 de bupivacaine ~t 0,5 % (2,5 mg • kg 1) et 0,5 ml • kg ~ de lidocaine ~ 1 % (5 mg - kg-1), solutions non adr6nalin6es. Apr6s le repositionnement de l'enfant en d6cubitus dorsal, la narcose est maintenue par 0,5 % d'halothane et 50 % de N20. L'analg6sie est entretenue par des r6injections de 1,5 mg • kg ~ de bupivacaine ~ 0,5 % ~ intervalle de 30 45 min. Un RGO acide est d6fini par l'existence d'un pH oesophagien inf6rieur a 4 pendant au moins 30 s, encadr6 de deux p6riodes de pH sup6rieur h 4 d'au moins 4 s. En cas d'utilisation de sondes h double 61ectrode, le reflux est d6fini par la fusion des courbes gastriques et oesophagiennes. Les mesures portent sur le nombre de reflux total et horaire, le pourcentage du temps h pH inf6rieur ~ 4, la dur6e de l'6pisode le plus long, et le nombre de reflux sup6rieur ~i cinq. Un t616thorax de face est r6alis6 le lendemain de l'intervention.

RESULTATS

A p r ~ s la p h a s e i n i t i a l e d ' i n d u c t i o n a n e s t h 6 s i q u e durant laquelle sont not6es une augmentation m o d 6 r 6 e d e la F e t c o > u n e t a c h y c a r d i e e t u n e t a c h y p n 6 e , les p a r a m 6 t r e s r e s p i r a t o i r e s e t h 6 m o d y n a m t q u e s se n o r m a l i s e n t a v a n t l ' i n c i s i o n c h i r u r g i c a l e ( t a b l e a u I). S e u l s d e u x e n f a n t s p r 6 s e n t e n t d e s 6 p i s o d e s d e d 6 s a t u r a t i o n , e n t r e 95 et 92 % s u r d e s p 6 r i o d e s d e 20 et 15 m i n , d ' u n e d u r 6 e t o t a l e d e 6 et 4 m i n . C e s 6 p i s o d e s c o r r e s p o n d e n t ~t l ' i n d u c t i o n a n e s t h 6 s i q u e et h la p o n c t i o n c a u d a l e e n d 6 c u b i t u s lat6ral. L e p H c e s o p h a g i e n r e s t e a l c a l i n e n t r e 8 e t 7,4 e n d e h o r s d e s r e f l u x , le p H g a s t r i q u e r e s t a n t a c i d e e n t r e 1,9 et 4,5. A u c u n e n f a n t n e m o n t r e des signes cliniques respiratoires (toux, dyspn6e, bronchospasme, cyanose). Les suites op6ratoires sont toujours simples. Quatorze enfants ne pr6sentent aucun reflux gastrooesophagien. Un RGO asymptomatique survient chez l'enfant n°2 pend a n t s e p t m i n u t e s (fig. 1) a p r 6 s la p o n c t i o n c a u pH ~CalTdale -I

l- - -

- 7xlt-e~e%t]on . . . . . .

8

pH oesophagien

4

8

I

I

8.30

9

Temps (11)

Fig. 1. - - Mesure du pH de l'enfant n°2 ayant pr6sent6 un reflux de 7 min lors de la ponction caudale (Inj). L'acidit6 0esophagienne est compl6tement tamponn6e au d6but de l'intervention.

Tableau I. - - Evolution des parametres h6modynamiques, respiratoires, des pH oesophagien et gastrique (R _+ SD). TO = mise en place de la sonde de mesure du pH

Temps anesth6siques

Temps moyen apr6s TO fc (b • min -1) fR ( c . m i n -l) Sao2 (%) Fetcoz (%) pH gastrique pH oesophagien Concentration d'halothane (%)

Mise en place de la sonde de mesure du pH

D6cubitus lat6ral gauche

D6cubitus dorsal

Incision

Fin

0 min 145 + 23 45+8 98 + 2 5,1 + 0,6 4 + 1,6 8 + 0,1 3

6 min 30 s 152 + 23 4 5 + 11 97 + 3 4,8 + 0,7 3,9 + 1 8 + 0,2 1,5

16 min 87 + 6 40+8 97 + 2,5 4,6 + 0,6 4 + 1,3 8 + 0,2 0,5

24 min 88 + 9 3 5 + 10 98 + 1,2 4,9 + 0,5 4,3 + 1,2 7,5 + 1,4 0,5

146 min 95 + 5,7 36+8 98 + 1,2 4,5 + 0,6 4,5 + 0,9 7,4 + 0,9 0,5

REFLUX GASTROCESOPHAGIENET ANESTHI~SIECAUDALE

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dale et le retour en d6cubitus dorsal. Le deuxi6me R G O pathologique, d'une dur6e de quatre minutes (fig. 2), survient chez l'enfant n ° 8 lors du r6veil apr6s l'intervention. Ces 6pisodes de R G O ne sont contemporains d'aucune modification des param6tres de surveillance et notamment d'une d6saturation. Le suivi clinique et radiologique postop6ratoire ne r6v~le pas d'atteinte pulmonaire.

tion chimique laryng6e. L'anesth6sie g6n6rale favorise le R G O et l'inhalation de plusieurs faqons : la suppression de la conscience et des r6flexes protecteurs des voies a6riennes, le stress ehirurgical retardant la vidange gastrique, le d6cubitus dorsal, et les m6dications d6primant le tonus du sphincter 0esophagien inf6rieur : atropine, morphiniques, benzodiaz6pines, curates, protoxyde d'azote ou halothane [6, 11, 12, 14, 20, 23]. Le m6toclopramide, utilis6 en pr6m6dieation, augmente le tonus du sphincter cesophagien inf6rieur sans annuler totalement l'effet de l'atropine [6, 7, 12]. La ventilation spontan6e favorise le R G O par le r6gime des pressions positives intraabdominales et n6gatives intrathoraciques ~ l'inspiration [18]. L'anesth6sie caudale, que nous utilisons depuis 1983, peut pallier l'anesth6sie g6n6rale avec une meilleure analg6sie postop6ratoire durant quatre six heures, une reprise plus pr6coce de l'activit6, une ff6quence moindre des vomissements, une bonne stabilit6 h6modynamique, tout en conservant un taux de r6ussite important (97,5 %) et un taux de complication tr~s faible [l-3, 15, 21]. Les taux sanguins d'anesth6siques locaux restent tr~s en de@ des taux toxiques avec les doses utilis6es [4, 9]. Ce type d'anesth6sie, propos6 chez les enfants souffrant d'une insuffisance respiratoire ou d'une atteinte des voies a6riennes sup6rieures [15], 6vite le recours ~ une intubation. L'utilisation d'halothane ~ faibles doses et sur de longues p6riodes permet ~ l'enfant de supporter l'intervention, mais pourrait avoir des effets d616t~res sur la ventilation avec un risque d'hypercapnie. L'halothane, l'atropine, la posture et les mobilisations peuvent favoriser le RGO. Des incidents ont 6t6 d6crits lors de l'anesth6sie caudale avec quatre inhalations, dont une mortelle, sur 800 anesth6sies caudales [13], et pour DALENS et HASNAOUI en 1989 [8], 12 % d'hypoventilations n6cessitant une intubation. La fr6quence 61ev6e du reflux dans nos r6sultats (2/16), malgr6 le petit nombre d'enfants, nous fait envisager son r61e possible dans la survenue des accidents respiratoires rapport6s dans les diff6rentes 6tudes. Cependant, la bri~vet6 du temps of1 le pH reste inf6rieur h 4 (7 et 4 min) pourrait, dans des conditions non chirurgicales, faire interpr6ter ces deux R G O comme physiologiques. Le premier R G O de l'enfant n ° 2 est survenu au cours des mobilisations et du d6cubitus lat6ral lors de la ponction caudale. Une narcose trop profonde a sans doute favoris6 ce reflux. Le second reflux de l'enfant n ° 8 est survenu apr~s le retour en salle de r6veil. La mobilisation de l'enfant, la toux et l'agitation ont contribu6 ~ ce RGO. L'utilisation syst6matique d'atropine peut 6tre critiquable et une 6tude ult6rieure permettra d'6valuer les effets de sa suppression dans ce type d'anesth6sie. Les deux 6pisodes de d6saturation observ6s ont 6t6 favoris6s, d'une part par une concentration initiale

pH ~- - - - Inter~enti-on - - ] ]" - -Sa-llede-r6ve']l. . . . 8 pH cesophagien

I

I

I

11 12 13 Temps (h) Fig. 2. -- Mesure du pH de l'enfant n°8 ayant pr6sent6 un reflux de 4 rain lors du r6veil, pr6c6d6 et suivi de toux.

DISCUSSION

Le R G O a 6t6 6tudi6 chez l'enfant et il est dit ~

[Gastroesophageal reflux with combined caudal and halothane anesthesia in children].

Sixteen children, aged 2 to 5 years and ranked ASA 1, were included in this study assessing gastro-oesophageal reflux occurring under halothane anaest...
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