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Article original

Enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais French national survey on difficult intubation in intensive care units A. Duwat *, A. Turbelin, S. Petiot, V. Hubert, R. Deransy, Y. Mahjoub, H. Dupont De´partement d’anesthe´sie-re´animation, CHU d’Amiens, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens cedex 1, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 9 octobre 2013 Accepte´ le 7 mars 2014

Objectifs. – E´valuer les connaissances the´oriques, l’expe´rience pratique des re´animateurs franc¸ais ainsi que l’adhe´sion aux algorithmes d’intubation et de ventilation difficile de la confe´rence d’experts de la SFAR de 2006. Type d’e´tude. – Enqueˆte nationale prospective et descriptive. Mate´riel et me´thodes. – Un questionnaire anonyme comportant 40 questions a` choix multiples a e´te´ envoye´ par courrier e´lectronique aux praticiens exerc¸ant dans les services de re´animation franc¸ais. Re´sultats principaux. – Cinq cent huit re´animateurs ont participe´ a` l’enqueˆte. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des praticiens de´clarent avoir un rangement de´die´ au mate´riel d’intubation difficile. Concernant l’expe´rience pratique, 421 re´animateurs (83 %) ont pose´ moins de 10 FastrachTM, 257 praticiens (51 %) ont re´alise´ moins de 10 intubations sous-fibroscopie et la cricothyroı¨dotomie n’a jamais e´te´ pratique´e par 269 re´animateurs (53 %) sur mannequin et par 331 (65 %) sur patient. En cas d’intubation en situation d’urgence, 29 % n’utilisent pas d’induction en se´quence rapide syste´matique. Trois cents praticiens (59 %) utilisent la capnographie comme moyen de controˆle de la position endotrache´ale. Deux cent neuf re´animateurs (42 %) jugent leur formation sur l’intubation difficile inexistante ou non adapte´e et 443 (87 %) souhaiteraient participer a` des simulations haute fide´lite´ sur mannequin. Conclusions. – Les recommandations de la confe´rence d’experts sont insuffisamment suivies. Les techniques alternatives ne sont pas maıˆtrise´es par tous les re´animateurs. La mise en place de formations sur l’intubation difficile, notamment a` l’aide de la simulation haute fide´lite´ pourrait ame´liorer les pratiques. ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Enqueˆte Service de re´animation Intubation difficile Pre´oxyge´nation Induction se´quence rapide Formation

A B S T R A C T

Keywords: Survey Intensive care unit Difficult intubation Preoxygenation Rapid sequence induction Training

Objectives. – Assessing the theoretical knowledge, practical experience of French intensivists, and their compliance with French Anesthesiology and Critical Care Society’s difficult airway algorithms of the expert’s SFAR conference of 2006. Study design. – Prospective and descriptive national survey. Material and methods. – An anonymous questionnaire with 40 questions was emailed to physicians working in intensive care units in France. Results. – Five hundred and eight intensivists answered the survey. Ninety-seven percent of physicians reported having a portable storage unit for difficult intubation. As for practical experience, 421 physicians (83%) have set up less than 10 laryngeal mask airway, 257 (51%) have performed less than 10 intubations under fibroscopy and 269 (53%) have never performed a cricothyroidotomy on mannequin, and 331 (65%) on a patient. In case of emergency intubation, 29% of them do not use a rapid sequence induction. Three hundred physicians (59%) use capnography as monitoring of the endotracheal position. Two hundred and nine (42%) consider they have not been trained to difficult intubation and 443 (87%) would like to participate in high fidelity simulations mannequin.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Duwat). http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.03.006 0750-7658/ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Pour citer cet article : Duwat A, et al. Enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais. Ann Fr Anesth Reanim (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.03.006

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Conclusions. – National airway management algorithm was insufficiently followed. Alternative techniques do not seem to be mastered by all physicians. French intensivists expect more training on difficult intubation, including high fidelity simulation. ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction L’intubation difficile en re´animation a une incidence supe´rieure a` celle observe´e au bloc ope´ratoire [1]. Le taux se situe entre 8 et 23 %, avec une moyenne d’environ 10 % [2–5]. Cette incidence est similaire a` celle retrouve´e en me´decine pre´hospitalie`re [6]. L’intubation trache´ale en re´animation est un geste a` risque e´leve´ de complications se´ve`res imme´diates [2,7] : elle est souvent re´alise´e en situation d’urgence, chez un patient estomac plein, parfois en insuffisance respiratoire aigue¨ et avec un statut he´modynamique pre´caire [8–10]. Des proce´dures de se´curisation de l’intubation en situation d’urgence et en re´animation [4,11,12] ainsi que des objectifs pe´dagogiques [13] ont e´te´ propose´s. Deux e´tudes re´centes ont souligne´ le manque d’expe´rience de certains praticiens concernant cette gestion des voies ae´riennes en Angleterre, Australie et Nouvelle Ze´lande [14,15]. En France, une enqueˆte re´gionale en 2010 a montre´ que le nombre de proce´dures pre´conise´es pour maıˆtriser une technique alternative n’e´tait que rarement atteint en fin de cursus par des internes pourtant en DES d’anesthe´sie-re´animation [16]. A` notre connaissance, aucune enqueˆte nationale n’a e´te´ mene´e en France sur les connaissances des re´animateurs sur l’intubation difficile en re´animation. L’objectif de cette e´tude e´tait d’e´tablir un e´tat des lieux sur les connaissances the´oriques et l’expe´rience

pratique des re´animateurs franc¸ais, sur le mate´riel a` disposition au sein des services, ainsi que sur l’adhe´sion aux algorithmes d’intubation et de ventilation difficile de la confe´rence d’experts de la SFAR de 2006. 2. Mate´riel et me´thode Il s’agit d’une e´tude prospective, multicentrique et descriptive, par questionnaire e´lectronique anonyme. Quatre me´decins investigateurs de l’e´tude ont contacte´ par te´le´phone 392 centres hospitaliers franc¸ais avec services de re´animation (annuaire des hoˆpitaux en ligne consulte´ par re´gion) : cette de´marche a permis de re´cupe´rer les adresses mails des chefs de service, des praticiens ou des secre´tariats a` qui nous avons demande´ de diffuser le questionnaire aux personnes concerne´es (me´decins exerc¸ant dans un service de re´animation adulte en France me´tropolitaine ou dans les DOM TOM). Le questionnaire comportait 40 questions a` choix multiples et abordait les items suivants : le mate´riel d’intubation difficile a` disposition du praticien dans son service, l’adhe´sion aux algorithmes d’intubation et de ventilation difficile de la confe´rence d’experts de la SFAR de 2006, l’expe´rience pratique concernant les techniques alternatives, le mode de re´alisation de la pre´oxyge´nation et de l’induction en se´quence rapide et enfin la formation comple´mentaire re´alise´e ou envisage´e (Annexe A).

64 secrétariats

Fig. 1. De´roulement de l’enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation.

Pour citer cet article : Duwat A, et al. Enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais. Ann Fr Anesth Reanim (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.03.006

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Les re´sultats sont exprime´s sous forme d’effectifs et de pourcentages. Une comparaison statistique est re´alise´e a` l’aide d’un test Chi2. Les donne´es ont e´te´ conside´re´es statistiquement significatives pour une valeur de p < 0,05. 3. Re´sultats Sur les 837 courriers e´lectroniques envoye´s (726 praticiens, 47 chefs de service et 64 secre´tariats), 508 questionnaires ont e´te´ recueillis (Fig. 1). Les Tableaux 1 et 2 pre´sentent les donne´es ge´ographiques, de´mographiques et le mode d’exercice professionnel des praticiens ayant participe´ a` l’enqueˆte. 3.1. Mate´riel d’intubation difficile a` disposition dans les services de re´animation Quatre cent quatre-vingt-quatorze re´pondants (97 %) de´clarent avoir un chariot avec du mate´riel d’intubation difficile a` disposition dans leur service. De plus, 448 re´pondants (91 %) connaissent l’emplacement exact de ce chariot. La Fig. 2 pre´sente, par ordre de fre´quence, le mate´riel a` disposition dans les chariots d’intubation difficile. 3.2. Algorithmes d’intubation et de ventilation difficile

Tableau 1 Donne´es de´mographiques et mode d’exercice des re´pondants. Effectif (n = 508)

Tableau 2 Participation a` l’enqueˆte nationale en fonction des re´gions. Re´gions Alsace

11 64

Auvergne

4

Basse Normandie

9

Bourgogne

23

Centre

18

Champagne-Ardenne

6

Corse

2

Franche-Comte´

3

Guadeloupe

4

Guyane

0

Haute Normandie

20

ˆIle-de-France

94

Languedoc-Roussillon

13

Lorraine

0

Mayotte

0

Midi-Pyre´ne´es

35

Nord Pas-de-Calais

26

Pays de la Loire

29

Picardie

28

Poitou-Charentes

Rhoˆne-Alpes

72 28

Aˆge Moins de 30 ans 30–39 ans 40–49 ans 50–59 ans 60 ans ou plus

14 230 118 107 38

3 45,5 23 21 7,5

Formations me´dicales Anesthe´siste-re´animateur Re´animateur me´dical Me´decin ge´ne´raliste Cardiologue Pneumologue Ne´phrologue Me´decin interniste

351 129 13 7 6 1 1

69 25 2,5 1,5 1,5 0,25 0,25

Lieux principaux des exercices Centre hospitalier universitaire Centre hospitalier ge´ne´ral Clinique prive´e

302 200 6

59,5 39,5 1

Types de services Re´animation polyvalente Re´animation chirurgicale Re´animation me´dicale

275 152 81

54 30 16

Anne´es d’exercice dans ce service Moins d’1 an De 1 a` 5 ans De 6 a` 10 ans De 11 a` 20 ans Plus de 20 ans

62 175 101 90 80

12 34 20 18 16

3 18

Martinique

Provence Alpes Coˆte d’Azur

364 144

9

Bretagne

Pourcentage (%)

Sexe Homme Femme

Participants (n)

Aquitaine

Limousin

Les re´animateurs sont 374 (74 %) a` suivre un algorithme valide´ pour le choix des techniques alternatives en cas d’intubation difficile impre´vue et 326 (64 %) en cas d’oxyge´nation difficile. Quatre-vingt-onze pour cent des praticiens utilisent les algorithmes recommande´s par une socie´te´ savante (Sfar, SRLF) et 9 % utilisent des protocoles internes valide´s dans le service.

3

Re´union

Total

8 29 8 44 508

3.3. Expe´rience pratique Le nombre d’intubations annuelles de´clare´es est pre´sente´ sur la Fig. 3. Pour les moyens de controˆle du positionnement endotrache´al de la sonde d’intubation, 97 % des me´decins utilisent l’auscultation pulmonaire, 73 % le soule`vement du thorax, 59 % la capnographie et 24 % la graduation de la sonde. Concernant les techniques de pre´oxyge´nation, 330 praticiens (65 %) re´alisent une pre´oxyge´nation correcte au ballon autoremplisseur a` valve unidirectionnelle (BAVU) ou par ventilation non invasive (VNI). Cent vingt-deux re´animateurs (24 %) de´clarent re´aliser une technique de pre´oxyge´nation avec un masque d’oxyge`ne a` haute concentration ou un masque d’oxyge`ne standard et 56 (11 %) de´clarent ne pas en re´aliser syste´matiquement. Trois cent cinquante-neuf re´animateurs (71 %) de´clarent re´aliser une induction en se´quence rapide pour une intubation en urgence (hors arreˆt cardiaque) avec un hypnotique et un curare d’action rapide. A` l’inverse, 128 praticiens (25 %) de´clarent ne pas utiliser syste´matiquement de se´datif et/ou de curare, et 21 (4 %) utilisent syste´matiquement un agent se´datif seul. Enfin, les praticiens sont 227 (45 %) a` syste´matiquement re´aliser une

Pour citer cet article : Duwat A, et al. Enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais. Ann Fr Anesth Reanim (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.03.006

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Fig. 2. Mate´riel pre´sent dans le chariot d’intubation difficile.

plus de 5 FastrachTM sur mannequin. Cent quarante et un praticiens (28 %) de´clarent n’avoir aucune expe´rience pratique du FastrachTM sur mannequin. De meˆme, sur l’ensemble de leurs formations (initiale et continue), 44 re´animateurs (8,5 %) ont re´alise´ au moins cinq cricothyroı¨dotomies sur mannequin et 33 (6,5 %) se sont entraıˆne´s au moins cinq fois a` l’oxyge´nation transtrache´ale. Ils sont respectivement 269 (53 %) et 322 (63 %) a` n’avoir jamais essaye´ ces gestes sur mannequin. Concernant l’expe´rience pratique des techniques alternatives sur patient, le nombre total de proce´dures re´alise´es sur patient au cours de la carrie`re des re´animateurs est pre´sente´ sur la Fig. 4. 3.4. Formation des re´animateurs a` l’intubation difficile Fig. 3. Nombre annuel d’intubations par laryngoscopie directe.

manœuvre de Sellick au cours d’une intubation en urgence. Cent soixante-douze re´animateurs (34 %) l’utilisent occasionnellement et 109 (21 %) ne la re´alisent jamais. La confe´rence d’experts de la SFAR 2006 [13] a rappele´ les objectifs pe´dagogiques a` atteindre pour maıˆtriser les techniques alternatives : ainsi, il est recommande´ de re´aliser 5 ponctions intercricothyroı¨diennes, 15 poses de FastrachTM sur mannequin et 10 a` 20 intubations sous-fibroscopie. Concernant l’expe´rience pratique des techniques alternatives sur mannequin ou simulateur au cours de leur carrie`re, 105 praticiens (20 %) ont re´alise´ plus de 5 intubations avec mandrin long be´quille´, et 112 (23 %) ont pose´

Si la majorite´ des praticiens (59 %) estime que leur formation sur l’intubation difficile est adapte´e, 157 re´animateurs (31 %) la jugent non adapte´e et 52 (10 %) inexistante. Cent soixante-quatorze praticiens (34 %) ont suivi une formation comple´mentaire (diploˆme universitaire, se´minaire. . .) sur la gestion des voies ae´riennes supe´rieures et 126 (25 %) de´clarent avoir participe´ a` des sce´narii d’intubation difficile sur simulateur haute fide´lite´. Interroge´s sur le type de formation que les re´animateurs souhaiteraient avoir, 443 praticiens (87 %) mettent au premier plan les simulations haute fide´lite´ sur mannequin, 309 (61 %) des ateliers monothe´matiques (pour re´viser chaque technique alternative) et 163 (32 %) des rappels the´oriques.

Fig. 4. Expe´rience pratique des techniques alternatives sur patient.

Pour citer cet article : Duwat A, et al. Enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais. Ann Fr Anesth Reanim (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.03.006

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3.5. Comparaison entre me´decins anesthe´sistes-re´animateurs et re´animateurs me´dicaux Il n’existe pas de diffe´rence statistiquement significative pour le sexe, l’aˆge, l’utilisation d’une technique de pre´oxyge´nation correcte, d’induction en se´quence rapide adapte´e et concernant l’entraıˆnement sur simulateur haute fide´lite´. Les anesthe´sistes-re´animateurs utilisent significativement plus de strate´gie anticipe´e a` l’aide d’algorithmes d’intubation difficile (p = 0,03) et d’oxyge´nation (p < 0,0001). Concernant l’expe´rience des techniques alternatives en cas d’intubation difficile, les me´decins anesthe´sistes-re´animateurs ont re´alise´ un nombre plus important d’intubations a` l’aide d’un mandrin long be´quille´ (p = 0,0003), de FastrachTM (p < 0,0001) et d’intubations sous-fibroscopie (p < 0,0001). 4. Discussion Notre e´tude permet de fournir un e´tat des lieux national sur la prise en charge de l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais : absence de certains mate´riels recommande´s pour la prise en charge de l’intubation difficile, techniques d’induction en se´quence rapide ou de pre´oxyge´nation parfois inadapte´es, ainsi que maıˆtrise insuffisante des techniques alternatives par les me´decins sont les enseignements importants de ce travail. Concernant le mate´riel, l’utilisation d’un chariot spe´cifiquement de´die´ a` l’intubation difficile dans les services de re´animation est largement re´pandue. Une enqueˆte franc¸aise mene´e en 2003 aupre`s de participants a` des formations sur l’intubation difficile avait retrouve´ une absence de chariot de´die´ dans 22 % de leur service [17]. Le taux actuel en re´animation est donc tre`s satisfaisant. Ne´anmoins, l’emplacement exact de ce chariot n’est pas connu de tous et celui-ci semble souvent incomple`tement arme´ pour faire face a` une situation d’intubation, voire de ventilation difficile. Dans notre enqueˆte, les techniques de pre´oxyge´nation choisies sont incorrectes dans 35 % des cas. Beaucoup de me´decins de´clarent utiliser une technique inadapte´e, les exposant a` des e´ve`nements morbides imme´diats [7] (troubles du rythme, ische´mie myocardique, arreˆt cardiaque, se´quelle neurologique), et pouvant a` l’extreˆme conduire au de´ce`s du patient. La ve´rification pre´coce du bon positionnement endotrache´al par la capnographie est e´galement sous-utilise´e. Les proce´dures d’induction en urgence (en dehors de l’arreˆt cardiaque) ne sont, la` encore, pas correctement re´alise´es par 29 % des re´pondants : ces praticiens s’exposent a` un risque plus important d’intubation difficile (par persistance d’une re´activite´ larynge´e) et a` des effets de´le´te`res se´ve`res (augmentation de la pression intracraˆnienne, de la pression arte´rielle, bronchospasme. . .). L’enqueˆte nationale de 2007 mene´e en me´decine pre´hospitalie`re retrouvait les meˆmes re´sultats [18]. Il semble donc important de re´aliser un effort de formation, de sensibilisation et d’information pour re´affirmer l’inte´reˆt d’une induction en se´quence rapide correctement conduite [19]. La manœuvre de Sellick, qui a pour but d’e´viter l’inhalation de liquide gastrique [11], n’est jamais re´alise´e chez 21 % des re´pondants. Meˆme s’il existe depuis quelques anne´es une controverse qui se de´veloppe sur l’inte´reˆt d’une telle manœuvre [20], sa place en cas d’induction en se´quence rapide est toujours recommande´e en France. Notre questionnaire ne permet malheureusement pas de savoir si cette technique est correctement re´alise´e en pratique. Les algorithmes d’intubation et de ventilation difficile ne sont pas toujours utilise´s. Or dans ces situations peu pre´visibles en contexte d’urgence, il est bien e´tabli que l’utilisation d’algorithmes ou de proce´dures standardise´es permet de diminuer la survenue de complications graves potentiellement mortelles [3,21].

5

La confe´rence d’experts de la Sfar recommandait en 2006 que les re´animateurs rec¸oivent une formation sur les principales techniques alternatives, a` savoir : intubation avec mandrin long be´quille´, pose de masque larynge´ et masque larynge´ FastrachTM, intubation par fibroscopie, oxyge´nation et ventilation transtrache´ale. L’apprentissage sur mannequin est une e´tape indispensable a` l’acquisition des gestes techniques. Notre e´tude montre que cet apprentissage n’est pas syste´matiquement re´alise´, laissant les praticiens en re´animation acque´rir ces techniques directement sur le malade, et le plus souvent en situation d’urgence. La confe´rence d’experts recommandait un nombre minimum de tentatives sur mannequin avant d’envisager une mise en pratique sur patients : 5 ponctions intercricothyroı¨diennes et 15 insertions d’un masque larynge´ FastrachTM devraient ainsi eˆtre re´alise´es sur mannequin [13,22]. Or pour ces deux techniques, ils ne sont que respectivement 8 et 7 % a` atteindre ces objectifs. La confe´rence d’experts pre´cisait e´galement le nombre minimum de proce´dures a` re´aliser sur patient pour obtenir un taux de succe`s satisfaisant. Ainsi, moins de 17 % des re´animateurs atteignent les 20 tentatives minimum recommande´es pour la bonne mise en place d’un masque larynge´ FastrachTM [23]. Concernant l’intubation par fibroscopie, le nombre minimum de proce´dures a` re´aliser de´pend des crite`res de succe`s retenus : 10 proce´dures sont ne´cessaires pour aboutir a` une intubation en moins de 2 minutes dans 90 % des cas, et au moins 20 proce´dures pour une intubation en moins d’une minute dans 80 % des cas [24,25]. Dans notre e´tude, seule la moitie´ des re´animateurs ont re´alise´ dans leur carrie`re plus de 10 intubations sous-fibroscopie sur patient. Concernant le nombre de laryngoscopies directes annuelles, 25 % des re´animateurs interroge´s re´alisent moins de 20 proce´dures sur patient, soit une exposition a` un nombre the´orique d’intubations difficiles d’environ 2 par an. Meˆme en tenant compte du nombre de proce´dures effectue´es a` la fois sur mannequin et sur patient, l’expe´rience pratique globale de certains praticiens s’ave`re tre`s insuffisante pour faire face a` une situation critique d’intubation difficile. Ainsi, 44 praticiens (9 %) n’ont jamais pose´ de FastrachTM. Concernant l’abord transtrache´al, 192 re´animateurs (38 %) n’ont jamais re´alise´ de geste de cricothyroı¨dotomie et 264 (52 %) d’oxyge´nation de type Manujet ou Enk. Notre e´tude rele`ve donc que l’expe´rience pratique des re´animateurs sur mannequin et sur patient est insuffisante pour permettre une maıˆtrise de l’ensemble des techniques alternatives. Ces re´sultats confirment les donne´es de la litte´rature retrouve´es en re´animation a` l’e´tranger [14,15], mais aussi dans d’autres secteurs comme la me´decine pre´hospitalie`re [18] ou l’anesthe´sie [16]. La comparaison des re´sultats en fonction de la formation initiale des me´decins a permis de montrer que les anesthe´sistesre´animateurs utilisent plus souvent des algorithmes que les re´animateurs me´dicaux et ont une expe´rience plus importante des techniques alternatives les plus fre´quentes (fibroscopie, FastrachTM et mandrin long be´quille´). De par leur expe´rience acquise lors du passage au bloc ope´ratoire, les anesthe´sistesre´animateurs sont donc plus sensibilise´s aux techniques alternatives et aux proce´dures a` utiliser devant des situations d’intubation difficile voire de ventilation impossible. Ne´anmoins, quelle que soit la formation initiale, l’induction anesthe´sique et la pre´oxyge´nation ne sont pas plus souvent re´alise´es de fac¸on adapte´e et le maintien des compe´tences a` l’aide de mannequin semble ne´cessaire pour tous. Dans notre questionnaire, 41 % des re´animateurs jugent leur formation sur l’intubation difficile inexistante ou inadapte´e. Nos re´sultats sont en ade´quation avec plusieurs e´tudes qui ont montre´ l’insuffisance de formation initiale des futurs re´animateurs a` l’e´tranger [26]. En France, une e´tude interre´gionale mene´e aupre`s

Pour citer cet article : Duwat A, et al. Enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais. Ann Fr Anesth Reanim (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.03.006

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de 43 internes d’anesthe´sie-re´animation en fin de cursus avait montre´ en 2010 que 28 % d’entre eux ne se sentaient pas suffisamment forme´s pour poser un FastrachTM en urgence et 91 % pour re´aliser une technique d’oxyge´nation transtrache´ale [16]. Le maintien des compe´tences sur la gestion des voies ae´riennes implique de re´pe´ter re´gulie`rement la gestuelle ne´cessaire a` la maıˆtrise de ces techniques. La pratique clinique ne semble pas suffisante et le recours a` un apprentissage sur mannequin et a` la simulation haute fide´lite´ se justifie pleinement. Dans notre e´tude, cet apprentissage est d’ailleurs ple´biscite´ par les re´animateurs qui souhaiteraient majoritairement avoir une formation sous forme de simulation haute fide´lite´ et, dans une moindre mesure, d’ateliers monothe´matiques pour re´viser et pratiquer chaque technique alternative. Cette demande forte de la part des praticiens interroge´s est d’ailleurs en totale ade´quation avec le rapport de mission 2012 de la Haute Autorite´ de sante´ (HAS) sur l’e´tat de l’art en matie`re de pratiques de simulation dans le domaine de la sante´, qui rappelait notamment l’importance du « jamais la premie`re fois sur le patient ». Notre e´tude pre´sente plusieurs limites me´thodologiques. Comme toute enqueˆte de pratiques, le recueil de´claratif des donne´es constitue la limite principale de cette e´tude. De plus, le taux de participation a` cette enqueˆte nationale ne peut eˆtre calcule´ pre´cise´ment car la diffusion du questionnaire par l’interme´diaire des chefs de service et des secre´tariats ne nous permet pas de connaıˆtre le nombre exact de re´animateurs qui ont rec¸u le questionnaire. Cependant, comparativement a` d’autres enqueˆtes nationales mene´es spe´cifiquement en re´animation [27,28], le nombre de services de re´animation contacte´s et la participation de 508 re´animateurs sont satisfaisants. Ne´anmoins, ce questionnaire de´claratif ne nous a pas permis de recueillir les informations e´pide´miologiques concernant les me´decins non re´pondeurs. Dans notre e´tude, l’adhe´sion aux recommandations a e´te´ recueillie par auto-e´valuation et non par une e´tude observationnelle de situation clinique concre`te. Or il est bien de´crit qu’une auto-e´valuation surestime la re´alite´ de l’application des recommandations [29], ce qui rend nos re´sultats encore plus pre´occupants. 5. Conclusion Ce travail constitue, a` notre connaissance, la premie`re enqueˆte nationale franc¸aise concernant la prise en charge de l’intubation difficile en re´animation. Les re´sultats de notre e´tude montrent que la formation initiale ou continue des re´animateurs franc¸ais sur la gestion des voies ae´riennes est insuffisante. Le respect de protocoles standardise´s, qui permettent de se´curiser l’intubation en re´animation, doit eˆtre enseigne´. Ces protocoles incluent notamment la recherche syste´matique de crite`res d’intubation et de ventilation difficile, la re´alisation d’une pre´oxyge´nation correcte, une induction en se´quence rapide avec manœuvre de Sellick et la confirmation imme´diate de la position endotrache´ale de la sonde d’intubation par la capnographie. L’apprentissage sur simulateur haute fide´lite´ est vivement souhaite´ par les praticiens franc¸ais et doit eˆtre de´veloppe´ : cette me´thode pe´dagogique permet en effet de re´duire l’e´cart existant entre le haut degre´ de compe´tence clinique requis et le faible niveau d’exposition, tout en ame´liorant le travail en e´quipe, l’apprentissage des algorithmes recommande´s et la gestion des facteurs humains. De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Annexe A Le questionnaire de l’e´valuation des connaissances the´oriques et compe´tences pratiques sur l’intubation difficile en re´animation est accessible en ligne a` l’adresse suivante : https://docs.google.com/ spreadsheet/viewform?formkey=dDluaTQxUmNVdHh5bjNEZVZhc m9pZlE6MQ.

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Pour citer cet article : Duwat A, et al. Enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais. Ann Fr Anesth Reanim (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.03.006

G Model

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Pour citer cet article : Duwat A, et al. Enqueˆte nationale sur l’intubation difficile dans les services de re´animation franc¸ais. Ann Fr Anesth Reanim (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.03.006

[French national survey on difficult intubation in intensive care units].

Assessing the theoretical knowledge, practical experience of French intensivists, and their compliance with French Anesthesiology and Critical Care So...
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