LES REVUES MÉDICALES DEPUIS 1800 Valérie Tesnière *, Alina Cantau ** Résumé : Les revues médicales arrivent en tête dans l’enquête statistique (15,4 %). Principal outil de communication, représentant un marché éditorial conséquent lié à l’essor de la discipline médicale au xixe siècle, la revue n’illustre cependant pas que la montée en puissance des spécialités. Outre l’importance d’une circulation rapide de l’information (prépondérance du mensuel), l’analyse de la production éditoriale souligne l’intrication complexe de la médecine généraliste et des spécialités avec les préoccupations de santé publique et de formation professionnelle. Mots‑clés : édition médicale, périodiques médicaux, spécialités médicales.

FRENCH MEDICAL JOURNALS SINCE 1800

Abstract: French medical journals take the lead among the 1 385 titles of the statis‑ tical survey (15.4%). Efficient tool in communication, with an important publishing market, linked to the rise of medicine in the 19th century, prosperity of medical jour‑ nals do not only mean rise of specialties. Monthly periodicals dominate quickly the publishing market which is also characterized by complex links between generalist and highly specialized medicine, public health and professional training. Keywords: medical publishing, medical journals, medical specialties.

* Valérie Tesnière, née en 1959, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, conservatrice générale des bibliothèques, directrice de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (Université de Paris Ouest Nanterre). Elle a notamment publié Le Quadrige, un siècle d’édition universitaire 1860‑1968 (Paris, PUF, 2001). Adresse : BDIC, 6, allée de l’Université, F‑92001 Nanterre cedex ([email protected]). ** Alina Cantau, née en 1977, est coordinatrice scientifique au département de la Coopération, Bibliothèque nationale de France. Ses thèmes de recherche concernent les périodiques médicaux et les pratiques éditoriales du xixe siècle à l’ère numérique. Adresse : Bibliothèque nationale de France, Quai François Mauriac, F‑75013 Paris ([email protected]). Revue de synthèse : tome 135, 6e série, n° 2-3, 2014, p. 203-219.

DOI 10.1007/s11873-014-0252-4

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Revue de synthèse : TOME 135, 6e SÉRIE, N° 2-3, 2014

DER MEDIZINISCHEN FACHZEITSCHRIFTEN SEIT 1800

Zusammenfassung : Die medizinischen Fachzeitschriften befinden sich an der Spitze der statistischen Untersuchung (15,4 %). Als wichtigstes Kommunikationsmittel und Sinnbild eines beträchtlichen redaktionellen Marktes, den der Aufschwung der medizi‑ nischen Disziplin im 19. Jahrhundert mit sich brachte, illustrieren die Fachzeitschriften allerdings nicht nur das Erstarken der Spezialgebiete. Neben der Bedeutung eines schnellen Informationsflusses (Vorherrschaft der Monatszeitschrift) unterstreicht die Analyse der redaktionellen Produktion die komplexe Verschränkung von allgemeiner Medizin und den Spezialgebieten auf der einen mit Fragen der allgemeinen Gesundheit und der beruflichen Ausbildung auf der anderen Seite. Schlagworte  : Verlagsgeschichte, medizinischen Fachzeitschriften, medizinische Spezialisierung.

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L

e poids de la médecine dans l’ensemble du corpus de revues de l’enquête statistique générale présentée dans ce numéro de la Revue de synthèse, justifie un dévelop­pement particulier 1. Les revues médicales représentent en effet 213 titres, soit 15,4 %, sur un ensemble de 1 385, parus en France entre 1800 et 2012 2, dont le titre commence par un terme générique (revue, annales, journal). La discipline médicale privilégie la forme périodique bien avant des disciplines comme les sciences de l’ingénieur, l’histoire ou le droit. Les termes d’annales, journal ou revue y sont également plus fréquents, même s’il existe bien évidemment d’autres références comme par exemple le Bulletin général de thérapeutique médicale et chirur‑ gicale 3, la Gazette de santé 4, les Archives générales de médecine 5 ou encore la Presse médicale (1893‑1971). Si les 213 titres ne résument pas la totalité des périodiques médicaux publiés en France au cours des deux derniers siècles, ils offrent néanmoins un éclairage significatif. Il n’y a rien de surprenant à ce que la médecine constitue l’ensemble le plus conséquent du corpus de 1 385 titres, le périodique s’y étant imposé comme le principal outil de communication scientifique et professionnelle et représentant un marché éditorial conséquent, en relation avec l’essor de la discipline médicale à compter du xixe siècle. Néanmoins un écart aussi net par rapport aux sciences de l’ingénieur (128 titres, soit 9,2 %), à l’histoire (118, soit 8,5 %) ou au droit (116, soit 8,4 %) suscite une question. L’émergence des spécialités médicales et leur essor sont‑ils le seul facteur d’explication de l’ampleur du corpus ? La médecine envahit le corps social à partir du xixe siècle. Le périodique se révèle être un medium particulièrement propice à la diffusion et l’appropriation des connaissances médicales par la société. Mais ce que montre le corpus n’est pas seulement la manifestation de l’importance de la vulgarisation médicale. Comme pour d’autres domaines  comme la chimie 6 ou les sciences de l’ingénieur, la revue en médecine remplit aussi une fonction plus composite de circulation de savoirs et de pratiques. L’enquête statistique se concentre sur deux principaux indicateurs, celui des périodes de croissance et de reflux des créations de titres en relation avec leur durée de vie moyenne, et celui de la périodicité. C’est en croisant la typologie des titres de presse médicale avec la périodicité mensuelle très majoritairement adoptée qu’on peut dégager un tableau des pratiques de publication et des besoins du lectorat. 1. Les deux articles ne sont pas dissociables l’un de l’autre et sont à lire en parallèle. Bouquin, Tesnière, Une morphologie de la circulation des savoirs : la revue depuis 1800. 2. Il n’y a qu’un seul titre antérieur à 1800 et vivant à cette date, le Journal de médecine, chirurgie et pharmacie, fondé en 1754 qui, sous la direction de Corvisart, Leroux et Boyer, dura jusqu’en 1822. La Revue d’optométrie créée en 2002 sous la direction de René Serfaty, titre toujours vivant aujourd’hui, clôt le corpus. 3. Sans changement de titre entre 1831 et 1939. 4. Fondée en 1773, reprise en 1830 par Jules Guérin, continue sous le nom de Gazette médicale de Paris. 5. Sous‑titre du Journal complémentaire du Dictionnaire des sciences médicales fondé en 1818, qui devient Archives en 1823 jusqu’en 1914. Le terme « archives » est plus présent en médecine que dans les autres disciplines mais il ne s’impose pas. Son occurrence est plus évidente après 1918 : Archives des maladies des reins, 1922 ; Archives des maladies du cœur, 1937 ; Archives des maladies professionnelles, 1938, etc. 6. Cf. Dalbin, Revue de synthèse, 2014, pp. 221-238.

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LES DONNÉES DE L’ENQUÊTE

Les critères sont les mêmes que ceux utilisés dans l’enquête générale. On a retenu les titres publiés en France ou dans les colonies entre 1800 et 2012, d’une durée de vie égale ou supérieure à 10 ans. Est prise en compte la durée effective de publication, déduction faite des interruptions soit pour raisons de guerre souvent (1870‑1871 ; 1914‑1918 ; 1939‑1945), soit pour raison interne au titre lui‑même. La durée retenue est la durée cumulée, même avec modification du titre, l’objectif étant de disposer d’une mesure de longévité correspondant à l’activité réelle d’une revue, quelles que soient les vicissitudes du titre lui‑même. Les 213 titres se décomposent en 105 revues (49,2 %), 62 journaux (29,1 %) et 46 annales (21,5 %). Le périmètre inclut en plus de la médecine et ses spécialités, la pharmacie, la psychologie liée à la médecine, la biologie à orientation médicale, l’hygiène et la chimie médicale. Médecine

Pharmacie

Psychologie

Biologie

Total

Journal

56

3

1

2

62

Annales

38

2

1

5

46

Revue

95

4

4

2

105

Ces données sont à analyser de façon dynamique par décennie sur deux siècles. ESSOR ET REFLUX : LES « TRENTE GLORIEUSES » (1881‑1910)

Création de titres

Annales

Journaux

Revues

Total

%

avant 1800



1



1

0,5 %

entre 1801 et 1810

1

2



3

1,4 %

entre 1811 et 1820



4



4

2 %

entre 1821 et 1830

2

6

1

9

4,2 %

entre 1831 et 1840

1

3

1

5

2,3 %

entre 1841 et 1850

1

1



2

1 %

entre 1851 et 1860

3

1

2

6

2,9 %

entre 1861 et 1870

1

2

1

4

2 %

entre 1871 et 1880

2

9

4

15

7 %

entre 1881 et 1890

6

3

14

23

10,8 %

entre 1891 et 1900

4

3

19

26

12,2 %

entre 1901 et 1910

8

9

10

27

12,7 %

entre 1911 et 1920

1

2

4

7

3,2 %

entre 1921 et 1930

10

1

8

19

9 %

entre 1931 et 1940

1

1

3

5

2,3 %

207

LES REVUES MÉDICALES DEPUIS 1800

Création de titres

Annales

Journaux

Revues

Total

%

entre 1941 et 1950

1

2

4

7

3,2 %

entre 1951 et 1960



1

7

8

3,7 %

entre 1961 et 1970

2

2

8

12

5,6 %

entre 1971 et 1980

2

3

7

12

5,6 %

entre 1981 et 1990



3

6

9

4,2 %

entre 1991 et 2000



3

5

8

3,7 %

après 2001





1

1

0,5 %

Total corpus

46

62

105

213

100 %

La courbe de croissance suit celle du corpus des 1 385 titres : le décollage en nombre de titres nouveaux se situe après la guerre de 1870. Avant cette date, on relève 34 créations de titres (4,7 par décennie), soit moins de 16 % du corpus. Journal représente le genre le plus ancien (1 titre avant 1800 et 6 titres avant 1820). La décennie 1821‑1830, avec neuf créations, se détache des décennies antérieures à 1870. En effet, avec la Restauration et le retour à la paix, les médecins se forment et travaillent dans un environnement plus stable ; l’Académie de médecine se met d’ailleurs en place fin 1820. Parmi les titres qui voient alors le jour, une mention spéciale doit être réservée à un titre fondateur quant au nouveau rôle du périodique, les Annales de la médecine physiologique, lancé en 1822 par François Broussais, la même année que la nouvelle version de la Revue médicale française et étrangère. Ces deux titres sont emblématiques des orientations ultérieures des titres portés par le corps médical à destination des praticiens. Broussais a de fait une stratégie très volontaire d’utilisation de la presse comme moyen de promotion des méthodes cliniques, qu’il entend diffuser largement. Pour lui, le périodique s’impose désormais comme un organe d’exposé de sa doctrine, approprié à la promotion de ses théories cliniques. « L’application de la physiologie à la médecine pratique a fourni depuis sept années des résultats aussi avantageux qu’ils étaient peu attendus 7 ». La diminution de la mortalité importante dans les hôpitaux par cette méthode lui a donné l’idée de « publier un Journal dont l’objet est de mettre en évidence les principes lumineux de leur doctrine ; et le vœu d’une foule de gens de l’art qui se plaignent de la pénurie des ouvrages propres à leur faire bien connaître cette doctrine, les a déterminés à ne plus différer cette entreprise. » Moyen de recueillir des données de cas cliniques, observés par les praticiens en exercice, le périodique, du fait de sa régularité, mensuelle en l’occurrence, est un outil plus réactif que l’ouvrage monographique. Il remplit d’autres fonctions, l’une des plus importantes étant la formation des médecins, par une sorte de pédagogie active d’échanges sur la clinique, à partir des cas exposés par Broussais dans chaque livraison. Cette dimension, qu’on retrouve dans d’autres domaines comme les sciences de l’ingénieur sous la Restauration, est à prendre en compte autant que celle d’outil au service de la propagation des idées. Broussais écrit 7. Annales de la médecine physiologique, 1822. Prospectus.

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Revue de synthèse : TOME 135, 6e SÉRIE, N° 2-3, 2014

dès 1823 : « Les Annales médico‑physiologiques ne datent encore que d’une année et déjà leur succès a surpassé notre attente 8 ». Les lieux du progrès médical sont moins l’Académie ou la Faculté, avec laquelle Broussais est en délicatesse 9, que l’hôpital, les sociétés savantes et la revue. La Revue médicale française et étrangère et journal de clinique de l’Hôtel‑Dieu, s’affirme, quant à elle, comme un organe de liaison à vocation scientifique et professionnelle, s’appuyant sur l’institution hospitalière. Reprise de la Revue médicale historique et philosophique, 1815‑1821, publication de la Société médicale d’émulation de Paris, le titre paraîtra sans discontinuer de 1822 à 1882. Ces exemples illustrent parfaitement le rôle composite du medium « revue » à compter de 1820 : on y échange de façon collaborative dans chaque numéro, on y informe des nouvelles d’une communauté scientifique, on y forme les praticiens en exercice éloignés des hôpitaux de la capitale et, le cas échéant, on démultiplie la diffusion de ses idées dans des canaux plus ouverts et plus rapides que les organes officiels. La période postérieure à la décennie 1820 est moins active en créations. Néanmoins des titres majeurs voient alors le jour : en 1843 les Annales médico‑psychologiques de Laurent Cerise et Jules Baillarger, en 1858 le Journal de la physiologie de l’homme et des animaux de Charles‑Edouard Brown‑Séquard 10 et en 1864 le Journal de l’anatomie et de la physiologie normales et pathologiques de l’homme et des animaux de Charles Robin. La reprise s’affirme à compter de 1871 : 15 titres, tous genres confondus, voient le jour au cours de la décennie 1871‑1880. Le pic de croissance correspond ensuite à « trente glorieuses » années  (1881‑1910) pour la presse médicale, caractérisée par l’essor conjoint des revues généralistes et spécialisées, tout comme en droit ou en histoire : 35 % de créations de nouveaux titres (76 titres, soit une moyenne de 25 par décennie), les décennies 1890‑1910 atteignant un niveau exceptionnel sur l’ensemble des deux siècles (26 et 27 titres respectivement). Cinquante neuf pour cent des créations se situent au bout du compte avant 1910 : le xixe siècle est bien l’âge d’or du périodique scientifique. C’est la catégorie revue qui monte alors le plus en puissance, là aussi comme dans le corpus général, même si le terme annales, ancré dans la tradition scientifique, revient après 1880, plus faiblement que journal, dont le rebond se situe plutôt après 1900. Ce terme plus ancien continue à être une référence utilisée par Charles‑Edouard Brown‑Séquard, par Charles Robin ou par Pierre Janet (Journal de psychologie normale et pathologique, fondé en 1904). Il relie surtout l’actualité médicale scientifique à une presse à orientation professionnelle : d’ailleurs, la production éditoriale régionale épouse souvent la référence journal (Journal de médecine de Bordeaux, 1878‑1987, Journal des sciences médicales de Lille, 1878‑1981). La vogue du terme revue est en médecine comme ailleurs une caractéristique de la période. 8. Annales de la médecine physiologique, Discours préliminaire [V-XIV], 1823, tome 3, [V]. 9. Médecin en chef de l’hôpital militaire du Val‑de‑Grâce au retour des campagnes napoléoniennes, Broussais y forge ses idées, qui rencontrent un grand succès auprès des étudiants. La publication de son Examen de la doctrine médicale généralement adoptée, en 1816, lui a valu les critiques de la Faculté. 10. Le titre fondé en 1858 devient Archives de physiologie normale et pathologique, 1868‑1898 puis de nouveau Journal de physiologie et de pathologie générale, 1899‑1945, il se simplifie en Journal de physiologie (1946/1947‑1991) et passe à une version anglaise à partir de 1992, Journal of physiology.

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La courbe du xxe siècle est caractérisée par un reflux des créations, particulièrement net dans les années trente (5 créations seulement), contrastant avec la légère reprise d’après la Grande Guerre (19 titres). La décennie 1920 montre une reprise conséquente des revues et des annales, qui retrouvent le niveau d’avant‑guerre. Quatre titres sont d’ailleurs toujours vivants : Annales de parasitologie humaine et comparée (1923), Annales d’anatomie pathologique (1924), Revue française de psychanalyse (1927) et Revue d’histoire de la pharmacie (1930). On notera qu’il n’y a pas de reprise dans les années 1950, après la Seconde Guerre mondiale. Hormis la décennie 1970, avec 12 créations de titres 11, la moyenne des créations par décennie au xxe siècle est inférieure à 10 titres, semblable sur ce point au xixe siècle, où l’essor remarquable des trente dernières années du siècle est contrebalancé par les faibles performances du début (9,7 en moyenne). Après 2001, la chute libre s’explique par l’internationalisation de l’édition scientifique. Les titres se modifient également et les références aux appellations annales, revue ou journal tendent comme ailleurs à s’effacer, même si la référence à revue demeure une constante forte (63 titres pour le xxe siècle, soit 29,5 % du corpus et 60 % de la totalité des revues). Comment interpréter l’essor d’après 1870 et le reflux du xxe siècle ? Si le développement des spécialités explique cet envol de la presse médicale au cours du xixe siècle 12, la croissance des titres généralistes à vocation professionnelle est un phénomène qu’il ne faut pas négliger non plus. Les hôpitaux ont augmenté de 30 % entre 1870 et la veille de la Grande Guerre, de même que les sociétés d’hygiène publique 13. La Société française d’hygiène lance en 1875 le Journal d’hygiène. Climatologie, eaux minérales, stations hivernales et maritimes, épidémiologie 14 ; la Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle édite à partir de 1879 la Revue d’hygiène et de police sanitaire 15. La dimension sociale de la médecine apparaît donc largement aussi importante que l’essor des spécialités, comme facteur d’explication de l’augmentation du nombre de titres. Il n’y a donc pas que des périodiques académiques liés à l’Université. Au tournant du xxe siècle, le lien avec le droit se renforce et contribue, aux côtés des titres d’hygiène publique ou de promotion du thermalisme, à la croissance forte des décennies 1890‑1910. Ainsi aux premières Annales d’hygiène publique et de médecine légale 16, s’ajoutent alors la Revue de médecine légale et de jurisprudence 17 et les Annales de médecine légale, de criminologie et de police sanitaire 18. La jurisprudence médicale couplée à la médecine légale, du fait de l’évolution du droit du travail, du régime des assurances et de la prise en compte notamment des accidents et maladies professionnelles à la fin du siècle, est l’une des dimensions à ne pas oublier, moins connue que la promotion de l’hygiène publique. 11. Revue française des maladies respiratoires (1973), Journal de biologie buccale (1973), Revue française d’allergologie et d’immunologie (1974), Revue française d’acupuncture (1975), Revue française de la santé publique (1978). 12. Pinnel, 2005 ; Weisz, 2003, p. 536‑575 ; Weisz, 2006. 13. Jorland, 2010. 14. 1875‑1914, dirigé par Prosper de Pietra Santa. 15. 1879‑1939, dirigé par Emile Vallin. 16. Organe officiel de la Société d’hygiène publique, industrielle et sociale (1829‑1922). 17. 1893‑1914. 18. 1904‑.

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Quant aux spécialités scientifiques proprement dites, les tendances à l’autonomisation sont plus complexes qu’il n’y paraît à première vue. Ainsi dans le cas de la chirurgie et de la pharmacie, le titre le plus ancien (1758) le Journal de médecine, chirurgie et pharmacie cesse de paraître en 1822 ; le Journal général de médecine, de chirurgie et de pharmacie, fondé en 1802, s’interrompt en 1833. Le Journal de pharmacie et des sciences accessoires (1815) devient Journal de pharmacie et de chimie (1842‑1942), tandis que l’armée, avec le Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacie mili‑ taires 19 garde un titre généraliste des guerres napoléoniennes jusqu’à la Grande Guerre. Le Journal de médecine et de chirurgie pratiques à l’usage des médecins praticiens, lancé en 1830 réussit à se maintenir jusqu’en 1988, tandis que la Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, lancée en 1877 se scinde en deux titres autonomes dès 1881 20 : « Si la séparation de la médecine et de la chirurgie s’impose aujourd’hui comme une absolue nécessité, il faut se garder de croire qu’une spécialisation poussée jusqu’à l’éparpillement puisse conduire au progrès de la science médicale… Sans vouloir nier que la création de journaux de pathologie expérimentale, de médecine comparée, etc., ne puisse avoir un jour de l’utilité, nous pensons que à l’heure actuelle, ces diverses branches n’ont pas intérêt à s’isoler de la médecine générale, tandis que celle‑ci perdrait beaucoup à se priver des lumières qu’elles lui fournissent. 21 » Si la distance avec la chirurgie semble alors inéluctable, on sait que le développement de la spécialisation ainsi que la création d’hôpitaux spécialisés n’ont pas rencontré un très bon accueil pendant longtemps. Trousseau s’opposait déjà à l’idée d’une spécialisation. Il n’était pas le seul, les académies et l’administration des hôpitaux étaient sur une position semblable. Il a fallu attendre 1862 pour que des cours officiels soient institués à la Faculté de médecine en dermatologie, vénéréologie, psychiatrie, urologie, pédiatrie, ophtalmologie. La création de chaires dans ces diverses disciplines doit attendre pratiquement vingt ans de plus : l’outil éditorial représenté par le périodique est un indicateur. En effet, sans attendre la création d’une chaire ad hoc, la revue a pu servir d’aiguillon et peut précéder la reconnaissance universitaire. Le perfectionnement des techniques opératoires en particulier a fait en effet émerger des titres de spécialité : ainsi très tôt la chirurgie ophtalmologique, avec les Annales d’oculistique, de Florent Cunier et M. Schoenfeld en 1838 22 dans le champ francophone incluant la Suisse, la Belgique et la France, suivi du Journal d’oculistique et de chirurgie en 1871. La création de la chaire de clinique ophtalmologique à l’Hôtel‑Dieu remonte à 1879 23 ; elle précède de peu le lancement de la Revue générale d’ophtalmologie chez l’éditeur Masson en 1882 24, issue d’une fusion avec les Archives d’ophtalmologie créées 19. 1815‑1914. 20. Publié chez Alcan, le titre se scinde en Revue de médecine (1881‑1943) et Revue de chirurgie (1881‑1955). 21. R. Lépine et E. Nicaise, Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, tome 1, n° 1, janvier 1881, p. 1-2. 22. 1838‑1977. 23. Prevost, 1900, p. 108. 24. Revue générale d’ophtalmologie. Recueil mensuel bibliographique, analytique, critique… Cet exemple témoigne aussi de l’apparition dans les spécialités d’un genre qui va prospérer en tant que tel au tournant du xxe siècle, à savoir le recueil bibliographique, sans adjonction d’articles ou de chroniques comme cela prévalait dans les périodiques jusqu’alors.

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en 1880. La fondation de la Société française d’ophtalmologie suit dans la foulée en 1883. Dans le corpus, les spécialités qui s’individualisent le plus tôt au cours de la décennie 1871‑1880, avec des titres dédiés, sont, après l’ophtalmologie, la dermatologie (Annales de dermatologie et de syphiligraphie, 1869 ; Journal des maladies cutanées, 1889), la gynécologie (Annales de gynécologie et d’obstétrique, 1874 ; Revue médico‑chirurgicale des maladies des femmes, 1879 ; Annales des maladies des organes génito‑urinaires, 1882 ; Revue obstétricale, 1885 ; Revue d’obstétrique et d’hygiène de l’enfance, 1888 ; Revue d’andrologie et de gynécologie, 1895) et l’ORL (Annales des maladies de l’oreille et du larynx, 1875 ; Revue de laryngologie, 1880). D’autres spécialités émergent avec des titres dédiés : l’odontologie (Revue odontologique, 1882), la pédiatrie (Revue des maladies de l’enfance, 1883 ; Annales de médecine et de chirurgie infantiles, 1898) ou l’orthopédie (Annales d’orthopédie et de chirurgie pratiques, 1887) 25. C’est la gynécologie, dans l’échantillon du corpus, qui sert le plus de matrice à un grand nombre de titres. En chirurgie proprement dite, le rythme des publications spécialisées s’accélère à partir de la décennie 1890, après la publication de la Revue spéciale d’antisepsie, qui décline très vite une version de vulgarisation (Revue générale de l’antisepsie médicale et chirurgicale 26). Au tournant du xxe siècle, apparaissent ensuite des titres consacrés à des techniques thérapeutiques (Revue d’électrothérapie, 1890 ; Annales d’électro­ biologie, 1903) ou des productions de laboratoires pharmaceutiques industriels 27, tandis que se juxtaposent les titres consacrés à l’étude des maladies vénériennes, ceux dédiés aux maladies respiratoires, au premier rang desquelles la tuberculose, ou les « maladies » du cerveau (Revue de neurologie, 1893). En cela l’évolution du corpus des périodiques suit sans particularité saillante l’évolution des pratiques et thérapeutiques et des questionnements de la profession. Il permet de mettre en évidence cependant certains traits, comme la précocité de l’autonomisation de l’ophtalmologie, ou la fonction « matricielle » de la gynécologie‑obstétrique 28, ainsi que le poids des publications dédiées à des techniques thérapeutiques. Dans la courbe de croissance, la reprise des années 1920 doit se lire aussi à l’échelle de l’augmentation du nombre de praticiens : on compte en effet plus de 20 000 praticiens en 1920, le plus souvent formés à une ou deux spécialités complémentaires, la phtisiologie 29 et la pédiatrie 30 étant à l’époque les plus prisées. Le corpus devient de plus en plus professionnel, orienté majoritairement vers la santé publique. En 1920, une nouvelle politique a été mise en place avec la création du ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales et de nombreux postes de 25. Lacheretz, 2001, p. 21‑41. 26. 1888‑1923. 27. Annales des laboratoires Clin. Revue scientifique trimestrielle des nouveautés thérapeutiques (1904‑1939). 28. On notera l’alliance de spécialités, sans apparent rapport de proximité, comme la gynécologie et l’ophtalmologie (les Annales d’oculistique et de gynécologie, 1838) s’expliquant par des pratiques communes ou par opportunité de rapprochement, en général temporaire, entre sociétés savantes. 29. Revue de phtisiologie médico‑sociale (1924‑1934). 30. Annales de l’enfance. Biologie, pathologie, pédagogie, psychologie (1926‑1940). Lacheretz, 2001, p. 21‑41.

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médecine sociale sont créés : médecins d’usines et des administrations, inspecteurs de la santé et du travail, médecins‑conseils des organisations professionnelles [Annales d’hygiène publique, industrielle et sociale (1923‑1951), Revue internationale de méde‑ cine professionnelle et sociale (1928‑1939)]. Dans les colonies, des médecins missionnaires, pour la plupart des militaires, mettent en place une médecine de masse. Ainsi à partir de 1922, le médecin‑colonel Eugène Jamot remporte le premier grand succès de santé publique en Afrique noire contre la trypanosomiase 31 et publie de nombreux articles dans les Annales d’hygiène et de médecine coloniale (1898‑2012), et dans deux nouveaux titres la Revue pratique des maladies des pays chauds (1922‑1940) et les Annales de parasitologie humaine et comparée (1923‑2012). L’entre‑deux‑guerres voit l’affirmation des progrès de la biologie médicale, reflétée dans le corpus par la Revue française d’endocrinologie, 1923, ou la revue fondée par Gustave Roussy la même année, Annales d’anatomie pathologique, mais aussi l’émergence de la psychanalyse en France (Revue française de psychanalyse, 1927). L’après 1945 est faible en créations, qui ne reprennent de façon significative qu’au milieu des années 1960. Au sein de quelques titres de spécialités comme la Revue de gérontologie (1964), la Revue d’orthopédie dento‑faciale ou la Revue de médecine fonctionnelle toutes deux en 1967, les périodiques médicaux se caractérisent également par des titres professionnels de plus en plus « pointus » (Journal de l’infirmière de neurochirurgie, 1974), ou soulignant la diversification des pratiques et techniques thérapeutiques comme la Revue française d’acupuncture, 1975, la Revue de réadapta‑ tion fonctionnelle, 1977 ou la Revue de musicothérapie, 1981. Dissidences, comme les deux titres consacrés à la psychosomatique par rapport à la psychologie ou la psychanalyse (Revue de médecine psychosomatique, 1959 ; Revue française de psychosoma‑ tique, 1991) ou spécialisation professionnelle ou scientifique accrue pour un lectorat de plus en plus atomisé. DISPARITIONS : L’IMPACT DE LA GRANDE GUERRE

La courbe des disparitions par décennie est un indicateur à lire en vis‑à‑vis de la courbe de croissance du nombre de titres. Disparitions

Annales

Journaux

Revues

Total

%

Entre 1811 et 1820



1



1

0,5 %

Entre 1821 et 1830

1

3



4

2 %

Entre 1831 et 1840

1

1



2

1 %

Entre 1841 et 1850



1

1

2

1 %

Entre 1851 et 1860











Entre 1861 et 1870



1

1

2

1 %

Entre 1871 et 1880



2



2

1 %

31. Berlan, Thevenin, 2005.

213

LES REVUES MÉDICALES DEPUIS 1800

Disparitions

Annales

Journaux

Revues

Total

%

Entre 1881 et 1890



2

3

5

2,3 %

Entre 1891 et 1900

1

5

5

11

5,1 %

Entre 1901 et 1910

1

2

3

6

2,8 %

Entre 1911 et 1920

8

11

17

36

16,9 %

Entre 1921 et 1930

5

3

6

14

6,5 %

Entre 1931 et 1940

9

3

11

23

10,3 %

Entre 1941 et 1950



4

1

5

2,3 %

Entre 1951 et 1960

2

1

1

4

2 %

Entre 1961 et 1970

1

3

6

10

4,6 %

Entre 1971 et 1980

6

4

8

18

8,4 %

Entre 1981 et 1990



4

6

10

4,6 %

Entre 1991 et 2000

2

3

8

13

6,1 %

Entre 2001 et 2011

1

3

4

8

3,7 %

Titres toujours vivants

8

5

25

38

17,8 %

Total corpus

46

62

105

213

100 %

1

1. Sur les 190 revues vivantes pour l’ensemble du corpus de 1 385 titres, 25 sont des revues médicales soit 13,1 %.

C’est la décennie de guerre 1911‑1920 qui a été la plus cruelle pour la presse médicale avec plus de 16 % des titres qui disparaissent alors. Les arrêts des revues et jour‑ naux sont plus marqués au cours de la Première Guerre mondiale que de la Seconde. Certains titres anciens ne résistent pas à la mobilisation de guerre en 1914 : ainsi le Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacie militaire, fondé en 1815 ou le Journal des connaissances médico‑chirurgicales, lancé en 1833 32, disparaissent après respectivement 99 et 81 ans de parution. Les spécialités ayant donné lieu à des créations de titres encore récentes en 1914, sont sensiblement plus affectés par la rupture de la guerre (Annales de médecine et chirurgie infantiles, 1898 ; Annales d’électro‑ biologie et de radiologie, 1903 ; Revue de gynécologie et de chirurgie abdominale, 1897 ; Revue internationale de la tuberculose, 1902 ; Revue critique de médecine et de chirurgie, 1899). Ces deux derniers titres illustrent aussi le coup d’arrêt des entreprises intellectuelles internationales, comme des efforts de spécialisation bibliographique, qui reprendront après 1918 sous d’autres formes. La suspension des revues à caractère principalement bibliographique s’observe aussi dans d’autres domaines, comme les sciences ou l’histoire. En résumé, les titres créés après 1880 sont ceux qui se maintiennent le mieux et ceux qui dépassent tout juste la décennie d’existence sont les plus fragilisés. Les années de guerre bouleversent en effet les conditions d’exercice de la profession médicale et des services de santé. Pendant la Grande Guerre, plus de 600 000 professionnels 32. Devenu en 1853 Revue de thérapeutique médico‑chirurgicale.

214

Revue de synthèse : TOME 135, 6e SÉRIE, N° 2-3, 2014

de santé français sont mobilisés sur le front ou à proximité afin de secourir et de soigner les victimes tandis que d’autres se retrouvent prisonniers. Les périodiques médicaux se démarquent ici du corpus général, où la décennie noire des années 1930 dépasse en intensité la rupture de la Grande Guerre : 115 revues, 65 journaux et 38 annales disparaissent, soit 15,7 % de l’ensemble des titres. L’explication est claire : les effets de la mobilisation interrompent massivement l’activité de publication dans les revues. Suivant la courbe d’ensemble, la légère reprise de la décennie 1920 ne compense pas les arrêts consécutifs à la crise des années 1930 : Journal de vaccine et de maladies des enfants, hygiène et salubrité (1830‑1934), Revue de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique (1886‑1934), Revue de phtisiologie médico‑sociale (1924‑1934), Revue générale de médecine vétérinaire (1903‑1936), etc. Cette tendance se poursuit à l’approche de la Seconde Guerre mondiale, ce qui fait qu’entre les décennies 1911 et 1950, 78 titres, soit 36 % des titres du corpus disparaissent. Les titres médicaux se révèlent sensibles à la conjoncture économique défavorable à l’ensemble de l’édition à partir de 1930. Joue également l’effet de concurrence qui pénalise les tentatives de création au profit des revues « installées », qu’il s’agisse des titres de spécialité ou de revues professionnelles. La médecine suit en cela la même tendance que l’ensemble des autres domaines du corpus. Entre 1970 et 2000, 41 titres disparaitront, soit 19 % du corpus, la décennie 1970 étant la plus touchée avec 18 disparitions : essoufflement de titres très anciens (Annales d’oculistique, déjà cité, en 1977), et surtout arrêts de titres à vocation régionale. LONGÉVITÉ

L’analyse de la longévité des titres médicaux suit la dynamique du corpus général. Durée de vie

Annales

Journaux

Revues

Total général

%

10 ans



1

6

7

3,3 %

De 11 à 20 ans

13

27

39

79

37,1 %

De 21 à 30 ans

10

10

19

39

18,3 %

De 31 à 40 ans

6

1

13

20

9,4 %

De 41 à 50 ans



5

4

9

4,2 %

De 51 à 60 ans

3

1

4

8

3,8 %

De 61 à 70 ans



4

6

10

4,7 %

De 71 à 80 ans

3



5

8

3,8 %

De 81 à 90 ans

3

5

2

10

4,7 %

De 91 à 100 ans

2

2



4

1,9 %

Plus de 100 ans

6

6

7

20

8,9 %

Total général

46

62

105

213

100 %

La durée de 20 ans représente un point de stabilisation, avec 79 titres sur 213. La moyenne est essentiellement concentrée entre 11 et 30 ans (55,4 % des titres). Un titre

LES REVUES MÉDICALES DEPUIS 1800

215

vit le temps d’une génération (30 ans). La décrue au‑delà de 40 ans est remarquable, de même que la proportion de titres centenaires. Le relais au‑delà d’une génération ne vaut que pour un petit nombre, au sein desquels le poids des centenaires est majoritaire. En corrélant les périodes de créations intenses et la durée de vie, on observe que les titres lancés pendant les « trente glorieuses » du corpus (1881‑1910) donnent une durée de vie moyenne de 41 ans pour les annales, 40 pour les journaux, 41 pour les revues. En soustrayant les titres ayant dépassé cent ans, on obtient une durée moyenne respective de 29 ans, 31 ans et 26 ans. C’est légèrement supérieur à la longévité moyenne et confirme l’élan des années 1880. Le croisement confirme aussi la rupture de 1914 : les titres lancés lors de la décennie précédant le conflit ne survivent pas pour leur grande majorité. La comparaison entre les titres toujours vivants et les périodiques centenaires rappelle qu’une longévité accrue est le produit en général de changements de titres, donc d’adaptations significatives, sans même évoquer les absorptions qui sont toutefois moins importantes pour les titres centenaires que pour les autres. Étaient toujours publiés fin 2012 : 6 annales centenaires sur 19 titres vivants : Annales médico‑ psychologiques (1843) ; Annales de gynécologie et d’obstétrique 33 ; Annales d’hygiène et de médecine coloniale 34 ; Annales de médecine légale, de criminologie et de police scientifique 35. Du côté des revues, 7 titres centenaires sont toujours publiés : Revue hebdomadaire de laryngologie, d’otologie et de rhinologie (1880) 36 ; Revue obsté‑ tricale (1885) 37, Revue générale de clinique et de thérapeutique (1887) 38, Revue d’orthopédie (1890) 39 ; Revue de pathologie comparée (1902) 40 ; Revue de la tuber‑ culose (1893) 41 et Revue neurologique (1893). Pour les journaux, deux titres sur les 5 centenaires sont toujours vivants : Journal de physiologie et de pathologie géné‑ rale et Journal de chirurgie 42.

33. Lancé en 1874, devenu Gynécologie et obstétrique, 1920‑1971, puis Journal de gynécologie obstétrique et de biologie de la reproduction, 1972‑ (en ligne depuis 2001). 34. Lancé en 1898, devenu Annales de médecine et de pharmacie coloniale, 1920‑1940, puis Médecine tropicale, 1941‑. 35. Lancé en 1904. Annales de médecine légale de France, 1921‑1950, Médecine légale, 1968‑. 36. Revue mensuelle de laryngologie, d’otologie et de rhinologie, 1880‑1888. Supprime la référence « mensuelle » à compter de 1889 à 1895, repasse à un rythme hebdomadaire de 1896 à 1914. 37. Revue pratique d’obstétrique et de gynécologie, 1897‑1914, puis Revue française de gynécologie, 1919‑. 38. Depuis 1951 Revue du praticien. En ligne depuis 2005. 39. Revue d’orthopédie et de chirurgie de l’appareil moteur, 1928‑50. En ligne depuis 2009 avec Orthopaedics & Traumatology Surgery & Research. 40. Revue de pathologie comparée et d’hygiène générale, 1920‑1951 ; Pathologie générale, 1952‑. 41. Moyennant des adaptations du titre : Revue de la tuberculose et de pneumologie, 1959‑1972, Revue française des maladies respiratoires, 1973‑1983, enfin Revue des maladies respiratoires depuis 1984, en ligne depuis 1999. 42. Devenu Journal de chirurgie viscérale en 2010.

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Revue de synthèse : TOME 135, 6e SÉRIE, N° 2-3, 2014

RYTHME DE PUBLICATION : PRÉVALENCE DU MENSUEL EN MÉDECINE

Hebdomadaire

11

5,2 %

Bimensuel

11

5,2 %

Mensuel

109

51,1 %

Bimestriel

28

13,1 %

Trimestriel

32

15 %

Semestriel

2

1 %

Annuel

7

3,3 %

Irrégulier

13

6,1 %

Le mensuel s’impose en médecine (51,1 % du corpus), ce qui est bien supérieur à la moyenne du corpus général (42,4 %). Ce rythme apparaît très tôt au xixe siècle comme la périodicité idoine pour l’échange d’informations et de débat en sciences médicales. Les journaux d’Ancien Régime connaissaient en général des périodicités rapprochées qui pouvaient être infra‑mensuelles. Le relevé des premiers titres médicaux, à partir de l’Empire, ayant opté pour un rythme mensuel et s’y tenant, est significatif : Journal de bibliographie médicale, 1806 ; Journal de pharmacie, 1815 ; Annales de la méde‑ cine physiologique ainsi que Revue médicale française et étrangère, 1822 ; Journal de médecine pratique et Annales d’hygiène publique, 1829 ; Journal de médecine et de chirurgie pratiques ainsi que Journal de la vaccine, 1830 ; Journal des connaissances médico‑chirurgicales, 1833 ; Journal de médecine et de clinique de Toulouse, 1837 ; Annales d’oculistique, 1839 ; Journal de médecine vétérinaire, 1845. Ce sont en effet des titres fondateurs du domaine médical français au cours de la période antérieure à 1848. Si la périodicité mensuelle tend à s’affirmer pour l’ensemble des titres scientifiques au cours de la Restauration, il est intéressant de la voir adoptée d’emblée par ces revues pionnières. La réussite, ou à tout le moins le retentissement de ces exemples, explique le choix massif du mensuel en médecine. Cette périodicité correspond aussi au rythme des réunions des sociétés savantes, qui se développent surtout à partir de 1870‑1880 pour les spécialités médicales. Si ces facteurs concourent au renforcement du choix du mensuel, il faut aussi mettre en balance les contraintes de la production éditoriale et les besoins propres à la circulation des informations dans les communautés visées. Le mois apparaît comme le meilleur compromis dans le registre à la fois scientifique et professionnel, accordant un temps suffisant pour mettre en forme les communications et répercuter les nouvelles des diverses sociétés avec lesquelles on est en correspondance comme pour tirer profit du côté des abonnés de la matière de la revue et faire remonter les données utiles aux rédactions. Le fait particulièrement intéressant avec les titres médicaux est que l’adoption d’une périodicité de ce type ne varie que très peu : sur ces 109 titres, 11 seulement ont une parution fluctuante 43, chiffre 43. Trois titres voient leur périodicité se resserrer (Journal des médecins praticiens de Lyon et de sa région, 1903‑1914 (mensuel, bimensuel), la Revue médicale française et étrangère, 1822‑1886 (mensuel, bimensuel, hebdomadaire), le Journal des sciences médicales de Lille, 1878‑1981 (mensuel, hebdomadaire), huit sont affectés par un étirement de la périodicité.

LES REVUES MÉDICALES DEPUIS 1800

217

moins élevé que le corpus général. C’est la publication mensuelle qui forge la sociabilité scientifique, autant que les cours et les consultations. On comprend alors pourquoi bimestriels (28) et trimestriels (32) sont loin derrière les mensuels. Le nombre de titres trimestriels reste faible au xixe siècle et, comme dans le corpus général, ne décolle vraiment que dans la seconde moitié du xixe siècle. Les hebdomadaires, en nombre limité ici, sont des organes de presse professionnelle, essentiellement d’actualité. LIEUX D’ÉDITION

Du point de vue de l’histoire de la médecine, le relevé des lieux d’édition est beaucoup moins riche que les enseignements du rythme de publication. Paris domine, comme le montre le tableau ci‑dessous. Paris, Île-de-France

153

Paris et province

4

Lyon

8

Toulouse

6

Bordeaux

4

Marseille

4

Nancy

4

Grenoble

3

Tours

3

Le nombre écrasant de titres parisiens, par rapport à ceux publiés en province, illustre la prépondérance de la capitale dans la France médicale 44. La tendance au développement des spécialités, tant médicales que chirurgicales, n’a été nulle part aussi nette qu’à Paris où paraissent plus de 70 % des titres. Néanmoins, cette extrême centralisation qui caractérise la France dans tous les domaines ne doit pas faire oublier quelques grandes figures comme Bonnet et Pravaz à Lyon, Sédillot à Strasbourg ou Bretonneau à Tours. Mais les foyers régionaux précoces du point de vue des créations de périodiques se situent dans la France méridionale, ce sont dans l’ordre : Montpellier (Annales cliniques, 1809), puis Bordeaux (Journal de médecine pratique, 1828) et Toulouse (Journal de médecine et de chirurgie, 1837), avec une exception pour Nantes (Journal de la Section de médecine de la société académique de la Loire‑inférieure, 1825‑1894). Ce n’est que vers 1850 que se manifestent des centres comme Lyon (Journal de méde‑ cine vétérinaire, 1845), qui s’affirmera par la suite, ou comme Nancy. Lyon, Toulouse, Bordeaux, Nancy continueront à se renforcer ultérieurement, en général à cause du poids de la faculté de médecine. Quelques particularités en région sont aussi à relever  : le thermalisme, les laboratoires médicaux industriels ou des écoles spécialisées de

44. Weisz, 1994, p. 177‑211.

218

Revue de synthèse : TOME 135, 6e SÉRIE, N° 2-3, 2014

professions paramédicales suscitent une production de bulletins à caractère publicitaire ou associatif, le plus souvent de durée limitée. Plusieurs indicateurs issus de cette enquête statistique, comme la prépondérance du mensuel mais aussi la faible fluctuation de périodicité une fois le titre lancé et assuré, éclairent la place privilégiée du périodique dans le domaine de la communication scientifique et professionnelle en médecine et dans les disciplines connexes à partir de la seconde moitié du xixe siècle. Outre l’importance d’une circulation rapide de l’information, le tableau de la production éditoriale des revues ayant duré plus d’une décennie souligne aussi l’intrication complexe de la médecine généraliste, des spécialités, et des préoccupations de santé publique comme de formation professionnelle. Avant 1900, la production éditoriale française, qui ne diffère guère avant 1945 de celle d’autres pays européens, se consolide autour non seulement des facultés mais aussi d’un certain nombre de sociétés vouées à la promotion de la santé publique et de libraires éditeurs comme les Baillière ou Georges Masson, ce dernier s’affirmant comme l’équivalent d’un Félix Alcan pour la philosophie et les sciences humaines et sociales. Le rôle conjoint de ces différents acteurs comme l’évolution interne des sommaires des revues et les phénomènes de fusion/concentration de titres jusqu’à maintenant demeurent à approfondir au‑delà de l’étape de l’enquête statistique. C’est en combinant l’ensemble de ces données qu’on disposera d’une mise en perspective aboutie des mutations de l’édition médicale à partir de l’exemple français. LISTE DES RÉFÉRENCES

Berlan (Hélène) et Thevenin (Étienne), 2005, Médecins et société en France, du xvie à nos jours, Toulouse, Éditions Privat. Binet (J.P.), 1993, « La chirurgie de 1893 à 1993 », La Presse Médicale, 22, n°32, p. 1555‑1568. Bouquin (Corinne) et Tesnière (Valérie), 2014, « Une morphologie de la circulation des savoirs : la revue depuis 1800 », Revue de synthèse, tome 135, n° 2-3, 2014, pp. 175-202. Dalbin (Sylvie), 2014, « Des formes éditoriales composites : les revues françaises de chimie », Revue de synthèse, tome 135, n° 2-3, 2014, pp. 221-238. Jorland (Gérard), 2010, Une société à soigner, hygiène et salubrité publiques en France au xixe siècle, Paris, Gallimard. Kalifa (Dominique), Regnier (Philippe), Therenty (Marie‑Eve) et Vaillant (Alain), dir., La Civilisation du journal, histoire culturelle et littéraire de la presse française au xixe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2011. Lacheretz (Marius), 2001, « L’évolution corrélative de la chirurgie infantile et de la chirurgie orthopédique et traumatologie en France », Histoire des sciences médicales, XXXV, 1, p. 21‑41. Larue (Jean), 1964, Essai sur l’évolution de la presse médicale, Thèse Médecine Paris, n° 324. Pinnel (Patrice), 2005, « Champ médical et processus de spécialisation », Actes de la recherche en sciences sociales, 1, no 156‑157, p. 4‑36. Prevost (A.), 1900, La Faculté de médecine de Paris, ses chaires, ses annexes et son personnel enseignant de 1790 à 1900, Paris, Maloine.

LES REVUES MÉDICALES DEPUIS 1800

219

Weisz (George), 1994, « Mapping Medical Specialization in Paris in the Nineteenth and Twentieth Centuries », Social History of Medecine, p. 177‑211. Weisz (G.), 2003, « The Emergence of medical specialization in the 19th century », Bulletin of the History of Medicine, vol. 77, p. 536‑575. Weisz (G.), 2006, Divide and conquer: a comparative history of medical specialization, Oxford, Oxford university press.

[French medical journals since 1800].

French medical journals take the lead among the 1 385 titles of the statistical survey (15.4%). Efficient tool in communication, with an important pub...
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