Rec¸u le : 4 mars 2014 Accepte´ le : 7 juillet 2014 Disponible en ligne 30 juillet 2014

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50e Congre`s de la SFSCMFCO Facial asymmetries and their skeletal component J.-M. Mercier*, J.-P. Perrin, J. Longis, L. Arzul, P. Corre Service de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, hoˆtel-Dieu, CHU, 1,

Les asyme´tries faciales a` composante squelettique

place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France

Summary

Re´sume´

The diagnosis and treatment of facial asymmetries is one of the most difficult challenges in orthognathic surgery. In some cases, the involvement of soft tissue defects or, in other cases, an associated basi-cranial asymmetry can complicate the management. The influence of various components of the cephalic end in the development of the face requires a thorough clinical and radiographic examination including the overall posture of the patient. The causes are multiple: congenital, constitutional, acquired with an important esthetic, functional, and psychological and social impact. The classification of these asymmetries can only be incomplete and purely didactic because of the multiplicity of clinical forms. Two elements are mandatory for the diagnosis and surgical treatment: first, the anterior clinical and radiological ‘‘craniofacial cross’’ established from the midline or midplane of the face; second, the clinical and radiological orientation of the maxillary and mandibular occlusal transverse and sagittal planes. The surgical techniques are the same as in conventional orthognathic surgery except for those used for the correction of the vertical posterior dimension of the face: condylectomy, lengthening osteotomy of the mandibular ramus, costochondral graft, and free flap. The contribution of 3D vision of the facial skeleton and its possibilities of measurement have improved the assessment of skeletal structure displacement during surgery. However, traditional radiographic examinations are still useful for pre and postoperative comparison and also to assess results. Computer simulation and computer-assisted surgery should allow achieving

Le diagnostic et le traitement des asyme´tries faciales est un des challenges les plus difficiles en chirurgie orthognathique. La participation, dans certains cas d’anomalies des tissus mous ou l’association dans d’autres cas d’une asyme´trie basicraˆnienne, complique la prise en charge. L’influence des diffe´rents composants de l’extre´mite´ ce´phalique dans le de´veloppement de la face implique un examen clinique et radiographique rigoureux y compris de la posture globale du patient. Les e´tiologies sont multiples : conge´nitales, constitutionnelles, acquises avec un important retentissement esthe´tique, fonctionnel et psychosocial. La classification de ces asyme´tries ne peut eˆtre qu’incomple`te et a` vise´e purement didactique, tant les formes cliniques sont varie´es. La croix faciale ante´rieure e´tablie a` partir de la ligne ou du plan me´dio-facio-cervical et l’orientation du plan d’occlusion maxillaire et mandibulaire dans les sens transversal et sagittal, clinique et radiologique, sont les e´le´ments fondamentaux du diagnostic et de l’indication the´rapeutique. Les techniques chirurgicales sont les meˆmes qu’en chirurgie orthognathique classique a` l’exception de celles utilise´es pour la correction de la dimension verticale poste´rieure de la face : condylectomie, oste´otomie d’allongement du ramus mandibulaire, greffe chondro-costale et lambeau microanastomose´. L’apport de la vision en 3D du squelette facial et de ses mensurations a e´te´ un progre`s dans l’appre´ciation des de´placements a` re´aliser pendant la chirurgie. Ne´anmoins, la radio panoramique et les te´le´radiographies sont encore utiles pour la comparaison pre´ et post ope´ratoire et l’e´valuation des re´sultats. L’ave`nement de la simulation informatique et de la chirurgie

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (J.-M. Mercier). http://dx.doi.org/10.1016/j.revsto.2014.07.004 Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2014;115:219-228 2213-6533/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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better and more stable results because of their reliability and easy access. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Facial asymmetry, Mandibular condyle osteogenesis, Distraction hemifacial microsomia

L’

asyme´trie faciale a des aspects cliniques multiples : soit eˆtre tre`s localise´e au niveau de l’enveloppe cutane´e et imme´diatement perceptible comme un ptosis, un trouble limite´ de la motricite´, soit a` l’oppose´ atteindre certaines structures du squelette cranio-facial et passer inaperc¸ue pour un œil non averti. L’inte´grite´ de l’enveloppe faciale peut masquer la malformation ou la de´formation du squelette sous-jacent de`s lors que cette dernie`re n’affecte pas de fac¸on pre´gnante l’harmonie et la syme´trie du visage. Toute pathologie, conge´nitale, fonctionnelle, traumatique, tumorale, osseuse, cutane´o-musculaire, neurologique, dentaire, affectera la syme´trie du visage de`s lors qu’elle aura un caracte`re ou une pre´ponde´rance unilate´rale. L’influence morphoge´ne´tique re´ciproque des diffe´rents composants de l’extre´mite´ ce´phalique impose un choix de classification a` vise´e purement didactique limite´e aux asyme´tries squelettiques en rapport avec la the´matique orthognathique de ce congre`s. L’existence e´ventuelle d’une asyme´trie faciale doit eˆtre recherche´e chez tout patient venant consulter pour une chirurgie orthognathique, au risque sinon de se de´couvrir une fois traite´e la dysmorphose associe´e.

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assiste´e par ordinateur devrait permettre par sa fiabilite´ et son accessibilite´ l’obtention de re´sultats a` la fois meilleurs et constants. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Asyme´trie faciale, Condyle mandibulaire, Distraction osseuse, Microsomie he´mifaciale

Lignes verticales : elles passent par le canthus interne et le sillon aloge´nien et doivent eˆtre paralle`les a` la ligne verticale me´diane. Les photographies prises en posture ce´phalique naturelle comple`tent l’examen clinique. Elles ont un inte´reˆt clinique, comparatif, pe´dagogique, e´ditorial et me´dico-le´gal (fig. 1).

Crite`res de normalite´ de syme´trie faciale L’examen clinique [1–3] doit se re´fe´rer a` l’axe facial me´dian vertical e´tendu a` l’axe facio-cervical, voire a` l’axe corporel, le patient en position debout : verticalite´ de la pyramide nasale et du philtrum, position me´diane des lignes inter incisives, des freins labiaux et du point medio symphysaire. A` cette ligne de re´fe´rence doit s’ajouter 5 lignes horizontales et 2 lignes verticales. Ces lignes se repe`rent de face et en contre plonge´e. Lignes horizontales :  ligne bipupillaire (ou bicanthale externe) et ligne bitragale. Ces 2 lignes concernent la base du craˆne  ligne bicommissurale, ligne du plan occlusal et ligne biangulaire. Ces 3 lignes concernent la face proprement dite. Toutes ces lignes doivent normalement eˆtre perpendiculaires a` la ligne verticale de l’axe facio-cervico-corpore´al et donc paralle`les a` l’horizontale. Nous pourrions y ajouter la ligne biscapulaire.

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Figure 1. Lignes fondamentales d’e´tude de la syme´trie faciale.

Les asyme´tries faciales a` composante squelettique

Les explorations radiographiques L’apport diagnostique de la radiographie en 3D est un progre`s majeur, mais la limitation du champ a` la re´gion faciale pour le CBCT et le caracte`re irradiant pour la Tomodensitome´trie en limitent son utilisation a` des fins comparatives et rend toujours ne´cessaire l’usage de la te´le´radiographie de face et de profil. Il en est de meˆme de la radiographie panoramique qui doit comprendre syste´matiquement les articulations temporo-mandibulaires permettant ainsi le diagnostic imme´diat de certaines anomalies condyliennes. L’analyse structurale (fig. 2) et architecturale de face compare chacun des coˆte´s, verticalement et tranversalement a` partir d’une ligne me´diofacio-cervicale passant par la crista galli, l’e´pine nasale ante´rieure et si possible la ligne me´dio-rachidienne cervicale. L’analyse de profil permet d’objectiver l’asyme´trie des bords basilaires, l’orientation de la symphyse mentonnie`re et l’obliquite´ sagittale du plan d’occlusion maxillaire et mandibulaire de chacun des coˆte´s. Les analyses cranio-faciales tridimensionnelles sont peu utilisables en pratique car elles correspondent a` une transposition plus ou moins fiable des repe`res, angles ou lignes 2D sur une image 3D et ne permettent pas la re´alisation de trace´s pre´visionnels base´ sur un trace´ ide´al.

Empreintes, arc facial, moulages monte´s sur articulateur semi-adaptable et trace´ pre´visionnel sont autant d’outils utiles a` l’indication ope´ratoire. Certains auteurs [4] font e´tat de statistiques a` partir de diffe´rentes types d’analyse dimensionnelle portant sur le squelette ou les tissus mous de la face comparant chacun des coˆte´s de la face avec des formules mathe´matiques difficiles a` appliquer dans la pratique quotidienne. Des classifications ge´ome´triques sont e´galement propose´es a` partir de ces analyses [5,6]. Des logiciels d’analyse et de simulation chirurgicale sur images en 3D se de´veloppent de plus en plus mais ne sont pas encore du domaine courant en raison notamment de leur cou ˆ t et du temps d’utilisation [7,8].

Les asyme´tries faciales pures Les asyme´tries sont en rapport avec une discordance de volume ou de position dans les trois sens de l’espace, des bases osseuses d’un coˆte´ par rapport a` l’autre. Il faut distinguer les asyme´tries des bases osseuses, des asyme´tries dento-alve´olaires, bien que le distinguo ne soit pas toujours e´vident au niveau du maxillaire.

Les asyme´tries maxillaires

Figure 2. Asyme´trie mandibulaire en rapport avec une asyme´trie verticale de la partie pe´treuse de l’os et de la fosse temporale.

La croissance et la morphogene`se de l’e´tage moyen du visage de´pendent de l’activite´ physiologique et adaptative des sutures membraneuses se´parant les pie`ces squelettiques qui le forment (maxillaires, os zygomatiques, os nasal. . .), activite´ place´e sous l’influence de la croissance, de la fonction des tissus mous environnants et du capital dentaire (fig. 3). Sa position notamment sagittale e´tant soumise a` l’e´volution de la base ante´rieure du craˆne a` laquelle il est appendu. Les formes basales isole´es sont peu fre´quentes : fentes faciales, se´quelles d’oste´ite, de traumatisme, he´mi-hypertrophie d’origine vasculaire ou dans le cadre d’une he´mi-hypertrophie corporelle globale (fig. 4), neuro-fibromatose (NF1), he´miatrophie faciale progressive (Parry-Romberg), pathologie tumorale be´nigne (kystique dentaire, e´pidermique, dysplasie fibreuse, che´rubinisme), ou maligne ou iatroge`ne (radiothe´rapie). Leurs conse´quences sont des modifications de volume plus ou moins importantes selon la se´ve´rite´ et l’aˆge de survenue. Le traitement sera fonction de l’e´tiologie, souvent plus aise´ dans la re´duction du volume que dans sa restitution. Les formes dento-alve´olaires (ou e´tiquete´es comme telles) sont beaucoup plus fre´quentes et plus aise´es a` diagnostiquer en raison du retentissement occlusal : endo-alve´olie unilate´rale (fente labio-alve´olo-palatine), exoalve´olie unilate´rale comple`te du syndrome de Brodie, asyme´trie d’arcade par fermeture d’espace sur age´ne´sie ou extraction asyme´trique. Les anomalies verticales du maxillaire peuvent eˆtre basales (cf. supra) ou dento-alve´olaires adaptatives secondaires a` une modification verticale de la mandibule : soit e´gression par e´dentation mandibulaire non appareille´e, ou abaissement du plan occlusal mandibulaire de l’hyperplasie condylienne, soit

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Figure 3. Exemple d’asyme´trie maxillaire.

ingression en cas de brachy-ramie. Maxillaire et mandibule sont e´troitement lie´s et toute modification de l’un peut retentir sur l’autre. Cependant, la compacite´ et la puissance masticatoire de la mandibule auront une pre´valence sur le secteur alve´olaire maxillaire. Les asyme´tries maxillaires rotationnelles autour d’un axe plus ou moins central sont plus difficiles a` mettre en e´vidence surtout si la ligne me´dio-incisive est reste´e centre´e par rapport a` la le`vre supe´rieure : position asyme´trique des secteurs molaires par rapport a` la ligne me´dio-palatine ou de´viation de celle-ci. Elles sont rarement isole´es mais peuvent, avec les asyme´tries d’arcade maxillaire, eˆtre un pie`ge en cas de chirurgie bimaxillaire : proe´minence d’un angle mandibulaire par valgisation de la branche horizontale.

Les asyme´tries de la base osseuse mandibulaire Rappel anatomo-fonctionnel sur la mandibule A` l’inverse de l’e´tage moyen du visage compose´ de plusieurs pie`ces squelettiques se´pare´es par des sutures d’origine membraneuse, la mandibule, os me´dian, impair et syme´trique posse`de un mode de croissance diffe´rent « sectorise´ » en

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Figure 4. He´mi-hypertrophie faciale globale associe´e a` une he´mihypertrophie corporelle.

plusieurs unite´s squelettiques [9]. Ces unite´s, a` l’exception de l’unite´ symphysaire et dento-alve´olaire, s’articulent autour du foramen mandibulaire. Bjo ¨rk [10] a diffe´rencie´ 2 types de rotation mandibulaire, dites matricielles, ante´rieure et poste´rieure en rapport avec la fermeture ou l’ouverture de l’angle mandibulaire. Ces variations d’angle te´moignent de l’influence de la puissance masticatoire (fermeture) ou de la capacite´ de projection de la symphyse (ouverture) qu’il s’agisse de rattrapage sagittal dans la classe II ou d’e´chappement excessif dans la classe III. Elles sont donc fonctionnelles en rapport avec la morphogene`se faciale. Schudy [11] a montre´ l’importance de la croissance condylienne dans la croissance du ramus mandibulaire qui de part sa relation avec le corpus de´termine la hauteur poste´rieure du plan occusal mandibulaire et donc son orientation. Delaire [12] a insiste´ sur l’importance de cette orientation du plan d’occlusion dans le sens sagittal et transversal en chirurgie orthognathique. Il importe donc de diffe´rencier les variations d’angulation entre unite´ condylienne et unite´ corpus d’origine (dys)fonctionnelle, des variations d’angulation dues a` une variation du volume de

Les asyme´tries faciales a` composante squelettique

Figure 5. Sche´ma montrant la diffe´rence entre variation angulaire et variation de volume de l’unite´ condylienne.

l’unite´ condylienne (fig. 5). Les premie`res, a` l’inverse des secondes, n’influent pas (ou peu) sur le niveau vertical de la partie poste´rieure du plan d’occlusion mandibulaire. Ces 2 types de variation vont donner lieu a` 2 types d’asyme´trie mandibulaire [13,14] :  la late´rognathie mandibulaire fonctionnelle (fig. 6), secondaire a` une endo-maxillie ou alve´olie de type Cauhe´pe´ et Fieux, pre´sentant dans sa forme caracte´ristique, une de´viation late´rale du point inter incisif me´dian infe´rieur associe´e a` une ouverture avec e´le´vation plus ou moins importante de l’angle mandibulaire controlate´ral. Le plan d’occlusion reste paralle`le a` l’horizontale ou avec une obliquite´ minime. Une fermeture de l’angle du meˆme coˆte´ de la de´viation peut eˆtre observe´e. La correction chirurgicale se fait par oste´otomie sagittale mandibulaire bilate´rale classique type OSBM. Une pre´paration orthodontique ou chirurgicale d’expansion du maxillaire sera cependant ne´cessaire pour corriger l’endo-alve´olie maxillaire oppose´e a` la de´viation mandibulaire pour permettre un recentrage satisfaisant et une bonne syme´trie faciale ;  l’asyme´trie mandibulaire par variation unilate´rale de la dimension verticale poste´rieure : le plan d’occlusion pre´sente une obliquite´ marque´e par rapport a` l’horizontale. Le point inter incisif me´dian infe´rieur peut ne pas eˆtre de´vie´, mais la late´roge´nie est constante. La diffe´rence de hauteur des 2 angles mandibulaires est bien visible a` l’examen de la face en contre plonge´e.

Figure 6. Sche´ma et radiographie panoramique d’une late´ro-mandibulie fonctionnelle.

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L’exce`s vertical poste´rieur de la face (EVP) Il est duˆ a` une augmentation de volume de l’unite´ condylienne. L’hyperplasie condylienne (ou hypercondylie) repre´sente l’e´tiologie dominante ; on en distingue 2 formes (fig. 7 et 8) : la forme verticale pure ou` il n’y pas ou peu de de´calage occlusal dans le sens transversal, et la forme late´rale pure correspondant a` l’he´mi-e´longation dans la classification d’Obwegeser [3] avec un croisement plus ou moins complet de l’occlusion du coˆte´ oppose´ a` l’hyperplasie. Des formes interme´diaires ou mixtes sont possibles. Dans ces cas d’EVP, l’obliquite´ du plan d’occlusion de face est constante. La scintigraphie osseuse permet de confirmer le diagnostic par l’hyperfixation du produit radioactif (Tc 99) et son caracte`re e´volutif. La condylectomie permet de traiter a` la fois l’e´tiologie et l’exce`s de hauteur de la branche montante. Une OSBM controlate´rale peut eˆtre ne´cessaire dans la forme late´rale et retrouver ainsi d’emble´e une bonne occlusion. Dans la forme verticale, un remodelage du bord basilaire du coˆte´ de l’hyperplasie est ne´cessaire chez l’adulte pour obtenir, a` terme, une bonne syme´trie mandibulaire. En effet, un blocage intermaxillaire intermittent s’impose pour maintenir l’occlusion et obtenir l’horizontalisation progressive du plan d’occlusion sous l’action des muscles masticateurs. La dure´e de ce blocage est de´termine´e par l’obtention du contact de la tranche de section du condyle (ou de son col) avec la base du craˆne. Certains auteurs comme Obwegeser [3] associent syste´matiquement une oste´otomie maxillaire type Le Fort 1, soit a` la condylectomie si la scintigraphie est positive, soit a` une OSBM dans le cas contraire. L’insuffisance verticale poste´rieure de la face (IVP) Elle peut eˆtre due a` des e´tiologies diffe´rentes : hypocondylies ou acondylies conge´nitales isole´es ou entrant dans un

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contexte polymalformatif (microsomie he´mi faciale [MHF]), constitutionnelles, acquises post-traumatiques avec ou sans limitation de l’ouverture buccale (ankylose) ou par rhumatisme de´ge´ne´ratif (polyarthrite juve´nile). La technique de reconstitution de la hauteur faciale poste´rieure de´pend de l’e´tat de l’ATM. En cas de destruction (ankylose, processus de´ge´ne´ratif) ou d’aplasie de l’ATM (forme IIb, III de la classification de Prudzansky-Kaban), la greffe chondro-costale (GCC) est la plus utilise´e [15]. Le pre´le`vement doit se faire du coˆte´ oppose´ au niveau de la 6e ou 7e coˆte (incision sousmammaire) pour une meilleure adaptation du greffon. Pour e´viter une hypercroissance du greffon chez l’enfant, la hauteur du cartilage doit eˆtre limite´e a` 3 mm environ [16]. Chez l’adulte, dans les cas multi-ope´re´s avec re´cidive, certains auteurs pre´conisent la prothe`se articulaire [17,18]. Dans les formes IIb et III de la classification de Prudzansky-Kaban des microsomies he´mi-faciales, le re´sultat a` long terme de´pend de la qualite´ des tissus mous. Quelle que soit la technique utilise´e chez l’enfant, GCC, distraction oste´oge´nique, la de´gradation du re´sultat est la re`gle et ne´cessite une intervention secondaire dont les parents doivent eˆtre informe´s [19,20]. De ce fait, certains auteurs pre´fe`rent attendre la fin de la croissance pour la chirurgie primaire arguant le fait que la croissance mandibulaire et donc l’asyme´trie faciale reste homothe´tique de chaque coˆte´ de la mandibule [21,22]. La GCC pose´e avant le de´but de la puberte´ permet cependant de cre´er une branche montante et un appui basicraˆnien qui sera utile pour l’intervention secondaire. En raison de l’absence d’expansion durable des tissus mous hypoplasiques dans les formes se´ve`res de MHF, l’utilisation de lambeaux libres peut eˆtre propose´e avec succe`s [23]. L’existence d’une unite´ condylienne fonctionnelle et anatomiquement conservable de par son volume (MHF 1 et 2a, hypoplasie condylienne) permet l’allongement du ramus par

Figure 7. Sche´ma d’une hyperplasie condylienne. A. Forme verticale. B. Forme late´rale.

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Figure 8. Aspect clinique d’une hyperplasie condylienne. A. Forme verticale. B. Forme late´rale.

une oste´otomie verticale re´tro foraminale (fig. 9). La voie d’abord conjugue´e intra-orale et cutane´e sous-angulaire e´vite la greffe osseuse et permet une amplitude d’allongement supe´rieure a` 15 mm. Dans la quasi-totalite´ des cas, le caracte`re adaptatif de l’obliquite´ du plan maxillaire permet chez l’enfant et l’adolescent d’e´viter l’oste´otomie du maxillaire en raison de la correction spontane´e de l’infraclusie par e´gression spontane´e des dents, sans traitement orthodontique [13,14].

Les asyme´tries mandibulaires dento-alve´olaires Elles se pre´sentent sous 2 formes :  les asyme´tries intra arcade dentaire horizontales secondaires a` des age´ne´sies ou des extractions dentaires asyme´triques. Elles ont un impact majeur sur l’indication ope´ratoire en chirurgie orthognathique mandibulaire de`s lors qu’elles modifient la position des canines par rapport au plan coronal. Si tel est le cas, la mise en classe I, objectif prioritaire de toute

chirurgie orthognathique, entraıˆne une rotation horizontale de la mandibule et donc un de´calage tranversal des angles mandibulaires cre´ant une asyme´trie faciale par valgisation de l’angle d’un coˆte´ et varisation de l’autre. Cette situation repre´sente une contre-indication ope´ratoire et implique une correction orthodontique pre´alable de cette asyme´trie par extraction ou cre´ation d’espace ;  les asyme´tries dento-alve´olaires verticales par ingression ou e´gression dentaires. Dans les cas spontane´s, en regard d’un e´dentement ou par croisement total transversal d’articule´ dentaire de type syndrome de Brodie, on observe le plus souvent une arcade dentaire asyme´trique sur base osseuse mandibulaire syme´trique. A` l’inverse, les compensations orthodontiques secondaires verticales par nivellement ont pour conse´quences une horizontalisation du plan occlusal mandibulaire sur base osseuse asyme´trique. Dans ces cas, l’objectif d’obtention d’une arcade dentaire ide´alement positionne´e sur sa propre base osseuse peut eˆtre difficile a` atteindre. L’utilisation d’ancrages osseux a` vise´e orthodontique

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Figure 9. Sche´ma de l’oste´otomie d’allongement du ramus mandibulaire.

est une alternative a` l’oste´otomie segmentaire toujours de´licate dans les secteurs poste´rieurs.

Les autres formes d’asyme´tries mandibulaires Les autres formes d’asyme´tries mandibulaires sont :  la valgisation unilate´rale de la branche montante se´quellaire d’une fracture bifocale associant fracture de la re´gion ante´rieure avec une fracture condylienne et ouverture de l’arche mandibulaire ;  les de´formations d’origine tumorale be´nignes (pathologie kystique, dysplasie fibreuse) ou malignes (sarcomes) ;  les asyme´tries rotationnelles sont e´galement visibles au niveau mandibulaire. Elles sont souvent associe´es aux atteintes de la dimension verticale poste´rieure ou en rapport avec une discordance d’occlusion sagittale entre chaque he´mi-arcade, dont l’une est en classe I. Dans ce dernier cas, une oste´otomie unilate´rale peut suffire a` corriger la malocclusion, d’ou` l’inte´reˆt de toujours commencer par le coˆte´ de la de´viation dans la classe II ou du coˆte´ oppose´ dans la classe III.

Les asyme´tries faciales avec composante craˆnienne ou cranio-rachidienne La re´gion maxillo-zygomatique e´tant appendue sous l’e´tage ante´rieur de la base du craˆne et la mandibule a` la partie externe des pyramides pe´treuses (voir nomenclature), toute

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de´formation squelettique cranio-cervicale quelle qu’en soit l’origine aura un impact sur la syme´trie cranio-faciale. Il est souvent difficile de de´terminer avec pre´cision l’e´tiologie de ces asyme´tries. Certaines sont e´videntes telles les cranioste´noses (syndrome d’Appert, de Soethre-Cho ¨tzen), les troubles de la segmentation rachidienne (syndrome de KlippelFeil), les re´tractions musculaires (pte´rygium colli, torticolis conge´nital), les troubles de la posture d’origine visuelle (atteinte des muscles obliques de l’œil). Les plus fre´quentes sont le plus souvent discre`tes et de´couvertes fortuitement lors de l’examen clinique. Celui-ci montre une obliquite´ de la ligne bipupillaire (ou bicanthale externe) ou un de´calage vertical et parfois horizontal des orbites souvent associe´ a` une position asyme´trique horizontale ou verticale des pavillons de l’oreille, te´moignant d’une asyme´trie basicraˆnienne. Toutes les combinaisons sont possibles et l’examen clinique du patient en position debout de face et en contre plonge´e est tre`s utile pour bien appre´cier la position des structures ce´phaliques par rapport a` l’axe facio-cervicocorporel. En dehors des grandes distorsions craˆniennes conge´nitales pour lesquelles une indication ope´ratoire de chirurgie cranioorbitaire sera e´ventuellement pose´e, les autres dissyme´tries ne sont traite´es qu’au niveau facial. Dans ces cas, la ligne bipupillaire ne peut servir de re´fe´rence pour appre´cier l’orientation du plan d’occlusion maxillaire et/ ou mandibulaire et d’un point de vue esthe´tique, c’est l’horizontale qui pre´vaut, ou plus exactement la perpendiculaire a` l’axe cervico-facial du patient qui sera utilise´e e´galement sur la radiographie en incidence poste´ro-ante´rieure (fig. 10).

Les asyme´tries faciales a` composante squelettique

Figure 10. Aspects cliniques d’une asyme´trie faciale d’origine basicraˆnienne avant et apre`s oste´otomie maxillaire.

Toutefois, dans les cas de distorsion accentue´e, un compromis devra eˆtre trouve´ entre l’obliquite´ bipupillaire et celle de la ligne biscapulaire. Dans de nombreux cas, il existe une compensation progressive de rattrapage de la mandibule de telle sorte que son plan d’occlusion est horizontal avec parfois un point interincisif me´dian bien centre´ sur l’axe cervico-thoracique. Il sera pre´fe´rable dans cette situation de privile´gier le recentrage maxillaire par oste´otomie de Le Fort 1 au risque sinon d’avoir un axe facial aligne´ mais oblique par rapport a` l’axe vertical du patient lui donnant l’aspect d’une inclinaison permanente de la teˆte. Issue de la chirurgie implantaire, la chirurgie orthognathique assiste´e par ordinateur (CAO) sous ses diffe´rentes formes : logiciel de simulation, acquisition digitale des empreintes dentaires et prototypage de la gouttie`re de positionnement, re´alisation d’un gabarit pour la localisation de l’oste´otomie, a actuellement pour objectif le positionnement premier du maxillaire supe´rieur [24,25]. Son de´veloppement devrait avoir un inte´reˆt particulier dans la pre´cision

du positionnement des bases osseuses souvent difficile dans les asyme´tries faciales.

Conclusion Si les asyme´tries maxillaires retentissent peu sur la syme´trie globale du visage, elles ont un impact sur l’esthe´tique du sourire et peuvent eˆtre un pie`ge pour la chirurgie mandibulaire dans les asyme´tries d’arcade ou rotationnelle. Les asyme´tries mandibulaires, par leur visibilite´ clinique, sont pre´ponde´rantes, varie´es dans leurs e´tiologies et accessibles par diffe´rents types d’interventions chirurgicales. Le risque est de me´connaıˆtre l’existence d’une asyme´trie basicraˆnienne associe´e. La re´fe´rence a` un axe ou un plan me´dian cranio-facio-cervical clinique et radiographique est ne´cessaire devant toute asyme´trie. Les images radiologiques en 3D et les analyses ce´phalome´triques sont une aide indispensable. Les possibilite´s informatiques ouvrent des perspectives the´rapeutiques qui ne sont pas encore de pratique courante.

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De´claration d’inte´reˆts [14]

Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. [15]

Re´fe´rences [1]

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[Facial asymmetries and their skeletal component].

The diagnosis and treatment of facial asymmetries is one of the most difficult challenges in orthognathic surgery. In some cases, the involvement of s...
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