ARCPED-3928; No of Pages 4

Rec¸u le : 25 aouˆt 2014 Accepte´ le : 13 mars 2015

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Fait clinique

Tumeur d’Ewing de localisation mandibulaire. A` propos d’un cas Ewing sarcoma located in the mandible: A case report M. Hernandeza,*, D. Droza, L. Mansuyb, E. Simonc, P. Chastagnerb a De´partement d’odontologie pe´diatrique, CHU de Nancy, 2, rue du Docteur-Heydenreich, 54000 Nancy, France b De´partement d’he´mato-oncologie pe´diatrique, hoˆpital Brabois-Enfants, CHU de Nancy, rue du Morvan, 54511 Vandœuvre-le`s-Nancy, France c De´partement de chirurgie maxillo-faciale, hoˆpital central, CHU de Nancy, 29, avenue du Mare´chal-de-Lattre-de-Tassigny, 54000 Nancy, France

Summary

Re´sume´

Ewing sarcoma is the second most common primary malignant bone cancer in children and adolescents. Clinical presentation is usually dominated by local pain and a palpable mass. These symptoms justify imaging investigations: the first one, when an osseous lesion is suspected, is usually a conventional radiograph in two planes. Ewing sarcoma appears as a poorly defined osteolytic lesion that may frequently be associated with cortical erosion or laminar periosteal response (‘‘onion skin’’). However, this aspect is not pathognomonic and the definitive diagnosis is made by biopsy. Absence of pain or an unusual localization can lead to misdiagnosis. We report the case of a 7-year-old boy with Ewing sarcoma located in the mandible with a clinical picture including progressive mandibular swelling but no pain. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le sarcome d’Ewing est une tumeur osseuse ou extra-osseuse maligne rare qui peut inte´resser tous les os du squelette, mais plus particulie`rement les os plats. La douleur est tre`s souvent le symptoˆme re´ve´lateur, accompagne´e ou non d’une tume´faction et justifie la prescription d’imageries me´dicales loco-re´gionales comple´te´es par une biopsie. Certaines pre´sentations peuvent eˆtre trompeuses du fait de leur localisation atypique et/ou de l’absence de douleur. Nous pre´sentons le cas d’un enfant de 7 ans atteint d’un sarcome d’Ewing localise´ a` la mandibule, diagnostique´ devant une tume´faction mandibulaire d’apparition progressive sans symptomatologie douloureuse. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

permet de mieux appre´hender cette affection tumorale et de montrer l’importance d’e´tablir le diagnostic le plus pre´cocement possible afin d’augmenter les chances de gue´rison et diminuer les se´quelles fonctionnelles et esthe´tiques.

Tumeur maligne primitive osseuse (80 %) ou extra-osseuse (20 %), le sarcome d’Ewing survient essentiellement chez l’enfant et surtout l’adolescent. Il ne repre´sente que 2 % des tumeurs malignes en pe´diatrie mais il s’agit de la seconde tumeur osseuse maligne sur ce terrain. L’origine cellulaire reste inconnue mais des travaux re´cents sugge`rent que la cellule d’origine serait une cellule souche me´senchymateuse [1]. Nous rapportons le cas d’un jeune enfant atteint de sarcome d’Ewing localise´ a` la mandibule. Cette observation

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (M. Hernandez).

2. Observation Ce jeune garc¸on, aˆge´ de 7 ans, a e´te´ adresse´ en consultation d’odontologie pe´diatrique par son chirurgien-dentiste traitant pour une tume´faction de la symphyse et de la branche horizontale droite de la mandibule progressivement croissante depuis quelques semaines. Cette tume´faction mentonnie`re e´tait indure´e a` la palpation, sans douleur, mais avec pre´sence d’ade´nopathies sous-mandibulaires droites, angulo-maxillaires

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.03.007 Archives de Pe´diatrie 2015;xxx:1-4 0929-693X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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et cervicales late´rales (fig. 1 et 2). Aucune limitation d’ouverture buccale, perte d’appe´tit ou de poids re´cente, paresthe´sie des territoires d’innervation du nerf maxillaire infe´rieur (V3) et aucun signe inflammatoire local (gencive non e´rythe´mateuse) n’ont e´te´ note´s. En l’absence de trois incisives temporaires, classiquement retrouve´e en denture mixte mais d’aucune autre pathologie dentaire carieuse ou traumatique, une cause infectieuse d’origine dentaire a e´te´ rapidement e´carte´e. La radiographie panoramique dentaire a re´ve´le´ une le´sion lytique endoosseuse aux contours irre´guliers et flous s’e´tendant de la face me´siale de la premie`re molaire infe´rieure droite (46) a` la symphyse mentonnie`re avec pre´sence d’une re´action pe´rioste´e [(Figure_1)TD$IG]plurilamellaire et d’un refoulement des germes des dents

Figure 1. Vue de face, au moment du diagnostic : tume´faction mentonnie`re me´diane et late´ralise´e a` la partie droite de la branche horizontale.

[(Figure_2)TD$IG]

Figure 3. Radiographie panoramique dentaire initiale : oste´olyse a` bords irre´guliers (fle`che 1), de´placement des germes dentaires des deux pre´molaires mandibulaires droites (fle`che 2) et re´action pe´rioste´e plurilamellaire (fle`che 3).

permanentes (fig. 3). L’hypothe`se d’une le´sion tumorale a conduit a` orienter le patient vers le service de chirurgie maxillo-faciale. L’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) et le scanner mandibulaire (fig. 4) ont pre´cise´ les limites de la le´sion. Les analyses anatomopathologique et immuno-histochimique de la pie`ce de biopsie ont re´ve´le´ une prolife´ration tumorale constitue´e de petites cellules rondes aux noyaux arrondis hyperchromatiques avec un index mitotique e´leve´ a` 40 %, exprimant de fac¸on diffuse le CD99 (Cluster de diffe´renciation 99) au niveau membranaire. Le diagnostic de sarcome d’Ewing a e´te´ confirme´ par la mise en e´vidence de la translocation EWS/ FLI par amplification ge´ne´tique inverse (RT-PCR). Le bilan d’extension n’a pas mis en e´vidence de me´tastase. L’enfant a alors rec¸u un traitement selon le protocole Euro-EWING99 avec 6 cures de chimiothe´rapie ne´o-adjuvante associant vincristine, ifosfamide, doxorubicine et e´toposide. Au terme de cette chimiothe´rapie, le bilan iconographique a re´ve´le´ une asyme´trie persistante du menton avec diminution du volume tumoral de plus de 70 % (parties molles) et l’absence d’anomalie des aires ganglionnaires pe´riphe´riques. La chirurgie d’exe´re`se a consiste´ en une re´section de la partie droite de la branche horizontale de la mandibule avec dans un premier temps, une reconstruction assure´e par macroplaque d’oste´osynthe`se (fig. 5). L’analyse anatomo-pathologique de la

[(Figure_4)TD$IG]

Figure 2. Vue intrabuccale au moment du diagnostic : tume´faction e´tendue de la symphyse a` la face distale de la seconde molaire temporaire mandibulaire droite.

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Figure 4. Scanner mandibulaire, coupe frontale : rupture de la corticale vestibulaire (fle`che 1) et envahissement tumoral intra-osseux (fle`che 2).

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[(Figure_5)TD$IG]

Ewing mandibulaire

Figure 5. Radiographie panoramique dentaire postope´ratoire : re´section de la branche horizontale droite de la mandibule et reconstruction par plaque d’oste´osynthe`se.

[(Figure_6)TD$IG]

Figure 6. Radiographie panoramique dentaire 8 mois apre`s l’intervention : reconstruction osseuse au niveau de la plaque d’oste´osynthe`se.

pie`ce d’exe´re`se a montre´ 100 % de ne´crose tumorale et une exe´re`se comple`te de la tumeur. Le recours a` une radiothe´rapie comple´mentaire a donc pu eˆtre e´carte´ ce qui permet d’e´viter des troubles de croissance osseuse radio-induits, autorise des interventions chirurgicales reconstructrices ulte´rieures (greffes osseuses et implantologie) et e´limine le risque d’oste´oradione´crose. Par la suite, l’enfant a rec¸u une cure associant vincristine, actinomycine et ifosfamide et 7 cures du meˆme type en remplac¸ant l’ifosfamide par la cyclophosphamide. A` la fin du traitement, l’enfant a e´te´ conside´re´ en re´mission comple`te. Le bilan iconographique montrant une reconstruction osseuse au niveau de la plaque d’oste´osynthe`se (fig. 6), le recours a` une greffe osseuse par pre´le`vement de greffons osseux au niveau de la creˆte iliaque a e´te´ pre´fe´re´ a` un lambeau micro-anastomose´ de fibula.

3. Discussion La tumeur d’Ewing n’atteint les os de la face que dans 1 a` 2 % des cas. En termes de fre´quence, la localisation principale reste les os du craˆne et les cervicales puis la mandibule et enfin le maxillaire [2–4]. La symptomatologie de cette tumeur comprend classiquement des douleurs de rythme inflammatoire et une tume´faction plus ou moins palpable [5]. Des signes d’alte´ration de l’e´tat ge´ne´ral sont plus rarement pre´sents sugge´rant un stade avance´ de la pathologie tumorale. La

localisation mandibulaire, extreˆmement rare, et l’absence de douleur n’avaient pas permis d’e´voquer une tumeur d’Ewing en premie`re intention chez notre patient. Toute tume´faction suspecte justifie la prescription d’une imagerie [6,7]. La radiographie conventionnelle, examen de premie`re intention, re´ve`le une oste´olyse mite´e ou ponctue´e ou ge´ographique a` bords flous, une re´action pe´rioste´e plurilamellaire (en bulbe d’oignon) ou spiculaire ou encore a` type d’e´peron de Codman avec destruction de la corticale osseuse. L’IRM pre´cise les limites, les mensurations de la tumeur, l’envahissement de celle-ci dans les parties molles et les organes avoisinants et la pre´sence ou non de skip me´tastases (me´tastases osseuses situe´es dans le canal me´dullaire, se´pare´es de la tumeur me`re par du tissu osseux sain) [8]. Le sarcome d’Ewing est me´tastatique dans 20 a` 30 % des cas de`s le diagnostic, ce qui aggrave conside´rablement le pronostic et influence la the´rapeutique, d’ou` l’importance d’e´tablir un diagnostic pre´coce [9]. Les diagnostics diffe´rentiels sont l’oste´omye´lite, le granulome e´osinophile, le kyste ane´vrismal, la cellulite d’origine dentaire, une le´sion inflammatoire pe´ri-radiculaire d’origine dentaire et selon l’aˆge, l’oste´osarcome et les me´tastases osseuses de neuroblastome, qui peuvent se pre´senter en tableaux cliniques et iconographiques semblables a` la tumeur d’Ewing, mais chez des enfants le plus souvent beaucoup plus jeunes [10–12]. Un autre diagnostic diffe´rentiel peut eˆtre e´voque´ : la tumeur me´lanotique neuro-ectodermique, une tumeur rare se localisant dans plus de 90 % des cas au niveau du maxillaire. Cependant, elle survient habituellement chez le nourrisson et son profil histologique et immunohistochimique est tre`s caracte´ristique permettant d’e´tablir le diagnostic sans ambiguı¨te´ [13,14]. Actuellement, la strate´gie the´rapeutique du sarcome d’Ewing repose sur le protocole Euro-EWING99 selon le stade d’e´volution tumorale au moment du diagnostic, le caracte`re « bon » ou « mauvais » re´pondeur a` la chimiothe´rapie ne´o-adjuvante (de´fini par la pre´sence de  10 % de cellules tumorales viables sur la pie`ce de re´section chirurgicale) et la qualite´ de la chirurgie d’exe´re`se [15]. A` noter l’introduction, dans un futur protocole, des biphosphonates qui pourraient permettre de controˆler l’autostimulation entre oste´oclastes et cellules tumorales. Les biphosphonates ont un effet antitumoral direct, en inhibant la re´sorption osseuse, et indirect, en inhibant la stimulation des cellules tumorales par les cytokines produites par les oste´oclastes [16,17]. Cependant, leur utilisation soule`ve la question du risque d’oste´ochimione´crose des maxillaires, meˆme si aucun cas n’a encore e´te´ rapporte´ a` notre connaissance chez l’enfant a` ce jour [18].

4. Conclusion La localisation mandibulaire du sarcome d’Ewing pose le proble`me de son diagnostic et de ses modalite´s the´rapeutiques

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(chirurgicales et biphosphonates). Tout jeune patient pre´sentant une le´sion osseuse suspecte doit eˆtre impe´rativement adresse´ en milieu spe´cialise´ afin de be´ne´ficier dans les plus brefs de´lais, d’une imagerie loco-re´gionale (radiologie conventionnelle, IRM, scanner) comple´te´e d’une biopsie afin d’orienter le diagnostic.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

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