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Journal français d’ophtalmologie (2014) xxx, xxx.e1—xxx.e3

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LETTRE À L’ÉDITEUR Esthésioneuroblastome ethmoïdal découvert par des manifestations ophtalmologiques Ethmoid esthesioneuroblastoma presenting with ophthalmologic manifestations Introduction Les manifestations cliniques ophtalmologiques révèlent parfois des pathologies naso-sinusiennes malignes sans symptôme rhinologique. Il est donc important de les connaître et de demander des examens d’imagerie afin de ne pas retarder le diagnostic d’une pathologie potentiellement grave. Nous rapportons le cas d’un jeune patient qui présentait une diplopie révélant un esthésioneuroblastome (ENB) ethmoïdo-frontal gauche. Le labyrinthe ethmoïdal est une très rare localisation de l’ENB. Cas clinique Un patient de 38 ans présentait une diplopie intermittente depuis 2 mois associée à une exophtalmie et à un œdème palpébral supérieur gauche sans symptôme rhinologique. Il n’avait aucun antécédent naso-sinusien ni de traumatisme cranio-facial. L’examen ophtalmologique confirmait une diplopie binoculaire, oblique dans le regard à droite et en haut de l’œil gauche associée à une exophtalmie gauche à 22 mm, indolore, non axile, non pulsatile, déviée vers le bas et non réductible. L’acuité visuelle était conservée. Le fond d’œil était sans particularité. Le patient a été transféré par nos confrères ophtalmologiques pour une suspicion de mucocèle ethmoïdale révélée par le scanner rhino-sinusien non injecté. Cette opacité était en continuité avec une formation tissulaire intra-orbitaire gauche biconvexe associée à un défect minime de la lame papyracée. Le scanner confirmait également l’exophtalmie de grade 1 de l’œil gauche. L’examen endonasal lors de consultation initiale ne retrouvait pas de lésion visualisable. Une biopsie sous anesthésie générale a été réalisée. Les résultats anatomopathologiques avec étude immunohistochimique des biopsies révélait un ENB peu différencié, de grade III selon la classification d’Hyams. Le scanner facio-cervico-thoracique avec injection et l’IRM facio-cérébrale après la biopsie confirmaient une

lésion ethmoïdo-frontale gauche avec extension dans l’orbite gauche ainsi qu’un ganglion sous-maxillaire gauche suspect. La morphoTEP retrouvait une hyperfixation de la lésion et du ganglion sous-maxillaire gauche. Le patient a été traité par chimiothérapie première suivie de chirurgie et de radiothérapie post-opératoire selon la décision de la réunion de concertation pluridisciplinaire. La chimiothérapie consistait en 4 cures espacées de 3 semaines : oncovin—adriamycine—endoxan pour les premières et troisièmes cures en alternance avec cisplatine—étoposide pour les deuxièmes et quatrièmes cures. Ce protocole de chimiothérapie a permis une régression spectaculaire de la masse tumorale confirmée par le bilan imagerie à 3 semaines de la fin de la chimiothérapie. Le patient a bénéficié, par la suite, d’une chirurgie et d’une radiothérapie. Il est actuellement à un an de recul sans récidive. Discussion L’ENB est une tumeur maligne rare des cavités nasosinusiennes et peut être observé à tout âge. Son développement est supposé provenir de cellules neuroépithéliales olfactives localisées à la partie supérieure des fentes olfactives. Son mode de révélation est le plus souvent l’obstruction nasale (70 %) ou l’épistaxis unilatérale (46 %) [1]. Dans certain cas, il peut se manifester par des céphalées, une rhinorrhée, une anosmie, un larmoiement ou des troubles visuels associés à une symptomatologie rhino-sinusienne (8—10 % des cas) [1]. Chez notre patient, la symptomatologie ophtalmologique était isolée, raison pour laquelle il a initialement été adressé en consultation d’ophtalmologie. L’examen clinique retrouve le plus souvent une masse endonasale (87 %)[1], d’aspect polypoïde, cribriforme, gris-rosé localisée à la partie supérieure de la fosse nasale. L’imagerie par scanner et IRM est essentielle à la stadification. Sur les coupes scanographiques avec injection, la tumeur est révélée par une hyperdensité modérée et homogène. Par ailleurs, on peut trouver des érosions osseuses des lames papyracée et criblée, des calcifications amorphes disposées au-dessus de la lame criblée de l’ethmoïde. En IRM, la masse présente un hypo-signal par rapport à celui de la substance grise en T1 et un iso- ou hypersignal en T2. Les séquences en T1 avec saturation de graisse, sans ou avec renforcement par gadolinium, sont utiles pour différencier une rétention séromuqueuse de la

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Pour citer cet article : Nguyen DT, et al. Esthésioneuroblastome ethmoïdal découvert par des manifestations ophtalmologiques. J Fr Ophtalmol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.09.013

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Figure 1. La coupe coronale scannographique avant la biopsie montre : 1) une opacité arrondie au niveau ethmoïdal ; 2) une opacité biconvexe située sous le toit de l’orbite avec le défect de la lame papyracée ; 3) une opacité du sinus frontal gauche ; 4) le respect des fentes olfactives.

tumeur et pour rechercher une extension tumorale vers la graisse orbitaire ou le tissu orbitaire [2]. La présence de microcalcifications au sein de la tumeur [3] et les cavités kystiques à l’interface tumeur-cerveau visibles en imagerie sont caractéristiques, voire pathognomoniques des ENBs [4]. La localisation de l’ENB est le plus souvent observée à proximité de la lame criblée [2]. Cependant, un cas d’ENB de l’ethmoïde sans atteinte de la fente olfactive a été rapporté [3]. Chez notre patient, la tumeur était localisée dans le labyrinthe ethmoïdal gauche, et s’étendait vers le sinus frontal gauche et l’orbite (Figs. 1 et 2). Le diagnostic histologique n’est pas difficile si la tumeur est bien différenciée. Elle est alors composée de petites cellules homogènes et uniformes avec des noyaux ronds ou ovales, avec des formations en rosette ou pseudo-rosette (Fig. 3). Lorsque la tumeur est peu ou indifférenciée, composée de petites cellules hyperchromatiques et anaplasiques, le diagnostic nécessite des études immunohistochimiques avec recherche d’un marquage positif pour synaptophysine (> 90 %) [5], NSE (neuron specific enolase, > 90 %) [5], chromogranine, CD56, et absence d’expression des marqueurs musculaires (desmine, vimentine, actine, myogénine) et des marqueurs de différenciation des cellules épithéliales (cytokératine) ou d’antigène leucocytique commun. Le diagnostic nécessite parfois le recours à la microscopie électronique qui met en évidence des granules neurosécrétoires très denses dans le cytoplasme et les processus nerveux [5]. Hyams et al. [6] ont classifié l’ENB en 4 stades histopathologiques (I à IV) en se basant sur la préservation de l’architecture lobulaire, l’index mitotique, le polymorphisme nucléaire, la matrice fibrillaire, les rosettes et la nécrose. Kadish et al. ont proposé une classification clinique en 3 stades (A, B, C) sans prendre en compte les métastases ganglionnaires et à distance [7]. La métastase ganglionnaire cervicale est cependant retrouvée lors du diagnostic initial dans 5 [8] à 20 % des cas [9] et peut survenir tardivement plusieurs années après le traitement initial[9]. La classification

Lettre à l’éditeur

Figure 2. La coupe d’IRM après la biopsie montre : 1) un hypersignal de l’ethmoïde antérieur évoquant un processus tumoral ; 2) l’opacité biconvexe en hypersignal sous le toit de l’orbite évoquant du tissu tumoral ; 3) une masse en hypersignal du sinus frontal gauche évoquant également du tissu tumoral intrasinusien ; 4) les fentes olfactives ne sont pas envahies par la tumeur.

la plus employée actuellement est celle de Dulguerov et al. [8] (Tableau 1). En l’absence de consensus, le traitement classique associe chirurgie et radiothérapie post-opératoire. La survie globale à 5 ans est de 45 % [8]. La chimiothérapie prend progressivement sa place car l’ENB partage certains caractères biologiques avec d’autres tumeurs chimio-sensibles originaires de la crête neurale [10]. Il n’y a aucune donnée établie en faveur d’une radiothérapie ou d’un curage cervical prophylactique en cas d’absence d’adénopathie

Figure 3. L’anatomopathologie met en évidence une tumeur composée de petites cellules homogènes et uniformes avec des noyaux ronds ou ovalaires et le marquage positif à la chromogranine A.

Pour citer cet article : Nguyen DT, et al. Esthésioneuroblastome ethmoïdal découvert par des manifestations ophtalmologiques. J Fr Ophtalmol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.09.013

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Tableau 1 Les 2 classifications proposées pour la stadification des esthésioneuroblastomes. La classification de Kadish ne prend pas en compte les métastases à distance. Celle de Dulguerov est actuellement la plus utilisée. Classification de Kadish (1976) [7]

Classification TNM selon Dulguerov et al. (2001) [8]

Stade A : tumeur localisée au niveau de la cavité nasale Stade B : tumeur étendue aux sinus Stade C : tumeur s’étendant au-delà des sinus paranasaux

T1 : tumeur développée dans la cavité nasale et dans les sinus paranasaux (sauf le sinus sphénoidal) laissant un espace entre la tumeur et la lame criblée T2 : tumeur développée dans la cavité nasale ou dans le sinus et venant au contact de la lame criblée et/ou avec extension au sphénoïde T3 : tumeur intracrânienne extradurale et/ou atteinte orbitaire T4 : tumeur intracrânienne intradurale N0 : pas de ganglions métastatiques cervicaux N1 : présence de ganglions métastatiques cervicaux M0 : pas de métastases à distance M1 : métastases à distance

cervicale clinique et en imagerie. Il est recommandé de réaliser un évidement ganglionnaire cervical puis une radiothérapie externe lors du traitement initial en cas de métastase(s) ganglionnaire(s) clinique(s) ou scannographique(s) [9]. Conclusion L’esthésioneuroblastome est une tumeur maligne rare des fosses nasales qui peut se révéler par des symptômes ophtalmologiques sans manifestations cliniques rhino-sinusiennes. Une imagerie naso-sinusienne peut donc être discutée devant une symptomatologie ophtalmologique même en l’absence de manifestations cliniques rhinologiques. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article. Références [1] Dulguerov P, Calcaterra T. Esthesioneuroblastoma: the UCLA experience 1970—1990. Laryngoscope 1992;102:843—9. [2] Pickuth D, Heywang-Köbrunner SH, Spielmann RP. Computed tomography and magnetic resonance imaging features of olfactory neuroblastoma: an analysis of 22 cases. Clin Otolaryngol Allied Sci 1999;24:457—61. [3] Cunningham MJ, Lin DT, Curry Jr WT, Ebb DH, Yock TI, Curtin HD, et al. Case records of the Massachusetts General Hospital. Case 20-2007. An 11-year-old boy with a calcified mass in the nose. N Engl J Med 2007;356:2721—30. [4] Som PM, Lidov M, Brandwein M, Catalano P, Biller HF. Sinonasalesthesioneuroblastoma with intracranial extension: marginal tumor cysts as a diagnostic MR finding. AJNR Am J Neuroradiol 1994;15:1259—62.

[5] Thompson LD. Olfactory neuroblastoma. Head Neck Pathol 2009;3:252—9 [Epub 2009 Jul 16. Review]. [6] Hyams VJ, Batsakis JG, Michaels L. Olfactory neuroblastoma. Tumors of the upper respiratory tract and ear, 25. Washington DC: Armed Forces Institute of Pathology; 1988. p. 240—8. [7] Kadish S, Goodman M, Wang CC. Olfactory neuroblastoma. A clinical analysis of 17 cases. Cancer 1976;37:1571—6. [8] Dulguerov P, Allal AS, Calcaterra TC. Esthesioneuroblastoma: a meta-analysis and review. Lancet Oncol 2001;2:683—90 [Review]. [9] Zanation AM, Ferlito A, Rinaldo A, Gore MR, Lund VJ, McKinney KA, et al. When, how and why to treat the neck in patients with esthesioneuroblastoma: a review. Eur Arch Otorhinolaryngol 2010;267:1667—71 [Epub 2010 Aug 13. Review]. [10] Loy AH, Reibel JF, Read PW, Thomas CY, Newman SA, Jane JA, et al. Esthesioneuroblastoma: continued follow-up of a single institution’s experience. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2006;132:134—8.

D.T. Nguyen a,∗ , H. Eluecque a , A. Russel a , B. Toussaint a , C. Vigouroux b , B. Marie b , R. Jankowski a a Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital Central, CHU de Nancy, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54000 Nancy, France b Service d’anatomopathologie, hôpital Central, CHU de Nancy, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54000 Nancy, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D.T. Nguyen)

Pour citer cet article : Nguyen DT, et al. Esthésioneuroblastome ethmoïdal découvert par des manifestations ophtalmologiques. J Fr Ophtalmol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.09.013

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