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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2014) xxx, xxx—xxx

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HÉMORRAGIE DU POST-PARTUM

Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum Epidemiology of post-partum haemorrhage C. Deneux-Tharauxa,b,∗, M.-P. Bonneta,b,c, J. Tortd a

Inserm U1153, équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), centre d’épidémiologie et biostatistiques Sorbonne Paris Cité, 53, avenue de l’Observatoire, 75014 Paris, France b DHU « Risques et grossesse », université Paris-Descartes, 53, avenue de l’Observatoire, 75014 Paris, France c Département d’anesthésie-réanimation, hôpital Cochin, université Paris-Descartes, AP—HP, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, Paris, France d IRD UMR 216, mère et enfant face aux infections tropicales, faculté de pharmacie, université Paris-Descartes, 4, avenue de l’Observatoire, 75006 Paris, France

MOTS CLÉS Hémorragie du post-partum ; Incidence ; Facteurs de risque ; Morbidité maternelle ; Mortalité maternelle



Résumé Objectif. — Faire la synthèse des connaissances concernant l’incidence, les causes et les facteurs de risque de l’hémorragie du post-partum (HPP) et la morbi-mortalité maternelle associée. Méthodes. — Consultation de la base de données Medline et des rapports nationaux sur la mortalité maternelle. Résultats. — L’HPP est définie comme une perte sanguine ≥ 500 mL après l’accouchement, et l’HPP sévère comme une perte sanguine ≥ 1000 mL, quelle que soit la voie d’accouchement (accord professionnel). Dans les études en population, l’incidence de l’HPP est autour de 5 % des accouchements lorsque la mesure des pertes sanguines est imprécise, et autour de 10 % lorsque les pertes sanguines sont mesurées précisément. L’incidence de l’HPP sévère est autour de 2 %. L’atonie utérine est la principale cause d’HPP. La mortalité maternelle par hémorragie obstétricale a diminué en France (actuellement 1,6 décès/100 000 naissances vivantes), mais elle demeure la première cause de décès maternel (16 %), et la plus évitable (80 %). Dans l’ensemble des pays développés, l’HPP est la principale cause de morbidité maternelle sévère aiguë, et d’admission en réanimation chez la femme en état gravido-puerpéral. Outre les conséquences directes de l’hypovolémie aiguë, elle expose la femme aux complications de la transfusion, de la réanimation, et à l’infertilité en cas d’hystérectomie. Les principaux facteurs de risque d’HPP sont des facteurs d’atonie utérine, mais ils sont globalement peu prédictifs.

Auteur correspondant. Inserm U1153, équipe EPOPé, Maternité Port-Royal 6e étage, 53, avenue de l’Observatoire, 75014 Paris, France. Adresse e-mail : [email protected] (C. Deneux-Tharaux).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023 0368-2315/© 2014 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : Deneux-Tharaux C, et al. Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023

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C. Deneux-Tharaux et al. Conclusion. — L’HPP est la principale cause de morbi-mortalité maternelle, le plus souvent en rapport avec une atonie utérine. Les facteurs de risque correspondant à des éléments de prise en charge du travail ou de l’accouchement sont potentiellement modifiables et l’examen de leur balance bénéfice-risque doit prendre en compte le risque associé d’HPP (accord professionnel). © 2014 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Post-partum haemorrhage; Incidence; Risk factors; Maternal morbidity; Maternal mortality

Summary Objectives. — To synthesize the available evidence regarding the incidence, causes, risk factors of post-partum haemorrhage (PPH) and the associated maternal morbidity. Methods. — Consultation of the Medline database and of national reports on maternal mortality. Results. — PPH is defined as a post-partum blood loss ≥ 500 mL, and severe PPH as a post-partum blood loss ≥ 1000 mL, whatever the delivery route. In population-based studies, the incidence of PPH is around 5% of deliveries when blood loss is not precisely assessed and around 10% when it is. The incidence of severe PPH is around 2%. Uterine atony if the main cause of PPH. Maternal mortality due to obstetric haemorrhage has decreased in France (currently 1.6 death/100,000 live births) but remained the first cause of maternal death (16%) and the most avoidable (80%). In high-resource countries, PPH is the main cause of acute severe maternal morbidity, and of pregnancy-related ICU admissions. In addition to the direct consequences of acute hypovolemia, PPH exposes the women to the complications of transfusion, of intensive care and to infertility in case of hysterectomy. The main risk factors for PPH are factors of uterine atony, but they are globally poorly predictive. Conclusion. — PPH is the principal cause of severe maternal morbidity, most often due to uterine atony. Risk factors related to components of care during labor and delivery are amenable to change, and the assessment of their risks-benefits balance should take into account the associated risk of PPH. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction L’hémorragie du post-partum (HPP) constitue la complication la plus fréquente de l’accouchement et donc une question de pratique courante en obstétrique. Elle a des conséquences graves puisqu’elle est la principale composante de la morbidité maternelle sévère, la principale cause d’admission en service de réanimation pendant ou au décours de la grossesse et, en France, une des principales causes de mortalité maternelle [1]. Une bonne connaissance de l’épidémiologie de l’HPP, c’est-à-dire de sa fréquence, de ses causes, des sousgroupes de femmes les plus à risque et de ses conséquences sur la santé de la femme est un préalable important pour établir une stratégie de prévention et de prise en charge optimale. La littérature documentant ces aspects est abondante mais sa synthèse est rendue difficile par l’hétérogénéité des méthodes choisies pour définir l’HPP et donc de celle des cas analysés. L’objectif de ce chapitre est de faire la synthèse des connaissances actuelles concernant l’incidence, les causes et les facteurs de risque individuels de l’HPP et la morbimortalité maternelle associée.

Matériel et méthodes Une recherche bibliographique a été effectuée à l’aide de la base de données informatique Medline entre 1989 et avril 2014. Les mots clés suivants ont été choisis et combinés en

autant d’étapes que nécessaire : post-partum haemorrhage, incidence, aetiology, causes, risk factors, epidemiology, maternal mortality, maternal morbidity, hysterectomy. Seules ont été retenues les publications de langue anglaise et franc ¸aise. Plusieurs revues de synthèse sur le sujet ont été consultées. La recherche informatisée a été complétée par une recherche manuelle des références des articles sélectionnés. Les recommandations des sociétés savantes suivantes ont été consultées : Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG) http://www.rcog.org.uk ; Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada (SOGC) www.sogc.org ; American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) www.acog.org ; Organisation mondiale de la santé (OMS) www.who.org ; ainsi que les rapports sur la mortalité maternelle de la France [2], du Royaume-Uni [3] et de l’OMS [4].

Définition et incidence de l’hémorragie du post-partum (HPP) Une précision sémantique est nécessaire en préambule, plusieurs termes étant utilisés pour désigner l’hémorragie maternelle survenant autour de l’accouchement. Le terme « hémorragie de la délivrance » tend à être abandonné car il est ambigu, suggérant qu’il n’englobe que les hémorragies survenant pendant la phase de délivrance (et donc pas celles, par exemple, débutant à distance de l’expulsion placentaire) et/ou que celles en rapport avec le processus de délivrance (et donc pas celles, par exemple, causées par

Pour citer cet article : Deneux-Tharaux C, et al. Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023

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Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum des lésions de la filière génitale ou des plaies vasculaires). Le terme « hémorragie du post-partum » est maintenant préféré. Il a l’avantage d’être basé sur une notion temporelle claire, et englobe toutes les situations de perte sanguine excessive (voir définition précise ci-dessous) identifiée dès la naissance de l’enfant et dans ses suites (immédiates ou secondaires), quelle que soit la cause. Il a par ailleurs l’avantage d’avoir un équivalent direct et sans ambiguïté de traduction en anglais.

Définition L’HPP L’hémorragie du post-partum est classiquement définie par une perte sanguine provenant du tractus génital égale ou supérieure à 500 mL après un accouchement [5]. L’hémorragie du post-partum immédiat ou HPP primaire survient dans les 24 premières heures suivant l’accouchement ; c’est la forme la plus fréquente et celle qui expose le plus à un tableau clinique aigu grave ; l’essentiel de la littérature scientifique porte sur l’HPP primaire, de même que les recommandations de prise en charge. L’HPP secondaire, survenant au-delà des 24 premières heures et jusqu’à 6 semaines après l’accouchement, est beaucoup plus rare et relève d’étiologies particulières ; elle fait l’objet d’un chapitre spécifique (voir Langer et al. [6]). Cette définition de l’HPP basée sur un seuil de perte sanguine, simple à première lecture, pose en fait plusieurs difficultés : d’une part, le choix du seuil ne repose pas sur des bases scientifiques solides ; d’autre part, la quantification exacte des pertes sanguines post-partum est difficile en pratique et la méthode d’évaluation de ces pertes influence le volume relevé. Le traditionnel seuil de 500 mL est très ancien puisqu’il apparaît dans des travaux historiques publiés entre les années 1941 et 1967 [7—10]. Il s’agit d’un seuil arbitraire, qui semble avoir été basé sur un choix de percentile de distribution et non sur des considérations cliniques de morbidité associée ou de tolérance du saignement. Parmi les études disponibles décrivant la distribution des pertes sanguines au sein de populations de parturientes (accouchements essentiellement ou exclusivement par voie basse), ce seuil de 500 mL se situe en général autour du 90e ou 95e percentile d’une population peu sélectionnée [7,8,11—14], mais est parfois plus proche de la médiane dans des études anciennes [9,15], ce qui l’a fait critiquer [16]. L’interprétation de ces variations reste toutefois difficile car elles peuvent correspondre à de vraies différences entre populations, mais aussi être la conséquence de l’hétérogénéité des méthodes de mesure de la perte sanguine. En effet, l’autre écueil de la définition classique de l’HPP tient au fait que la méthode, variable, d’évaluation de la perte sanguine détermine en grande partie le résultat, et donc l’incidence rapportée de l’HPP. Plusieurs études ont bien montré que l’estimation visuelle de la perte sanguine du post-partum n’était pas fiable, entraînant une surestimation des faibles volumes et une sous-estimation des volumes importants, de fac ¸on croissante avec le volume du

3 saignement, et ceci même par des cliniciens expérimentés [16—23]. Des méthodes objectives de mesure directe de la perte sanguine ont été proposées comme le sac collecteur et/ou la pesée des compresses [24,25] ; cependant, si elles permettent une meilleure évaluation du volume sanguin effectivement perdu, leur mise en place pratique reste hétérogène et leur utilisation optimale est peu aisée ; ainsi, il a été rapporté que la présence de liquides autres que le sang, en particulier le liquide amniotique, représentait de 4 à 80 % des liquides collectés [26]. De plus, leur utilisation en routine pour tous les accouchements n’est pas associée à une diminution de l’incidence de l’HPP sévère dans la littérature disponible [27]. L’évaluation clinique de la perte sanguine dans le contexte de la césarienne pose des problèmes supplémentaires, du fait de la difficulté de retrancher de fac ¸on fiable le volume de liquide amniotique du volume total d’aspiration au cours du geste chirurgical. La réalisation d’un hemoCue® sur le liquide d’aspiration a été proposée comme une méthode permettant une meilleure quantification de la perte sanguine réelle que l’estimation clinique dans ce contexte [28]. Devant ces difficultés de standardisation de la mesure de la perte sanguine, d’autres critères de définition de l’HPP basés sur des marqueurs biologiques de perte sanguine, indépendants du jugement humain, ont été proposés : perte peripartum de 10 % d’hématocrite [29] ou de 2 g/dL d’hémoglobine [30] ou inclusion de ces paramètres biologiques dans une formule plus complexe prenant en compte la morphologie de la femme [31]. Cependant, ces définitions alternatives, utiles à des fins de recherche, ne peuvent être utilisées en temps réel pour guider la prise en charge, et la mesure directe de la perte sanguine reste le moyen le plus adapté pour diagnostiquer rapidement et traiter une hémorragie du post-partum en pratique clinique. Un autre aspect controversé de la définition de l’HPP est celui de la pertinence de fixer un seuil différent de perte sanguine selon la voie d’accouchement. La plupart des études disponibles décrivant la distribution des pertes sanguines portent sur les accouchements par voie basse. Certaines études historiques ont rapporté une perte sanguine post-partum moyenne plus élevée lors d’une césarienne [9,32]. Sur la base de ces données anciennes et peu détaillées, l’HPP après césarienne a longtemps été définie par une perte sanguine ≥ 1000 mL dans certaines études [14,33] et recommandations de pratiques [34] (WHO, 1990), ce seuil arbitraire étant attendu autour du 90e ou 95e percentile de la distribution de la perte sanguine dans ce contexte. Cependant, ce seuil différentiel est remis en question actuellement. En effet, on voit mal comment un même volume de perte sanguine aurait des conséquences différentes en termes de morbidité maternelle selon la voie d’accouchement. De plus, ceci revient à ne pas prendre en compte le rôle de la césarienne comme facteur de risque d’HPP. Ainsi, dans les dernières recommandations du RoyaumeUni pour la prise en charge de l’HPP [35], comme dans la mise à jour la plus récente des recommandations de l’OMS [5], il n’apparaît pas 2 seuils différents de perte sanguine selon la voie d’accouchement, l’HPP étant définie de fac ¸on globale pour tous les accouchements.

Pour citer cet article : Deneux-Tharaux C, et al. Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023

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C. Deneux-Tharaux et al.

Au total, la définition de l’HPP comme une perte sanguine ≥ 500 mL après l’accouchement reste la plus consensuelle et adaptée à la pratique clinique. Il n’y a pas d’arguments solides justifiant une définition différente selon la voie d’accouchement. La définition de l’HPP est donc la même quelle que soit la voie d’accouchement. Cependant, le seuil d’intervention clinique doit aussi tenir compte du débit du saignement et du contexte clinique. Ainsi, il peut être justifié de débuter une prise en charge active avant que le seuil de 500 mL de perte sanguine soit atteint, si le débit de saignement est élevé ou la tolérance clinique mauvaise. À l’inverse, dans le contexte de l’accouchement par césarienne, compte tenu de la perte sanguine inhérente au geste chirurgical luimême, le seuil d’action peut être fixé à un niveau de perte sanguine plus élevé que celui de 500 mL si la tolérance clinique le permet (accord professionnel).

Au total, la définition de l’HPP sévère comme une perte sanguine ≥ 1000 mL après l’accouchement reste la plus consensuelle et adaptée à la pratique clinique, quelle que soit la voie d’accouchement (accord professionnel).

Incidence

étudiées et aux pratiques de prévention de l’HPP, cette diversité reflète en partie l’hétérogénéité des définitions et méthodes de mesure de l’HPP (cf. ci-dessus), mais aussi celle des sources de données, l’identification étant probablement plus exhaustive dans les études ad hoc que dans les bases de données hospitalières de routine. Enfin, seules les estimations d’incidence issues d’études en population — c’est-à-dire englobant tous les évènements d’une zone géographique donnée ou un échantillon représentatif de ceux-ci — sont généralisables, les résultats issus d’études monocentriques reflétant les spécificités locales des patientes et des pratiques. Malgré cette hétérogénéité, deux revues systématiques ont tenté de faire la synthèse des estimations proposées [36,45]. La plus récente [36] regroupait 123 bases de données collectées entre 1994 et 2008 qui utilisaient des définitions communes de l’HPP et de l’HPP sévère : pertes sanguines respectivement supérieures à 500 et 1000 mL, quelle que soit la voie d’accouchement. Cependant, les méthodes de mesure des pertes sanguines et le caractère mono- ou multicentrique pouvaient varier d’une base de données à l’autre. L’estimation combinée de l’incidence de l’HPP était de 10,8 % (IC 95 % : 9,6—12,1) et de 2,8 % (IC 95 % : 2,4—3,2 %) pour l’HPP sévère. L’incidence de l’HPP était plus élevée dans les études utilisant des méthodes objectives de mesure des pertes sanguines (sac de recueil gradué, pesée des compresses, etc.) que dans celles où la quantité des pertes sanguines était évaluée de manière subjective (estimation visuelle), ou lorsque la méthode d’évaluation des pertes sanguines n’était pas précisée. Ainsi, lorsque l’analyse était limitée aux études mesurant objectivement les pertes sanguines, l’estimation combinée de l’incidence de l’HPP et de l’HPP sévère était respectivement de 14,2 % (IC 65 % : 11,5 %—12,1 %) et 4,2 % (IC 95 % : 3,2 %—55,3 %) des accouchements. Par ailleurs, cette méta-analyse indique également que les incidences d’HPP rapportées dans les essais randomisés contrôlés sont supérieures à celles décrites dans les études menées à partir de bases de données hospitalières. Enfin, il existait de grandes variations régionales, dont il est difficile d’évaluer la part expliquée par les différences méthodologiques et celle relevant de disparités vraies de santé. Le Tableau 1 regroupe les études en population publiées depuis 10 ans qui ont estimé l’incidence de l’HPP dans les pays à fortes ressources. On retrouve, à un degré moindre, la même hétérogénéité globale, et les variations selon la source des données et la définition/méthode de mesure de l’HPP.

Les estimations d’incidence de l’HPP rapportées dans la littérature sont très nombreuses, et très hétérogènes. Au-delà des variations liées aux caractéristiques des populations

Évolution temporelle Plusieurs travaux provenant de pays à niveau de ressources élevé ont décrit une augmentation récente de

L’HPP sévère Les définitions proposées de l’HPP sévère (HPPS) présentent les mêmes limites que celles de l’HPP, et sont encore plus hétérogènes. Pour la définition classique basée sur le volume de perte sanguine, le seuil de 1000 mL est le plus habituel [5,35—37]. Certaines études proposent néanmoins un seuil à 1500 mL [38,39]. Au Royaume-Uni, le RCOG distingue les HPP mineures (perte sanguine entre 500 et 1000 mL), et les HPP majeures si la perte sanguine est > 1000 mL ; mais ces dernières sont subdivisées en HPP modérées — volume perdu de 1000 à 2000 mL — et HPP sévères pour une perte sanguine > 2000 mL. En Écosse, une perte sanguine > 2500 mL définit l’HPP menac ¸ant le pronostic vital [40]. Il n’y donc pas de consensus sur le seuil de perte sanguine témoignant de la sévérité de l’HPP ; cependant, le seuil de 1000 mL semble le plus classique et c’est généralement à ce stade que les signes cliniques de mauvaise tolérance du saignement et d’instabilité hémodynamique apparaissent chez ces femmes jeunes et en bonne santé [41]. Comme pour l’HPP, les définitions alternatives de l’HPP sévère fondées sur des marqueurs biologiques de perte sanguine (par exemple une chute peripartum d’Hb > 4 g/dL) [30], utilisables à des fins d’évaluation, ne sont pas utiles pour guider la prise en charge immédiate. De même, de nombreux travaux définissent l’HPP sévère comme une HPP nécessitant le recours à une prise en charge invasive : transfusion, recours à l’embolisation et/ou à la chirurgie ou hospitalisation en réanimation [27,38,42—44] ; le défaut principal de ce type de définitions est qu’il dépend des pratiques et des moyens disponibles, un même acte ne signant pas nécessairement le même degré de gravité de l’HPP, en fonction du contexte et des habitudes locales.

Pour citer cet article : Deneux-Tharaux C, et al. Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023

Bais et al. [90]

Pays-Bas

Joseph et al. [48]

Canada

Ford et al. [52]

Australie

Callaghan et al. [46]

États-Unis

Al Zirqi et al. [38] Kramer et al. [49]

Norvège États-Unis

1990—1994 Cohorte régionale de grossesses (The Zaanstreek Obstetrical Database) 1991 et Base de données nationale de séjours 2004 hospitaliers (Discharge Abstract Database) 1994—2002 Bases de données régionales de séjours hospitaliers et des naissances (New South Wales) 1994—2006 Base de données hospitalière nationale (National Inpatient Sample, NIS) Échantillon représentatif (20 % population) 1999—2004 Registre national des naissances 1999—2008 Base de données hospitalière nationale (NIS)

Source des données

Nombre Définition HPP d’accouchements HPP : ≥ 500 mL HPPS : ≥ 1000 mL HPP : codes CIM 9/10

19 % 4,2 % 1991 : 4,1 % 2004 : 5,1 %

752 374

HPP : > 500 mL après AVB > 750 mL après césarienne

1994 : 4,7 % 2002 : 6,0 %

10 481 197

HPP : code CIM 9

2,7 %

307 415 8 571 209

HPPS : > 1500 mL ou transfusion HPP : code CIM 9

1,1 % Global : 2,8 % 1999 : 2,7 % 2008 : 2,8 % Global : 0,3 % 1999 : 0,2 % 2008 : 0,4 % 2,9 %

3464 nullipares 1991 : 274 580 2004 : 239 936

HPPS : HPP + transfusion, et/ou chirurgie

Lutomski et al. [50] Mehrabadi et al. [43]

Bateman et al. [51] Althabe et al. [103]

Irlande ColombieBritannique (Canada)

1999—2009 Base de données hospitalière nationale (Hospital In-Patient Enquiry, HIPE) 2000—2009 Registre de données périnatal de la Colombie-Britannique

649 019

HPP : codes CIM 9/10

412 093

HPP : codes CIM 9/10 HPP + transfusion

États-Unis

2004

Argentine et Uruguay

2003 et 2005

Base de données hospitalière nationale (NIS) Essai en cluster multicentrique

Incidence (% accouchements)

876 641 11 323 AVB

HPP + procédures d’hémostase invasives HPP : code CIM 9 Mesure par un sac collecteur HPP : > 500 mL HPPS : > 1000 mL HPP + transfusion

2000 : 2009 : 2000 : 2009 : 2000 :

6,3 % 8,0 % 0,3 % 0,4 % 0,02 %

2009 : 0,07 % 2,9 % 10,8 % 1,9 % 0,4 %

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Période

Modele +

Pays

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Auteurs

Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum

Pour citer cet article : Deneux-Tharaux C, et al. Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023

Tableau 1 Incidence de l’hémorragie du post-partum — Études en population provenant de pays à niveau de ressources élevé et publiées au cours des 10 dernières années, classement chronologique. Incidence of post-partum haemorrhage — Population-based studies from high-resource countries published during the last 10 years.

5

Période

Source des données

Nombre Définition HPP d’accouchements

Incidence (% accouchements)

Deneux-Tharaux et al. [42]

France

2004—2006

Essai en cluster en population

146 781

6,4 % 1,6 %

Scottish Confidential Audit of Severe Maternal Morbidity [40]

Écosse

2011

Audit national sur la morbidité maternelle sévère

65 450

Auteurs

Pays

Période

Source des données

Nombre Définition HPP d’accouchements

Incidence (% accouchements)

Carroli et al. [45]

Internationale

1997—2006

Méta-analyse de 120 (HPP) et 70 (HPP sévère) bases de données

HPP :3 815 034 HPP sévères : 505 379

6,1 % 10,6 %

HPP : > 500 mL et/ou chute Hb > 2 g/dL HPPS : HPP + transfusion et/ou embolisation et/ou chirurgie d’hémostase et/ou transfert en réanimation et/ou chute Hb ≥ 4 g/dL et/ou décès HPPS : > 2500 mL ou transfusion ≥ 5 CG ou PFC

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Pays

0,6 %

Revues systématiques

Calvert C et al. [36]

Internationale

1997—2009

Méta-analyse 104 (HPP) et 70 (HPP sévère) bases de données

HPPS : HPP sévère ; CIM 9 ou10 : classification internationale des maladies, 9e ou 10e édition ; Hb : hémoglobine ; AVB : accouchement voie basse

1,9 % 3,0 % 10,8 % 2,8 %

C. Deneux-Tharaux et al.

HPP :1 003 694 HPP sévère : 503 046

HPP : > 500 mL > 500 mL + mesure objective des pertes sanguines HPP sévère : > 1000 mL > 1000 mL + mesure objective des pertes sanguines HPP ≥ 500 mL HPPS ≥ 1000 mL

Modele +

Auteurs

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Pour citer cet article : Deneux-Tharaux C, et al. Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023

Tableau 1 (Suite)

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Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum l’incidence de l’HPP [46—50]. Callaghan et al. rapportent ainsi une augmentation de 26 % de l’incidence de l’HPP aux États-Unis entre 1994 (2,3 % des accouchements) et 2006 (2,9 % des accouchements), l’incidence de l’HPP par atonie utérine en particulier augmentant de 1,6 % à 2,4 % des accouchements [46]. À partir de la même source de données, Kramer et al. rapportent des résultats similaires concernant l’HPP sévère avec une incidence qui double entre 1999 et 2008 aux États-Unis [49]. De même au Canada, Joseph et al. ont observé une augmentation de l’incidence de l’HPP de 4,1 % à 5,1 % entre 1991 et 2004, ainsi qu’une augmentation de 73 % du taux d’hystérectomie au cours de la même période [48]. En Europe également, une étude irlandaise a rapporté une augmentation de l’incidence de l’HPP de 1,5 % en 1999 à 4,1 % en 2009 au niveau national [50]. Cette augmentation porte essentiellement sur l’HPP par atonie utérine, et ne semble pas expliquée par l’évolution parallèle de la prévalence de certains facteurs de risque de l’HPP (obésité, âge, grossesse multiple, déclenchement, césarienne) [49,51—54], ce qui a fait évoquer l’implication d’autres facteurs non encore identifiés ou non disponibles dans les bases analysées. Cependant, toutes ces études ont été réalisées à partir de bases de données hospitalières de routine, et cette augmentation de l’incidence pourrait aussi être expliquée par une amélioration du diagnostic clinique de l’HPP et de son codage dans la base hospitalière. En France, l’essai en population Pithagore6, conduit dans les maternités de 6 réseaux de périnatalité de 4 régions en 2004—2006, permet de disposer de données franc ¸aises en population à large échelle sur l’HPP [30]. Dans cette étude, l’incidence de l’HPP définie par un diagnostic clinique et/ou une perte d’hémoglobine peripartum > 2 g/dL (les méthodes de mesure de la perte sanguine et de contrôle de l’hémoglobinémie étaient celles en vigueur dans les maternités) était de 6,4 % (IC 95 % : 6,3 ; 6,5) globalement, 6,2 % (6,1 ; 6,3) parmi les accouchements par voie basse, et 7,1 % (IC 95 % : 6,8 ; 7,4) pour les accouchements par césarienne. L’incidence de l’HPP sévère, définie par une HPP associée à une transfusion, une embolisation, un geste chirurgical, un transfert en réanimation ou une perte d’Hb peripartum ≥ 4 g/dL était de 1,7 % (IC 95 % : 1,6 ; 1,8) globalement, 1,3 % (IC 95 % : 1,2 ; 1,3) parmi les accouchements par voie basse, et 1,7 % (IC 95 % : 1,6 ; 1,9) parmi les accouchements par césarienne.

Au total, les résultats rapportés dans la littérature peuvent être résumés par une incidence de l’HPP autour de 5 % des accouchements lorsque la mesure des pertes sanguines est imprécise et/ou que les données sont issues de bases de données de routine, et autour de 10 % lorsque les pertes sanguines sont mesurées précisément et que les données sont issues d’études ad hoc. Pour l’HPP sévère, les définitions sont multiples et il est difficile de proposer une synthèse : les incidences rapportées d’une perte sanguine > 1000 mL sont autour de 2 %, celles d’une HPP nécessitant une transfusion autour de 0,4 %.

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Conséquences maternelles de l’HPP, à court et à long terme Mortalité maternelle Au sein de la classification des causes de mortalité maternelle, l’habitude est de distinguer les décès par hémorragie obstétricale, c’est-à-dire tous les décès par hémorragie hors causes du 1er trimestre (avortement ou grossesse extra-utérine), puis de décliner cette classe par cause physiopathologique, en distinguant celles présentes en antepartum — anomalies d’insertion placentaire, hématome rétroplacentaire — et les autres — atonie, plaie, etc. —. L’HPP n’est souvent pas distinguée en tant que telle, ou alors correspond soit à toutes les hémorragies obstétricales survenant après l’accouchement, soit seulement aux HPP par atonie utérine. Cette variabilité de classification rend difficile la comparaison directe entre pays (voir dans le même sens le contenu du paragraphe 3.). C’est pourquoi nous présentons ici les chiffres de mortalité maternelle relatifs à l’hémorragie obstétricale globalement, puis à l’HPP quand les données sont disponibles et pertinentes. L’hémorragie obstétricale constitue une des principales causes de décès maternel, et une des plus évitables. La dernière synthèse des causes de mortalité maternelle réalisée par l’OMS à partir des données de 115 pays pour la période 2003—2009 estime que 27 % des morts maternelles dans le monde sont dues à une hémorragie obstétricale [55], ce qui en fait la première cause. La proportion des décès imputables à l’hémorragie obstétricale varie selon les régions du monde, elle est de 16 % pour l’ensemble des pays développés, dont les 2/3 en rapport avec une HPP. En France, les données les plus récentes (2007—2009) de l’enquête nationale confidentielle sur la mortalité maternelle montrent que l’hémorragie obstétricale est toujours la première cause de mortalité maternelle, responsable de 16 % des décès [2,56]. Néanmoins, un résultat important sur ces dernières données a été la mise en évidence, pour la première fois au cours des dix dernières années d’enquête confidentielle, d’une diminution d’environ un tiers du ratio de mortalité maternelle par hémorragie obstétricale entre 2001—2003 (2,3/100 000 naissances vivantes) et 2007—2009 (1,5/100 000 naissance vivante) en France. De plus, au sein des décès par hémorragie obstétricale, on note une diminution significative de la part des hémorragies par atonie utérine (73 % versus 54 %) et une augmentation concomitante des hémorragies par anomalies d’insertion placentaire (9 % versus 23 %). C’est donc essentiellement sur les HPP par atonie que s’est fait le gain de mortalité maternelle, l’effet global sur la mortalité maternelle par hémorragie étant en partie masqué par une importance croissante des décès en lien avec une anomalie d’insertion placentaire (tous sur utérus cicatriciel). Cependant, bien qu’en diminution par rapport à la période précédente, l’importance particulière de la mortalité maternelle par hémorragie obstétricale distingue toujours la France des autres pays européens, notamment ceux disposant également d’enquêtes nationales renforcées sur les décès maternels et ayant des ratios de mortalité maternelle globaux comparables (comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas). Ainsi, le ratio de

Pour citer cet article : Deneux-Tharaux C, et al. Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023

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C. Deneux-Tharaux et al. Tableau 2 Mortalité maternelle par hémorragie en France et au Royaume-Uni. Maternal mortality due to haemorrhage in France and the United Kingdom. Royaume-Uni 2006—2008 [3] Toutes morts maternelles (n) 261 MM directe (RMM/100 000 NV) 4,7 Mortalité maternelle par hémorragie n (% de la MM directe) 15 (14 %) RMM (/100 000 NV) 0,6 < Mortalité maternelle par hémorragie obstétricale (hors 1er trimestre) n (% de la MM directe) 9 (8 %) RMM (/100 000 NV) 0,4 or = 500 mL) and severe (> or = 1000 mL) postpartum haemorrhage. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2004;115:166—72. [91] Kramer MS, Berg C, Abenhaim H, et al. Incidence, risk factors, and temporal trends in severe postpartum hemorrhage. Am J Obstet Gynecol 2013;209:449 [e1—7]. [92] Wetta LA, Szychowski JM, Seals S, Mancuso MS, Biggio JR, Tita AT. Risk factors for uterine atony/postpartum hemorrhage requiring treatment after vaginal delivery. Am J Obstet Gynecol 2013;209:e51—6. [93] Bonnet MP, Basso O, Bouvier-Colle MH, et al. Postpartum haemorrhage in Canada and france: a population-based comparison. PloS ONE 2013;8:e66882. [94] Belghiti J, Kayem G, Dupont C, Rudigoz RC, Bouvier-Colle MH, Deneux-Tharaux C. Oxytocin during labour and risk of severe postpartum haemorrhage: a population-based, cohort-nested case-control study. BMJ Open 2011;1:e000514. [95] Grotegut CA, Paglia MJ, Johnson LN, Thames B, James AH. Oxytocin exposure during labor among women with postpartum hemorrhage secondary to uterine atony. Am J Obstet Gynecol 2011;204 [e51—e56]. [96] Belghiti J, Coulm B, Kayem G, Blondel B, Deneux-Tharaux C. Oxytocin administration during labor. Results from the 2010 French National Perinatal Survey. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2013;42:662—70. [97] Al-Zirqi I, Vangen S, Forsen L, Stray-Pedersen B. Effects of onset of labor and mode of delivery on severe postpartum hemorrhage. Am J Obstet Gynecol 2009;201: e271—9. [98] Le Ray C, Audibert F, Goffinet F, Fraser W. When to stop pushing: effects of duration of second-stage expulsion efforts on maternal and neonatal outcomes in nulliparous women with epidural analgesia. Am J Obstet Gynecol 2009;201 [e361—e367]. [99] Le Ray C, Fraser W, Rozenberg P, Langer B, Subtil D, Goffinet F. Duration of passive and active phases of the second stage of labour and risk of severe postpartum haemorrhage in low-risk nulliparous women. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2011;158:167—72. [100] Blomberg M. Maternal obesity and risk of postpartum hemorrhage. Obstet Gynecol 2011;118:561—8. [101] Fyfe EM, Thompson JM, Anderson NH, Groom KM, McCowan LM. Maternal obesity and postpartum haemorrhage after vaginal and caesarean delivery among nulliparous women at term: a retrospective cohort study. BMC Pregnancy Childbirth 2012;12:112. [102] Palmsten K, Hernandez-Diaz S, Huybrechts KF, et al. Use of antidepressants near delivery and risk of postpartum hemorrhage: cohort study of low income women in the United States. BMJ 2013;347:f4877. [103] Althabe F, Buekens P, Bergel E, et al. A behavioral intervention to improve obstetrical care. N Engl J Med 2008;(18):1929—40. [104] Kramer MS, Dahhou M, Vallerand D, Liston R, Joseph KS. Risk factors for postpartum hemorrhage: can we explain the recent temporal increase? J Obstet Gynaecol 2011;33:810—9.

Pour citer cet article : Deneux-Tharaux C, et al. Épidémiologie de l’hémorragie du post-partum. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.09.023

[Epidemiology of post-partum haemorrhage].

To synthesize the available evidence regarding the incidence, causes, risk factors of post-partum haemorrhage (PPH) and the associated maternal morbid...
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