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Épidémiologie des infections invasives à streptocoques du groupe A dans les pays industrialisés : l’exemple des fasciites nécrosantes au Canada Epidemiology of invasive group A streptococcal infections in developed countries : the Canadian experience with necrotizing fasciitis Ph. Ovetchkine1,*, Ph. Bidet2,3, Ph. Minodier4, J. Frère5, E. Bingen, in memoriam2 1Service de maladies infectieuses, département de pédiatrie, CHU SainteJustine ; université de Montréal, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (QC) H3P 1H2, Canada 2Université Paris-Diderot, PRES Sorbonne-Paris-Cité, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France 3Service de microbiologie, hôpital Robert-Debré (AP-HP), 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France 4Service des urgences pédiatriques, hôpital Nord, Chemin-des-Bourrely, 13015 Marseille, France 5Service de pédiatrie-infectiologie, CHR de la Citadelle, boulevard du 12e de Ligne, 4000 Liège, Belgique

Résumé Dans les pays industrialisés, les infections à streptocoque du groupe A étaient auparavant une source d’inquiétude du fait de la survenue de rhumatismes articulaires aigus et de leurs complications cardiaques. Cette entité qui tend à disparaître actuellement dans ces pays laisse la place à des infections invasives streptococcique de haute morbidité et mortalité, en particulier les fasciites nécrosantes, le plus souvent en association avec la varicelle. L’introduction du vaccin contre la varicelle, dans le calendrier régulier vaccinal québécois, s’est accompagnée d’une diminution significative de la fréquence des cas de fasciites nécrosantes ou de cellulite. Cependant, nous n’avons pas pu mettre en évidence une diminution de la fréquence des infections invasives à streptocoque du groupe A, en raison d’une augmentation du nombre d’infections pleuro-pulmonaires et ostéo-articulaires. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary In industrialized countries, group A streptococcal infections were a source of concern, mainly due to the occurrence of rheumatic fever and its cardiac complications. At present, the incidence of rheumatic fever is decreasing in these countries, giving way to an increasing occurrence of invasive streptococcal group A infections with high level of morbidity and mortality. Streptococcal necrotizing fasciitis, a specific entity, emerged these last decades, often in association with chickenpox. The introduction of the varicella vaccine in the province of Quebec routine immunization program, was followed by a significant decrease in the number of necrotizing fasciitis or other skin and soft-tissues infections in our pediatric population. However, in our experience at the CHU Sainte-Justine, this immunization program has not been helpful to reduce the overall incidence of invasive group  A  streptococcal infections. Conversely, an increase in the number of pleuro-pulmonary and osteo-articular infections was observed. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

*Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (Ph. Ovetchkine).

S73 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2014;21:s73-s77

Ph. Ovetchkine et al.

1. Introduction

Archives de Pédiatrie 2014;21:s73-s77

certaine emphase a été mise sur cette manifestation particulière d’infection des tissus sous-cutanés profonds à SGA  : la FN et son

Pourquoi s’intéresser au streptocoque du groupe  A (SGA) dans

association au TSS. C’est ce que l’on retrouve dans les travaux de

les pays industrialisés en 2014  ? Cet agent infectieux ne devrait

Laupland et al. qui ont rapporté en 2000 une incidence d’IISGA de

plus faire l’objet d’attention particulière. Depuis l’utilisation de la

1,9/100  000  habitants  [8]. Le TSS était présent dans 7  % des cas,

pénicilline dans le traitement des pharyngites aiguës streptococ-

les FN représentaient 4  % des IISGA, avec des taux de mortalité

ciques  [1], sa complication redoutable, le rhumatisme articulaire

respectifs de 56 et 10  %, comparé à un taux de mortalité globale

aigu, a disparu des pays industrialisés, même s’il persiste quelques

de 4 %. Les auteurs rapportaient l’existence d’une association avec

foyers  [2-3]. La scarlatine qui inquiétait les milieux scolaires et les

la varicelle : 15 % des enfants avaient eu une varicelle dans le mois

collectivités il y a de cela quelques années n’effraie plus par ses

qui précédait l’infection streptococcique  [8]. Surtout, ces enfants

éventuelles complications.

avec IISGA qui avaient eu une varicelle avaient un risque plus élevé

Certes, le SGA reste le principal responsable des pharyngites aiguës

d’avoir une FN (RR = 6,3 [IC 95 % : 1,8-22,3]).

qui parfois peuvent se compliquer d’infections locales telles qu’un phlegmon ou abcès rétro-pharyngé, mais contrairement à d’autres Gram  positif comme le pneumocoque ou le staphylocoque doré, il semble poser beaucoup moins de problème de résistance. Cepen-

3. Épidémiologie des fasciites nécrosantes au Canada

dant, on observe depuis ces dernières années un regain d’intérêt pour cet agent infectieux. Plusieurs publications rapportent une

En 2002, Sharkawy et  al. ont rapporté les résultats d’une enquête

augmentation à la fois du nombre de cas d’infections invasives,

de surveillance des IISGA des tissus mous sous-cutanés  [9]. Cette

mais aussi de la sévérité de certaines d’entre elles, avec l’émergence

étude a confirmé l’impression des cliniciens, en montrant une

des fasciites nécrosantes (FN) et l’association au syndrome de choc

augmentation de l’incidence de 0,62 cas pour 100 000 en 1992 à

toxique (Toxic Shock Syndrome [TSS]). Ainsi, il a été observé en Suède

1,29  cas pour  100  000  en 1996 (p 

[Epidemiology of invasive group A streptococcal infections in developed countries : the Canadian experience with necrotizing fasciitis].

In industrialized countries, group A streptococcal infections were a source of concern, mainly due to the occurrence of rheumatic fever and its cardia...
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