Pour citer cet article : Dautzenberg BDautzenberg M-D, La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.015. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

JOURNÉES EUROPÉENNES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE CARDIOLOGIE

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; //: /// ß 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ? Bertrand Dautzenberg1, Marie-Dominique Dautzenberg2

1. AP–HP, hôpitaux universitaire Pitié-Salpêtrière–Charles-Foix, université Paris 6 (umpc), office français de prévention du tabagisme (OFT), 75013 Paris, France 2. AP–HP, hôpital universitaire Necker–Enfants-Malades, université Paris 5 (René Descartes), office français de prévention du tabagisme (OFT), 75015 Paris, France

Correspondance : Bertrand Dautzenberg, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Chest department, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. [email protected], [email protected]

Key points Electronic cigarette: Reliable and efficient? Before 2010, the e-cigarette remains inefficient then, its dissemination explodes in 2013 where more than 10 million people have tried it in France. The best made e-cigarette will always be potentially toxic and an addictive product. The e-cigarette is not a suitable product for non-smokers and could participate to normalize tobacco in society. To end tobacco, e-cigarette must provide a pleasant throat hit to the smoker in the first 6 seconds then deliver an adequate dose of nicotine. The majority of smokers who have tried the e-cigarette do not adopt the product because they did not like it. Health professional must help those who smoke and use ecigarettes to remove the last cigarettes.

L’

e-cigarette la mieux fabriquée du monde restera toujours un produit potentiellement toxique, un produit potentiellement addictif, particulièrement si elle contient de la nicotine. Ainsi, la cigarette électronique n’est pas et ne sera jamais un

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Points essentiels L’e-cigarette n’était pas au point avant 2010 mais a vu sa diffusion exploser en 2013 où plus de 10 millions de français l’ont essayé. L’e-cigarette la mieux fabriquée sera toujours un produit potentiellement toxique et addictif. L’e-cigarette n’est pas un produit adéquat pour les nonfumeurs et pourrait participer à renormaliser le tabac dans la société. Pour constituer un produit de sortie du tabac et être adoptée, une e-cigarette doit procurer un « throat hit » plaisant au fumeur dès les premières secondes, puis délivrer une dose adéquate aux besoins de nicotine. La majorité des fumeurs qui ont essayé l’e-cigarette ne l’adopte pas car elle ne leur plait pas. Il faut aider ceux qui fument et vapotent à éliminer les dernières cigarettes. produit pour les non-fumeurs [1,2], en particulier les adolescents que pourtant le produit attire [3–6]. La cigarette électronique ou e-cigarette, comme son nom l’indique, ressemble à une cigarette, même si certains lui donnent maintenant le nom de vapoteuse. Elle produit une simili fumée qui n’a rien à voir avec de la vapeur d’eau, mais il

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LPM-2471

Pour citer cet article : Dautzenberg BDautzenberg M-D, La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.015.

B Dautzenberg, M-D Dautzenberg

est maintenant admis de nommer vapeur, l’aérosol émis par l’e-cigarette (encadre´ 1). Elle se manipule de façon assez analogue à celle de la vraie cigarette, bref, il est difficile de nier toute similitude entre e-cigarette et produits du tabac. Il existe de fait un risque important que l’e-cigarette participe à la renormalisation du tabagisme dans notre société, que cela soit le fait des consommateurs eux-mêmes ou plus sournoisement celui des cigarettiers qui depuis l’année 2010 rachètent en masse les compagnies d’e-cigarettes [1]. Il est donc urgent que la société s’organise afin que l’e-cigarette ne soit pas utilisée pour renormaliser le tabac. Cela veut dire, pas de publicité pour l’e-cigarette qui devrait tomber dès maintenant sous le coup de « l’interdiction de la publicité indirecte pour les produits du tabac » et qui, en tout état de cause, s’est clairement interdite dans l’article 20 de la directive européenne sur les produits du tabac Directive 2104/40/CE publiée en avril 2014 et appliquée en France en 2015 ou 2016. Cela signifie également qu’il ne faut pas utiliser l’e-cigarette dans les lieux publics où il est interdit de fumer, qu’il s’agisse des lieux clos ou couverts ou des lieux ouverts quand ceux-ci sont majoritairement destinés à accueillir des enfants, comme les cours de récréations des écoles, par exemple. L’e-cigarette n’a donc sa place qu’auprès des fumeurs, pour les aider à quitter le tabac, ou tout au moins à en réduire les risques.

Mais encore faut-il pour cela que ce produit soit efficace pour remplacer le tabac et fiable [7]. C’est ce que nous allons étudier.

Qu’est-ce qu’un e-liquide ? L’e-liquide désigne le liquide qui va être vaporisé par l’ecigarette pour former après condensation l’aérosol de vapeur. Ce liquide est généralement vendu en petit flacon de 10 mL ressemblant à des flacons de collyre. Son principal composant en volume est soit le propylène glycol, soit la glycérine végétale ou glycérol, soit un mélange des deux (figure 1). Les produits utilisés sont le plus souvent de qualité pharmacologique et les problèmes de contamination par d’autres substances ne devraient être qu’un mauvais souvenir. Le propylène glycol est un produit très utilisé dans l’industrie alimentaire, mais aussi dans celle du tabac et celle du médicament. Ainsi, par exemple, le ForadilW, médicament de l’asthme, contient du propylène glycol qui est, depuis des dizaines d’années, pulvérisé dans les bronches de sujets sensibles. Ce produit est aussi utilisé pour créer des fumées au cinéma ou au théâtre. Même si l’on manque de données sur les expositions très répétées à très long terme, le profil de toxicité est rassurant. Ce produit est un bon exhausteur d’arôme.

Encadré 1 

Arômes : ensemble des substances introduites dans l’e-liquide

[(Figure_1)TD$IG]

donnant la saveur et l’odeur à la vapeur des e-cigarettes. 

Atomiseur : partie chauffante de l’e-cigarette qui permet la vaporisation en gaz de l’e-liquide.



Contacteur : interrupteur permettant l’alimentation électrique de l’atomiseur et donc la chauffe de l’e-liquide et la vaporisation



e-Cigarette : objet ressemblant à une cigarette fonctionnant de façon électrique et délivrant un aérosol (vapeur) simulant la fumée de cigarette.



e-Liquide : désigne le liquide utilisé dans les e-cigarettes contenant plus de 80 % de propylène glycol et/ou de glycérine végétale, des arômes et, le plus souvent, de la nicotine.

 

Mods : grosses e-cigarettes modifiées. Throat hit : sensation de choc sur la gorge provoquée par l’arrivée de la bouffée de vapeur de l’e-cigarette ou d’un produit du tabac (cigarette ou autre) ou d’un médicament (spray buccal).



Vapeur : aérosol libéré par les e-cigarettes. Cet aérosol n’est pas de la vapeur d’eau mais est constitué essentiellement de fines gouttelettes de propylène glycol ou de glycérol.



Vapoteur : nom inventé à la suite d’un sondage réalisé sur internet pour désigner les utilisateurs d’e-cigarette. Le mot est

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décliné : vapotage, vapoter, etc.

Figure 1 Composition typique d’un e-liquide tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Dautzenberg BDautzenberg M-D, La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.015. La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?

La glycérine végétale ou glycérol produit des gouttelettes un peu plus grosses à demi-vie plus longue, donc un effet de fumée, beaucoup plus intense que le propylène glycol. Aussi, même si le transport des arômes est moins bon qu’avec le propylène glycol, cet effet de fumée plus intense est apprécié de nombreux consommateurs qui utilisent des liquides contenant un ou deux cinquième de glycérol mélangé à 3 ou 4 cinquième de propylène glycol. Les e-liquides contiennent également de la nicotine dans une proportion allant de 0 à 2 % en France. Les liquides contenant 20 mg/mL ou plus de nicotine sont interdits en France en dehors du circuit pharmaceutique et seront, avec la nouvelle directive européenne qui reprend la proposition française, interdits bientôt dans toute l’Europe en dehors des pharmacies. La quantité d’arômes est variable selon les e-liquides. Elle est souvent plus importante pour les liquides sans nicotine ou pauvres en nicotine que dans les liquides riches en nicotine. Les arômes utilisés sont le plus souvent de qualité alimentaire ou pharmaceutique. Ils ont généralement été testés à température élevée, ce qui est logique pour des produits alimentaires susceptibles d’être cuisinés, en revanche pratiquement aucun arôme n’a été testé pour l’inhalation. Il faut savoir que le poumon profond est particulièrement sensible à l’arrivée de produits indésirables et des études devraient être conduites sur ce point. Le plus simple serait bien entendu de supprimer ces arômes, mais les choses ne sont pas si simples car même avec des liquides agréables à la gorge, procurant un bon throat hit, les trois quarts de ceux qui essayent l’e-cigarette ne l’adoptent pas. Si le produit n’est pas agréable dans les premières secondes, il ne sera pas adopté, ou très peu. Il est donc nécessaire d’entreprendre des études sur ces arômes inhalés. Certains e-liquides contiennent de l’alcool, jusqu’à 8 %, mais comme les volumes inhalés sont très faibles : 1 à 2 mL par jour typiquement pour un vapoteur moyen, cela correspond à la quantité d’alcool contenue dans une cuillère à café de bière par jour. Une information est nécessaire au consommateur, mais le risque est faible. Certains e-liquides contiennent un peu d’eau, mais généralement moins de 5 %. Enfin, ils peuvent renfermer des impuretés, en particulier des traces de métaux, des conservateurs ou des

additifs, mais en général, le total ne dépasse pas 1 % du volume de liquide.

Qu’est-ce qu’une e-cigarette ? Certaines e-cigarettes à usage unique ressemblent à de vraies cigarettes par leur forme, leur couleur et l’existence d’une petite diode rouge qui s’allume quand on l’active (figure 2). Il s’agit le plus souvent d’e-cigarettes jetables. Elles sont généralement vendues sous blister. En France, maintenant, la majorité des e-cigarettes sont réutilisables. Les cartouches scellées contenant le liquide et l’atomiseur (cartomiseurs) jetables sont peu répandues. Dans la plupart des cas, la cartouche de l’e-cigarette est remplie avec un petit flacon d’e-liquide. Ces produits ressemblent en général moins à des cigarettes et ont le plus souvent perdus la diode rouge qui simulait l’incandescence de la cigarette. Une partie importante de l’e-cigarette est constituée par la batterie, le plus souvent rechargeable avec un câble USB ou un chargeur spécifique. En tête de la batterie est le plus souvent placé un dispositif électronique qui permet de réguler les bouffées, d’en régler la durée et pour certains modèles de relever la consommation de façon plus ou moins détaillée. L’atomiseur est un filament, ressemblant à celui des lampes à incandescence ou à une grille. Il chauffe quand il est traversé par le courant de la pile. Le système est totalement inerte quand il ne fonctionne pas ; il sera activé soit par une microvalve déclenchée par l’inspiration, soit souvent pas un contacteur manuel. La cartouche accueille l’atomiseur en son centre et contient le liquide. Elle est parcourue de mèches qui permettent une bonne répartition du liquide et évite que l’atomiseur ne soit jamais au sec en fonctionnant. Un embout buccal permet la mise en bouche et la prise de la vapeur.

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La vapeur Ce que les vapoteurs appellent « vapeur » est formé à partir de l’e-liquide et en garde quasiment la même composition chimique. Le liquide chauffé par l’atomiseur se transforme dans un premier temps en gaz par vaporisation, puis se condense en fines gouttelettes en se refroidissant. Ce sont ces gouttelettes

[(Figure_2)TD$IG]

Figure 2

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Schéma d’une e-cigarette

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de 0,3 à 0,6 micron qui vont former la partie visible de la simili fumée prise par le vapoteur. Cette taille des particules permet une pénétration aisée au plus profond des alvéoles pulmonaires. Comme pour tout aérosol submicronique, le dépôt des particules n’est que partiel et une partie de l’aérosol est expiré. La demi-vie de l’aérosol formé est de 11 secondes pour les liquides avec propylène glycol, ce temps court conduit à la revaporisation – transformation d’une gouttelette de liquide en gaz – d’une partie du produit entre son entrée et sa sortie du poumon. La demi-vie est de l’ordre de 30 secondes pour les aérosols de glycérol, ce qui conduit à l’expiration de volume beaucoup plus important de vapeur. Les quelques études sur la vapeur montrent qu’en absence de surchauffe de l’atomiseur, la composition chimique est identique à celle de l’e-liquide. La présence de microparticules métalliques qui pourraient provenir du filament de l’atomiseur est cependant l’objet d’études actuellement. En tout état de cause, ce doute suffit pour recommander de changer régulièrement l’atomiseur, tous les 15 jours ou au plus tous les mois et de le maintenir propre.

Effet de la vapeur

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La vapeur de l’e-cigarette en pénétrant dans le corps a deux effets recherchés par l’utilisateur : le throat hit et l’apport rapide de nicotine. Le throat hit est la sensation particulière d’arrivée du liquide tiède au fond de la gorge. Ce phénomène existe également pour les produits du tabac ou le spray buccal de substituts nicotiniques, mais il a jusque-là été négligé alors qu’il apparaît essentiel aux vapoteurs. Des études doivent être conduites et chaque médecin doit apprendre à analyser ces phénomènes. Cette sensation perçue au moment de l’arrivée de la fumée dans la gorge explique probablement que les fumeurs soient le plus souvent accrochés à vie à une marque de cigarette, et explique la satisfaction ressentie lors de la prise d’une bouffée dès les premières secondes, bien avant que la nicotine ne gagne le cerveau (7 secondes après la prise). Ce throat hit est transmis au cerveau par la stimulation de la cinquième paire crânienne (nerfs trijumeaux). Sans cette satisfaction obtenue dès les 6 premières secondes, le produit n’est pas apprécié et pas utilisé, qu’il s’agisse d’une vraie cigarette, d’une e-cigarette ou du spray nicotinique oral. À l’inverse, quand la première impression est favorable, le produit est adopté d’emblée par le consommateur, qu’il s’agisse d’un produit du tabac, d’une ecigarette ou d’un médicament de substitution nicotinique. Le médecin doit s’enquérir chez le consommateur de l’obtention de ce throat hit et l’inciter à rechercher le produit qui lui procure la bonne sensation, que ce soit avec le spray oral qui a le statut de médicament ou avec l’e-cigarette. Le débat réglementaire européen sur les arômes des e-liquides est important car interdire tout ce qui plaît aux vapoteurs risque de les faire retourner vers le tabac. S’il est souhaitable que les autorités

restreignent les arômes dans les cigarettes de tabac afin de les rendre moins attractives, il est nécessaire de laisser une plus grande liberté aux arômes des e-cigarettes afin que ce produit soit le plus attractif possible dans les 6 premières secondes de la prise pour les fumeurs, tout en veillant à ce que ceux-ci ne favorisent pas l’entrée en consommation des non-fumeurs. L’apport rapide de nicotine calme le manque. À ce jour, on sait que l’absorption de nicotine à partir des e-cigarettes est efficace, et que l’on peut en retrouver la plus grande part dans les urines sous forme de cotinine, mais on ne connaît pas précisément ni la cinétique, ni le lieu d’absorption de cette nicotine. Cet apport de nicotine comble le manque du fumeur dans un délai de quelques minutes.

Fiabilité des e-cigarettes À juste raison, les consommateurs et les autorités se questionnent sur la fiabilité des e-cigarettes, ce d’autant que de nombreuses publications alarmistes ont été publiées. En 2014, la réponse à cette question a considérablement évolué par rapport à 2010. Les progrès sur les produits, leur qualité et leur fiabilité sont considérables. Jusqu’en 2010, la technologie des e-cigarettes n’était pas au point et on a pu voir ainsi une pile bricolée exploser, cassant une dent de son utilisateur. Les forums internet donnaient des conseils de bricolage, soit pour augmenter la puissance des piles en les doublant ou les boostant, soit pour changer les atomiseurs. Les liquides étaient eux-mêmes bricolés par les vendeurs ou les utilisateurs dans des cuisines ou des garages avec des produits d’origine incertaine, expliquant que de nombreuses études avant 2011 ne retrouvent pas de nicotine dans des liquides étiquetés nicotinés ou à l’inverse, observaient quatre fois plus de nicotine qu’indiqué. Ces bricolages de l’époque expliquaient aussi qu’il existait des résidus de médicaments ou d’autres impuretés, que des additifs incertains soient ajoutés aussi bien par les petits fabricants que par les utilisateurs eux même. C’est ce type de bricolage, encore en vigueur chez certains utilisateurs, qui est en cause dans de rares accidents rapportés dans la littérature, notamment le décès en Israël d’une petite fille de 2,5 ans après ingestion d’un flacon de nicotine pure que son grand-père utilisait pour préparer ses eliquides nicotinés ; il avait laissé trainer ses liquides dans sa chambre. Tous ces bricolages étaient conduits pour pallier des produits souvent peu satisfaisants qui délivraient mal et irrégulièrement la nicotine. Cette mauvaise qualité des produits et le peu de satisfaction des utilisateurs laissaient les grandes compagnies de cigarette observatrices d’un phénomène qu’elles pensaient voué à l’échec. Depuis 2011, les produits ont été progressivement fiabilisés, qu’il s’agisse des e-cigarettes ou des e-liquides [7–9]. Depuis 2013, la majorité des e-liquides vendus dans notre pays est fabriquée en France dans des conditions quasi pharmaceutiques avec des contrôles à tous les stades de fabrication et une tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Dautzenberg BDautzenberg M-D, La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.015. La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?

traçabilité. Les produits utilisés sont des produits de qualité Euro Pharm, norme utilisée pour la fabrication des médicaments, sauf pour les arômes qui sont eux le plus souvent de qualité alimentaire. Une norme est en cours de préparation et devrait voir le jour fin 2014 une norme expérimentale, et en 2016– 2017 pour une norme CEN. Tous les e-liquides sont déjà déposés à l’INRS selon la réglementation REACH, des progrès restent cependant à faire sur l’information des consommateurs. Les e-cigarettes sont le plus souvent fabriquées en Chine sur des chaînes qui produisent des dizaines de milliers d’e-cigarettes par jour et qui ont des systèmes de contrôle de qualité efficaces. Les pannes et les fuites sont devenues exceptionnelles. Bien entendu, des progrès restent à faire pour fiabiliser les produits, mais dès maintenant on peut affirmer que la majorité des e-cigarettes sont plus fiables que beaucoup d’autres produits de consommation courante présents sur le marché. Les consommateurs sont très vigilants sur ces problèmes et poussent à ce que les fabricants eux-mêmes fiabilisent et sécurisent toujours davantage leurs produits. Certains acteurs de santé publique et les législateurs européens restent exclusivement centrés sur une suspicion de malfaçon des produits qui pourtant, malgré l’absence de législation spécifique contraignante, s’améliorent de semestre en semestre. Ces acteurs négligent en ricochet le risque majeur de santé publique que constitue l’utilisation de ce produit pour l’entrée en tabagisme du non-fumeur et notamment des plus jeunes, et celui de renormalisation du tabac dans une société pourtant majoritairement désireuse de s’en éloigner.

fumée de cigarette a un pH un peu acide et n’est absorbée que par le poumon. Cette absorption est très rapide et en 8 secondes, la nicotine est dans le cerveau. Les formes orales de substituts nicotiniques sont absorbées uniquement par la bouche, qu’il s’agisse des gommes, des comprimés, des inhaleurs ou des sprays oraux. Cette absorption nécessite que le milieu buccal soit alcalin. Le pic d’absorption est de l’ordre d’une dizaine de minutes. Avec l’e-cigarette, l’absorption pourrait être mixte, par le poumon et par la bouche. Préciser la part respective de ces deux types d’absorption n’est pas sans intérêt car de cette cinétique d’absorption dépend le pouvoir addictif de l’e-cigarette. La cinétique de la nicotine dépend aussi beaucoup de la façon dont l’e-cigarette est utilisée par le vapoteur. La prise de 15 bouffées rapprochées en 5 minutes, comme cela se fait avec la cigarette, serait susceptible de provoquer avec des e-cigarettes de conception récente, des pics de nicotine dépassant la saturation des récepteurs, entraînant donc leur multiplication et leur désensibilisation, phénomène connu pour entretenir, voire créer la dépendance. À l’inverse, la prise de nicotine à raison d’une bouffée toutes les 5 minutes tout au long de la journée reproduit plutôt la cinétique de délivrance de nicotine obtenue avec les patches nicotiniques ne crée pas de pics et n’est pas susceptible de provoquer la dépendance nicotinique car la nicotine est délivrée à doses filées tout au long de la journée, sans ces pics d’absorption qui renforcent la dépendance.

Efficacité à délivrer la nicotine

Un produit à risque réduit par rapport à la cigarette

Jusqu’en 2010, les e-cigarettes apportaient fort peu de nicotine [1]. Des études de cinétique comparant cigarette et e-cigarette montraient que l’e-cigarette n’arrivait pas à délivrer le dixième de la nicotine qu’apportait la cigarette dans le sang. Les mêmes études reproduites en 2011 montrent une légère amélioration. Ce n’est qu’en 2013 que les publications font état de taux sanguins de nicotine dépassant les 10 ng/mL, un taux qui permet de calmer efficacement le manque de nicotine d’un gros fumeur. Le lieu d’absorption de la nicotine provenant de l’e-cigarette est mal connu. On sait en revanche que celle contenue dans la

L’e-cigarette au cours de son fonctionnement normal n’a aucune combustion, contrairement à la cigarette de tabac. La vapeur ne contient ni le monoxyde de carbone (CO), ni les substances cancérogènes liées à la combustion, ni les particules solides présents dans la cigarette. Ces trois éléments sont responsables du déficit en oxygène du coeur, des muscles et du foetus porté par la femme enceinte, mais aussi des effets cancérogènes et d’une grande partie de l’inflammation responsable des atteintes bronchiques, des effets cardiaques et du risque de thrombose (tableau I). La vapeur de l’e-cigarette ne

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Tableau I

Toxiques

e-Cigarette

Effets

Cigarette

Monoxyde de carbone

Absence

Asphyxie coeur, muscle, foetus

Présence

Particules solides

Absence

Atteinte des bronches, du coeur

Présence

Substances cancérogènes

Absence

Cancers poumon, ORL, vessie, autres

Présence

Présence +

Repiratoires et généraux

Présents +++

Présence

Dépendance

Présence

Produits irritants Nicotine

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Les grandes classes de composés présents dans la fumée de cigarette ou dans l’e-cigarette et leurs principaux effets

Pour citer cet article : Dautzenberg BDautzenberg M-D, La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.015.

B Dautzenberg, M-D Dautzenberg

contient finalement que de la nicotine, délivrée avec une cinétique différente de celle obtenue avec la cigarette et des substances potentiellement inflammatoires à des concentrations bien moindres ou différentes de celles de la fumée de cigarette.

Aucune e-cigarette n’a un statut de médicament Il est tout à fait concevable qu’un jour une e-cigarette obtienne une autorisation de mise sur le marché (AMM) comme médicament, mais à ce jour aucune n’a cette autorisation et ne peut revendiquer « un effet bénéfique pour la santé ». Les essais publiés avec des e-cigarettes anciennes [9,10] ou plus récentes [11] n’emportent pas la conviction. Il est possible qu’un jour ces produits puissent être utilisés comme des substituts nicotiniques oraux, isolément ou plus probablement en association avec les autres traitements, ce qui clarifierait le discours des médecins et des professionnels de santé sur le sujet de l’ecigarette, un produit qui leur apparaît hybride entre les produits du tabac et les substituts nicotiniques.

Pour le médecin : le switch du tabac à l’ecigarette

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Pour le médecin, les méthodes classiques d’arrêt du tabac avec la substitution nicotinique ou la varénicline sont toujours préférables, mais tout fumeur qui se pose la question de passer à l’e-cigarette ne doit pas être découragé, voire encouragé [10], car tout ce qui peut conduire à arrêter de fumer doit être tenté tant que le risque de dommage reste infiniment moins grand que celui du tabac. Le fumeur qui essaye l’e-cigarette doit le faire dans de bonnes conditions, en boutique par exemple, sevré de nicotine depuis une heure afin de se laisser la possibilité de goûter plusieurs liquides nicotinés [12]. Le fumeur choisira une e-cigarette rechargeable avec un arôme qui lui plait, et qui sera souvent au début celui qui a le même goût que son tabac habituel, et un e-liquide contenant une dose de nicotine suffisante afin de provoquer un throat hit satisfaisant. Il ne faut pas avoir peur, lors de l’initiation, d’utiliser de fortes concentrations de nicotine. La dose de nicotine prise par le vapoteur dépendra davantage de la répétition des prises, de la durée de la vaporisation à chaque bouffée, paramètres dont le vapoteur a lui-même la maîtrise, que de la concentration du produit en nicotine. Si le fumeur ressent un bon throat hit, il est fréquent qu’il passe d’un jour à l’autre du tabagisme au vapotage, sans désagrément. Mais cette transition ne concerne qu’une petite minorité des vapoteurs qui essayent l’e-cigarette. Avec le temps, la dose de nicotine prise va diminuer progressivement de semaine en semaine, typiquement des deux tiers en deux mois. La sensation ressentie dès les six premières secondes, indépendamment de l’arrivée de nicotine au cerveau, est plus

importante que la dose de nicotine délivrée au cerveau. Si la sensation est mauvaise, l’e-cigarette ne sera pas prise, si la sensation est mitigée, le fumeur gardera souvent à la fois les cigarettes classiques et les e-cigarettes, prenant les unes ou les autres selon les circonstances. Cette situation entraîne le maintien d’un haut niveau de dépendance, car même s’il ne reste que 2 ou 3 cigarettes, chacune va provoquer des pics élevés de nicotine et maintenir un haut niveau de dépendance nicotinique. Le rôle du médecin dans ce cas est d’envisager la façon d’augmenter l’apport de nicotine, soit en proposant un patch supplémentaire, soit en suggérant d’utiliser un e-liquide plus concentré en nicotine dans l’e-cigarette.

Et le long terme ? Alors que l’on a maintenant quelques données sur le vapotage à court et à moyen terme, les effets de la pratique à long terme et la façon d’y mettre fin sont encore mal connus. Certains vapoteurs n’utiliseront-ils pas les e-cigarettes pendant des dizaines d’années ? Et les e-cigarettes d’aujourd’hui serontelles les mêmes dans 5 ans ? À ce jour, personne ne peut répondre à ces questions. Il est probable qu’elles vont se modifier au gré des évolutions technologiques, mais aussi de la place laissée par le législateur à l’e-cigarette dans la société et de l’attitude des professionnels de la santé vis-à-vis de ce produit qu’ils viennent seulement de découvrir et dont ils n’ont pas encore la maîtrise. Le médecin, dès lors que l’arrêt complet du tabac est obtenu depuis plus d’un mois, après réduction progressive des doses de nicotine de l’e-cigarette, devra inciter le vapoteur à abandonner aussi son e-cigarette. A contrario, s’il y a un risque de rechute tabagique, il est préférable au moindre doute de conseiller d’avoir l’usage de l’e-cigarette plutôt que de risquer un retour au tabagisme.

Conclusions Les bases scientifiques sur les effets de l’e-cigarette manquent et ce n’est que parce que le tabac tue la moitié de ses fidèles consommateurs que l’on peut affirmer qu’en tout état de cause l’e-cigarette est moins toxique et plus fiable. On peut espérer que l’e-cigarette soit une voie de sortie du tabagisme pour la moitié des fumeurs et qu’après quelques mois, les utilisateurs puissent quitter aussi le vapotage, démarche qui dans l’idéal pourrait conduire à la réalisation du plan cancer 3 qui prévoit une diminution d’un tiers du taux de fumeurs et à long terme à la fin du tabac. L’e-cigarette pourrait ainsi contribuer à contrôler la première cause de mort évitable en Europe, mais qui est aussi la source de très nombreuses maladies. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Dautzenberg BDautzenberg M-D, La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.015. La cigarette électronique est-elle fiable et efficace ?

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Références

Mise au point

Journées européennes de la Société française de cardiologie

[Electronic cigarette: Reliable and efficient?].

Before 2010, the e-cigarette remains inefficient then, its dissemination explodes in 2013 where more than 10 million people have tried it in France. T...
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