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Journal français d’ophtalmologie (2016) xxx, xxx.e1—xxx.e3

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LETTRE À L’ÉDITEUR Maladie de Eales et tuberculose : à propos d’un cas Eales disease and tuberculosis: A case report La maladie de Eales est une vasculopathie occlusive idiopathique affectant primitivement la rétine périphérique de l’adulte [1], elle se révèle fréquemment par des hémorragies intravitréennes. L’étiologie est encore mal élucidée mais les arguments plaident pour son caractère multifactoriel. Cette observation suggère qu’en présence d’une maladie de Eales, il convient de rechercher une tuberculose évolutive. Il s’agit d’un homme, mélanoderme marocain vacciné contre la tuberculose par le BCG, de 27 ans qui consulte pour une baisse de l’acuité visuelle progressive des deux yeux associée à des myodésopsies évoluant depuis trois mois et rapidement aggravée au niveau de l’œil droit en deux semaines, sans douleurs ni autres symptomatologies associées. L’examen ophtalmologique complété par une angiographie à la fluorescéine (AGF) montre : • à droite, une acuité visuelle (AV) à 1/10 < P10, une hémorragie intravitréenne avec de la fibrine et des caillots sanguins et un fond d’œil (FO) flou laissant apercevoir des hémorragies rétiniennes au pôle postérieur (Fig. 1A) ; • à gauche, une AV à 9/10 P2, avec un tyndall vitréen pigmenté. Le FO montre des hémorragies rétiniennes en nappe étendues de l’équateur à la moyenne périphérie et un aspect de vascularite veineuse des gros troncs (Fig. 1B). L’AGF confirme les anomalies veineuses, des territoires d’ischémie rétinienne en périphérie avec des occlusions vasculaires associées à des néovaisseaux rétiniens (Fig. 2), mais sans foyers inflammatoires choriorétiniens et la tomographie en cohérence optique (OCT) n’objective pas d’œdème maculaire. L’échographie oculaire ne retrouve pas de décollement rétinien. Un bilan exhaustif réalisé dans le sens d’une affection systémique ou infectieuse pourvoyeuse de vasculopathie occlusive est négatif, seuls l’IDR (10 mm) et le test quantiFERON TB Gold (8,89Ui) sont positifs. Compte tenu de la positivité du quantiféron et de la prévalence élevée de la tuberculose dans notre pays, le diagnostic de maladie de Eales associée à un quantiféron positif est retenu et le patient est traité par des antibacillaires suivant le protocole national de traitement de

la tuberculose au Maroc pendant 9 mois, associés à une corticothérapie par voie générale à 1 mg/kg par jour. Une photocoagulation au laser argon des territoires ischémiques est faite dans les deux yeux (Fig. 3). L’évolution est favorable à droite avec une résorption spontanée de l’hémorragie intravitréenne et la remontée de l’AV à 8/10 après 6mois. À gauche, l’AV est à 10/10 avec une stabilisation des lésions. La maladie de Eales est decrite en 1880 par Henry Eales qui décrivait chez un jeune adulte un syndrome associant une hémorragie rétinienne récidivante avec une hémorragie du vitré, une constipation et une épistaxis. Elle affecte le plus souvent des jeunes adultes. Les hommes sont les plus affectés [2]. Elle affecte le plus souvent les jeunes adultes en bonne santé, dans le groupe d’âge entre 20 à 30 ans. Une prédominance masculine (jusqu’à 97,6 %) a été signalée dans la majorité des séries [2]. Plusieurs hypothèses étiopathogéniques ont été proposées tel que le rôle du complexe majeur d’histocompatibilité (HLA de classes I et II) [3], de mécanismes immunologiques anti-rétine [4], de l’allergie tuberculinique et du rôle des radicaux libres et du stress oxydatif. L’association avec des maladies systémiques, en particulier la tuberculose, a été décrite dans plusieurs études cliniques [5] mais le rôle du génome de M. tuberculosis dans la pathogénie de la maladie de Eales est encore à déterminer. Plusieurs auteurs, dans le passé, ont considéré qu’une réaction d’hypersensibilité à la tuberculine était responsable de la maladie [5]. La maladie de Eales est considérée comme une entité syndromique spécifique ayant des signes cliniques, un aspect angiographique, et une évolution caractéristique. Le FO peut montrer des aspects très variables en fonction du stade de la maladie. Typiquement, on retrouve une périvascularite active (84 %) [2], avec des exsudats périveineux, souvent associés à des hémorragies rétiniennes superficielles et une non-perfusion des capillaires périphériques ayant une évolution centripète au pôle postérieur, sans signes de choroïdite, ni active, ni cicatricielle. Les hémorragies intravitréennes à répétition sont souvent le sceau de la maladie (36,9 %) [5]. Saxena et Kumar ont proposé une classification de la maladie en huit stades évolutifs en fonction des atteintes rétiniennes et quatre grades en fonction de l’acuité visuelle. Selon cette classification, notre patient serait au stade IIIb grade IV à droite, et stade IIa grade I à gauche [6]. Le quantiféron ou test de dosage in vitro de l’IFN ␥ présente le progrès le plus important en matière de diagnostic

Pour citer cet article : Elkhoyaali A, et al. Maladie de Eales et tuberculose : à propos d’un cas. J Fr Ophtalmol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2015.03.029

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Lettre à l’éditeur

Figure 1. Fond d’œil. A. OD : hémorragie intravitréenne avec un fond d’œil flou laissant apercevoir des hémorragies rétiniennes au pôle postérieur. B. OG : hémorragies rétiniennes en nappe étendues de l’équateur à la moyenne périphérie, un aspect de vascularite veineuse des gros troncs.

tuberculeux depuis 100 ans. La valeur seuil de positivité est de 0,35 UI/mL. Ces tests ont une sensibilité de 83 à 100 % et une spécificité de 35 à 100 % pour la tuberculose maladie [7]. Dans notre cas, il a permis le diagnostic de tuberculose oculaire sur maladie de Eales, dont l’IDR n’a pas été contributive. La prise en charge de la maladie de Eales dépend du stade de la maladie. Au stade de périphlébite cicatricielle ou d’hémorragie intravitréenne récente, on peut opter pour une abstention thérapeutique avec un suivi régulier. Au stade de périvascularite active, un traitement corticoïde est nécessaire. Une photocoagulation au laser peut être réalisée en cas de néovascularisation ou de non-perfusion capillaire diffuse. La chirurgie vitréenne est indiquée dans les hémorragies intravitréennes non résolutives. Le rôle de l’oxygénothérapie hyperbare [8] et du traitement antituberculeux demeure controversé. Un même patient, tel

que notre cas, peut avoir besoin de plusieurs traitements au même moment, du fait que le deuxième œil est fréquemment à un stade différent de la maladie. Du fait que l’hypersensibilité à la tuberculine est considérée par certains comme un facteur étiologique, le traitement antituberculeux (TAT) a été utilisé de fac ¸on empirique. Dans la littérature, on retrouve peu de publications concernant le traitement de la maladie de Eales par les antituberculeux. Ce traitement reste discuté en l’absence de germe isolé et en présence d’une IDR positive. Dans la série d’Elliot incluant 31 patients, 4 des 5 patients ayant rec ¸u un traitement antibacillaire d’association variable selon chaque cas avaient évolué vers une inactivité de la maladie oculaire après 6 mois de traitement [9]. Dans notre observation, nous avons associé les deux traitements, l’évolution ophtalmologique a été favorable avec une stabilisation des lésions après 6 mois. Ishaq et al. [10] ont réalisé des injections intravitréennes de triamcinolone

Figure 2. AGF : anomalies veineuses, des territoires d’ischémie rétinienne en périphérie avec des occlusions vasculaires associées à des néovaisseaux rétiniens.

Pour citer cet article : Elkhoyaali A, et al. Maladie de Eales et tuberculose : à propos d’un cas. J Fr Ophtalmol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2015.03.029

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Figure 3.

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PPR en ODG avec résolution de l’hémorragie en OD et disparition des néovaisseaux.

avec des résultats favorables, et qui restent une option thérapeutique à considérer. La maladie de Eales, maladie du sujet jeune, doit faire rechercher activement une tuberculose dans notre milieu. Cette association doit toujours être recherchée et traitée de fac ¸on adéquate afin d’éviter des aggravations qui peuvent compromettre le pronostic visuel. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Eales H. Cases of retinal haemorrhage associated with epistaxis and constipation. Birm Med Rev 1880;9:262—73. [2] Biswas J, Sharma T, Gopal L, Madhavan HN, Sulochana KN, Ramakrishnan S. Eales disease—–An update (review article) survey of ophthalmology. 2002;47:197—214. [3] Biswas J, Narain S, Roy S, Madhavan HN. HLA Association in Eales disease. Invest Ophthalmol Vis Sci 1996;36:S363 [abstract]. [4] Das T, Biswas J, Kumar A, Nagpal PN, Namperumalsamy P, Patnaik B, et al. Eales disease. Indian J Ophthalmol 1994;42:3—18. [5] Nagpal PN, Sharma RK, Joshi BS, Patel AM. Management of Eales disease-analysis of 800 cases (1214 eyes). Asia Pac J Ophthalmol 1998;10:11—7. [6] Saxena S, Kumar D. New classification system-based visual outcome in Eales’ disease. Indian J Ophthalmol 2007;55:267—9.

[7] Haute Autorité de santé (HAS). Test de détection de la production d’interféron gamma pour le diagnostic des infections tuberculeuses; 2006 http://www.has-sante.fr. [8] Dumitru R. The hyperbaric method in the treatment of diabetic retinopathy, an alternative to laser therapy? Oftalmologia 1993;37:12—6. [9] Das T, Pathengay A, Hussain N, Biswas J. Eales’ disease: diagnosis and management. Eye 2010;24:472—82. [10] Ishaq M, Feroze AH, Shahid M, Baig MA, Ameen SS, Feroze SH, et al. Intravitreal steroids may facilitate treatment of Eales’disease (idiopathic retinal vasculitis): an interventional case series. Eye 2007;21:1403—5.

A. Elkhoyaali a,∗ , F. Elasri a , T. Abdellaoui a , Y. Rhoufir b , S. Chatoui a , R. Massoudi a , K. Reda a , A. Oubaaz a a

Service d’ophtalmologie, hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Madinat Al Irfane, 10000 Rabat, Maroc b Service de pneumologie, hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Madinat Al Irfane, 10000 Rabat, Maroc ∗ Auteur

correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (A. Elkhoyaali) http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2015.03.029 0181-5512/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Elkhoyaali A, et al. Maladie de Eales et tuberculose : à propos d’un cas. J Fr Ophtalmol (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2015.03.029

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