Pour citer cet article : Deugnier Y, Lainé F, Hépatosidérose dysmétabolique : une maladie générale ?, Presse Med (2014), http:// dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.008. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Éditorial

Presse Med. 2014; //: /// ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Hépatosidérose dysmétabolique : une maladie générale ? [TD$FIRSNAME]Yves[TD$FIRSNAME.] Deugnier1,2, [TD$FIRSNAME]Fabrice[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Lainé[TD$SURNAME.]2

1. CHU de Rennes, hôpital Pontchaillou, service des maladies du foie, 35033 Rennes, France 2. Inserm, hôpital Pontchaillou, centre d’investigation clinique 1414, 35033 Rennes, France

Correspondance : Disponible sur internet le :

Yves Deugnier, CHU de Rennes, hôpital Pontchaillou, service des maladies du foie, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35033 Rennes, France. [email protected]

Dysmetabolic iron overload syndrome: A systemic disease?

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écrite chez des sujets non alcooliques d’âge mûr, essentiellement masculins, l’hépatosidérose dysmétabolique (HSD ou Dysmetabolic Iron Overload Syndrome [DIOS]) est définie par l’association (i) d’une surcharge hépatique en fer inexpliquée et (ii) d’un contexte dysmétabolique associant surpoids (avec répartition androïde des graisses) et/ou hypertension artérielle et/ou dyslipidémie (hypertriglycéridémie, essentiellement) et/ou intolérance aux hydrates de carbone, voire diabète non insulino-dépendant [1,2]. L’HSD est parfois découverte dans le cadre de l’enquête d’une asthénie chronique ou de polyarthralgies mais, le plus souvent, elle est asymptomatique et repérée lors d’un bilan biologique systématique. La saturation de la transferrine est normale ou peu augmentée. L’hyperferritinémie est souvent plus importante que ne le voudrait la seule surcharge, laquelle est en règle discrète (de l’ordre de 100 mmol/g [N < 36]). Histologiquement, il s’agit d’une surcharge mixte, hépatocytaire et mésenchymateuse, avec prédominance péri-portale de sa composante parenchymateuse. L’HSD est isolée dans la moitié des cas et, dans l’autre moitié, coexiste avec une stéatose, voire une stéato-hépatite qui, dans 10 à 15 % des cas, est compliquée d’une fibrose sévère, voire d’une cirrhose [3]. À l’inverse, 15 à 30 % des sujets atteints de stéato-hépatite métabolique ont une HSD [4]. Ces deux entités sont donc fréquemment associées mais non superposables, l’HSD pouvant exister sans stéato-hépatite et réciproquement.

LPM-2445

Pour citer cet article : Deugnier Y, Lainé F, Hépatosidérose dysmétabolique : une maladie générale ?, Presse Med (2014), http:// dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.008.

Y Deugnier, F Lainé

Diagnostic différentiel L’HSD doit être distinguée (i) de l’hyperferritinémie dysmétabolique (hyperferritinémie en règle < 500 mg/L dans un même contexte métabolique mais sans surcharge hépatique objectivable) et (ii) de la maladie de la ferroportine par mutation du gène SLC40A1 (même présentation clinico-biologique, en règle plus marquée) [5]. D’où la nécessité de disposer d’une évaluation du stock en fer par IRM, biopsie hépatique voire méthode des saignées (1 L de sang = 0,5 g de fer) pour retenir le diagnostic d’HSD et, en cas de surcharge importante (> 150 mG/g de foie [N < 40] ou nombre de grammes de fer soustrait > 3), d’écarter une maladie de la ferroportine par génotypage.

Physiopathologie La physiopathologie de l’HSD demeure incertaine mais plusieurs faits nouveaux éclairent la question.

Constitution de la surcharge Les études chez l’animal suggèrent que l’HSD et insulinorésistance sont susceptibles de s’aggraver mutuellement :  chez la souris C57BL/6, un régime riche en fer induit une surcharge en fer non seulement au niveau du foie mais aussi du tissu viscéral adipeux ainsi qu’un état d’insulino-résistance [6], alors qu’un régime riche en graisses induit une modification de la répartition cellulaire et tissulaire du fer au profit des macrophages du tissu viscéral adipeux [7] ;  un lien a été mis en évidence entre l’activation de la néoglucogénèse – phénomène commun au cours de l’obésité, du syndrome métabolique et du diabète – et l’induction de la synthèse d’hepcidine via la voie CRBEH (cyclic adenosine monophosphate response element binding protein 3-like 3) mise en oeuvre par les acides gras et PPARGC1A (peroxisome proliferator-activated receptor gamma coactivator 1 alpha) [8].

Rappel sur le métabolisme du fer

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L’hepcidine est l’hormone régulatrice du fer systémique. Synthétisée principalement par le foie, elle agit au niveau de la ferroportine, transporteur trans-membranaire du fer, dont elle provoque l’internalisation et la dégradation. L’hepcidine favorise donc la rétention de fer par les cellules avec, pour conséquence, une baisse du fer sérique et de la saturation de la transferrine. Son excès de production, comme dans le syndrome inflammatoire, conduit à une anémie ferriprive par rétention macrophagique du fer. Sa carence libère la sortie cellulaire du fer, ce qui conduit à une augmentation du fer sérique et de la saturation de la transferrine, comme c’est le cas au cours des hémochromatoses génétiques. Au sortir de la cellule, le fer doit être oxydé pour pouvoir être pris en charge par la transferrine et ensuite délivré aux tissus. Cette oxydation est principalement le fait de la céruloplasmine.

Les données humaines sont d’interprétation délicate car elles concernent et souvent mêlent des patients de profils très différents en termes de surpoids, d’anomalies métaboliques, de degrés de stéatose et de fibrose ou de consommation d’alcool [4]. Il est vraisemblable que l’HSD est liée à l’interaction de l’acquis (régime, importance du surpoids et des anomalies métaboliques. . .) et de l’inné (sexe, ethnie, mutations et polymorphismes dans les gènes impliqués dans le métabolisme du fer et dans celui de la globine. . .) aboutissant à un trouble de l’export cellulaire du fer dont témoignent une élévation de l’hepcidine et une diminution de la ferroportine ainsi que de l’activité ferroxidasique de la céruloplasmine [9].

Conséquences de la surcharge In vitro et in vivo, chez l’animal, l’excès hépatique de fer aggrave le risque de fibrose en cas de stéatose, vraisemblablement en favorisant la production de radicaux libres. Les données humaines sont moins claires, le réel impact de l’HSD sur le développement de la fibrose demeurant controversé, notamment en ce qui concerne la localisation, hépatocytaire ou macrophagique, du fer en cause [4]. L’augmentation du stock en fer, sur la base d’études expérimentales, est suspectée de favoriser le développement de complications cardiovasculaires via l’induction d’un stress oxydant macrophagique mais, à ce jour, rien n’est définitivement prouvé en pathologie humaine. Il en est de même pour le lien supposé entre fer et cancer [4].

Saigner ou ne pas saigner ? Plusieurs études suggèrent fortement que la déplétion en fer par des saignées améliore la sensibilité à l’insuline chez des sujets sains, diabétiques ou porteurs d’une stéatose associée à une hyperferritinémie. La plupart ne sont toutefois pas contrôlées. Deux études contrôlées testant l’efficacité des saignées ont été menées chez des sujets ayant une artériopathie des membres inférieurs et des patients hypertendus. La première a démontré sans ambiguïté que, dans un sousgroupe, la réduction du stock en fer était associée à une diminution majeure du risque de cancer [10]. La seconde, plus controversée, a conclu à une diminution de la pression artérielle chez les patients déplétés. Sur ces bases, et dans la mesure où la prise en charge des anomalies métaboliques s’avère insuffisante pour évacuer la surcharge en fer de l’HSD, un traitement déplétif (300 à 400 mL/15 jours) est souvent proposé. Il est bien toléré et efficace pour réduire le stock en fer. Son impact en termes de morbidité et de mortalité reste à déterminer.

Conclusion L’HSD concerne en premier chef le médecin interniste car, en dépit de sa modicité, la surcharge hépatique en fer qui la caractérise est liée à une insulino-résistance dont on connaît tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Deugnier Y, Lainé F, Hépatosidérose dysmétabolique : une maladie générale ?, Presse Med (2014), http:// dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.03.008.

les conséquences hépatiques mais aussi extra-hépatiques en matière de pathologies métaboliques, cardiovasculaires et cancéreuses. La compréhension de ce trouble subtil du métabolisme du fer et son traitement par les saignées, mais aussi le développement de nouvelles cibles thérapeutiques identifiées,

participeront peut-être à l’avenir à une meilleure prise en charge de ces pathologies fréquentes et meurtrières.

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Hépatosidérose dysmétabolique : une maladie générale ?

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références

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[Dysmetabolic iron overload syndrome: a systemic disease?].

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