Article original Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014 ; 12 (4) : 387-93

Étude sur les connaissances et les pratiques en lien avec la dénutrition des personnes âgées en maison de repos

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Study on knowledge and practices related to malnutrition in the elderly to the nursing home MÉlissa Brys1 Yves Coppieters1 Sandra De Breucker2 1 Centre de recherche en politiques et systèmes de santé, Ecole de santé publique, Université libre de Bruxelles (ULB), Bruxelles, Belgique 2 Service de gériatrie, Hôpital Erasme, Université libre de Bruxelles (ULB), Belgique

´ a` part : Tires M. Brys

Résumé. La prévalence de la dénutrition en maison de repos et maison de repos et de soins varie entre 50 et 90 % en Belgique. Les causes de la dénutrition sont multiples et une des conséquences de celle-ci est l’impact sur la charge de travail du personnel. L’objectif de cette étude est de mieux comprendre les facteurs liés aux connaissances et à la pratique du personnel qui pourraient influencer l’état nutritionnel des personnes âgées institutionnalisées. Elle se divise en une approche quantitative à l’aide d’un questionnaire auto-administré auprès des personnels médical et paramédical et en une approche qualitative par observation non participante. Nous observons que 29 % du personnel a une bonne connaissance de la dénutrition et que 64 % a de bonnes pratiques en lien avec la nutrition des personnes âgées. Les personnes ayant de bonnes connaissances ont de meilleures pratiques. Seul 38 % du personnel interrogé suit des formations continues. Aucune procédure de dépistage, d’évaluation et de prise en charge systématique de la dénutrition n’est mise en place dans les maisons de repos (et de soins). Il est donc important de sensibiliser le personnel à cette problématique par le biais de formations continues. Mots clés : dénutrition, personne âgée, maison de repos (et de soins), dépistage, prise en charge nutritionnelle Abstract. The prevalence of malnutrition in nursing homes varies between 50% and 90% in Belgium. There are multiple causes of malnutrition and one of the consequences is the impact on the workload of nursing home staff. The purpose of this study is to better understand the knowledge and the practices of the nursing home staff who would influence the nutritional status of elderly in nursing homes. This study is divided into a quantitative approach with a self-administered questionnaire and a qualitative approach by non-participant observation. We observed that 29% of nursing home staff have good knowledge about the malnutrition and that 64% have good practices in providing nutrition to the elderly. People with good knowledge tend to have better practices. 38% of the nursing home staff engage in continued professional development in the field. There is no systematic screening, nutritional assessment and nutritional intervention in nursing homes. It is of great importance to ensure nursing home staff are aware of this problem through training. Key words: undernutrition, malnutrition, elderly, nursing home, screening, nutritional intervention

doi:10.1684/pnv.2014.0504

L

a dénutrition des personnes âgées est un problème majeur de santé publique dans les sociétés occidentales. En effet, selon le Plan national nutrition santé pour la Belgique, sa prévalence se situe entre 50 et 90 % en maison de repos (et de soins) (MR(S)) [1]. La dénutrition protéino-énergétique est le type de dénutrition le plus souvent rencontré chez les personnes âgées. Elle « résulte d’un déséquilibre entre les apports et les besoins de l’organisme. Ce déséquilibre entraîne des pertes tissulaires, notamment musculaires, qui ont des conséquences fonctionnelles délétères » [2]. Les personnes âgées fragiles sont fortement

susceptibles d’être dénutries puisqu’elles présentent « des capacités fonctionnelles limitées, une diminution des capacités d’adaptation ou d’anticipation sous l’influence du vieillissement physiologique, des maladies chroniques et du contexte de vie » [2]. Des pathologies sévères et la dépendance entrent également en compte dans le critère de la fragilité [2]. Les causes de la dénutrition sont multiples et liées à la personne âgée elle-même mais également au personnel des MR(S), ainsi qu’à l’environnement physique et social de ces dernières. De plus, les personnes dénutries présentent de nombreuses complications, conséquences

Pour citer cet article : Brys M, Coppieters Y, De Breucker S. Étude sur les connaissances et les pratiques en lien avec la dénutrition des personnes âgées en maison de repos. Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014; 12(4) :387-93 doi:10.1684/pnv.2014.0504

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de leur état nutritionnel détérioré. Or, la dénutrition est une problématique pas encore suffisamment prise en considération par le personnel des MR(S) [3-6]. Le manque de connaissances du personnel concernant la nutrition des personnes âgées, ainsi que l’absence de mise en place d’un protocole de prise en charge de la dénutrition au sein de celles-ci, influencent la prévalence élevée de cette problématique dans les MR(S) [7, 8]. L’objectif de cette étude est de mieux comprendre les facteurs liés aux connaissances et à la pratique du personnel qui pourraient influencer l’état nutritionnel des personnes âgées dans les MR(S) à Bruxelles.

Matériel et méthode Cette étude se compose d’une approche quantitative par questionnaire auto-administré auprès du personnel de neuf MR(S) bruxelloises et d’une approche qualitative par observation non participante au sein de trois MR(S) parmi les neuf sélectionnées. Il s’agit d’une étude descriptive et analytique.

Approche quantitative par questionnaire auto-administré Un échantillon opportuniste de neuf MR(S) bruxelloises est proposé sur 156 MR(S) de ce type existant sur Bruxelles. Le public cible est le personnel médical et paramédical, à l’exception des diététiciens de ces MR(S). Il s’agit des médecins coordinateurs, infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, ergothérapeutes et logopèdes. Le questionnaire auto-administré se compose de 35 questions (ouvertes et fermées) et se subdivise en trois parties : une partie sur les connaissances de la dénutrition, une partie sur les pratiques concernant la nutrition des personnes âgées en MR(S) et une partie concernant les facteurs environnementaux physiques et sociaux. Le questionnaire est conc¸u sur base de la littérature et en collaboration avec une gériatre de l’Hôpital Erasme, à Anderlecht. Un pré-test du questionnaire est réalisé. Le logiciel EPI INFO 3.5.3 est utilisé pour l’encodage, le traitement et l’analyse des données. Les variables dépendantes sont les variables « connaissances du personnel » et « pratiques du personnel ». La variable « connaissances du personnel » est construite sur base de : la « connaissance de la définition de la dénutrition » créée à l’aide des critères qui sont : un déséquilibre entre les apports nutritionnels et les besoins de l’organisme, une perte de poids ≥ 5 % en 1 mois et ≥ 10 % en 6 mois, une perte de tissus, notamment musculaire ; la « connaissance des causes de la dénutrition » ; la

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« connaissance des critères en lien avec la dénutrition » ; la « connaissance des moyens de dépistage et d’évaluation de la dénutrition ». La variable « connaissance du personnel » est catégorisée en connaissances faibles = 0 à 2 critères connus et bonnes connaissances = 3 à 4 critères connus. La variable « pratiques du personnel » a été créée à l’aide de 4 variables : la « fréquence de dépistage de la dénutrition » ; la « fréquence de pesée » ; la « connaissance du dépistage des troubles de la déglutition » ; la « prise en charge nutritionnelle à réaliser lorsqu’un patient ne mange plus suffisamment » créée à l’aide des critères suivants : augmenter la qualité des aliments, augmenter la quantité des aliments, réduire les portions alimentaires. La variable « pratiques du personnel » est catégorisée en pratiques faibles = 0 à 2 critères connus et bonnes pratiques = 3 à 4 critères connus. Les variables quantitatives ne suivant pas une distribution normale sont décrites par la médiane et l’intervalle de confiance. Les variables en catégories sont décrites par des proportions. Une analyse univariée a ensuite été réalisée afin de croiser les variables dépendantes en catégories et les principales variables indépendantes. Pour ce faire, le test Chi carré de Pearson a été utilisé. Le seuil de signification statistique retenu est de 5 %.

Approche qualitative par observation non participante Un second axe de récolte des données par observation participante est réalisé au sein de trois MR(S) sur les neuf sélectionnées. L’observation se fait à l’aide d’une grille d’observation qui se subdivise en plusieurs catégories : le dépistage et la prise en charge de la dénutrition (dépistage de la dénutrition, évaluation de l’état nutritionnel, intervention nutritionnelle proposée par le personnel), les facteurs environnementaux (physique et social) et le facteur temps (horaires, durée des repas). L’observation se déroule sur 3 jours dans chaque MR(S), essentiellement au moment des repas. Les grilles d’observation complétées sont analysées à l’aide d’une matrice thématique. Celle-ci est créée en reprenant les différents thèmes abordés dans la grille d’observation et complétée à l’aide des informations recueillies dans chacune des MR(S).

Résultats L’échantillon de l’étude est décrit dans le tableau 1. Il se compose de 103 personnes dont une majorité de femmes. La plupart est aide-soignant et infirmier A1. L’âge moyen est de 40 ans.

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Connaissances du personnel Les connaissances concernant la dénutrition sont bonnes pour 29,4 % des personnes interrogées. Nous observons que 67 % du personnel a une bonne connaissance de la définition de la dénutrition et qu’ils sont 19,6 % à avoir une bonne connaissance des causes de celle-ci. Les causes de la dénutrition des personnes âgées le plus souvent évoquées par le personnel des MR(S) sont l’anorexie de l’âge (59,2 %), les troubles buccodentaires et les problèmes de mastication (47,6 %), ainsi que les pathologies (41,7 %). Les troubles digestifs, la perte d’autonomie, la présence d’escarres, la dépression, les maladies, les infections, les problèmes de déplacement, la durée d’hospitalisation augmentée et les coûts élevés sont les critères considérés par le personnel comme ayant un lien avec la dénutrition. Ils sont 77,7 % à avoir de bonnes connaissances concernant ces critères. Les différents moyens de dépistage et d’évaluation de la dénutrition connus par le personnel sont l’indice de masse corporelle (87,4 %), l’évaluation de l’appétit (81,6 %), la biologie sanguine (80,6 %), la mesure des plis cutanés (54,4 %), la mesure de la circonférence brachiale et du mollet (32,0 %). Ils ne sont que 20,4 % à connaître le Mini nutritional assessment (MNA) et 9,7 % à citer le Malnutrition universal screening tool (Must) ; 56,3 % du personnel a une bonne connaissance des moyens de dépistage de la dénutrition.

Tableau 1. Description de la population. Table 1. Description of the population. Variables

n

Sexe Femmes Hommes

103

Age (ans)

94

Tranche d’âge (ans) [< 20-35] [36-50] > 51

94

Profession Aide-soignant Infirmier A1 Infirmier A2 Kinésithérapeute Infirmier cadre Médecin Ergothérapeute Logopède

103

Ancienneté (mois)

102

%

Médiane (P25-P75)

84,5 15,5 40,00 (32,00-64,00) 36,2 31,9 31,9 42,7 21,4 8,7 8,7 6,8 5,8 4,9 1,0 84,00 (36,00-132,00)

Tableau 2. Lien entre les connaissances et les pratiques du personnel. Table 2. Link between knowledge and practice of nursing home staff. Pratiques Connaissances n

p value Faibles (%)

Bonnes (%)

Faibles

71

40,8

59,2

Bonnes

29

24,1

75,9

0,114

Pratiques du personnel Les pratiques concernant la nutrition des personnes âgées en MR(S) sont bonnes pour 64,4 % des personnes interrogées. Nous observons que 71,8 % du personnel a une pratique adéquate en pesant les personnes âgées 1x/mois ; 52,4 % du personnel estime que la dénutrition doit être dépistée une fois par mois en MR(S) comme le suggère la littérature. Pour ce qui concerne la prise en charge nutritionnelle, 15,5 % du personnel a une pratique totalement adéquate en augmentant la qualité des aliments et en réduisant les portions de l’assiette ; 34,7 % du personnel a une bonne connaissance des moyens de dépistage des troubles de la déglutition.

Connaissances et pratiques Le tableau 2 présente le lien existant entre les connaissances du personnel et leurs pratiques en lien avec la nutrition des personnes âgées. Cela nous permet d’observer l’impact que de bonnes connaissances de la dénutrition ont sur la pratique courante du personnel pour ce qui concerne la nutrition des seniors. Les résultats montrent que les personnes ayant de bonnes connaissan-

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ces ont de meilleures pratiques concernant la nutrition des personnes âgées que celles ayant des connaissances faibles.

Formations du personnel Les résultats montrent que 75,7 % des personnes interrogées ont rec¸u une formation initiale dans son cursus scolaire sur la nutrition. Elles sont 37,9 % à suivre des formations continues. Pour 41,0 % d’entre elles, celles-ci sont obligatoires. Le tableau 3 reprend les connaissances et les pratiques du personnel en fonction des formations suivies par celui-ci. Les personnes ayant rec¸u une formation initiale sur la nutrition des personnes âgées ont de meilleures pratiques mais de moins bonnes connaissances que celles qui n’en ont pas suivi. À l’inverse, le personnel participant à des formations continues a de meilleures connaissances mais de moins bonnes pratiques. Toutefois, les personnes suivant de fac¸on non obligatoire ces formations continues ont de meilleures connaissances et pratiques que celles qui sont obligées d’y assister. Le tableau 4 montre le lien existant entre les connaissances, les pratiques et l’âge. Au plus les personnes avancent

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Tableau 3. Lien entre les formations et les connaissances et pratiques du personnel. Table 3. Link between training and knowledge and practice of nursing home staff. Connaissances n Faibles (%)

Bonnes (%)

78 24

71,8 66,7

28,2 33,3

Formations continues Oui 39 Non 63

66,7 73,0

33,3 27,0

Formations obligatoires Oui 16 Non 23

68,8 65,2

31,3 34,8

Formations initiales Oui Non

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p value

0,630

0,494

0,818

Pratiques n

p value Faibles (%)

Bonnes (%)

76 25

34,2 40,0

65,8 60,0

Formations continues Oui 38 Non 63

44,7 30,2

55,3 69,8

Formations obligatoires Oui 16 Non 22

56,3 36,4

43,8 63,6

Formations initiales Oui Non

0,600

0,138

0,224

Tableau 4. Lien entre les connaissances, les pratiques et l’âge. Table 4. Link between knowledge, practice and age of nursing home staff. Connaissances Age

n

p value

[< 20-35] [36-50] > 51

34 30 29

Age

n

Faibles (%)

Bonnes (%)

79,4 76,7 48,3

20,6 23,3 51,7

0,015

Pratiques

[< 20-35] [36-50] > 51

p value

33 30 30

Faibles (%)

Bonnes (%)

45,5 36,7 26,7

54,5 63,3 73,3

0,302

Tableau 5. Lien entre l’estimation de la prévalence et les connaissances. Table 5. Link between the estimated prevalence and knowledge of nursing home staff. Prévalence

n

Connaissances Faibles (%)

Bonnes (%)

< 15 %

67

77,6

22,4

0,031

> 15 %

35

57,1

42,9

0,031

390

p value

en âge, au plus elles ont de meilleures connaissances de la dénutrition et de meilleures pratiques relatives à celle-ci.

Prévalence de la dénutrition Les résultats montrent que 66,0 % du personnel estime que la dénutrition est inférieure à 15 % en MR(S) ; ils sont 30,1 % à dire qu’elle se situe entre 15 et 40 % et 3,9 % à penser qu’elle est comprise entre 40 et 70 %. Le tableau 5 présente l’analyse univariée des connaissances du personnel soignant et l’estimation de la prévalence de cette problématique en MR(S). Nous observons que les personnes ayant de bonnes connaissances de la dénutrition ont une meilleure estimation de l’ampleur de la problématique en MR(S). Cette étude montre que 67 % du personnel donne en première intention des suppléments nutritionnels oraux (SNO) aux personnes âgées qui ne se nourrissent plus assez et que 70,9 % estime que l’exercice physique améliore l’état nutritionnel de la personne âgée comme le confirme la littérature (n = 103) ; 92,2 % du personnel interrogé dit aider les personnes âgées dépendantes lors des repas, 63,1 % estime que les repas sont conviviaux et 53,4 % pense que les régimes restrictifs sont nécessaires pour toutes les personnes âgées obèses. Il ressort de l’observation qu’aucun dépistage systématique et qu’aucune prise en charge de la dénutrition n’est mise en place en MR(S). La constipation est traitée par voie médicamenteuse uniquement. Les troubles de la déglutition ne sont pas systématiquement dépistés en l’absence d’une logopède ; la prise en charge de ces troubles est limitée et non optimale surtout lorsqu’il n’y a pas de diététicienne dans la MR(S). Le personnel est sensibilisé à hydrater régulièrement les personnes âgées. Les problèmes nutritionnels sont peu souvent abordés en réunion pluridisciplinaire. Le goût des personnes est respecté, mais il n’y a pas de fiches de goût officiel ; le menu de la semaine suivante est présenté aux personnes âgées et une ou plusieurs alternatives leur sont proposées. Les SNO sont donnés en première intention lorsqu’une personne âgée ne se nourrit plus. Seules les collations pour les personnes diabétiques sont prévues et distribuées de fac¸on optimale. L’activité physique est réduite, essentiellement pour les personnes grabataires, même si elles sont de temps en temps mobilisées par les kinésithérapeutes. Les régimes restrictifs sont présents dans toutes les MR(S) observées et les repas sont cuisinés sur place. Les personnes peuvent manger à la salle à manger si elles le souhaitent, excepté dans une MR(S) où le dîner est obligatoirement servi dans le restaurant. L’observation a montré que la convivialité

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des repas est médiocre (ambiance bruyante et stressante, décoration minime, aspect réfectoire des salles à manger, mauvaises odeurs). Par contre, les personnes sont placées en fonction des affinités dans la mesure du possible. Pour ce qui concerne la présentation des repas, plusieurs couleurs ne sont pas toujours présentes dans l’assiette et la nourriture y est déposée à la va-vite. Les demi-portions n’existent pas et les textures ne sont pas toujours adaptées aux personnes. L’aide humaine au repas est suffisante mais non optimale et l’aide matérielle est fortement réduite. Les personnes âgées disposent de suffisamment de temps pour prendre leur repas. Les horaires des repas sont fixes. La durée du jeûne nocturne est supérieure à 12 h dans les MR(S) observées.

Discussion Cette étude a pour but de se documenter sur la dénutrition au sein des MR(S) et de mieux comprendre les facteurs liés aux connaissances et à la pratique du personnel qui pourraient influencer l’état nutritionnel des résidents.

Formations du personnel Une minorité du personnel suit des formations continues sur la nutrition en gériatrie, alors qu’il est recommandé de mettre en place ce type de formations pour le personnel des MR(S) [9]. Le manque de personnel suffisamment formé a un impact sur la nutrition des personnes âgées, le dépistage et la prise en charge étant alors insuffisants ou mal systématisés [7, 8, 10, 11].

Estimation de la prévalence de la dénutrition La majorité du personnel estime que la prévalence de la dénutrition est inférieure à 15 %, alors que le PNSS-B 2005 indique que celle-ci se situe entre 50 et 90 % dans les MR(S) en Belgique [1]. Ce sont essentiellement les personnes ayant de faibles connaissances qui sous-estiment la problématique de la dénutrition en MR(S) (p = 0,031). Le personnel possédant de bonnes connaissances semble donc plus conscientisé à cette problématique.

Dépistage et évaluation de la dénutrition Il est important que le personnel des MR(S) soit sensibilisé à dépister la dénutrition précocement afin de mettre en place une stratégie nutritionnelle rapide dans le but de la corriger ou de la prévenir [6, 8, 12]. Le MNA et le Must sont les moyens de dépistage et d’évaluation de la dénutrition

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les moins connus par le personnel des MR(S) bruxelloises. Pourtant le MNA est l’outil privilégié pour la population des plus de 75 ans en MR(S) [6, 13-15]. Le Must est l’outil de second choix après le MNA en MR(S) [1]. Ces outils sont intéressants car les différents paramètres de dépistage et d’évaluation de la dénutrition utilisés seuls ne sont pas de bons indicateurs [16].

Prise en charge de la dénutrition La prise en charge de la personne âgée dénutrie doit être pluridisciplinaire, alors que la communication entre les intervenants concernant les problèmes de dénutrition semble difficile [8, 9, 17, 18]. En cas de dénutrition, la prise en charge nutritionnelle de premier choix est l’alimentation orale [12]. Une alimentation enrichie en énergie et en protéines, en plus petites portions et fractionnée sur la journée, doit être proposée aux personnes dénutries. Les repas fourniront ainsi des aliments de haute densité énergétique, c’est-à-dire de petits volumes pour un apport calorique important [8, 19-21]. Plusieurs collations doivent être proposées sur la journée aux personnes âgées [8, 17, 19, 21, 22]. L’observation a mis en évidence que ces mesures ne sont pas appliquées. Le personnel donne plus facilement des SNO en première intention chez une personne dénutrie. Les SNO sont des « préparations nutritives permettant d’avoir sous un volume restreint un apport énergétique et/ou protéique élevé » [20]. Or, selon la littérature, les SNO doivent être proposés uniquement en cas d’échec de la stratégie nutritionnelle par aliments enrichis et portions réduites [8, 20, 21]. Les textures doivent également être adaptées aux troubles bucco-dentaires et de la déglutition, bien que cette étude montre que la prise en charge de ces troubles est limitée suite à l’absence de logopède et diététicien [8, 19, 21, 22]. La déshydratation, problème important des personnes âgées, semble prévenue au sein des MR(S) [11, 23]. Par contre, les personnes âgées doivent encore trop souvent suivre des régimes restrictifs alors qu’ils n’ont pas leur place en MR(S) [24].

Environnement physique et social À côté des mesures nutritionnelles, la prise en charge de la dénutrition doit toujours être associée à une activité physique adéquate afin de limiter la perte de masse maigre, ce à quoi le personnel semble bien sensibilisé [5, 19, 22, 25]. Un environnement agréable favorise la prise alimentaire chez les personnes âgées institutionnalisées [11, 18, 19, 26, 27]. Les facteurs favorisants sont entre autres de bonnes odeurs dans la salle à manger, une belle présentation de l’assiette, des contacts sociaux de qualité, une ambiance calme et un décor soigné [8, 11, 16-18, 21, 28]. Cette étude montre que

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Points clés

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• Le personnel est insuffisamment formé sur la nutrition des personnes âgées et sous-estime la prévalence de la dénutrition en MR(S). • Le dépistage, l’évaluation et la prise en charge de la dénutrition en MR(S) ne sont pas systématiques.

la majorité du personnel des MR(S) estime que les repas sont conviviaux alors que l’observation réalisée montre le contraire. Le personnel des MR(S) est suffisamment présent au moment des repas comme le suggère la littérature afin d’aider les personnes présentant des problèmes fonctionnels, mais cette aide n’est pas optimale [18, 22]. Les résidents ne doivent pas être pressés pour manger, car les personnes mangent plus lentement avec l’âge [22]. Le temps des repas doit donc être suffisant et les horaires fixes comme cela est le cas dans les MR(S) observées [3, 8]. Le jeûne nocturne ne doit pas dépasser 12 h car il peut provoquer une déshydratation et une hypoglycémie augmentant le risque de chutes chez le sujet âgé [3, 21]. Cette condition n’est pas respectée dans ces MR(S) observées. Des biais de sélection peuvent être présents dans cette étude. En effet, un taux de non-réponse aux questionnaires de 39 % est observé. Les personnes qui y ont répondu étaient peut-être déjà sensibilisées à la problématique de la dénutrition. De plus, ce travail se limite au personnel

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soignant, paramédical et aux médecins coordinateurs travaillant dans des MR(S), à Bruxelles. L’échantillon des MR(S) de cette étude est un échantillon opportuniste. Il ne couvre pas toute la région bruxelloise et entraîne un manque de représentativité des MR(S).

Conclusion Cette étude a mis en évidence que certaines connaissances du personnel sont insuffisantes et que les pratiques ne sont pas systématisées. Une absence de dépistage systématique, une prise en charge inadéquate, des régimes inappropriés, l’absence de concertation pluridisciplinaire sont autant de facteurs qui peuvent induire ou aggraver la dénutrition des personnes âgées. Il semble donc important de former le personnel à cette problématique. Des formations continues sur la nutrition des personnes âgées doivent lui être proposées afin d’assurer la meilleure qualité de vie possible des personnes âgées. La dénutrition est un problème important dont la fréquence est sousestimée par le personnel des MR(S) et qui nécessite qu’on s’y attarde puisqu’il n’est pas pris en charge de fac¸on optimale. Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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The prevalence of malnutrition in nursing homes varies between 50% and 90% in Belgium. There are multiple causes of malnutrition and one of the conseq...
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