G Model

ARTICLE IN PRESS

REVMED-4816; No. of Pages 5

La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Mise au point

Dermatoses de la grossesse Pregnancy-specific dermatoses B. Soutou a,b,∗ , S. Aractingi c,d a

Faculté de médecine, université Saint-Joseph, 11-5076 Riad el Solh, Beyrouth, Liban Centre hospitalier du Nord, 100, Jdeidet Zgharta, Liban c Service de dermatologie, hôpital Cochin Tarnier, faculté de médecine Paris 5 Descartes, 89, rue d’Assas, 75006 Paris, France d Inserm UMR S 938, UPMC, équipe cellules souches fœtales, CDR Saint-Antoine, 27, rue de Chaligny, 75012 Paris, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Dermatose polymorphe de la grossesse Eczéma atopique de la grossesse Pemphigoïde gestationnelle Cholestase intra-hépatique gravidique Impétigo herpétiforme

r é s u m é Les dermatoses spécifiques de la grossesse incluent la dermatose polymorphe de la grossesse, l’eczéma atopique de la grossesse et la pemphigoïde gestationnelle. La cholestase intra-hépatique gravidique et l’impétigo herpétiforme ne sont pas, stricto sensu, des dermatoses spécifiques de la grossesse. Toutefois, leur connaissance est importante étant donné les risques materno-fœtaux encourus. La dermatose polymorphe gravidique est une dermatose prurigineuse survenant le plus fréquemment au cours du troisième trimestre chez des femmes primipares sans risque maternel ni fœtal. L’eczéma atopique de la grossesse est une entité encore controversée englobant des poussées d’eczéma ou de prurigo avec une association inconstante à un antécédent personnel d’atopie. Enfin, en cas de dermatose prurigineuse de la grossesse, une biopsie cutanée avec immunofluorescence directe ou un dosage des anticorps anti-BPAg1 (180 kD) NC16a sont requis pour éliminer une pemphigoïde gestationnelle. Un dosage des sels biliaires sériques est nécessaire devant un prurit généralisé de la grossesse pour éliminer une cholestase intra-hépatique. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Polymorphic eruption of pregnancy Atopic eruption of pregnancy Pemphigoid gestationis Intrahepatic cholestasis Impetigo herpetiformis

Pregnancy-specific dermatoses include polymorphic eruption of pregnancy, atopic eczema of pregnancy, and pemphigoid gestationis. Intrahepatic cholestasis of pregnancy and impetigo herpetiformis are not real pregnancy-specific dermatoses but they are important to know considering the fetal and maternal risks. Polymorphic eruption of pregnancy is a pruritic disease that usually occurs in primiparous women during the last trimester of pregnancy. Atopic eczema of pregnancy is still controversial as an entity covering conditions with eczematous lesions, prurigo, or folliculitis, and inconstantly associated with a personal history of atopy. Skin biopsy with direct immunofluorescence or search for serum anti-BPAg1 (180 kD) NC16a antibodies is mandatory in pruritic dermatoses of pregnancy in order to rule out pemphigoid gestationis. Serum bile salts levels should be tested whenever a generalized pruritus develops during pregnancy in order to rule out intrahepatic cholestasis. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Il existe de nombreuses manifestations cutanées qui peuvent se développer au cours de la grossesse. Celles-ci sont fréquentes et il importe de savoir reconnaître celles qui peuvent nécessiter une prise en charge tout en sachant rassurer les mères concernant les

autres dermatoses, notamment physiologiques. Les manifestations cutanées chez la femme enceinte sont habituellement réparties en cinq groupes : • les modifications physiologiques de la peau, conséquence des variations sériques des hormones et des médiateurs sécrétés par les ovaires ou le placenta (œstrogènes, progestérone, human placental lactogen, facteur de croissance placentaire), de l’expansion

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Soutou).

http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.07.011 0248-8663/© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Soutou B, Aractingi http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.07.011

S.

Dermatoses

de

la

grossesse.

Rev

Med

Interne

(2014),

G Model REVMED-4816; No. of Pages 5

B. Soutou, S. Aractingi / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

2

• • • •

ARTICLE IN PRESS

du volume intravasculaire et de la compression occasionnée par l’utérus gravidique. Ces signes apparaissent tôt au cours de la grossesse, avec une intensité variable, et disparaissent après l’accouchement ; les dermatoses spécifiques de la grossesse, exclusivement traitées dans cette mise au point ; les infections cutanées intercurrentes mettant en danger le pronostic materno-fœtal ; les différentes maladies cutanées pouvant s’aggraver au cours d’une grossesse ou affecter la santé du fœtus ; les effets secondaires des traitements topiques cutanés et le risque embryonnaire de certaines de ces molécules.

Connaître ces différentes manifestations cutanées associées à la grossesse est essentiel pour le généraliste, l’interniste, le dermatologue et l’obstétricien. En effet, certaines dermatoses nécessitent une prise en charge particulière alors que pour d’autres les explorations et le traitement sont inutiles. 1. Dermatoses spécifiques de la grossesse Les dermatoses spécifiques (Tableau 1) sont conditionnées par leur survenue stricte au cours ou immédiatement après une grossesse. Leur physiopathologie, encore mal connue, est liée au développement de la gestation. Les ouvrages avaient coutume d’ajouter chaque fois une nouvelle entité basée sur des caractéristiques peu spécifiques, ce qui a abouti à une multitude de dénominations prêtant souvent à confusion. Depuis, plusieurs auteurs ont proposé des classifications plus simples et plausibles [1–3]. Ainsi, nous traitons ici la dermatose polymorphe de la grossesse, l’eczéma atopique de la grossesse et la pemphigoïde gestationnelle. La cholestase intra-hépatique gravidique et l’impétigo herpétiforme ne sont pas, stricto sensu, des dermatoses spécifiques de la grossesse. Toutefois, leur connaissance est fondamentale étant donné les risques materno-fœtaux encourus. 1.1. Présentation clinique La dermatose polymorphe de la grossesse est une dermatose prurigineuse survenant le plus fréquemment au cours du troisième trimestre (75–83 %) chez des femmes primipares (57,5–70 %) [1,4–6]. Son incidence varie entre 0,4 % et 0,8 % des grossesses [1,4]. Des papules et des plaques d’urticaire très prurigineuses apparaissent d’abord sur le bas abdomen près des vergetures, épargnent une zone péri-ombilicale, et s’étendent ensuite sur le reste du corps souvent en respectant paumes des mains et plantes des pieds (Fig. 1a et b). Toutefois, dans 51 % des cas, l’éruption peut comporter aussi des lésions eczématiformes y compris aux mains et aux pieds avec un aspect parfois de dyshidrose [7]. Il y a parfois un dermographisme. Le prurit est intense, insomniant. Il existe des cas qui débutent en post-partum. L’eczéma atopique de la grossesse serait la plus fréquente des dermatoses spécifiques de la grossesse dont elle représenterait plus de la moitié [5]. Contrairement aux dermatoses polymorphes, l’éruption débute, dans 76 % des cas, au premier ou deuxième trimestre. Les critères diagnostiques sont clairs mais peu spécifiques. Dans un contexte d’atopie personnelle ou familiale, de taux sérique élevé d’IgE, et de peau souvent sèche, des lésions prurigineuses eczématiformes atteignent les mêmes sites que ceux de la dermatite atopique, notamment les plis du coude et les creux poplités. Dans un tiers des cas, l’aspect clinique est celui d’un prurigo papuleux ou nodulaire atteignant les membres. La pemphigoïde gestationnelle est une dermatose auto-immune spécifique de la grossesse ou de la période du post-partum. Au plan immunologique, les anticorps sont similaires à ceux de la Pour citer cet article : Soutou B, Aractingi http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.07.011

S.

pemphigoïde bulleuse. De rares cas ont été rapportés en association avec des moles hydatiformes ou des choriocarcinomes. L’incidence approximative est de 1 sur 7000 grossesses [3,4,8]. Il s’agit le plus souvent de femmes multipares et les lésions surviennent principalement au cours du 2e ou 3e trimestre. Précédées d’un prurit intense, les lésions, à type de papules urticariennes de disposition parfois annulaire, commencent typiquement sur la peau péri-ombilicale puis s’étendent sur le tronc et les membres en respectant le visage et les muqueuses (Fig. 2a et b). Ensuite, des bulles claires et tendues peuvent apparaître sur les plaques œdémateuses ou isolément mais l’existence de lésions bulleuses reste minoritaire. La majorité des pemphigoïdes gestationnelles sera donc non bulleuse, caractérisée par des lésions eczématiformes ou urticariennes prurigineuses, d’extension variable, sans lésions muqueuses, cliniquement proche d’une dermatose polymorphe de la grossesse. 1.2. Examens complémentaires Devant toute éruption prurigineuse urticarienne ou eczématiforme de la grossesse, il est recommandé de faire une biopsie cutanée avec immunofluorescence directe afin d’éliminer une pemphigoïde gestationnelle. Celle-ci peut néanmoins être remplacée par la recherche d’anti-BPAg1 (180 kD) NC16a [9]. L’aspect histologique des dermatoses polymorphes de la grossesse n’est pas spécifique, montrant un œdème et un infiltrat polymorphe du derme, comportant parfois des éosinophiles et des modifications épidermiques d’intensité variable comportant à des degrés variables de la spongiose, une acanthose ou une parakératose dans l’épiderme. L’immunofluorescence directe est essentielle au diagnostic en éliminant la présence d’anticorps anti-jonction dermo-épidermique. De même, l’histopathologie de l’eczéma atopique de la grossesse reste peu spécifique et l’immunofluorescence directe est négative. Les IgE sériques auraient un titre élevé dans 20 à 70 % des cas [3]. Dans la pemphigoïde gestationnelle, l’image histologique comprend, un œdème dermique pouvant aller jusqu’à une vésicule sous-épidermique, un infiltrat monocytaire périvasculaire modéré, la présence d’éosinophiles en nombre variable, et parfois une spongiose épidermique. L’immunofluorescence directe est capitale et confirme le diagnostic en montrant un dépôt linéaire fin de C3 ou d’Ig le long de la membrane basale. L’immunofluorescence indirecte détecte des auto-anticorps IgG1 anti-hémidesmosomes (herpes gestationis factor) dans 60 % à 90 % des cas. Comme dans la pemphigoïde bulleuse, le western blot met en évidence des anticorps circulants anti-BPAg1 (230 kD) mais surtout anti-BPAg2 (180 kD). Une technique Elisa sensible et spécifique remplace maintenant clairement l’immunofluorescence directe, l’IF indirecte et le western blot en mettant en évidence des anticorps anti-BPAg1 (180 kD) NC16a [9]. 1.3. Physiopathologie Les mécanismes pathogéniques de la dermatose polymorphe de la grossesse ne sont pas connus. Toutefois, plusieurs constatations méritent d’être notées : • aucune anomalie hormonale, ni d’association HLA, ni d’autoanticorps circulants ou fixes n’est mis évidence ; • une grossesse multiple avec distension majorée de la paroi abdominale et peut-être un surpoids maternel et un poids élevé du nouveau-né, aurait un rôle dans le développement de la maladie [10]. Néanmoins, le fait que l’éruption s’étende aux sites sans distension cutanée tels les membres et même les paumes et les plantes ne permet pas de considérer l’hypothèse d’une distension mécanique comme valide ;

Dermatoses

de

la

grossesse.

Rev

Med

Interne

(2014),

G Model

ARTICLE IN PRESS

REVMED-4816; No. of Pages 5

B. Soutou, S. Aractingi / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

3

Tableau 1 Dermatoses spécifiques de la grossesse.

Contexte Lésion élémentaire Localisation au début de l’éruption Prurit

Dermatose polymorphe de la grossesse

Eczéma atopique de la grossesse

Pemphigoïde gestationnelle

Primipare, 3e trimestre Urticaire ou eczéma

1er ou 2e trimestre

Multipare, 2e ou 3e trimestre Urticaire, Rarement bulles Peau péri-ombilicale

Bas abdomen, vergetures Respect d’une zone péri-ombilicale +++

Eczéma, Xérose généralisée Plis du coude Creux poplités +++

Diagnostic

Éliminer une pemphigoïde gestationnelle

Atopie personnelle ou familiale Éliminer une pemphigoïde gestationnelle

Pronostic maternel

Bon Rémission spontanée après accouchement Récurrences rares

Bon

Pronostic fœtal

Bon

Traitement

Dermocorticoïdes puissants

Bon Risque accru de dermatite atopique dans l’enfance Dermocorticoïdes puissants

+++ Souvent précédant l’éruption Immunofluorescence directe positive Anticorps anti-BPAg1 (180kD) NC16a (Elisa) Bon Rémission spontanée après accouchement Récurrences fréquentes et plus graves Retard de croissance intra-utérin

Dermocorticoïdes très puissants

Fig. 1. a et b : lésions papuleuses de dermatose polymorphe de la grossesse.

Fig. 2. a et b : lésions papuleuses et bulleuses chez une femme enceinte ayant une pemphigoïde gestationnelle.

Pour citer cet article : Soutou B, Aractingi http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.07.011

S.

Dermatoses

de

la

grossesse.

Rev

Med

Interne

(2014),

G Model REVMED-4816; No. of Pages 5

ARTICLE IN PRESS B. Soutou, S. Aractingi / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

4

• la présence de kératinocytes fœtaux dans les lésions cutanées suggère une migration de ces cellules pour réparer une éventuelle lésion initiale [11,12] et non un rôle originel des cellules fœtales. Les modifications immunologiques au cours de la grossesse – polarisation vers l’immunité humorale et sécrétion accrue de cytokines Th2 (IL-4, IL-10) – expliquent en partie les poussées d’eczéma et l’exacerbation de dermatite atopique préalable [13,14]. La possibilité d’un terrain d’atopie dans l’eczéma atopique de la grossesse et d’un éventuel rôle de la filaggrine et de la xérose cutanée est une question à éclaircir. Dans la pemphigoïde gestationnelle, les titres sériques d’autoanticorps IgG anti-BP 180 détectés par immunofluorescence indirecte n’ont pas de corrélation avec l’activité de la PG et le pronostic maternel. La pemphigoïde gestationnelle aurait une prédisposition génétique. En effet, 43–45 % des femmes atteintes, contre 3 % de témoins, ont un allèle HLA-DR3 ; et 90 % ont un allèle C4 nul [15,16]. Une expression anormale des antigènes HLA de classe II incluant les allèles paternels a été démontrée dans les trophoblastes de femmes atteintes de pemphigoïde gestationnelle ; certains auteurs, pour expliquer la maladie, ont alors suggéré une réaction croisée avec le collagène XVII de la peau, à partir d’une réponse immunitaire maternelle contre des antigènes HLA paternels anormalement exprimés sur le placenta [17]. 1.4. Pronostic Une association significative est retrouvée entre, d’une part, les dermatoses polymorphes de la grossesse et, d’autre part, une prévalence élevée de fœtus mâles et un risque accru de césarienne et de grossesses multiples [5,18]. Toutefois, les dermatoses polymorphes n’altèrent pas le pronostic de la grossesse. Une rémission spontanée a lieu dans les semaines suivant l’accouchement et le taux de récurrence reste minime. Le pronostic maternel est bon dans les eczémas atopiques de la grossesse, même dans les formes graves et étendues. Le pronostic fœtal n’est pas altéré mais il y aurait un sur-risque de développer une dermatite atopique dans l’enfance [14]. Les récurrences sont possibles au cours des grossesses ultérieures. Dans la pemphigoïde gestationnelle, le pronostic materno-fœtal est bon malgré un sur-risque de césarienne, de prématurité, de faible poids à la naissance et parfois d’une éruption vésiculeuse modérée et transitoire chez le nouveau-né. Il importe de prévenir le médecin obstétricien du risque de retard de croissance intra-utérin dans les pemphigoïdes gestationnelles. Celui-ci est faible, mais s’accroît si la maladie est apparue au deuxième trimestre de la grossesse ou si les lésions bulleuses sont nombreuses. Une surveillance échographique est donc à mettre en place. Il est exceptionnel que les enfants nés de mères ayant une pemphigoïde gestationnelle aient des bulles à leur naissance. Celles-ci sont alors transitoires et relèvent du transfert passif d’anticorps maternels. La rémission est spontanée après l’accouchement. Une deuxième poussée est fréquemment rapportée en post-partum. Une évolution indépendante est également possible pendant des années après la grossesse. Les récurrences surviennent chez 20 à 50 % des femmes mises sous contraceptifs oraux, et au cours de 50 % à 70 % des grossesses ultérieures avec un début plus précoce et une intensité plus grave [8,19]. 1.5. Traitement Des dermocorticoïdes puissants ou très puissants constituent le meilleur traitement symptomatique des dermatoses polymorphes et des eczémas atopiques de la grossesse. La place des antihistaminiques reste limitée. Des émollients sont nécessaires pour pallier à Pour citer cet article : Soutou B, Aractingi http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.07.011

S.

la xérose. La photothérapie UVB aide à contrôler les poussées graves de ces dermatoses en cas d’échec des corticoïdes locaux. Dans la pemphigoïde gestationnelle, les dermocorticoïdes très puissants constituent actuellement la première ligne de traitement. En cas de résistance, des corticoïdes systémiques à la posologie de 0,5 mg/kg/jour seront nécessaires pour contrôler la maladie [20–22]. 2. La cholestase intra-hépatique gravidique Elle n’est pas primitivement une dermatose (voir l’article sur les hépatopathies gravidiques de ce numéro de La Revue de Médecine Interne). Son incidence est de 0,5 % des grossesses en France [4]. Ses principales caractéristiques sont les suivantes : • clinique : elle se manifeste par un prurit à prédominance nocturne, isolé, survenant au cours du troisième trimestre. Des excoriations secondaires au grattage sont notées dans 1/3 des cas suite au prurit sine materia [4] ; • biologie : les titres sériques élevés à jeun des sels biliaires et de l’alanine aminotransférase (ALAT) confirment le diagnostic ; • physiopathologie : des mutations de certains transporteurs biliaires sont en cause dans certains cas rares. Un effet cholestatique des hormones de la reproduction est proposé pour la majorité ; • pronostic : la guérison succède à l’accouchement mais les récurrences surviennent dans 60 à 70 % des grossesses ultérieures ou après prise de contraceptifs oraux. La cirrhose et l’hépatite C sont plus fréquentes chez ces patientes [23]. Le risque accru de retard de croissance intra-utérin, de mort in utero ou de prématurité est lié à une exposition prolongée du fœtus à des titres élevés de sels biliaires sériques [24]. Cela explique l’importance de la surveillance fœtale qui sera effectuée en milieu obstétrical ; • traitement : déclencher l’accouchement à 38 semaines d’aménorrhée est recommandé dans les cas graves avec souffrance fœtale, voire avant. Entre temps, la cholestyramine ou l’acide ursodésoxycholique améliorent le prurit et la cholestase. 3. L’impétigo herpétiforme L’impétigo herpétiforme est une dermatose rare, parfois rapportée en dehors d’une grossesse. L’appellation est inappropriée puisque aucun lien ne la rapproche des infections bactériennes ou herpétiques. Ses principales caractéristiques sont les suivantes : • clinique : des plaques érythémateuses bordées de pustules stériles apparaissent aux grands plis suivant une extension symétrique et centrifuge. L’éruption est accompagnée d’une altération de l’état général avec hyperthermie, nausées, vomissements et diarrhée. Il s’agit le plus souvent de femmes primipares dans leur troisième trimestre de grossesse ; • biologie : une hypoalbuminémie avec hypocalcémie secondaire, de même qu’une hypovitaminose D, sont à rechercher systématiquement ; • physiopathologie : certains auteurs considèrent l’impétigo herpétiforme comme une poussée de psoriasis pustuleux généralisé déclenchée par la grossesse. Toutefois, un antécédent personnel de psoriasis n’est retrouvé que chez un tiers des patientes seulement ; • pronostic : le risque maternel est lié à une mauvaise prise en charge et aux convulsions secondaires à l’hypocalcémie. Des morts in utero sont possibles par insuffisance placentaire. Des récurrences lors de grossesses ultérieures ont été rapportées ; • traitement : Les corticoïdes topiques ou systémiques et la ciclosporine sont les principaux traitements [25].

Dermatoses

de

la

grossesse.

Rev

Med

Interne

(2014),

G Model REVMED-4816; No. of Pages 5

ARTICLE IN PRESS B. Soutou, S. Aractingi / La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

4. Conclusion Pour conclure cette mise au point, deux recommandations sont fondamentales dans la prise en charge des dermatoses de la grossesse : • pratiquer une biopsie avec immunofluorescence directe des lésions d’urticaire et d’eczéma. Actuellement, un Elisa BP 180 peut remplacer l’IFD si ce test est disponible dans un laboratoire compétent ; • doser les sels biliaires sériques en cas de prurit généralisé.

[10]

[11] [12]

[13]

[14]

Déclaration d’intérêts

[15]

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

[16]

Références

[17]

[1] Holmes RC, Black MM. The specific dermatoses of pregnancy. J Am Acad Dermatol 1983;8:405–12. [2] Zoberman E, Farmer ER. Pruritic folliculitis of pregnancy. JAMA Dermatol 1981;117:20–2. [3] Ambros-Rudolph CM, Müllegger RR, Vaughan-Jones SA, Kerl H, Black MM. The specific dermatoses of pregnancy revisited and reclassified: results of a retrospective two-center study on 505 pregnant patients. J Am Acad Dermatol 2006;54:395–404. [4] Roger D, Vaillant L, Fignon A, Pierre F, Bacq Y, Brechot JF, et al. Specific pruritic diseases of pregnancy: a prospective study of 192 pregnant women. JAMA Dermatol 1994;30:734–9. [5] Vaughan-Jones SA, Hern S, Nelson-Piercy C, Seed PT, Black MM. A prospective study of 200 women with dermatoses of pregnancy correlating clinical findings with hormonal and immunopathological profiles. Br J Dermatol 1999;141:71–81. [6] Borradori L, Saurat JH. Specific dermatoses of pregnancy: toward a comprehensive view. JAMA Dermatol 1994;130:778–80. [7] Rudolph CM, Al-Fares S, Vaughan-Jones SA, Mülleger RR, Kerl H, Black MM. Polymorphic eruption of pregnancy: clinicopathology and potential trigger factors in 181 patients. Br J Dermatol 2006;154:54–60. [8] Jenkins RE, Hern S, Black MM. Clinical features and management of 87 patients with pemphigoid gestationis. Clin Exp Dermatol 1999;24:255–9. [9] Powell MB, Sakuma-Oyama Y, Oyama N, Albert S, Bhogal B, Kaneko F, et al. Usefulness of BP180 NC16a enzyme-linked immunosorbent assay in the

Pour citer cet article : Soutou B, Aractingi http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.07.011

S.

[18] [19] [20]

[21]

[22]

[23]

[24]

[25]

5

serodiagnosis of pemphigoid gestationis and in differentiating between pemphigoid gestationis and pruritic urticarial papules and plaques of pregnancy. JAMA Dermatol 2005;141:705–10. Cohen LM, Capeless EL, Krusinski PA, Maloney ME. Pruritic urticaria papules and plaques of pregnancy and its relationship to maternal-fetal weight gain and twin pregnancy. JAMA Dermatol 1989;125:1534–6. Aractingi S, Berkane N, Bertheau P, Le Goué C, Dausset J, Uzan S, et al. Fetal DNA in skin of polymorphic eruption of pregnancy. Lancet 1998;352:1898–901. Nguyen Huu S, Dubernard G, Aractingi S, Khosrotehrani K. Feto-maternal cell trafficking: a transfer of pregnancy associated progenitor cells. Stem Cell Rev 2006;2:111–6. García-González E, Ahued-Ahued R, Arroyo E, Montes-De-Oca D, Granados J. Immunology of the cutaneous disorders of pregnancy. Int J Dermatol 1999;38:721–9. Ambros-Rudolph CM. Dermatoses of pregnancy; clues to diagnosis, fetal risk and therapy. Ann Dermatol 2011;23:265–75. Shornick JK, Artlett CM, Jenkins RE, Briggs DC, Welsh KI, Garvey MP, et al. Complement polymorphism in herpes gestationis: association with C4 null allele. J Am Acad Dermatol 1993;29:545–9. Shornick JK, Jenkins RE, Briggs DC, Welsh KI, Kelly SE, Garvey MP, et al. AntiHLA antibodies in pemphigoid gestationis (herpes gestationis). Br J Dermatol 1993;129:257–9. Borthwick GM, Sunderland CA, Holmes RC, Black MM, Stirrat GM. Abnormal expression of HLA-DR antigen in the placenta of a patient with pemphigoid gestationis. J Reprod Immunol 1984;6:393–6. Regnier S, Fermand V, Levy P, et al. A case-control study of polymorphic eruption of pregnancy. J Am Acad Dermatol 2008;58:63–7. Ingen-Housz-Oro S. Pemphigoïde de la grossesse : revue de la littérature. Ann Dermatol Venereol 2011;138:209–13. Guillaume JC, Donnard JC, Schnebelen MP, Tortel MC, Michel C, Grange F. Local corticosteroid therapy in a severe form of pemphigoid gestationis. Ann Dermatol Venereol 1996;123:31. Valeyrie L, Lebrun-Vignes B, Bodak N, Grossin M, Descamps V, Crickx B, et al. Pemphigoid gestationis: treatment by topical class I corticosteroid. Ann Dermatol Venereol 2001;128:638–40. Saidi W, Joly P. Topical or systemic corticosteroids in patients with pemphigoid gestationis and polymorphic eruption of pregnancy. Ann Dermatol Venereol 2008;135:865–6. Ropponen A, Sund R, Riikonen S, et al. Intrahepatic cholestasis of pregnancy as an indicator of liver and biliary diseases: a population-based study. Hepatology 2006;43:723–8. Oztekin D, Aydal I, Oztekin O, Okcu S, Borekci R, Tinar S. Predicting fetal asphyxia in intrahepatic cholestasis of pregnancy. Arch Gynecol Obstet 2009;280: 975–9. Imai N, Watanabe R, Fujiwara H, Ito M, Nakamura A. Successful treatment of impetigo herpetiformis with oral cyclosporine during pregnancy. JAMA Dermatol 2002;138:128–9.

Dermatoses

de

la

grossesse.

Rev

Med

Interne

(2014),

[Pregnancy-specific dermatoses].

Pregnancy-specific dermatoses include polymorphic eruption of pregnancy, atopic eczema of pregnancy, and pemphigoid gestationis. Intrahepatic cholesta...
861KB Sizes 6 Downloads 5 Views