Table ronde

Enseignement de la pédiatrie : de la théorie à l’évaluation (GPG)

Pédagogie médicale : l’erreur pour apprendre B. Chevallier*, G. Benoist, A. Benezit-Leduc Service de pédiatrie et des urgences pédiatriques, hôpital Ambroise Paré, AP-hP, 92100 Boulogne-Billancourt, France

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« L’erreur n’est pas une faute, c’est une information ».

e rapport à l’erreur est une part importante du ressenti des étudiants en médecine comme des professionnels de santé installés. À partir de 83  entretiens et 207  questionnaires auto-administrés recueillis pendant une période de 3 ans, Mizrahi a mené une étude longitudinale sur la socialisation de 105 internes par rapport aux erreurs médicales. Il en ressort à la fois une exigence personnelle d’un haut standard d’excellence et le sentiment d’une forte attente des patients et des autres professionnels de santé. Ils souhaitent apparaître comme compétents et sont ainsi dissuadés de rapporter leurs erreurs. Ils craignent d’être critiqués, voire disqualifiés par leurs enseignants et leurs collègues. Ils revendiquent à juste titre de leurs « tuteurs » une transmission d’outils leur permettant de rentrer dans un processus de réassurance dans l’apprentissage de leur métier. « Se tromper est un processus qui participe à l’acte d’apprendre ». Les mécanismes d’acquisition des connaissances représentent un point clé des apprentissages. L’attention est un facteur essentiel. L’enseignant, selon sa performance, peut la favoriser ou la distraire : Le concept de mémoire est central dans l’ensemble des processus de cognition et dépasse la fonction classique de conservation. Ainsi l’exposé de situations cliniques vécues par l’enseignant est perçu comme un vecteur de messages plus percutant et plus durable qu’un simple exposé d’une bonne pratique. La relation personnelle de l’enseignant à l’erreur autorise l’enseigné à comprendre que nul n’est parfait ou ne peut y prétendre. Savoir reconnaître ses propres erreurs et savoir évoquer celles que l’on a commises, étant jeune ou moins jeune médecin, grandit l’enseignant, loin de le dévaloriser, rapproche enseignant et enseigné et rassure sur le chemin à suivre. Diverses méthodes participent à cette pédagogie médicale : l’erreur, ses circonstances et son analyse. Elles sont complémentaires, dépendantes des publics ciblés.

1. La revue de mortalité et de morbidité (RMM) Une RMM est une revue collective des dossiers de patients dont l’évolution a été marquée par un évènement indésirable : le décès

*Correspondance : [email protected]. fr

172 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):172-173

ou la survenue d’une complication. Fondée sur l’apprentissage par l’erreur, la RMM amène les participants à poser un regard critique sur leurs pratiques dans le but de les améliorer. Cette méthode a été reconnue par la Haute Autorité de Santé comme programme continu d’évaluation qui permet aux médecins de satisfaire leur obligation d’évaluation des pratiques professionnelles. La plupart des études qui ont cherché à évaluer l’intérêt des RMM ont exploré leur dimension pédagogique et leur apport à la formation initiale et continue. Il s’agissait dans tous les cas de données déclaratives recueillies auprès des participants juniors et seniors à des RMM. Les médecins interrogés adhéraient volontairement à cette activité, qu’elle soit ou non obligatoire et déclaraient atteindre leurs objectifs pédagogiques. Les plus jeunes ont déclaré que les RMM leur apportaient une certaine confiance dans leur capacité à faire face à une situation similaire. Deux études ont identifié des modalités de fonctionnement susceptibles d’améliorer l’efficacité pédagogique des RMM : un animateur de réunion expérimenté, un souci de l’interactivité en particulier de la part des plus jeunes, une volonté permanente de ne pas mettre en cause les médecins impliqués, des présentations courtes suivies d’une revue brève de la littérature et d’une discussion ordonnée.

2. La revue régulière de la littérature consacrée aux erreurs médicales commentées Cet outil utilisé par de nombreux services de pédiatrie et d’urgences pédiatriques est jugé attractif par les plus jeunes (étudiants hospitaliers et internes) tout au long de leur stage de pédiatrie. Malheureusement les cas d’erreurs publiés sont trop rares. The Lancet a lancé une rubrique « Uses of error » en 2001, éteinte en janvier  2006 faute d’articles. En France, un appel à publications d’erreurs a été lancé dans la revue Responsabilité en mars 2001 et n’a vu aucune soumission. Quelques dossiers d’analyse de cas existent depuis 2002  dans les Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation, rubrique « Cherchez l’erreur » et dans Risques & Qualité dans la rubrique « Leçons pour la sécurité des soins ». L’exemple le plus emblématique et poursuivi à ce jour est la rubrique « Legal briefs » de la revue Pediatric Emergency Care, qui comprend régulièrement des situations cliniques conduisant à des interrogations médico-légales avec une analyse multifactorielle toujours pertinente. Les plaintes médicales publiées par les revues des sociétés d’assurance sont également une source d’apprentis-

Pédagogie médicale : l’erreur pour apprendre

sage utile, même si elles ne révèlent que la partie émergée de l’iceberg : toute erreur ne conduit pas nécessairement à une plainte. Enfin de nombreuses équipes pédiatriques ont constitué pendant des années des « collections » d’erreurs médicales rencontrées tout au long de leurs activités qu’elles utilisent comme un outil pédagogique apprécié des publics visés. Ces erreurs sont classées soit en fonction du mécanisme principal (erreurs sémiologiques pour les plus jeunes, erreurs de raisonnement pour les internes, erreurs d’organisation des soins pour les seniors), soit en fonction des étapes du parcours de l’enfant : pré-hospitalisation, tri téléphonique ou aux urgences, diagnostic, prescription, orientation). Cette modalité est jugée plus concrète et semble mieux retenue par les étudiants et les juniors lors de l’évaluation effectuée en fin de stage.

3. Le partage de ses propres erreurs et la connaissance des erreurs des autres  Le partage de ses propres erreurs et la connaissance des erreurs des autres est parfois au centre de staffs spécifiques : chaque médecin présent, quel que soit son niveau d’expérience, présente brièvement une situation qu’il considère comme son erreur de l’année : trois diapositives suffisent à poser le problème, à l’analyser et à indiquer ce qui aurait pu ou dû l’éviter. Les étudiants hospitaliers apprennent ainsi que tout au long de la carrière, l’erreur est possible et l’importance de la rapporter devant des confrères et collègues dans une atmosphère bienveillante. Une équipe de Toronto a montré, dans le cadre d’un dispositif large de prévention des erreurs de prescriptions adapté aux résidents de médecine, un impact significatif et durable de la présence à un cours ciblé sur les erreurs commises par les médecins de l’unité au cours des 20 années écoulées : ceux n’ayant pas assisté à l’enseignement spécifique avaient eu simplement connaissance des recommandations de l’Académie Américaine de pédiatrie (section pharmacologie). Cet enseignement à partir des erreurs fait maintenant partie intégrante de l’enseignement des internes à leur arrivée dans les services de réanimation et d’urgences pédiatriques. La mise en place depuis plusieurs décennies de groupes de médecins souvent libéraux adoptant la méthode Balint est une autre modalité de ce partage d’expériences, d’erreurs ou de situations difficiles pouvant conduire à la survenue d’une errance médicale.

4. La simulation : « Patient care is a team sport » La simulation : « Patient care is a team sport », ce qui fait de la communication un atout majeur de performance, comme l’attestent les études sur les erreurs médicales. Soixante-dix pour cent des erreurs médicales sont humaines et relèvent d’un défaut de communication. La simulation est donc une opportunité pour pratiquer aussi bien dans le domaine technique que relationnel en équipe, dans un environnement sans risque pour le patient, et où les erreurs commises sont une source importante d’apprentissage après un débriefing adapté aux apprenants. La simulation en équipe permet d’explorer et d’évaluer la pertinence de la communication, en plus de la réalisation des gestes selon un algorithme défini. De multiples scénarios en anesthésie pédiatrique, en néonatologie, soulignent les risques médicaux d’un défaut de communication entre divers professionnels de santé autour de l’enfant.

5. Conclusions « Vous devez apprendre des erreurs des autres. Vous ne pourrez jamais vivre assez longtemps pour les faire toutes vous-mêmes » disait Sam Levenson. Les erreurs des autres sont également plus confortables à entendre. Cela implique dans nos pays, une déclaration d’évènements indésirables plus conforme à la réalité, la levée du tabou qui est de parler de ses propres erreurs et l’incorporation des erreurs dans l’outil pour apprendre. Trop peu d’outils pédagogiques font l’objet d’évaluation auprès des étudiants (satisfaction) ou de résultats (performance). Le développement des RMM, l’intégration des analyses d’erreur dans les procédures d’accréditation des établissements hospitaliers font progressivement évoluer la culture de l’erreur. L’enseignement de la médecine à tous les niveaux d’exercice bénéficie de cette évolution dans une logique d’apprentissage par compétences.

Références Les références citées dans le texte sont disponibles auprès de l’auteur.

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[Medical education: learning from an error].

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