Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 32 (2013) e193–e197

Congre`s de l’Adarpef

Comment je prends en charge un enfant qui souffre d’une he´moglobinopathie§ Anaesthetic management of a child with hemoglobinopathy O. Rhondali *, A. Pouyau, C. Bonnard, D. Chassard Service d’anesthe´sie pe´diatrique, hoˆpital Me`re–Enfant, boulevard Pinel, 69500 Lyon, France

I N F O A R T I C L E

Mots cle´s : Ane´mie Dre´panocytose Thalasse´mie Glucose-6-phosphate de´shydroge´nase Anesthe´sie Enfants

R E´ S U M E´

La prise en charge pe´riope´ratoire d’un enfant atteint de dre´panocytose ne´cessite une e´troite collaboration entre he´matologue, chirurgien et anesthe´siste. L’hydratation et la transfusion sanguine pre´ope´ratoire sont les points essentiels de la pre´paration pre´ope´ratoire, qui doit aussi tenir compte de l’importance de l’atteinte syste´mique de la dre´panocytose et du risque chirurgical. La technique anesthe´sique choisie n’est pas aussi importante que la pre´paration pre´ope´ratoire, une anxiolyse adapte´e, l’optimisation des parame`tres physiologiques perope´ratoire, et une analge´sie adapte´e aux besoins plus importants de ces enfants. L’anesthe´sie d’un enfant ayant une thalasse´mie majeure doit tenir compte du retentissement de l’ane´mie he´molytique chronique et de la surcharge en fer induite par les transfusions re´pe´te´es. Un enfant atteint de de´ficit en glucose-6-phosphate de´shydroge´nase ne doit pas eˆtre expose´ aux facteurs de´clenchant une crise he´molytique, et en cas de chirurgie ambulatoire, l’enfant et ses parents doivent eˆtre informe´s du risque de survenue d’he´molyse retarde´e, et l’apparition d’he´moglobine libre dans les urines doit conduire a` l’arreˆt de l’agent en cause et au maintien d’une diure`se suffisante, pour e´viter la ne´crose tubulaire aigue¨. ß 2013 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). A B S T R A C T

Keywords: Anaemia Sickle-cell Thalassemia Glucose-6-phosphate dehydrogenase Anesthesia Children

Perioperative management of a child with sickle-cell disease requires close collaboration between hematologist, surgeon and anesthetist. The level of preoperative preparation must consider both the surgical risk and the impact of the disease. Preoperative hydration and blood transfusion are the most important part of preoperative management. Anesthetic technique is not as important as preoperative preparation, management of stress and anxiety, and optimization of intraoperative physiological parameters (oxygenation, acid-base balance, tissue perfusion, normothermia). Pain management must be optimal for these children with increased needs of analgesic. Preoperative assessment of a child with thalassemia must include evaluation of the impact of chronic hemolytic anemia and iron overload induced by repeated transfusions. The most important factor in the management of a child with glucose6-phosphate dehydrogenase deficiency is to avoid exposure to oxidative stressors. Outpatients should be informed of the risk of hemolytic crisis, and free hemoglobin in the urine should lead to discontinuation of drugs associated with hemolysis and to maintenance of urine output to prevent acute renal failure. ß 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar).

1. De´finitions L’he´moglobine (Hb) est compose´e de 4 sous-unite´s associant he`me et globine et il existe 4 types de globine (a, b, g, d). A` la

§ Travail pre´sente´ au 34e Congre`s de l’Association des anesthe´sistes-re´animateurs pe´diatriques d’expression franc¸aise (Adarpef), Toulouse, 5–6 avril 2013. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Rhondali).

naissance, les e´rythrocytes contiennent jusqu’a` 90 % d’HbF (a2, g2), qui reste pre´dominante jusqu’a` l’aˆge de 4 mois. Par la suite, on observe un profil de l’Hb adulte (95 % HbA [a2, ß2]). Par conse´quent, les troubles de production qualitatifs de la chaıˆne b (dre´panocytose) ou quantitatifs (b-thalasse´mie) ne se manifestent pas cliniquement avant l’aˆge de 4 mois. Le de´pistage ne´onatal cible´ par e´lectrophore`se de l’Hb de´tecte la plupart des nouveau-ne´s atteints de dre´panocytose. Une concentration e´leve´e d’HbF (naturellement ou induite par

0750-7658/$ – see front matter ß 2013 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2013.10.005

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l’administration d’hydroxyure´e) prote`ge des complications de la dre´panocytose. ˆ a` un de´faut de La thalasse´mie est un trouble quantitatif de l’Hb du synthe`se des chaıˆnes a ou b de la globine. Cela induit un exce`s relatif des autres chaıˆnes produites normalement. Celles-ci pre´cipitent dans la cellule et provoquent des le´sions oxydatives des he´maties, une he´molyse, une apoptose et une activation de la coagulation. L’ane´mie chronique et l’e´rythropoı¨e`se inefficace induisent une expansion osseuse (craˆne, os long, verte`bres) et une e´rythropoı¨e`se extrame´dullaire (he´patique et sple´nique). Dans la forme he´te´rozygote de la b-thalasse´mie (trait thalasse´mique), l’enfant est peu symptomatique et pre´sente une le´ge`re ane´mie microcytaire. La forme homozygote de la b-thalasse´mie (maladie de Cooley ou thalasse´mie majeure) est l’atteinte la plus grave, avec une ane´mie he´molytique chronique, he´pato-sple´nome´galie, de´formation osseuse due a` l’e´rythropoı¨e`se extrame´dullaire, un taux important d’HbF, et une de´pendance a` la transfusion sanguine. Les thalasse´mies interme´diaires ou mineures concernent les patients dont la symptomatologie est variable entre le trait thalasse´mique et la maladie de Cooley. L’he´moglobinose H est une forme d’athalasse´mie caracte´rise´e par une ane´mie he´molytique chronique, pouvant eˆtre aggrave´e par l’infection, l’exposition aux me´dicaments oxydants, et dans laquelle les besoins transfusionnels sont rares. Le trait thalasse´mique a est caracte´rise´ par une le´ge`re ane´mie microcytaire.

de 10 %, et ses signes sont non spe´cifiques (fie`vre, douleur thoracique, toux, dyspne´e, hypoxe´mie, hyperleucocytose et opacite´s pulmonaires) [3]. Il s’agit d’une complication ayant un taux de mortalite´ e´leve´ (2 % a` 12 %), et les facteurs de´clenchant sont nombreux dans le contexte pe´riope´ratoire (hypoxe´mie, ate´lectasie, pneumopathie, embolies graisseuses, syndrome inflammatoire syste´mique) [4]. Les patients pre´sentant un STA ne´cessitent hydratation, oxyge´nothe´rapie, antibiothe´rapie a` large spectre et transfusion en urgence (objectif : 10 < Hb < 11 g/dL). L’insuffisance respiratoire peut se de´velopper rapidement ne´cessitant une ventilation me´canique dans 13 % des cas. En cas de signes de gravite´, on proposera l’e´change transfusionnel (objectif d’HbS < 30 %) [4]. L’AVC est l’autre complication grave de la dre´panocytose qui peut aussi survenir durant la pe´riode pe´riope´ratoire chez les enfants. Vingt pour cent des adolescents asymptomatiques pre´sentent des signes d’infarctus ce´re´bral en imagerie ce´re´brale. L’e´paississement segmentaire de la paroi arte´rielle est fre´quent chez l’enfant ayant eu un AVC. Un protocole associant surveillance du flux sanguin ce´re´bral par doppler transcraˆnien (DTC) et transfusion sanguine chronique (en cas d’anomalies au DTC) diminue significativement le risque d’AVC [5]. Le maintien d’une pression de perfusion ce´re´brale optimale est essentiel durant l’anesthe´sie de ces patients.

2. Dre´panocytose homozygote

Les patients atteints d’ane´mie chronique maintiennent une oxyge´nation syste´mique en augmentant leur de´bit cardiaque, et les modifications e´chographiques sont fre´quentes au cours de la dre´panocytose homozygote. Cinquante pour cent des enfants de 8 ans ont une dilatation ventriculaire et 90 % une augmentation significative de la fraction d’e´jection du ventricule gauche (87 % vs 69 % chez l’enfant sain) [6]. Environ 25 % des enfants dre´panocytaires aˆge´s de 6 a` 12 ans ont des signes e´chographiques d’hypertension arte´rielle pulmonaire (HTAP) (flux d’insuffisance tricuspide  2,5 m/ s), et le de´veloppement d’une HTAP multiplie par 4 le risque de mortalite´ [1]. Une de´gradation importante de la fonction pulmonaire est observe´e et correspond a` l’association d’un syndrome restrictif (infarctus costaux, fibrose pulmonaire progressive), d’un syndrome obstructif. Trente-cinq pour cent des enfants HbSS pre´sentent une hyperre´activite´ bronchique, et 17 % ont de l’asthme [7,8]. Les le´sions ische´miques re´nales re´pe´te´es peuvent entraıˆner une de´te´rioration significative de la fonction re´nale, encore rare chez l’enfant. Les complications non infectieuses des transfusions chroniques, lie´es a` la surcharge en fer concernent le foie (cytolyse, fibrose et cirrhose he´patique), le cœur (troubles du rythme et insuffisance cardiaque) et les glandes endocrines (retard pubertaire, hypothyroı¨die, diabe`te insulinode´pendant) [9].

En France, plus de 350 enfants atteints de syndrome dre´panocytaire majeur (ane´mie falciforme, HbSS) naissent chaque anne´e, la majorite´ en re´gion parisienne et aux Antilles. L’ane´mie falciforme concerne aussi les patients associant dre´panocytose he´te´rozygote et b-thalasse´mie. L’exposition des globules rouges a` une PO2 < 40 mmHg pendant 2 a` 4 minutes induit une polyme´risation de l’Hb, une de´formation du globule rouge et une he´molyse. La libe´ration de l’Hb libre entraıˆne une inactivation du NO, une formation de radicaux libres, et une dysfonction endothe´liale (adhe´sion des he´maties falciformes, activation de l’he´mostase, hyperplasie intimale et des muscles lisses des capillaires) [1]. A` l’e´tat d’e´quilibre entre he´molyse et production, l’enfant a une he´moglobine´mie variant entre 6 et 9 g/dL, avec 5 a` 15 % de re´ticulocytes. 2.1. Complications aigue¨s de la dre´panocytose Une aplasie aigue¨ est observe´e apre`s l’infection a` parvovirus B19, et une crise he´molytique peut eˆtre de´clenche´e par une infection ou un me´dicament d’autant que l’association de la dre´panocytose a` un de´ficit en glucose-6-phosphate de´shydroge´nase est fre´quente. En cas de se´questration sple´nique aigue¨ (chute brutale du taux d’Hb), la sple´nectomie est recommande´e chez l’enfant a` partir de 2 ans. L’hyposple´nie fonctionnelle, secondaire aux crises vaso-occlusives sple´niques est fre´quente de`s l’aˆge de 7 ans, et expose les enfants a` des complications infectieuses se´ve`res. Dans le contexte ope´ratoire, l’antibioprophylaxie pre´ope´ratoire et l’asepsie doivent eˆtre rigoureuses. L’oste´omye´lite est une complication fre´quente de la dre´panocytose et dans plus de 50 % des cas, il s’agit d’une infection a` salmonelle, suivie par le staphylocoque dore´. L’infection doit eˆtre suspecte´e en cas de douleur osseuse, fixe et durable, malgre´ un traitement antalgique et une hydratation adapte´e chez un enfant fe´brile [2]. Les crises vaso-occlusives sont des e´pisodes d’infarctus tissulaire douloureux, et les formes les plus communes comprennent crises douloureuses des os longs, et l’oste´one´crose de la teˆte fe´morale. Le syndrome thoracique aigu (STA) et l’accident vasculaire ce´re´bral (AVC) sont les formes les plus graves de crises vaso-occlusives. Chez l’enfant dre´panocytaire, l’incidence postope´ratoire du STA est

2.2. Complications chroniques de la dre´panocytose

2.3. Prise en charge pre´ope´ratoire Le taux de mortalite´ pe´riope´ratoire des enfants atteints de dre´panocytose est de 1 % [10], ce qui est tre`s e´leve´ par rapport a` la population pe´diatrique non dre´panocytaire. (0,002 %). La gestion pre´ope´ratoire ne´cessite une approche me´ticuleuse, et la transfusion sanguine pre´ope´ratoire en est un des piliers. Ainsi, un protocole de transfusion pre´ope´ratoire issu d’une collaboration entre he´matologue, chirurgien et anesthe´siste doit eˆtre e´tabli dans chaque centre prenant en charge un enfant HbSS. L’ane´mie se´ve`re (Hb < 7 g/dL) est un signe de gravite´ de la maladie, et donc un risque de complications postope´ratoires [11]. Un essai clinique multicentrique randomise´ a compare´ un re´gime de transfusion agressif (9 < Hb pre´ope´ratoire < 11 g/dL + HbS  30 %) a` un re´gime conservateur (9 < Hb pre´ope´ratoire < 11 g/dL inde´pendamment du taux d’HbS). La moyenne pre´ope´ratoire d’HbS dans le groupe conservateur a e´te´ de 59 %. La fre´quence des complications

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graves a e´te´ identique dans les deux groupes avec notamment une incidence postope´ratoire du STA de 10 %. Toutefois, le taux d’alloimmunisation e´tait deux fois plus important dans le groupe re´gime de transfusion agressif (10 % vs 5 %, p = 0,01) [12]. Dans cette e´tude, l’analyse des complications selon le type de chirurgie montre que l’amygdalectomie, la laparotomie et la thoracotomie sont les proce´dures associe´es au plus grand risque de complications. Le niveau de pre´paration pre´ope´ratoire doit donc tenir compte de l’importance de l’atteinte syste´mique de la dre´panocytose et du risque chirurgical. L’augmentation de l’Hb au-dela` de 11 g/dL est un facteur de risque de crise vaso-occlusives a` cause de l’augmentation de la viscosite´ sanguine. En France, la Haute Autorite´ de sante´ (HAS) a publie´ en 2010 des recommandations concernant la prise en charge des syndromes dre´panocytaires majeurs de l’enfant. « En cas d’anesthe´sie  1 heure, d’intervention sur la paroi abdominale ou thoracique ou d’amygdalectomie, une pre´paration transfusionnelle pour obtenir un taux d’HbS  40 % est recommande´e sauf cas particulier a` discuter avec le me´decin spe´cialise´ dans la prise en charge de la dre´panocytose » [2]. Du sang phe´notype´ comptabilise´ (au minimum Rhe´sus, Kell et en tenant compte des anticorps irre´guliers ante´rieurs) doit eˆtre disponible pour la chirurgie en cas de complications. L’analyse de la litte´rature montre que les pratiques sont encore he´te´roge`nes. Aux E´tats-Unis par exemple, pour les chirurgies invasives chez les enfants se´ve`rement atteints, 51 % des patients sont transfuse´s pour avoir un objectif d’Hb a` 10 g/dL, et seulement 12 % des patients be´ne´ficient d’un e´change transfusionnel [13]. D’autres e´tudes sont ne´cessaires pour de´terminer le mode de pre´paration pre´ope´ratoire optimal pour chaque type de chirurgie. En attendant, une e´troite collaboration doit eˆtre e´tablie entre he´matologue, chirurgien et anesthe´siste pour la gestion optimale et individualise´e de chaque patient. Le suivi he´matologique est essentiel, mais il peut eˆtre absent en cas de contexte familial et social de´favorise´. L’augmentation de la viscosite´ sanguine associe´e a` la de´shydratation est un facteur de risque de crises vaso-occlusives et de STA, et les enfants dre´panocytaires doivent recevoir une hydratation pre´ope´ratoire adapte´e. Les pratiques sont he´te´roge`nes allant de l’hospitalisation la veille de la chirurgie pour une hyperhydratation IV [13] jusqu’a` l’hydratation per os jusqu’a` 2 heures avant l’intervention sans augmentation de la morbidite´ [14]. Aucune e´tude ne compare les pratiques, et encore une fois les ante´ce´dents, le contexte familial et psychosocial de l’enfant, et le type de proce´dure doivent eˆtre pris en compte dans la de´cision. A` Lyon, un consensus local a e´te´ e´tabli, d’apre`s les recommandations de l’HAS. Pour une intervention mineure (hernie inguinale et ombilicale, ectopie testiculaire, circoncision, ae´rateurs trans-tympaniques, ade´noı¨dectomie, soins dentaires, ablation de mate´riel d’oste´osynthe`se, injection de toxines botuliniques, IRM sous anesthe´sie ge´ne´rale (AG), gastroscopie simple ou avec biopsies), tous les enfants sont hospitalise´s la veille pour l’administration d’un protocole d’hyperhydratation, et aucune transfusion n’est effectue´e en cas d’Hb > 7 g/dL. Ces enfants sortent de l’hoˆpital le jour de l’intervention en l’absence de complication. Pour toute anesthe´sie  1 heure, laparotomie, thoracotomie et amygdalectomie, un e´change transfusionnel ou une transfusion (selon le taux d’Hb initial) sont effectue´s pour obtenir un taux d’HbS < 40 %, et une Hb entre 10 et 11 g/dL. 2.4. Prise en charge anesthe´sique des patients atteints de dre´panocytose L’hypoxie, la stase veineuse et l’augmentation de la viscosite´ sanguine sont des facteurs de risque de complications. Ainsi, il convient de maintenir le de´bit cardiaque et la saturation en oxyge`ne, d’e´viter la de´shydratation, l’hypotension et la vasoconstriction. L’hypothermie provoque une vasoconstriction entraıˆnant

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un allongement du temps de transit vasculaire. Une surveillance e´troite de la tempe´rature et le maintien de la normothermie sont donc des objectifs pe´riope´ratoires importants. Une e´tude re´trospective de´crit l’utilisation du garrot en chirurgie orthope´dique, chez des patients dre´panocytaires ayant un taux d’HbS > 70 %, sans complication postope´ratoire. La dure´e moyenne du garrot e´tait de 61  27 min, avec une gestion optimale de l’oxyge´nation, de l’e´quilibre acido-basique (PaO2 > 200 mmHg et PaCO2 < 37 mmHg), et de l’exsanguination par sure´le´vation du membre avant l’utilisation du garrot [15]. Aucune technique d’anesthe´sie ne s’est ave´re´e eˆtre plus efficace qu’une autre. L’anesthe´sie locore´gionale n’augmente pas le risque de complication postope´ratoire, permet une analge´sie efficace et peut eˆtre propose´e en cas de priapisme [16]. L’essentiel dans la prise en charge consiste en une pre´paration pre´ope´ratoire minutieuse, un anxiolyse adapte´e et l’optimisation des parame`tres physiologiques perope´ratoire (oxyge´nation, e´quilibre acido-basique, perfusion tissulaire, normothermie). La chirurgie abdominale (chole´cystectomie, sple´nectomie) entraıˆne un risque significativement e´leve´ (20 %) de STA, et la laparoscopie ne diminue pas son incidence par rapport a` la laparotomie. Cependant, dans cette e´tude comparative, seulement 28 % des patients ont e´te´ transfuse´s en pre´ope´ratoire, ce qui souligne l’importance que la pre´paration [17]. Jusqu’a` 55 % des patients dre´panocytaires pre´sentent une hypertrophie amygdalienne obstructive [18] et l’incidence des complications postope´ratoires apre`s amygdalectomie est e´leve´e (30 %) malgre´ la prise en charge transfusionnelle [19]. De plus, 10 % des enfants HbSS pre´sentent un syndrome d’apne´e obstructive du sommeil (SAOS), ce qui est bien plus e´leve´ que dans la population ge´ne´rale pe´diatrique (3 %) avec des formes de SAOS plus se´ve`res (de´saturation nocturne et hypercapnie plus prononce´e et plus longue) [20,21]. Dans ce contexte, la chirurgie ambulatoire est contre-indique´e. Les patients sont hospitalise´s jusqu’a` l’obtention d’une SpO2 > 95 % a` l’air ambiant pendant la nuit, et d’une bonne tole´rance des liquides per os [14]. La prise de corticoı¨des est un facteur favorisant les crises vasoocclusives, et la prophylaxie des nause´es et vomissements postope´ratoires doit plutoˆt privile´gier l’utilisation d’ondanse´tron et l’e´viction des facteurs aggravants tels que les haloge´ne´s [22]. Un protocole d’analge´sie postope´ratoire multimodale doit inclure parace´tamol, opioı¨des, anti-inflammatoires non ste´roı¨diens (en l’absence d’insuffisance re´nale) et technique d’analge´sie locore´gionale. Pour le meˆme type d’intervention (chole´cystectomie par laparoscopie), les enfants dre´panocytaires ont des besoins en morphine deux fois plus importants que les enfants non dre´panocytaires [23]. La spirome´trie incitative est recommande´e pour e´viter l’hypoventilation alve´olaire induite par la morphine, et facteur de risque de crises vaso-occlusives et de STA. 3. Thalasse´mies majeures La gestion pe´riope´ratoire des patients atteints de thalasse´mie doit tenir compte du retentissement de l’ane´mie, et de la surcharge en fer lie´e aux transfusions chroniques. L’objectif de la transfusion est le maintient d’un taux d’Hb > 9 g/dL. La surcharge en fer lie´e a` la transfusion est la principale cause de mortalite´ et de morbidite´ des enfants atteints de b-thalasse´mie, et provoque cytolyse he´patique, troubles du rythme cardiaque et myocardiopathie dilate´e, hypothyroı¨die, hypoparathyroidie et diabe`te insulinode´pendant [9]. Un traitement che´lateur du fer syste´matiquement associe´ aux transfusions chroniques diminue ce risque pendant l’enfance [24]. L’HTAP est une complication fre´quente de la thalasse´mie, et jusqu’a` 50 % des patients atteints de thalasse´mie interme´diaire ont des signes e´chographiques d’HTAP [25]. Il n’existe cependant pas d’e´tude e´valuant l’impact de l’HTAP sur la survie de ces patients. La transfusion chronique pre´vient la survenue ou l’aggravation de

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l’HTAP. Les patients thalasse´miques ont un e´tat d’hypercoagulabilite´, et cas de thrombocytose marque´e persistante apre`s sple´nectomie, un traitement pre´ventif par aspirine a` faible dose est propose´. Conside´rations pe´riope´ratoires. Les enfants atteints de thalasse´mie mode´re´e ou se´ve`re peuvent ne´cessiter une chole´cystectomie, une sple´nectomie, et la pose d’acce`s vasculaire pour les transfusions au long cours. Une thrombope´nie doit eˆtre recherche´e en cas d’hypersple´nisme. En cas de thalasse´mie se´ve`re, chez un enfant recevant des transfusions chroniques, on doit rechercher les signes de surcharge en fer. L’e´rythropoı¨e`se stimule´e par l’ane´mie provoque une fragilisation et une de´formation osseuse et l’atteinte maxillo-faciale peut eˆtre une cause de ventilation ou d’intubation difficile. La fragilite´ osseuse ne´cessite une installation pre´cautionneuse sur la table ope´ratoire. En cas de sple´nectomie, la vaccination, l’antibioprophylaxie pre´ope´ratoire et l’asepsie doivent eˆtre rigoureuse. Le contexte pe´riope´ratoire, et la sple´nectomie aggravent l’e´tat d’hypercoagulabilite´, et une prophylaxie thromboembolique doit eˆtre discute´e [24]. Une hypertension arte´rielle pe´riope´ratoire est fre´quemment observe´e au cours de la sple´nectomie cœlioscopique. Les enfants atteints de thalasse´mie se´ve`re ne´cessite les meˆmes pre´cautions perope´ratoires que pour l’enfant atteint de dre´panocytose [26–28]. 4. De´ficit en glucose-6-phosphate-de´shydroge´nase (G6PD) Le de´ficit en G6PD est le plus fre´quent des troubles enzymatiques du globule rouge. Avec un mode de transmission lie´e au chromosome X, l’incidence est plus e´leve´e chez les garc¸ons. Le de´ficit en G6PD entraıˆne un de´ficit cellulaire en NADPH et en glutathion, mole´cules antioxydantes prote´geant la cellule contre les radicaux libres. L’oxydation de l’Hb et de la membrane du globule rouge provoque une he´molyse aigue¨. Il existe une forme atte´nue´e touchant des sujets d’origine africaine ayant un de´ficit enzymatique mode´re´ (10 a` 40 % d’activite´ re´siduelle) et des crises he´molytiques de´clenche´es par une infection, un me´dicament, ou l’ingestion de fe`ves. La forme grave touche les sujets me´diterrane´ens ayant un de´ficit enzymatique se´ve`re ( < 10 %), une sple´nome´galie et une he´molyse chronique pouvant eˆtre exacerbe´e par le stress oxydant. Cyanose, ce´phale´es, dyspne´e, icte`re cutane´omuqueux fatigue, douleurs lombaires et urines fonce´es sont les signes cliniques de la crise he´molytique. Des e´tudes in vitro montrent que la code´ine, le midazolam, le propofol, le fentanyl, le re´mifentanil, l’alfentanil et la ke´tamine n’ont pas d’effet sur l’activite´ de la G6PD, contrairement aux haloge´ne´s [29,30]. Des cas cliniques rapportent l’utilisation sans complications d’isoflurane et de se´voflurane, sans pre´cision du degre´ de de´ficit en G6PD [31,32]. L’Emla1 est contre-indique´ en cas de de´ficit en G6PD. L’hypothermie, l’acidose, l’hyperglyce´mie et l’infection peuvent provoquer une he´molyse aigue¨. Le parace´tamol est de´conseille´ au-dela` de 60 mg/kg par jour chez l’enfant. L’utilisation de la bupivacaı¨ne est possible apre`s analyse des donne´es disponibles de la litte´rature et de la pharmacovigilance. Aucune donne´e n’est disponible concernant l’utilisation de la le´vobupivacaı¨ne et de la ropivacaı¨ne. Le diagnostic d’he´molyse aigue¨ peut eˆtre difficile lors de l’anesthe´sie ge´ne´rale, a` cause de ses signes non spe´cifiques (tachycardie, hypotension). L’apparition d’Hb libre dans les urines doit conduire a` l’arreˆt de l’agent en cause et au maintien d’une diure`se suffisante, pour e´viter la ne´crose tubulaire aigue¨. Une crise he´molytique peut survenir 24 a` 72 heures apre`s l’administration de me´dicaments. En cas de chirurgie ambulatoire, les patients et leurs parents doivent eˆtre informe´s du risque d’he´molyse. Apre`s l’e´limination de l’agent causal, la re´cupe´ration est marque´e par une re´ticulocytose et le taux d’Hb commence a` augmenter 8 a` 10 jours plus tard. La transfusion est parfois ne´cessaire en cas d’ane´mie se´ve`re mal tole´re´e [36–45]. L’Agence nationale de se´curite´ du me´dicament et des produits de sante´ a publie´ en 2008 une liste

des me´dicaments pouvant provoquer des crises he´molytiques [33]. ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Gladwin MT, Machado RF. Pulmonary hypertension in sickle cell disease. N Engl J Med 2011;365(17):1646–7 [author reply 1648–9]. [2] Haute Autorite´ de sante´. Syndromes dre´panocytaires majeurs de l’enfant et de l’adolescent; 2010, www.has-sante.fr. [3] Marchant WA, Walker I. Anaesthetic management of the child with sickle cell disease. Paediatr Anaesth 2003;13(6):473–89. [4] Vichinsky EP, Styles LA, Colangelo LH, Wright EC, Castro O, Nickerson B, et al. Acute chest syndrome in sickle cell disease: clinical presentation and course. Cooperative Study of sickle cell disease. Blood 1997;89(5):1787–92. [5] Adams RJ, McKie VC, Hsu L, Files B, Vichinsky E, Pegelow C, et al. Prevention of a first stroke by transfusions in children with sickle cell anemia and abnormal results on transcranial Doppler ultrasonography. N Engl J Med 1998;339(1):5–11. [6] Kane A, et al. [Echocardiographic aspects in pediatric patients with sickle cell disease]. Arch Pediatr 2001;8(7):707–12. [7] Ozbek OY, Malbora B, Sen N, Yazici AC, Ozyurek E, Ozbek N, et al. Airway hyperreactivity detected by methacholine challenge in children with sickle cell disease. Pediatr Pulmonol 2007;42(12):1187–92. [8] Koumbourlis AC, Zar HJ, Hurlet-Jensen A, Goldberg MR, et al. Prevalence and reversibility of lower airway obstruction in children with sickle cell disease. J Pediatr 2001;138(2):188–92. [9] Josephson CD, Su LL, Hillyer KL, Hillyer CD, et al. Transfusion in the patient with sickle cell disease: a critical review of the literature and transfusion guidelines. Transfus Med Rev 2007;21(2):118–33. [10] Koshy M, Weiner SJ, Miller ST, Sleeper LA, Vichinsky E, Brown AK, et al. Surgery and anesthesia in sickle cell disease. Cooperative Study of sickle cell diseases. Blood 1995;86(10):3676–84. [11] Miller ST, Sleeper LA, Pegelow CH, Enos LE, Wang WC, Weiner SJ, et al. Prediction of adverse outcomes in children with sickle cell disease. N Engl J Med 2000;342(2):83–9. [12] Vichinsky EP, Haberkern CM, Neumayr L, Earles AN, Black D, Koshy M, et al. A comparison of conservative and aggressive transfusion regimens in the perioperative management of sickle cell disease. The Preoperative Transfusion in Sickle Cell Disease Study Group. N Engl J Med 1995;333(4):206–13. [13] Firth PG, McMillan KN, Haberkern CM, Yaster M, Bender MA, Goodwin SR, et al. A survey of perioperative management of sickle cell disease in North America. Paediatr Anaesth 2011;21(1):43–9. [14] Duke RL, Scott JP, Panepinto JA, Flanary VA, et al. Perioperative management of sickle cell disease children undergoing adenotonsillectomy. Otolaryngol Head Neck Surg 2006;134(3):370–3. [15] Adu-Gyamfi Y, Sankarankutty M, Marwa S. Use of a tourniquet in patients with sickle-cell disease. Can J Anaesth 1993;40(1):24–7. [16] Yaster M, Tobin JR, Billett C, Casella JF, Dover G, et al. Epidural analgesia in the management of severe vaso-occlusive sickle cell crisis. Pediatrics 1994;93(2):310–5. [17] Wales PW, Carver E, Crawford MW, Kim PC, et al. Acute chest syndrome after abdominal surgery in children with sickle cell disease: is a laparoscopic approach better? J Pediatr Surg 2001;36(5):718–21. [18] Abou-Elhamd KE. Otorhinolaryngological manifestations of sickle cell disease. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2012;76(1):1–4. [19] Wali YA, al Okbi H, al Abri R. A comparison of two transfusion regimens in the perioperative management of children with sickle cell disease undergoing adenotonsillectomy. Pediatr Hematol Oncol 2003;20(1):7–13. [20] Salles C, Ramos RT, Daltro C, Barral A, Marinho JM, Matos MA, et al. Prevalence of obstructive sleep apnea in children and adolescents with sickle cell anemia. J Bras Pneumol 2009;35(11):1075–83. [21] Kaleyias J, Mostofi N, Grant M, Coleman C, Luck L, Dampier C, et al. Severity of obstructive sleep apnea in children with sickle cell disease. J Pediatr Hematol Oncol 2008;30(9):659–65. [22] Strouse JJ, Takemoto CM, Keefer JR, Kato GJ, Casella JF, et al. Corticosteroids and increased risk of readmission after acute chest syndrome in children with sickle cell disease. Pediatr Blood Cancer 2008;50(5):1006–12. [23] Crawford MW, Galton S, Naser B. Postoperative morphine consumption in children with sickle-cell disease. Paediatr Anaesth 2006;16(2):152–7. [24] Haute Autorite´ de sante´. Syndromes thalasse´miques majeurs et interme´diaires.; 2008. [25] Vij R, Machado RF. Pulmonary complications of hemoglobinopathies. Chest 2010;138(4):973–83. [26] Firth PG. Anesthesia and hemoglobinopathies. Anesthesiol Clin 2009;27(2):321–36. [27] Kitoh T, Tanaka S, Ono K, Hasegawa J, Otagiri T, et al. Anesthetic management of a patient with beta-thalassemia intermedia undergoing splenectomy: a case report. J Anesth 2005;19(3):252–6.

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[Anaesthetic management of a child with hemoglobinopathy].

Perioperative management of a child with sickle-cell disease requires close collaboration between hematologist, surgeon and anesthetist. The level of ...
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