Schweiz. Ophthal. Ges., 66. Vers., Montreux 1973 Ophthalmologlca, Basel 170: 206-209 (1975)

Tuberculose miliaire choroïdienne disséminée Etude angiofluorographique

H. H ammami, R. F aggioni et E. B. Streiff Clinique ophtalmologique universitaire de Lausanne (Directeur: Prof. E. B. Str eiff ), Lausanne

La tuberculose miliaire choroïdienne est connue depuis le début du siècle dernier, puisque la première observation semble avoir été faite vers 1808 [IJ. Entre 1865 et 1876, B ouchut [2-6] a contribué, avec ses nombreux travaux, à faire connaître cette forme clinique, caractérisée par la présence des tubercules qui portent son nom. Au cours de cette année, nous avons eu l’occasion d'observer un cas de tuberculose miliaire avec localisation choroïdienne. Des examens angiofluorographiques répétés nous ont permis d’en suivre l’évolution clinique. Les résultats de cette étude nous ont paru particulièrement significatifs.

Il s'agit d'un homme de 50 ans, monteur électricien. Dans ses antécédents per­ sonnels, on signale un éthylisme chronique. Au cours de l’été 1972, il présente quel­ ques expectorations hémophtoïques matinales. Le 3 février 1973 survient un épisode fébrile à 40 °C. Le médecin consulté prescrit des antibiotiques, mais l’état fébrile persiste, avec des poussées à 41 °C. Une radiographie pulmonaire faite le 27 février 1973 montre un important épanchement pleural à gauche, des séquelles pleurales à droite et une suspicion d’in­ filtrats micro-nodulaires bilatéraux. Le patient est hospitalisé dans le service de Phtisiologie de Lausanne où, le 6 mars 1973, un traitement spécifique est instauré (Rimifon 450 mg/jour; Rifampicine 900 mg/jour) sur la base du tableau radiologique et de la persistance de l’état fébrile. Quelques jours plus tard, le diagnostic se précise grâce à une ponction-biopsie du foie faite dans le but d’évaluer l’atteinte hépatique éthylique. Cet examen montre de nombreuses formations granulomateuses constituées par

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Etude d'un cas

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des cellules épithélioïdes, des cellules géantes et des couronnes de lympho-plasmocytes. Par endroits, ces formations présentent une nécrose caséeuse centrale. On constate en outre une stéatose hépatique à grosses et fines gouttes diffusément ré­ parties. L’examen ophtalmologique fait à cette époque donne le résultat suivant: la vision est normale aux deux yeux; l'extérieur et les milieux transparents sont calmes et sans particularité; au fond de l’œil, par contre, on trouve des taches d’un blanc jaunâtre, à limites estompées, situées sous la rétine et sans rapport avec les vaisseaux. Elles sont situées autour de la papille, du côté nasal. Leur taille est d'environ '/< de dia­ mètre papillaire. L’examen angiofluorographique fait le 14 mars 1973 met en évidence dès le temps artériel deux taches sombres se détachant sur la fluorescence de fond de la choroïde. Une troisième apparaît quelques secondes plus tard. Dans les temps tardifs, ces taches deviennent progressivement fluorescentes et elles le sont encore une heure plus tard. Les jours suivants, le diagnostic de tuberculose est définitivement confirmé par la présence de bacilles de Koch dans les cultures des expectorations, du liquide pleural et des urines d’une part, et par l’inoculation positive au cobaye d’autre part. A noter que la cuti-réaction est toujours restée négative, témoignant d’un état grave d'anergie. Après 3 semaines, les lésions choroïdiennes sont inchangées; et le 25 mai 1973, soit 2'/i mois plus tard, tandis qu’à l'ophtalmoscope elles semblent s’estomper, elles sont encore présentes à l’angiofluorographie. Au temps artériel, cependant, elles sont moins sombres, mais au temps tardif il y a toujours une nette imprégnation. Le 20 août 1973, sur le cliché thoracique de contrôle, les infiltrats nodulaires ont disparu. Au fond de l’œil, les lésions sont à peine visibles. A l’angiofluorographie elles ne sont visibles qu’au temps tardif, et leur fluorescence est minime.

Commentaire

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En conclusion, il s’agit d'un cas de tuberculose miliaire cliniquement certain. L’image ophtalmologique, et surtout l’angiofluorographie, nous firent croire qu’il s'agissait de nodules de Bouchut. Nous savons que du point de vue histopathologique ce sont des grannulations à siège typiquement choroïdien [7-10], et seulement dans des cas exceptionnels à siège purement rétinien [11]. On y retrouve tous les élé­ ments cellulaires typiques de la tuberculose folliculaire. La caséification peut manquer. La choroïde est intéressée partiellement ou dans sa totalité, avec épaississement, infiltration cellulaire et hyperémie. La localisation et la morphologie des nodules de Bouchut semblent ex­ pliquer les images angiographiques obtenues chez notre malade. Les lé­ sions sont situées dans la chorio-capillaire. Aux temps précoces, alors que

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toute la choroïde est fortement fluorescente, les nodules, qui ont une struc­ ture compacte et dense, constituent une sorte d'écran à la transmission de la fluorescence choroïdienne. Ils apparaissent donc comme des taches sombres au temps artério-veineux. En revanche, la masse granulomateuse s'entoure et s’imprègne pro­ gressivement du colorant, d'une part à cause de l’hyperémie péri-folliculaire, et d'autre part à cause du passage de la fluorescéine dans le tissu pathologique. Cette fluorescence est encore visible dans les nodules quand les autres tissus en sont désormais dépourvus, et ceci en raison de leur structure amorphe et de l'absence de vascularisation interne. Les images obtenues 6 mois plus tard montrent que, tout comme celles des poumons, les lésions miliaires oculaires sont en train de se cicatriser. Elles se sont réduites de volume et en partie désagrégées. Elles ne consti­ tuent plus un écran au temps précoce, et au temps tardif elles se colorent encore discrètement. En conclusion, les lésions tuberculeuses, bien qu'ayant beaucoup diminué de volume, persistent encore après 6 mois. Cela doit nous inciter à poursuivre le traitement jusqu'à disparition complète de la fluorescence; la cicatrice, acellulaire, devra être muette: ce sera là le seul critère de guérison, alors même que notre patient est déjà cliniquement et radio­ logiquement guéri. L’importance de l'étude angiofluorographique dans de tels cas est donc évidente. Le travail, avec iconographie, sera publié prochainement in extenso.

Bibliographie

mamelle et de la seconde enfance (Ballière, Paris 1867). 3 Bouchut , E.: Ophtalmoscopie médicale et cérébroscopie (Ballière, Paris 1876). 4 Bouchut , E.: Leçon clinique sur la méningite étudiée à l’ophtalmoscope. Gaz. Hôp., Paris 1862: 469. 5 Bouchut , E.: Diagnostic des maladies du système nerveux par l’ophtalmoscope (1866). 6 Bouchut , E.: Leçon clinique faite à l'Hôpital des Enfants-Malades sur les tuber­ cules de la choroïde et de la rétine pouvant servir au diagnostic de la tuberculose cérébrale. Gaz. Hôp., Paris 1868: 601.

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1 A nterith : Cité par C attaneo |7). 2 Bouchut , E.: Traité pratique des maladies des nouveaux-nés, des enfants à la

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Demandes de tirés à part: Dr H. H ammami, Centre hospitalier universitaire, CP 33, Sherbrooke, Québ. (Canada)

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7 C attanf.o , D.: La tuberculosi della coroide. Studio clinico-anatomico-patogenico. Ann. Oftal. 54: 7, 8 (1926). 8 H ervouet , F.: Anatomie pathologique des uvéites endogènes. Ann. Oculist. 202: 993-1020 (1969). 9 M onbrun , A. et L avat, J.: Ophtalmoscopie et dissémination tuberculeuse. Bull. Soc. Ophtal. France, Suppl. 3 (1949). 10 O i î-ret , G.: Tuberculose de la choroïde. Clin, ophtal. 5: 125-140 (1869). 11 O’S ullivan , A. C. and Story , J. B.: Tuberculosis of the retina. Trans, roy. Acad. Med., Ireland 17 (1899).

[Disseminated miliary choroidal tuberculosis. Angiofluorographic study].

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