Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 33 (2014) 617–618

E´ditorial

Disparite´ des e´quipements des Smur franc¸ais : reflet de disparite´ budge´taire ou de qualite´ de prises en charge ? Disparity of French Emergency medical services equipment: Disparity of funding allocation or of management quality?

Les services mobiles d’urgence et de re´animation (Smur) doivent permettre une prise en charge me´dicale optimale de`s la phase pre´hospitalie`re. Les soins apporte´s aux patients de´pendent du personnel intervenant, mais e´galement du mate´riel dont il dispose. Selon le re´fe´rentiel des Smur publie´ en 2013, « Les unite´s mobiles hospitalie`res (UMH) sont les effecteurs du Smur constitue´s d’une unite´ ope´rationnelle associant une e´quipe [. . .], un lot de mate´riel technique et me´dical de soins et de re´animation permettant la prise en charge (diagnostique, the´rapeutique et de surveillance) d’un ou plusieurs patients » [1]. La proble´matique de tous les Smur est d’avoir la totalite´ du personnel re´glementaire et le mate´riel ade´quat. Ce choix doit inte´grer les contraintes d’efficacite´, d’encombrement, de financement, de fre´quence d’utilisation et de formation. Cependant certains e´quipements sont fortement recommande´s car juge´s essentiels [1]. Dans ce nume´ro des Annales franc¸aises d’anesthe´sie et de re´animation, Vardon et al. [2] publient une enqueˆte nationale re´alise´e aupre`s de tous les Smur franc¸ais concernant la pre´sence des e´quipements et the´rapeutiques utiles a` la prise en charge des chocs he´morragiques dans les UMH. Le taux de re´ponse e´tait de 48 % (178 Smur). Le message principal de cet article est que le mate´riel me´dical disponible est loin d’eˆtre homoge`ne. Les auteurs constatent que les e´quipements juge´s ne´cessaires et essentiels dans le re´fe´rentiel sur les Smur [1] sont fre´quemment absents :  garrots de membre : 46 % des Smur interroge´s en sont e´quipe´s. Seuls 32 % ont une ceinture pelvienne de contention. La mise en place d’un garrot en cas d’he´morragie externe menac¸ante d’un membre est pourtant une recommandation internationale forte [3]. L’absence de moyens physiques simples mais efficaces de controˆle de l’he´morragie est une perte de chance pour les patients. Ce constat est d’autant plus regrettable qu’il est question ici de mate´riel ni one´reux ni encombrant ;  thermome`tre : moins d’un service sur deux en posse`de, quelle qu’en soit la forme. L’hypothermie est un facteur pre´dictif inde´pendant de de´ce`s chez les patients en choc he´morragique [4]. La confe´rence d’experts sur le monitorage du patient traumatise´ grave en pre´hospitalier indique que « le monitorage de la tempe´rature doit eˆtre syste´matique » [5]. Il s’agit encore dans ce

cas d’un mate´riel facile d’utilisation et abordable. De plus, le monitorage de la tempe´rature est e´galement essentiel pour les patients en post-arreˆt cardiorespiratoire ;  e´chographe : 31 % des services re´pondeurs en posse`dent. Si cette proportion peut paraıˆtre faible, son e´volution est encourageante. La diffusion de l’e´chographie clinique d’urgence en me´decine ˆ t des e´quipements pre´hospitalie`re se heurte au proble`me du cou et a` la formation des me´decins. En 2011, le taux de Smur e´quipe´ e´tait uniquement de 9 % [6]. Cependant si un peu moins d’un tiers des services semble actuellement e´quipe´, il est le´gitime de se demander combien de patients peuvent en be´ne´ficier re´ellement ? En 2011, une minorite´ de me´decins e´tait forme´e [6]. De plus, l’e´quipement d’un Smur qui posse`de plusieurs e´quipes et ve´hicules, avec un seul e´chographe n’est pas suffisant. Vardon et al. [2] constatent e´galement que si 84 % des Smur ont la possibilite´ de transfuser des culots globulaires, seulement 47 % disposent d’acide trane´xamique ! Ce re´sultat est tristement surprenant. De plus, il est probable que le taux d’utilisation dans les Smur e´quipe´s ne soit pas optimal. L’e´tude CRASH-2 [7] e´tait ante´rieure a` l’e´tude et l’utilisation de l’acide trane´xamique dans les he´morragies post-traumatique est devenue une recommandation de grade 1A [3]. Si nous voulons que notre syste`me de prise en charge pre´hospitalie`re me´dicalise´e reste un mode`le, nous devons faire preuve d’une plus grande re´activite´ pour ce qui est de l’application des recommandations. La juste prise en charge des patients traumatise´s graves est l’un des fers de lance de notre syste`me [8]. Enfin, cette e´tude montre que plus d’un service sur deux ne posse`de aucun protocole de service concernant les patients en choc he´morragique traumatique. L’organisation de la prise en charge des patients traumatise´s grave en re´seau est une ne´cessite´ absolue [9]. L’absence de proce´dure de prise en charge et d’orientation engendre une augmentation des de´lais et un risque d’erreur dans des situations souvent complexes. En situation de choc he´morragique cette perte de temps a des conse´quences sur la mortalite´ [10]. Cet article montre donc que malgre´ des recommandations claires et re´centes, l’e´quipement des Smur est a` la fois he´te´roge`ne et incomplet. Un travail conside´rable reste a` faire afin d’augmenter

http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.10.018 0750-7658/ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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le be´ne´fice pour la population de notre syste`me me´dicalise´ pre´hospitalier. La qualite´ des soins prodigue´s est cense´e eˆtre la meˆme pour tous. Il semble clairement que ce ne soit pas le cas. Beaucoup des ame´liorations ne´cessaires ne´cessitent peu de moyens. Dans un contexte de restriction budge´taire permanente, cette harmonisation vers une ame´lioration de la qualite´ de nos prises en charge est une priorite´ absolue afin de garder, ou ˆ t de notre syste`me. d’augmenter encore, le rapport be´ne´fice/cou Enfin, quelle que soit la sophistication du mate´riel, il convient de garder a` l’esprit que le meilleur traitement de l’he´morragie interne reste l’he´mostase chirurgicale pre´coce. De´claration d’inte´reˆts Seul le premier auteur (X.B.) de´clare des conflits d’inte´reˆts en rapport avec cet article : formations clients pour GE (GE Medical Systems Ultrasound), deux formations en 2012, deux en 2013 et une en 2014.

[4] Krishna G, Sleigh JW, Rahman H. Physiological predictors of death in exsanguinating trauma patients undergoing conventional trauma surgery. Austr N Z J Surg 1998;68:826–9. [5] Sfar, SUDF, SFMU, SRLF. Monitorage du patient traumatise´ grave en pre´hospitalier. Confe´rence d’experts.; 2006, http://www.sfmu.org/documents/consensus/monitotraumaprehosp_cexp.pdf. [6] Bobbia X, Hansel N, Muller L, Claret PG, Moreau A, Genre Grandpierre R, et al. Availability and practice of bedside ultrasonography in emergency rooms and prehospital setting: a French survey. Ann Fr Anesth Reanim 2014;33:e29–33. [7] CRASH-2 collaboteurs, Roberts I, Shakur H, Afolabi A, Brohi K, et al. The importance of early treatment with tranexamic acid in bleeding trauma patients: an exploratory analysis of the CRASH-2 randomised controlled trial. Lancet 2011;377. 1096–101, 1101.e1–2. [8] Yeguiayan JM, Garrigue D, Binquet C, Jacquot C, Duranteau J, Martin C, et al. French Intensive care recorded in severe trauma study G: medical pre-hospital management reduces mortality in severe blunt trauma: a prospective epidemiological study. Crit Care 2011;15:R34. [9] Bouzat P, Broux C, Ageron FX, Gros I, Levrat A, Thouret JM, et al. Impact de la mise en place d’un re´seau de soins en traumatologie sur la mortalite´ des patients traumatise´s graves du bassin. Ann Fr Anesth Reanim 2013;32: 827–32. [10] Hoyt DB, Bulger EM, Knudson MM, Morris J, Ierardi R, Sugerman HJ, et al. Death in the operating room: an analysis of a multi-center experience. J Trauma 1994;37:426–32.

Re´fe´rences [1] Samu-urgences de France (SUdF). Socie´te´ francaise de me´decine d’urgence (SFMU) : Smur re´fe´rentiel et guide d’e´valuation; 2013, http://www.samu-defrance.fr/documents/actus/155/756/referentiel_Smur_2013_vf.pdf. [2] Vardon F, Bounes V, Ducasse´ JL, Mincille V, Lapostolle F, et al. Equipement des Smur pour la prise en charge pre´hospitalie`re du choc he´morragique : peut mieux faire ! Ann Fr Anesth Reanim 2014;33. http://dx.doi.org/10.1016/ j.annfar.2014.09.002. [3] Spahn DR, Bouillon B, Cerny V, Coats TJ, Duranteau J, Fernandez-Mondejar E, et al. Management of bleeding and coagulopathy following major trauma: an updated European guideline. Crit Care 2013;17:R76.

X. Bobbia*, P.-G. Claret, J.-E. de La Coussaye Poˆle anesthe´sie re´animation douleur urgences, CHU de Nıˆmes, 30029 Nıˆmes, France *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (X. Bobbia).

Disponible sur Internet le 11 novembre 2014

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