Rec¸u le : 14 mai 2014 Accepte´ le : 18 juin 2014 Disponible en ligne 23 juillet 2014

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ScienceDirect www.sciencedirect.com



Mise au point

De´veloppement des fonctions exe´cutives de l’enfant pre´mature´§ Executive functions in preterm-born children C. Borradori Tolsaa,*, K. Barisnikovb, F. Lejeuneb, P. Hu ¨ppia a Service du de´veloppement et de la croissance, de´partement de l’enfant et de l’adolescent, hoˆpitaux universitaire de Gene`ve, 1211 Gene`ve, Suisse b Unite´ de psychologie clinique et neuropsychologie de l’enfant, faculte´ de psychologie et des sciences de l’e´ducation, universite´ de Gene`ve, Gene`ve, Suisse

Summary

Re´sume´

The rate of children born prematurely has increased considerably in the last few decades, and their developmental outcome remains of great concern. The literature on the impact of prematurity has reported a wide range of cognitive and behavioral problems that may be related to deficits in executive function (EF) skills. EF refers to a series of high-level processes (selective attention, inhibition, set shifting, working memory, planning, goal setting) that develop throughout childhood and adolescence and play an important role in cognitive and social development as well as in school achievement. EF skills have been linked to the prefrontal cortex, as well as to other neural networks and brain regions including the basal ganglia and cerebellum. This paper focuses on studies related to the development of EF and social behavior in children born preterm. The preschool period is a critical time to perform neuropsychological assessment in addition to IQ testing, and to detect the child’s specific needs in order to adapt effective intervention to enhance the development of executive processes in these high-risk children. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les enfants ne´s avant terme sont a` risque de de´velopper des difficulte´s cognitives, scolaires et comportementales. Ces difficulte´s peuvent en partie s’expliquer par un de´ficit dans le de´veloppement des fonctions exe´cutives (FE). Ce terme de´signe un ensemble de processus cognitifs de haut niveau permettant un comportement flexible et adapte´ au contexte. Ces FE regroupent des capacite´s lie´es a` l’anticipation, la planification, l’organisation, la me´moire de travail, l’apprentissage de re`gles, l’attention se´lective. Elles sont principalement associe´es au fonctionnement des lobes frontaux du cerveau, mais les structures sous-corticales sont aussi implique´es. Elles sont importantes pour le de´veloppement cognitif, le comportement social et les apprentissages. Cette mise au point examine le fonctionnement exe´cutif chez les enfants ne´s avant terme. Bien que des travaux de recherche a` plus long terme soient ne´cessaires, il est actuellement de´montre´ que les enfants pre´mature´s pre´sentent un risque accru de troubles dans tous les domaines exe´cutifs. Il est donc important de proce´der a` un de´pistage plus fin des dysfonctionnements cognitifs qui aille au-dela` d’une mesure globale par le quotient intellectuel (QI). L’investigation de certains domaines spe´cifiques tels que les FE et le de´veloppement des compe´tences sociales nous paraıˆt indispensable pour adapter au mieux la prise en charge des enfants pre´mature´s. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

gestation) qui survivent a` la naissance. Cependant, de nombreuses recherches mettent en e´vidence une pre´valence plus importante de troubles neuro-de´veloppementaux chez les PM compare´s aux enfants ne´s a` terme. Cette pre´valence est d’autant plus importante que l’enfant est ne´ toˆt, avec un faible poids de naissance ou avec des complications pe´rinatales. Ainsi, les PM sont plus a` risque de pre´senter des de´ficits cognitifs, moteurs ou comportementaux avec d’importantes

Les progre`s des soins ne´onatals ont permis un accroissement du nombre d’enfants pre´mature´s (PM ; < 37 semaines de § Travail pre´sente´ aux Journe´es nationales de ne´onatalogie 2014 (JNN 2014), Paris 27–28 mars 2014. * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (C. Borradori Tolsa).

http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.06.011 Archives de Pe´diatrie 2014;21:1035-1040 0929-693X/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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conse´quences sur leur scolarite´ et leur qualite´ de vie [1,2]. A` l’aˆge scolaire, un nombre important de PM pre´sente un niveau de de´veloppement global plus bas (en moyenne de 10,9 points sur une e´chelle norme´e a` 100) que celui des te´moins ne´s a` terme, et ont davantage de retards scolaires [3,4]. A` l’aˆge de 8 ans, les PM sont plus souvent scolarise´s en e´cole ou classe spe´cialise´e (5 % vs 1 %) et redoublent plus fre´quemment (18 % vs 5 %) que leurs contemporains ne´s a` terme [5]. Les PM pre´sentent en ge´ne´ral des difficulte´s multiples plutoˆt que des de´ficits cognitifs isole´s, comprenant des proble`mes d’attention, de me´moire, de lecture, de mathe´matiques et de raisonnement [6,7]. Ils sont e´galement plus a` risque de de´velopper des troubles du comportement, y compris des comportements oppositionnels, des troubles de l’attention/ hyperactivite´ et des difficulte´s de re´gulation e´motionnelle [8,9]. Ces troubles du comportement peuvent persister a` l’adolescence [10] et peuvent avoir un impact important dans les relations sociales [11]. Re´cemment, plusieurs auteurs ont mis en relation ces difficulte´s avec des de´ficits du de´veloppement des fonctions exe´cutives (FE) [3,12], meˆme chez les enfants avec un quotient intellectuel (QI) dans les limites de la norme pour l’aˆge [13].

2. Description des FE La notion de FE fait re´fe´rence a` un ensemble de processus de haut niveau qui se de´veloppe tre`s toˆt, des l’aˆge de 1 an, puis tout au long de l’enfance et de l’adolescence, et qui permet au sujet de s’adapter a` des situations nouvelles, notamment lorsque les routines d’actions ne sont plus suffisantes. Ces FE jouent ainsi un roˆle important dans le de´veloppement cognitif et social ainsi que dans la re´ussite scolaire [14,15]. On distingue principalement parmi ces processus, les compe´tences d’anticipation, l’attention, l’inhibition (l’ensemble des

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me´canismes permettant d’empeˆcher que des informations, des pense´es, des comportements non pertinents ne viennent perturber la taˆche en cours et de supprimer des informations pre´ce´demment pertinentes qui sont devenues inutiles), la me´moire de travail (capacite´ a` conserver l’information en me´moire a` court terme visuelle ou auditive), la planification (e´laboration d’un plan d’action) ainsi que la re´solution de proble`me, le raisonnement logique et l’apprentissage des re`gles. Alors que les premiers mode`les conside´raient toutes les composantes des FE dans un seul module de traitement de l’information [16], la tendance actuelle est de retenir un mode`le dans lequel les diffe´rents facteurs sont a` la fois distincts et mode´re´ment corre´le´s entre eux. Largement influence´ par la litte´rature de neuropsychologie du de´veloppement [17], le mode`le conceptuel d’Anderson permet d’aborder le de´veloppement des FE [15,18]. Ce mode`le inte`gre quatre domaines qui englobent les diffe´rents composants du fonctionnement exe´cutif : controˆle attentionnel, traitement de l’information, flexibilite´ cognitive et capacite´ a` de´finir des objectifs (fig. 1). Le controˆle attentionnel se de´veloppe plus toˆt et a une influence sur les 3 autres domaines qui communiquent entre eux, mais sont inde´pendants.

2.1. Le controˆle attentionnel Le controˆle attentionnel inclut la capacite´ a` se concentrer pendant une pe´riode prolonge´e et a` se fixer de manie`re se´lective sur des stimuli spe´cifiques tout en pouvant inhiber tout ce qui est non pertinent pour la taˆche en cours. Le controˆle attentionnel implique e´galement la capacite´ a` surveiller que les taˆches sont exe´cute´es dans le bon ordre sans erreurs et que les objectifs sont atteints. Les enfants ayant une de´ficience dans ce domaine sont impulsifs, distraits, ne parviennent pas a` accomplir des taˆches, commettent des

Figure 1. De´veloppement des fonctions exe´cutives : mode`le d’Anderson (adapte´ de [15]). Ce mode`le inte`gre quatre domaines qui englobent les diffe´rents composants du fonctionnement exe´cutif.

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De´veloppement des fonctions exe´cutives de l’enfant pre´mature´

erreurs de proce´dure qu’ils n’arrivent pas a` corriger et re´pondent de fac¸on inapproprie´e.

2.2. Le traitement de l’information Dans ce mode`le, le traitement de l’information est caracte´rise´ par une bonne vitesse, une fluence et une efficacite´ de traitement. L’efficacite´ du traitement de l’information refle`te l’inte´grite´ de la connectivite´ neuronale entre le cortex pre´frontal et les structures sous-corticales. Un de´ficit dans ce domaine peut se manifester par des he´sitations, un temps de re´action plus long, des re´ponses tardives.

2.3. La flexibilite´ cognitive La flexibilite´ cognitive comprend la me´moire de travail, l’attention divise´e, la capacite´ a` pouvoir alterner entre un ensemble de re´ponses, la capacite´ a` apprendre de ses propres erreurs, d’e´laborer des strate´gies alternatives et de traiter de multiples sources d’informations de manie`re fluide et rapide. Les enfants qui ont un de´ficit dans ce domaine sont ge´ne´ralement conside´re´s comme rigides et ritualistes, n’arrivant pas a` s’adapter aux changements et aux nouvelles exigences. Un de´ficit dans ce domaine est souvent associe´ a` un comportement persistant, avec des enfants qui continuent a` faire la meˆme erreur.

2.4. La capacite´ a` de´finir des objectifs La capacite´ a` de´finir des objectifs comprend l’anticipation, la planification des actions d’une manie`re efficace et strate´gique. Un de´ficit dans ce domaine se traduit par une faible capacite´ de re´solution de proble`mes, comme en te´moigne une planification inade´quate, une de´sorganisation, des difficulte´s a` de´velopper des nouvelles strate´gies efficaces. Au niveau neuronal, il a e´te´ montre´ que les changements qui surviennent dans l’enfance et l’adolescence e´taient corre´le´s avec le de´veloppement cognitif. Ces changements se font durant des pe´riodes sensibles du de´veloppement ou` l’acquisition de compe´tences spe´cifiques est rapide mais aussi vulne´rable [19]. Par exemple, la mye´linisation est un phe´nome`ne essentiel qui permet d’augmenter la vitesse de conduction le long des axones et par conse´quent les pe´riodes de mye´linisation rapide sont associe´es a` des progressions dans les domaines tels que la vitesse de traitement de l’information et l’attention. D’apre`s des e´tudes cliniques, et plus re´cemment d’apre`s des e´tudes de neuro-imagerie fonctionnelle, le dysfonctionnement exe´cutif e´tait ge´ne´ralement attribue´ a` une pathologie du lobe frontal, en particulier du cortex pre´frontal [20,21]. Ces dernie`res anne´es, ce dysfonctionnement a e´galement e´te´ associe´ a` de plus petits volumes de ganglions de la base et du cervelet, ainsi qu’a` des perturbations des circuits de la substance blanche sous-corticale reliant le cortex pre´frontal, le striatum, et les re´gions thalamiques [22,23]. Ainsi, on pourrait supposer que l’inte´grite´ du cortex pre´frontal est ne´cessaire, mais qu’elle n’est

pas une condition suffisante pour un bon fonctionnement exe´cutif car un dysfonctionnement exe´cutif n’est pas toujours la conse´quence d’une pathologie du cortex pre´frontal, mais peut eˆtre aussi le reflet d’un mauvais fonctionnement des re´seaux neuronaux sous-jacents [18].

3. De´veloppement des FE chez l’enfant pre´mature´ Les e´tudes sur le fonctionnement exe´cutif du PM montrent des de´ficits spe´cifiques dans les taˆches faisant appel aux capacite´s d’inhibition, de me´moire de travail, de planification et de controˆle de l’attention ; de´ficits qui peuvent avoir un impact ne´gatif sur les performances scolaires et qui semblent persister tout au long de l’enfance et de l’adolescence [2,3,12,24,25]. Espy et al. [26] ont e´tudie´ chez les PM la me´moire de travail, l’inhibition et la capacite´ a` changer de plan quand cela s’ave`re ne´cessaire. Leurs re´sultats ont montre´ qu’a` l’aˆge pre´scolaire, les PM avaient des de´ficits d’inhibition et une moins bonne me´moire de travail que les enfants ne´s a` terme. Anderson et Doyle [3] ont e´value´ a` l’aˆge de 8–9 ans les FE de grands PM (< 28 semaines) et celles d’enfants ne´s a` terme. Ils ont observe´ un dysfonctionnement exe´cutif global chez les grands PM. Ces enfants pre´sentaient des capacite´s significativement plus basses dans le raisonnement, la me´moire de travail spatiale et visuelle ainsi que dans la planification. Les auteurs avaient e´galement utilise´ un questionnaire a` comple´ter par les parents, afin d’e´valuer les FE de leur enfant dans la vie quotidienne. Ils ont ainsi montre´ que les grands PM avaient un dysfonctionnement exe´cutif global comportant des difficulte´s dans toutes les e´chelles du questionnaire (me´moire de travail, inhibition, changement de strate´gie, controˆle des e´motions). Aarnoudse-Moens et al. [1] ont effectue´ une me´ta-analyse des e´tudes publie´es entre 1998 et 2008 portant sur l’e´valuation de FE telles la fluence verbale, la me´moire de travail et la flexibilite´ cognitive chez les PM. Les grands PM avec tre`s faible poids de naissance avaient des scores plus faibles aux e´preuves de fluence verbale, de me´moire de travail, et de flexibilite´ cognitive que les te´moins ne´s a` terme. Les proble`mes d’attention e´taient e´galement plus fre´quents dans la cohorte de grands PM. Lors du passage a` l’adolescence et a` l’aˆge adulte, ces enfants restaient en retard par rapport a` leurs pairs ne´s a` terme. Ces difficulte´s peuvent eˆtre mises en relation avec des le´sions ce´re´brales spe´cifiques de la grande pre´maturite´ dont la forme la plus menac¸ante pour le cerveau en de´veloppement est l’atteinte de la substance blanche pe´riventriculaire [27]. Ces le´sions de ne´crose de la substance blanche n’e´voluent pas ne´cessairement vers la cavitation mais peuvent se traduire parfois par une simple gliose re´actionnelle ou uniquement par un e´largissement des ventricules ce´re´braux [28]. Ces le´sions peuvent eˆtre mises en e´vidence dans la majorite´ des cas par les techniques de re´sonance magne´tique nucle´aire pre´coce

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[29,30]. Selon des estimations re´centes, des e´tudes en neuroimagerie sugge`rent qu’environ 20 % des grands PM pre´sentent des anomalies mode´re´es a` se´ve`res de la substance blanche et 50 % des anomalies le´ge`res [31,32]. Ces taux sont assez comparables avec les risques de troubles cognitifs dans ce groupe d’enfants. Woodward et al. [33] ont teste´ a` l’aˆge de 4 ans les capacite´s de planification, de flexibilite´, d’attention se´lective et d’inhibition dans un groupe de grands PM, et ont e´tudie´ les relations entre la pre´sence d’anomalies de la substance blanche et les re´sultats des e´preuves e´valuant l’inte´grite´ de ces FE. Les PM avaient de moins bons re´sultats que leurs contemporains ne´s a` terme et, plus pre´cise´ment, des difficulte´s exe´cutives e´taient pre´sentes chez les enfants ayant des le´sions de la substance blanche. Il est important de rappeler que des perturbations du de´veloppement ce´re´bral lie´es a` une naissance avant terme telles que les alte´rations dans la neurogene`se, la migration, la mye´linisation, la mort cellulaire et la synaptogene`se se produisent meˆme en l’absence de le´sions et peuvent eˆtre lie´es aux difficulte´s cognitives rencontre´es chez les enfants PM [34]. Dans la suite de cet article, nous nous concentrerons sur les de´ficits spe´cifiques d’attention, d’inhibition et de re´gulation e´motionnelle. Nous inte`grerons aussi les re´sultats de nos travaux qui s’inscrivent dans le cadre d’une recherche plus large, que nous menons actuellement, portant sur le de´veloppement des FE chez l’enfant ne´ tre`s pre´mature´ment (< 29 semaines de gestation).

3.1. Compe´tences attentionnelles Des difficulte´s d’attention peuvent eˆtre observe´es pre´cocement chez les PM [35] et semblent pre´dictives de leur de´veloppement cognitif ulte´rieur [36]. Le mode`le de Posner et al. postule l’existence de trois me´canismes attentionnels diffe´rents interconnecte´s et sous-tendus par des re´seaux neuronaux diffe´rents : l’orientation (capacite´ a` de´tourner l’attention), l’e´tat d’alerte (maintien de capacite´s de vigilance) et le controˆle attentionnel (capacite´s d’inhibition) [37]. Les PM mettent plus de temps a` orienter leur regard vers un nouveau stimulus et le regardent moins longtemps. Ils auraient aussi des difficulte´s a` mobiliser et maintenir des ressources attentionnelles optimales afin de conserver un e´tat d’alerte face a` l’arrive´e imminente d’un stimulus. Ces deux premiers me´canismes font plutoˆt appel a` des processus automatiques non conscients et apparaissent toˆt dans le de´veloppement. Vers l’aˆge de 6 mois, commence a` se de´velopper le controˆle attentionnel (ou controˆle exe´cutif) qui sollicite des processus volontaires et conscients. Au cours du de´veloppement, les processus attentionnels sont de plus en plus engage´s dans des activite´s impliquant la planification et l’autocontroˆle. Des de´ficits du controˆle attentionnel sont aussi observe´s chez les PM a` l’aˆge scolaire [38,39]. D’une part, ils ont des difficulte´s a` effectuer plusieurs actions simultane´ment (attention divise´e) et, d’autre part, ils pre´sentent de moins bons re´sultats lorsqu’ils doivent se focaliser sur un stimulus particulier tout

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en supprimant ou inhibant des informations non pertinentes (distracteurs). Pizzo et al. [39] ont e´value´ l’efficacite´ du controˆle attentionnel au moyen du test informatise´ « Child Attention Network Task » chez des PM aˆge´s de 5,5 a` 6,5 ans. Ce test consiste a` de´terminer si une fle`che centrale pointe vers la gauche ou vers la droite. Des situations de conflit sont provoque´es lorsque les distracteurs accompagnant la fle`che centrale se trouvent dans des directions oppose´es. Les auteurs ont observe´ des de´ficits spe´cifiques dans les capacite´s de controˆle attentionnel chez les PM, caracte´rise´s par des temps de re´ponse plus longs et des taux d’erreurs plus e´leve´s.

3.2. Inhibition Le controˆle attentionnel est fortement associe´ a` l’inhibition. Par conse´quent, les difficulte´s d’inhibition semblent aussi particulie`rement marquer la trajectoire de´veloppementale des PM. Les processus d’inhibition se de´veloppent toˆt et sont implique´s dans le de´veloppement des autres FE, notamment la flexibilite´ mentale, la planification et la me´moire a` court terme. Ces compe´tences semblent particulie`rement touche´es chez les PM. La litte´rature relate de nombreux types d’inhibition, mais un accord semble e´merger pour distinguer l’inhibition de distracteurs et l’inhibition d’une re´ponse automatique ou dominante chez l’enfant. Des de´ficits de l’inhibition de distracteurs (e´value´s avec le test de Stroop dans lequel le sujet doit nommer la couleur de l’encre avec lequel le mot de´signant la couleur est e´crit) semblent persister chez le PM avec l’aˆge [38]. Quant au de´ficit spe´cifique d’inhibition d’une re´ponse automatique ou dominante (e´value´ avec une taˆche go/no-go ou` le participant doit re´pondre a` un stimulus go : exe´cution ; et ne pas re´pondre a` un autre stimulus no-go : inhibition), les PM aˆge´s de 3–4 ans ont plus de difficulte´s a` inhiber leur re´ponse, mais ces difficulte´s semblent disparaıˆtre avec l’aˆge. Des e´tudes en imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) fonctionnelle indiquent qu’a` 6 ans [40] et a` l’adolescence [41] les PM ont des performances e´quivalentes aux groupes controˆles ne´s a` terme tout en activant un re´seau neuronal diffe´rent. Selon les auteurs, ces re´sultats peuvent eˆtre attribue´s aux me´canismes de plasticite´ ce´re´brale : pour un meˆme re´sultat, les sujets ne´s pre´mature´ment de´velopperaient des strate´gies « alternatives ».

3.3. Re´gulation e´motionnelle Des donne´es re´centes sugge`rent que les PM sont e´galement vulne´rables aux perturbations du de´veloppement socio-e´motionnel. Ainsi, ils semblent pre´senter des re´actions e´motionnelles plus intenses et des difficulte´s a` apaiser et a` ge´rer leurs e´motions [35,42] qui peuvent persister jusqu’a` l’aˆge scolaire ainsi qu’a` l’adolescence [43]. Certaines e´tudes utilisent des situations induisant des e´motions fortes et re´ve`lent que les tre`s jeunes PM se montrent de´ja` hautement re´actifs dans des situations ne´gatives telles que la frustration, et d’autant plus que l’enfant est ne´ toˆt. Le de´veloppement des composantes

De´veloppement des fonctions exe´cutives de l’enfant pre´mature´

e´motionnelles lors de la pe´riode pre´scolaire semble coı¨ncider avec le de´veloppement des compe´tences d’attention soutenue et du controˆle attentionnel. Ainsi, les capacite´s d’attention soutenue seraient lie´es a` une meilleure re´gulation des affects ne´gatifs lors de paradigmes de frustration et pre´disent les compe´tences de controˆle attentionnel [44]. A` son tour, le controˆle attentionnel semble jouer un roˆle de´terminant dans le de´veloppement de la re´gulation e´motionnelle, en fournissant la flexibilite´ attentionnelle ne´cessaire pour une re´gulation efficace des e´motions ne´gatives et en permettant l’e´mergence des strate´gies de re´gulation autonomes et planifie´es [45]. Ces constatations sont confirme´es par des e´tudes cliniques qui re´ve`lent que les enfants pre´sentant des de´ficits de controˆle attentionnel sont plus susceptibles de de´velopper des proble`mes comportementaux et sociaux [46]. Nos recherches sur les habilite´s de re´gulation e´motionnelle a` l’aˆge de 12 mois ont montre´ que les grands PM pre´sentaient des re´ponses e´motionnelles plus fortes que les enfants ne´s a` terme, particulie`rement lors des e´pisodes e´valuant les re´ponses de cole`re. De plus, les grands PM pre´sentaient des difficulte´s a` maintenir leur attention sur une longue dure´e, ce qui sugge`re un de´ficit d’attention soutenue [47].

4. Conclusion Les PM sont a` risque de pre´senter des de´ficits des FE qui peuvent expliquer nombre de leurs difficulte´s ulte´rieures. Il est donc important de suivre ces enfants re´gulie`rement et de proce´der a` un de´pistage plus fin des dysfonctionnements cognitifs ou comportementaux qui aille au-dela` de l’e´valuation globale d’un QI [14]. Pour les enfants d’aˆge pre´scolaire, les tests valide´s et norme´s pour e´valuer les FE sont peu nombreux [18]. En revanche, pour les enfants d’aˆge scolaire il existe plusieurs tests neuropsychologiques publie´s et norme´s pour l’e´valuation des habilite´s exe´cutives. L’utilisation d’un questionnaire permettant d’e´valuer les comportements de la vie quotidienne familiale et scolaire lie´s au fonctionnement exe´cutif, comme la Behavior Rating Inventory of Executive Function (BRIEF) [48], pourrait comple´ter le bilan neuropsychologique d’enfants et adolescents en ajoutant l’information d’un parent ou d’un enseignant. L’investigation de certains domaines spe´cifiques tels que les FE et le de´veloppement des compe´tences sociales est indispensable pour adapter au mieux la prise en charge des difficulte´s que peuvent pre´senter les PM. Certains chercheurs sugge`rent des interventions simples pouvant s’inte´grer a` un programme pre´scolaire et visant a` stimuler le de´veloppement des FE [49]. Sur le mode`le mis en place par A. Diamond et al., des programmes d’interventions informatise´s peuvent eˆtre propose´s aux enfants plus aˆge´s, a` partir de l’aˆge scolaire [50]. E´tant donne´ que les FE ont un impact sur les compe´tences d’apprentissage, sur l’inte´gration scolaire et sur le fonctionnement socio-affectif, il paraıˆt indispensable de mettre en place des programmes d’intervention pre´coce qui pourraient permettre a`

des enfants plus vulne´rables d’e´viter de nombreuses difficulte´s scolaires et comportementales.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Re´fe´rences [1]

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[Development of executive functions in preterm children].

The rate of children born prematurely has increased considerably in the last few decades, and their developmental outcome remains of great concern. Th...
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